Livv
Décisions

Cass. 2e civ., 30 septembre 2021, n° 19-25.045

COUR DE CASSATION

Arrêt

Cassation

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Pireyre

Rapporteur :

Mme Bohnert

Avocats :

SCP Boré, Salve de Bruneton et Mégret, SCP Célice, Texidor, Périer

Versailles, du 24 oct. 2019

24 octobre 2019

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Versailles, 24 octobre 2019), M. [G] a été victime d'un accident de la circulation impliquant un véhicule assuré auprès de la société Axa France IARD (l'assureur).

2. M. [I] [G], Mme [O]-[G], sa soeur, et Mme [L] [G], sa nièce (les consorts [G]), ont assigné l'assureur, ainsi que la société Pro BTP, la Mutuelle Mieux Etre et la caisse primaire d'assurance maladie de [Localité 1] devant le juge des référés d'un tribunal de grande instance, aux fins d'ordonner une mesure d'expertise médicale destinée à évaluer son préjudice corporel, d'obtenir le versement d'une provision ainsi que la communication des notes techniques de l'expert amiable désigné par l'assureur.

Examen du moyen

Sur le moyen, pris en ses deuxième, troisième, quatrième et cinquième branches, ci-après annexé

3. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ces griefs qui ne sont manifestement pas de nature à entraîner la cassation.

Mais sur le moyen, pris en sa première branche

Enoncé du moyen

4. Les consorts [G] font grief à l'arrêt de débouter M. [G] de sa demande de communication sous astreinte des notes techniques établies par le docteur [Z], alors « que toute personne a accès à l'ensemble des informations concernant sa santé ; qu'en jugeant que M. [G] ne justifierait pas d'un intérêt légitime à obtenir communication des éléments médicaux recueillis, dans sa note technique, par le médecin conseil de l'assureur ayant procédé à son expertise, quand elle avait pourtant relevé que M. [G] « doit pouvoir avoir accès » « à ses données strictement médicales », la cour d'appel a violé les articles 8 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, ensemble les articles L. 1111-7 du code de la santé publique, 10 du code civil, 11 et 145 du code de procédure civile. »

Réponse de la Cour

Vu les articles L. 1111-7 du code de la santé publique et 145 du code de procédure civile :

5. Aux termes du premier de ces textes, toute personne a accès à l'ensemble des informations concernant sa santé détenues, à quelque titre que ce soit, par des professionnels et établissements de santé, qui sont formalisées ou ont fait l'objet d'échanges écrits entre professionnels de santé, notamment des résultats d'examen, comptes rendus de consultation, d'intervention, d'exploration ou d'hospitalisation, des protocoles et prescriptions thérapeutiques mis en oeuvre, feuilles de surveillance, correspondances entre professionnels de santé, à l'exception des informations mentionnant qu'elles ont été recueillies auprès de tiers n'intervenant pas dans la prise en charge thérapeutique ou concernant un tel tiers. Elle peut accéder à ces informations directement ou par l'intermédiaire d'un médecin qu'elle désigne et en obtenir communication, dans des conditions définies par voie réglementaire au plus tard dans les huit jours suivant sa demande et au plus tôt après qu'un délai de réflexion de quarante-huit heures aura été observé.

6. Il résulte de ce texte qu'il appartient, d'une part, au médecin conseil de l'assureur chargé de procéder à l'expertise d'une victime de communiquer à celle-ci les informations relatives à sa santé, recueillies au cours de l'expertise, qui sont formalisées ou ont fait l'objet d'échanges écrits entre professionnels de santé, d'autre part, à l'assureur auquel le médecin conseil a transmis des informations concernant la santé de la victime de s'assurer que ce médecin les a communiquées à celle-ci.

7. Pour débouter M. [G] de sa demande de communication sous astreinte des notes techniques établies par le docteur [Z], l'arrêt retient que sa demande de communication n'est pas suffisamment précise, en ce qu'elle n'est pas limitée à ses données strictement médicales auxquelles il doit pouvoir avoir accès, et qu'il ne démontre pas son intérêt légitime à obtenir les documents réclamés, dont l'existence même n'est pas établie de manière certaine, et pour lesquels l'assureur fait valoir, sans être utilement contredit, qu'ils peuvent contenir, outre des éléments médicaux, des informations strictement confidentielles d'ordre administratif et financier destinées à sa seule intention.

8. En statuant ainsi, alors que M. [G] disposait d'un droit d'accès aux données de santé le concernant et qu'il justifiait en conséquence d'un intérêt légitime à les obtenir de l'assureur, auquel il incombait de s'assurer que le médecin qu'il avait désigné les avait communiquées à M. [G], la cour d'appel a violé le texte susvisé.

PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs du pourvoi, la Cour :

CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 24 octobre 2019, entre les parties, par la cour d'appel de Versailles ;

Remet l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Versailles autrement composée.