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Décisions

Cass. com., 14 février 2012, n° 11-12.833

COUR DE CASSATION

Arrêt

Cassation

Douai, du 16 déc. 2010

16 décembre 2010

Attendu, selon l'arrêt attaqué, que la société CSN a acquis, par l'intermédiaire de la société d'exploitation de l'agence Douai transactions, un fonds de commerce de débit de boissons ; qu'estimant le prix d'achat du fonds excessif, la société CSN a saisi le juge des référés d'une demande d'expertise sur la valeur réelle de ce bien ; que la société CSN ayant été placée en redressement judiciaire, M. X..., nommé mandataire judiciaire, est intervenu volontairement à l'instance ; 

Attendu que pour ordonner une expertise aux fins d'évaluer l'état du fonds de commerce, de dire si le prix de vente est excessif, et d'évaluer le préjudice qu'aurait subi la société CSN, l'arrêt retient qu'il ne lui est pas imposé de caractériser le motif légitime au regard du ou des différents fondements juridiques envisagés par la société CSN ; 

Attendu qu'en statuant ainsi, alors que si le juge peut accueillir la demande sans être tenu de caractériser l'existence d'un motif légitime au regard de chacun des différents fondements juridiques envisagés par le demandeur, il n'en doit pas moins constater l'existence d'un tel motif au regard de l'un ou l'autre de ces fondements, la cour d'appel a violé le texte susvisé ; 

PAR CES MOTIFS et sans qu'il ait lieu de statuer sur les autres griefs ; 

CASSE ET ANNULE, dans toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 16 décembre 2010, entre les parties, par la cour d'appel de Douai ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Douai, autrement composée ; 

Condamne la société CSN aux dépens ; 

Vu l'article 700 du code de procédure civile, la condamne à payer à la société d'exploitation de l'agence Douai transactions la somme de 2 500 euros et rejette sa demande ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ; 

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du quatorze février deux mille douze. 

MOYEN ANNEXE au présent arrêt 

Moyen produit par la SCP Baraduc et Duhamel, avocat aux Conseils pour la société d'exploitation de l'agence Douai transactions 

IL EST FAIT GRIEF à l'arrêt infirmatif attaqué d'avoir ordonné une expertise, désignant monsieur Y... pour y procéder avec mission de se rendre sur les lieux, de se faire communiquer tous les documents utiles, d'évaluer l'état du fonds de commerce, de dire s'il existe une méthode générale d'évaluation de la valeur d'un tel fonds et de l'appliquer à la vente en litige, de dire si le prix de vente est excessif et, dans l'affirmative, d'en déterminer la fraction excédentaire et d'évaluer le préjudice subi par la société CSN ; 

AUX MOTIFS QUE le moyen tiré de l'absence de prix objectif d'un bien, et particulièrement d'un fonds de commerce, n'est pas de nature à faire obstacle au droit de tout justiciable de demander une expertise en vue d'un procès futur au cours duquel sera examiné l'argument dès lors que l'article 145 n'impose pas au juge de caractériser le motif légitime au regard du ou des différents fondements juridiques de l'action que la partie demanderesse se propose d'engager, comme jugé par la Cour de cassation (Civ. 2ème, 8 juin 2000, Bull. II, n° 97) ; qu'est sans influence sur la présente demande le fait qu'un même cabinet d'expertise comptable a pu affirmer que le prix payé était excessif plusieurs mois après la transaction après avoir élaboré un compte de résultat prévisionnel le 17 septembre 2008 qui ne l'avait pas amené à critiquer le prix demandé par le cédant ; 

ALORS QUE, D'UNE PART, une mesure d'instruction in futurum ne peut être ordonnée que s'il existe un motif légitime de conserver ou d'établir avant tout procès la preuve de faits dont pourrait dépendre la solution d'un litige ; qu'en faisant droit à la demande de la société CSN tendant à la désignation d'un expert judiciaire avec mission d'évaluer la valeur d'un fonds de commerce, de dire si son prix de vente avait été excessif et d'évaluer le préjudice qui aurait été subi par les associés de cette société, en affirmant que l'article 145 du Code de procédure civile n'impose pas au juge de caractériser le motif légitime au regard du ou des différents fondements juridiques envisagés par la partie demanderesse, tandis qu'il incombe à tout le moins à ce juge de constater l'existence d'un motif légitime sans considération de fondement juridique, la cour d'appel, qui a refusé à tort d'examiner si cette condition était remplie, a violé l'article 145 du Code de procédure civile ; 

ALORS QUE, D'AUTRE PART, subsidiairement, en se bornant à énoncer que le moyen tiré de l'absence de prix objectif d'un bien, et particulièrement d'un fonds de commerce, n'est pas de nature à faire obstacle au droit de tout justiciable de demander une expertise en vue d'un procès, sans constater l'existence d'un motif légitime à la demande formée par la société CSN, peu important qu'elle n'ait pas à caractériser ce motif légitime au regard de chaque fondement juridique envisagé, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 145 du Code de procédure civile ; 

ALORS QUE, EN TOUT ÉTAT DE CAUSE, une mesure d'instruction in futurum n'a pas lieu d'être ordonnée lorsque l'action au fond envisagée qui motive la demande est manifestement vouée à l'échec ; qu'en statuant comme elle l'a fait, sans rechercher, comme elle y était invitée (concl., p. 3, § 8), si, peu important la caractérisation d'un motif légitime au regard du ou des différents fondements juridiques de l'action envisagée par la partie demanderesse, toute action à l'encontre de l'Agence Douai Transactions reposant sur une valeur excessive du fonds acquis par la société CSN auprès des époux Z... était vouée à l'échec, dès lors qu'il avait été stipulé expressément à l'acte de vente que les parties déchargeaient l'Agence Douai Transactions de toute responsabilité quant au prix de cession qui avait « été librement débattu entre elles, en tenant compte de la valeur du fonds de commerce et des éléments d'appréciation nécessaires à sa fixation », la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 145 du Code de procédure civile.