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Décisions

Cass. com., 14 février 1995, n° 93-12.346

COUR DE CASSATION

Arrêt

Cassation

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Bézard

Rapporteur :

M. Rémery

Avocat général :

Mme Piniot

Avocats :

Me Vincent, Me Capron, Me Foussard, Me Blondel, SCP Célice et Blancpain

Caen, du 7 janv. 1993

7 janvier 1993

Sur le second moyen, pris en ses première et troisième branches, du pourvoi de la Société générale et sur le moyen unique du pourvoi de Mme Z..., ès qualités, réunis ;

Vu les articles 1328 du Code civil, 853, alinéa 1er, du nouveau Code de procédure civile et 175 du décret du 27 décembre 1985 ;

Attendu que la déclaration des créances au passif du redressement judiciaire du débiteur équivaut à une demande en justice que le créancier peut, selon les deux derniers textes susvisés, former lui-même ; que, dans le cas où le créancier est une personne morale, cette déclaration faite à titre personnel, si elle n'émane pas des organes habilités par la loi à la représenter, peut encore être effectuée par tout préposé titulaire d'une délégation de pouvoirs lui permettant d'accomplir un tel acte, sans que ce pouvoir soit soumis aux règles applicables au mandat de représentation en justice dont un tiers peut être investi ; qu'il peut enfin être justifié de l'existence de la délégation de pouvoirs, jusqu'à ce que le juge statue sur l'admission de la créance, par la production des documents établissant la délégation, ayant ou non acquis date certaine ;

Attendu, selon l'arrêt attaqué, que la Société européenne de location de véhicules et de matériels industriels (la Société européenne de location) ayant été mise en redressement judiciaire, la Société générale a adressé, dans les délais, au représentant des créanciers deux déclarations de créances ; que le juge-commissaire a admis au passif les créances ainsi déclarées par une ordonnance qui a été frappée d'appel par la société débitrice et l'administrateur de son redressement judiciaire ;

Attendu que pour infirmer cette ordonnance et décider que les créances étaient éteintes comme ayant été déclarées irrégulièrement et n'ayant pas fait l'objet d'une action en relevé de forclusion dans le délai d'un an à compter de la décision d'ouverture, l'arrêt, après avoir énoncé que la déclaration de créance, qui s'analyse en une demande en justice, doit être faite pour une société par le président du conseil d'administration, le président du directoire, le directeur général unique, le directeur général spécialement habilité ou le gérant, et, à défaut, par un avocat, un avoué ou par un mandataire muni d'un pouvoir spécial ayant date certaine, établi avant l'expiration du délai de déclaration des créances, retient qu'en l'espèce n'a été produit qu'un pouvoir général délivré à M. Y... et qu'il n'est pas justifié que ce pouvoir a été donné par une personne pouvant valablement engager la société ;

Attendu qu'en se déterminant ainsi, après avoir relevé que M. Y..., signataire des déclarations de créance litigieuses, était investi d'un pouvoir donné par M. X..., directeur délégué du réseau France de la Société générale, sans rechercher si ce pouvoir émanait d'un organe habilité par la loi à représenter la personne morale créancière et comportait, par les termes employés, le pouvoir de déclarer les créances ou encore s'il émanait d'un préposé de la société ayant lui-même reçu d'un organe de celle-ci habilité par la loi à la représenter le pouvoir de déclarer les créances ainsi que la faculté de subdéléguer dans l'exercice de ce pouvoir un autre préposé de la société et si M. Y... avait cette qualité, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision ;

PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs des pourvois :

CASSE ET ANNULE, dans toutes ses dispositions, l'arrêt n° 32 rendu le 7 janvier 1993, entre les parties, par la cour d'appel de Caen ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Rennes.