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Décisions

Cass. com., 16 novembre 2022, n° 21-13.561

COUR DE CASSATION

Arrêt

Cassation

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme Darbois

Rapporteur :

Mme Bellino

Avocats :

SCP Foussard et Froger, SCP Gatineau, Fattaccini et Rebeyrol

Lyon, du 3 déc. 2020

3 décembre 2020

Faits et procédure

2. Selon l'arrêt attaqué (Lyon, 3 décembre 2020), aux termes d'un protocole du 24 juin 2011, la société Sam outillage, fabricant d'outillage à main professionnel, a acquis les parts sociales des sociétés PTS outillage (la société PTS) et IPS trading (la société IPS), créées par MM. [P] et [L] et spécialisées dans l'outillage pneumatique pour la maintenance automobile.

3. Le prix a été fixé suivant une clause dite de « earn out », soit une partie forfaitaire payée comptant lors de la cession, et un complément de prix payable ultérieurement, en fonction des résultats de la société cédée au cours des trois exercices suivant la cession.

4. MM. [P] et [L] sont devenus cadres salariés de la société PTS, devenue filiale de la société Sam outillage, afin d'accompagner l'acquisition et de permettre la transmission de la clientèle.

5. Un engagement de non-concurrence et de non-rétablissement des cédants était stipulé dans l'acte de cession, ainsi qu'une clause de non-concurrence et d'exclusivité dans les contrats de travail.

6. Un litige est survenu entre les parties sur le paiement du prix de cession et, par acte du 24 septembre 2013, MM. [L] et [P] ont assigné la société Sam outillage en paiement de diverses sommes au titre du complément de prix prévu dans l'acte de cession. La société Sam outillage a formé une demande reconventionnelle en paiement de dommages et intérêts, invoquant la violation par les cédants de leur obligation de non-concurrence et de leur obligation de garantie contre l'éviction.

Examen des moyens

Sur le moyen du pourvoi n° Z 21-13.561 et le moyen du pourvoi n° Y 21-15.193, pris en ses deuxième, troisième, quatrième, cinquième et sixième branches, ci-après annexés

7. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ces moyens qui ne sont manifestement pas de nature à entraîner la cassation.

Mais sur le moyen du pourvoi n° Y 21-15.193, pris en sa première branche

Enoncé du moyen

8. La société Sam outillage fait grief à l'arrêt de dire que MM. [L] et [P] n'ont pas commis de faute dans l'exécution du protocole d'acquisition du 24 juillet 2011 et de rejeter ses demandes reconventionnelles en indemnisation de ses préjudices, alors « que le cessionnaire des actions d'une société est fondé à se prévaloir de la garantie légale d'éviction, qui interdit au cédant tout agissement ayant pour effet de l'empêcher de poursuivre l'activité économique et de réaliser l'objet social de la société cédée ; qu'en l'espèce, la société Sam outillage, cessionnaire des sociétés PTS et IPS, se prévalait à l'encontre des cédants MM. [P] et [L] de la garantie légale d'éviction ; que la cour d'appel a affirmé que la garantie d'éviction n'était pas applicable en l'espèce, dès lors que la société Sam outillage était incapable de justifier une quelconque restriction de son activité économique par le fait des activités de MM. [P] et [L] ; qu'en se déterminant ainsi par des motifs relatifs à l'activité de la société cessionnaire, lesquels sont impropres à justifier la solution rendue sur la garantie d'éviction, laquelle doit s'apprécier au regard de l'empêchement de poursuivre l'activité économique et de réaliser l'objet social de la société cédée, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1626 du code civil. »

Réponse de la Cour

Vu l'article 1626 du code civil :

9. Il résulte de ce texte que la garantie légale d'éviction entraîne, pour le cédant des parts d'une société, l'interdiction de se rétablir si ce rétablissement est de nature à empêcher l'acquéreur de ces parts de poursuivre l'activité économique de la société cédée et de réaliser l'objet social.

10. Pour rejeter la demande reconventionnelle de la société Sam outillage au titre de la garantie légale contre l'éviction, l'arrêt retient que cette société, groupe important dans son secteur d'activité, est dans l'incapacité de justifier une quelconque restriction de son activité économique par le fait des activités poursuivies par MM. [P] et [L].

11. En se déterminant ainsi, par des motifs relatifs à l'activité de la société cessionnaire, alors que la garantie d'éviction implique de rechercher l'empêchement pour l'acquéreur de poursuivre l'activité économique de la société cédée et de réaliser son objet social, la cour d'appel a privé sa décision de base légale.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

REJETTE le pourvoi n° Z 21-13.561 ;

CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il rejette la demande reconventionnelle de la société Sam outillage fondée sur la violation de la garantie légale contre l'éviction, et en ce qu'il statue sur les dépens et l'application de l'article 700 du code de procédure civile, l'arrêt rendu le 3 décembre 2020, entre les parties, par la cour d'appel de Lyon ;

Remet, sur ces points, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Lyon autrement composée.