Cass. 2e civ., 20 mars 2014, n° 13-14.985
COUR DE CASSATION
Arrêt
Rejet
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Rouen, 18 décembre 2012) et les productions, que M. X... est propriétaire de deux maisons situées sur le territoire de la commune de Saint-Etienne-du-Rouvray (la commune), qui ont été l'objet d'arrêtés d'insalubrité irrémédiable, ultérieurement annulés, lorsqu'un incendie s'y est propagé en provenance d'une maison voisine appartenant à M. Y... qui l'a vendue à la commune ; que M. X... a assigné M. Y... et la commune en référé aux fins de voir ordonner une expertise sur le fondement de l'article 145 du code de procédure civile ;
Attendu que M. X... fait grief à l'arrêt de le débouter de sa demande tendant à voir ordonner une mesure d'expertise commune et opposable à M. Y... et à la commune de Saint-Etienne-du-Rouvray, alors, selon le moyen :
1°/ que toute personne disposant d'un motif légitime peut obtenir du juge des référés la désignation d'un expert pour rechercher et établir contradictoirement la preuve de faits dont pourrait dépendre la solution d'un procès éventuel ; que le motif légitime existe dès lors que la mesure sollicitée est légalement admissible, qu'elle améliore la situation probatoire des parties et qu'elle ne porte pas atteinte aux intérêts légitimes du défendeur ; qu'en énonçant que M. X... ne pouvait se prévaloir d'un motif légitime à l'appui de sa demande aux fins de voir ordonner une mesure d'expertise ayant pour objet de décrire les dégâts occasionnés par l'incendie aux immeubles lui appartenant situés... et d'évaluer le préjudice en résultant aux motifs inopérants que M. X... n'avait fait procéder à aucuns travaux dans les lieux avant 2008 alors même que la mesure d'expertise sollicitée tendait précisément à cette fin, la cour d'appel ne s'est pas prononcée sur l'existence d'un motif légitime de conserver ou d'établir la preuve des faits dont pouvait dépendre la solution d'un litige, et a méconnu ses pouvoirs en violation de l'article 145 du code de procédure civile ;
2°/ que, dans ses conclusions d'appel, M. X... faisait valoir qu'il justifiait d'un motif légitime au soutien de sa demande d'expertise dès lors qu'à la suite de l'incendie survenu le 6 novembre 2008 il incombait au propriétaire de la maison sise ... d'assurer la sécurité des immeubles voisins dont M. X... était propriétaire et de réaliser à ces fins les travaux confortatifs dont l'exécution serait jugée nécessaire par l'expert ; qu'en ne répondant pas à ce moyen la cour d'appel a violé l'article 455 du code de procédure civile ;
Mais attendu qu'ayant relevé que ces maisons avaient été incluses dans les arrêtés de déclaration d'insalubrité à titre irrémédiable et présentaient dès 1984 un état de dégradation très important et que l'incendie était survenu depuis plus de quatre années, puis retenu qu'une comparaison entre l'état des immeubles avant et après l'incendie, permettant de déterminer les seuls désordres imputables à ce sinistre dont M. X... pouvait demander réparation, n'était pas possible, de sorte que la mesure était inutile, c'est dans l'exercice de son pouvoir souverain d'appréciation que la cour d'appel a décidé, par une décision motivée, que M. X... ne rapportait pas la preuve de l'existence d'un motif légitime ;
D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;
Et attendu que les première et troisième branches ne sont pas de nature à permettre l'admission du pourvoi ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne M. X... aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande de M. X... ; le condamne à payer la somme de 3 000 euros à M. Y... et la même somme à la commune de Saint-Etienne-du-Rouvray ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du vingt mars deux mille quatorze.
MOYEN ANNEXE au présent arrêt
Moyen produit par la SCP Delaporte, Briard et Trichet, avocat aux Conseils, pour M. X....
Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir débouté M. Dominique X... de sa demande tendant à voir ordonner une mesure d'expertise commune et opposable à M. Olivier Y... et à la commune de Saint-Etienne-du-Rouvray, l'expert ayant pour mission de décrire les lieux litigieux ainsi que les dégâts occasionnés aux immeuble sis... en conséquence de l'incendie survenu dans l'immeuble voisin sis 9 de la même rue, de donner son avis sur les causes de cet incendie et sur les préjudices de toute nature subis par M. X..., et de décrire les travaux nécessaires à la remise en état des immeubles ainsi que ceux devant être réalisés par la commune de Saint-Etienne-du-Rouvray pour assurer la sécurité des immeubles voisins,
Aux motifs que le premier juge ne pouvait donc rejeter la demande d'expertise de M. X... au motif d'une contestation sérieuse tirée de sa carence dans la démonstration de la preuve d'une faute de M. Y..., détenteur de l'immeuble à la date de l'incendie ; que ce dernier ne peut se prévaloir d'une telle contestation qui résulterait de l'absence de preuve du caractère irrévocable du jugement du tribunal administratif du mars 2012 annulant l'arrêté du 5 mars 2010, étant au surplus observé que la commune, prenant acte de cette annulation, a restitué les 44 maisons dont elle avait pris possession ; que M. X... peut rechercher la responsabilité de M. Y... sur le fondement de l'article 1384 alinéa 2 du code civil dès lors qu'il était le détenteur de l'immeuble à la date à laquelle il a eu lieu l'incendie ; qu'il serait également fondé à demander que l'expertise, si elle était ordonnée, soit étendue à la commune de Saint-Etienne-du-Rouvray en vue de permettre l'accès à la maison située 9 rue Blot et dont la commune est devenue propriétaire ; que toutefois la mesure d'instruction qu'il sollicite implique nécessairement de rechercher l'état de ses deux maisons avant l'incendie ayant pris naissance dans la maison voisine en vue de déterminer les seuls dommages imputables à ce sinistre ; qu'il convient d'observer à cet égard que l'incendie est survenu depuis plus de quatre années ; que dans une lettre adressée à M. X... le 27 novembre 1984 le directeur départemental des affaires sanitaires et sociales faisait état de plusieurs interventions de ses services sur les « bâtiments actuellement insalubres » de la cité Blot ; qu'il est indiqué dans la convention du 13 février 1987 que la commune de Saint-Etienne-du-Rouvray a sollicité de l'autorité administrative une déclaration d'insalubrité comportant interdiction d'habiter (sous réserve de vérification d'impossibilité définitive de remédier aux différentes sources d'insalubrité) ; que les deux maisons en cause étaient incluses dans celles visées dans les arrêtés de déclaration d'insalubrité à titre irrémédiable ; que ces arrêtés ont certes été annulés au motif d'une absence de preuve de l'impossibilité de réhabilitation et d'un coût de réhabilitation plus onéreux qu'une construction ; que dans sa requête en annulation de l'arrêté du 19 novembre 2009 M. X..., tout en contestant le caractère insalubre de ses immeubles, les décrivait lui-même comme tout au plus « inconfortables », voire « vétustes » ; qu'il ressort de ces éléments que l'ensemble des maisons acquises par M. X... présentait pour le moins dès 1984 un état de dégradation très important ; que l'appelant ne justifie d'aucun des travaux qu'il aurait entrepris sur ses propriétés situées... avant 2008 et à partir desquels une éventuelle comparaison entre l'état de ses maisons avant et après l'incendie aurait pu éventuellement être effectuée pour procéder à l'analyse de l'origine des désordres les affectant et de leur lien avec l'incendie survenu en novembre 2008, seuls désordres dont il pourrait demander réparation devant le juge judiciaire ; qu'il doit être déduit de ces éléments que la preuve de l'existence d'un motif légitime au sens des dispositions précitées de l'article 145 du code de procédure civile n'est pas rapportée ;
Alors, d'une part que le juge doit respecter en toutes circonstances le principe de la contradiction ; qu'en énonçant que M. X... ne pouvait se prévaloir d'un motif légitime à l'appui de sa demande aux fins de voir ordonner une mesure d'expertise aux motifs que l'appelant ne justifie d'aucun des travaux qu'il aurait entrepris sur ses propriétés situées... avant 2008 et à partir desquels une éventuelle comparaison entre l'état de ses maisons avant et après l'incendie aurait pu éventuellement être effectuée pour procéder à l'analyse de l'origine des désordres les affectant et de leur lien avec l'incendie survenu en novembre 2008, seuls désordres dont il pourrait demander réparation devant le juge judiciaire, la cour d'appel a soulevé d'office un moyen de droit sans avoir invité au préalable les parties à présenter leurs observations et a violé l'article 16 du code de procédure civile ;
Alors, d'autre part, que toute personne disposant d'un motif légitime peut obtenir du juge des référés la désignation d'un expert pour rechercher et établir contradictoirement la preuve de faits dont pourrait dépendre la solution d'un procès éventuel ; que le motif légitime existe dès lors que la mesure sollicitée est légalement admissible, qu'elle améliore la situation probatoire des parties et qu'elle ne porte pas atteinte aux intérêts légitimes du défendeur ; qu'en énonçant que M. X... ne pouvait se prévaloir d'un motif légitime à l'appui de sa demande aux fins de voir ordonner une mesure d'expertise ayant pour objet de décrire les dégâts occasionnés par l'incendie aux immeubles lui appartenant situés... et d'évaluer le préjudice en résultant aux motifs inopérants que M. X... n'avait fait procéder à aucuns travaux dans les lieux avant 2008 alors même que la mesure d'expertise sollicitée tendait précisément à cette fin, la cour d'appel ne s'est pas prononcée sur l'existence d'un motif légitime de conserver ou d'établir la preuve des faits dont pouvait dépendre la solution d'un litige, et a méconnu ses pouvoirs en violation de l'article 145 du code de procédure civile ;
Alors, en troisième lieu, que toute personne disposant d'un motif légitime peut obtenir du juge des référés la désignation d'un expert pour rechercher et établir contradictoirement la preuve de faits dont pourrait dépendre la solution d'un procès éventuel, sauf lorsque celui qui s'oppose à la mesure démontre que l'action au fond qui motive la demande est manifestement vouée à l'échec ; qu'il s'évince des motifs de l'arrêt que les arrêtés de déclaration d'insalubrité incluant les deux maisons dont M. X... est propriétaire ont été annulés par le tribunal administratif de Rouen ; qu'en déboutant néanmoins M. X... de sa demande d'expertise sans constater que l'action en responsabilité pouvant être exercée par celui-ci devant le juge judiciaire était manifestement vouée à l'échec, la cour d'appel a violé l'article 145 du code de procédure civile ;
Alors, en quatrième lieu, que dans ses conclusions d'appel M. X... faisait valoir qu'il justifiait d'un motif légitime au soutien de sa demande d'expertise dès lors qu'à la suite de l'incendie survenu le 6 novembre 2008 il incombait au propriétaire de la maison sise ... d'assurer la sécurité des immeubles voisins dont M. X... était propriétaire et de réaliser à ces fins les travaux confortatifs dont l'exécution serait jugée nécessaire par l'expert ; qu'en ne répondant pas à ce moyen la cour d'appel a violé l'article 455 du code de procédure civile.