Cass. 1re civ., 14 octobre 2015, n° 14-15.143
COUR DE CASSATION
Arrêt
Rejet
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Orléans, 6 mars 2014), que, suivant acte du 25 octobre 2007, la société Disval, aux droits de laquelle se trouve la société Codifrance, devenue Immo Colruyt France (le vendeur), a vendu à la société civile immobilière Les Terrasses du parc (la SCI) un terrain sur lequel avait été exploitée une installation classée pour la protection de l'environnement soumise à déclaration ; qu'à la suite de la découverte de citernes enterrées et d'une importante pollution aux métaux et hydrocarbures, la SCI a assigné le vendeur en résolution de la vente et paiement de dommages-intérêts ;
Sur le premier moyen :
Attendu que la SCI fait grief à l'arrêt de rejeter sa demande tendant à voir écarter des débats les pièces communiquées par la société ICF le 30 juillet 2013, alors, selon le moyen :
1°/ que doivent être systématiquement écartées par les juges du fond les pièces, invoquées au soutien des prétentions des parties, qui ne sont pas communiquées simultanément à la notification des conclusions ; que dès lors, en énonçant, pour rejeter la demande de la SCI tendant à voir écarter les pièces visées dans les conclusions d'appel de la société ICF notifiées le 29 juillet 2013 et communiquées par cette dernière le 30 juillet 2013, qu'en communiquant ses pièces moins de 24 heures après la notification de ses conclusions, cette dernière avait respecté les dispositions de l'article 906 du code de procédure civile, la cour d'appel a violé l'article 906 du code de procédure civile ;
2°/ qu'en énonçant encore, pour rejeter la demande de la SCI tendant à voir écarter les pièces visées dans les conclusions d'appel de la société ICF notifiées le 29 juillet 2013 et communiquées par cette dernière le 30 juillet 2013, que l'article 906 du code de procédure civile ne prévoyant pas de sanction, un rejet de pièces ne peut, en application des dispositions des articles 15 et 135 du même code, être décidé que lorsque le défaut de communication simultané aux conclusions a porté atteinte aux droits de la défense et que tel n'est pas le cas en l'espèce, puisque la SCI a pu prendre sans difficulté connaissance des pièces qui lui avaient été communiquées et y répondre entièrement, a violé derechef l'article 906 du code de procédure civile ;
Mais attendu qu'ayant exactement retenu que, l'article 906 du code de procédure civile ne prévoyant pas de sanction en cas de défaut de communication des pièces simultanément à la notification des conclusions et relevé que le vendeur ayant communiqué ses pièces moins de vingt-quatre heures après la notification de ses conclusions au soutien desquelles elles étaient produites, la SCI avait pu en prendre connaissance et y répondre sans difficulté de sorte qu'il n'y avait pas lieu d'écarter ces pièces communiquées en temps utile au regard des dispositions des articles 15 et 135 du code de procédure civile, la cour d'appel a, par ces seuls motifs procédant de son appréciation souveraine, légalement justifié sa décision ;
Sur le second moyen :
Attendu que la SCI fait encore grief à l'arrêt de rejeter ses demandes, notamment celle tendant à voir prononcer la résolution de la vente de la parcelle de terrain sur laquelle se trouve le site pollué et à voir condamner le vendeur à lui restituer la somme de 468 234 euros TTC correspondant au prix d'acquisition dudit bien immobilier, augmentée des intérêts légaux capitalisés à compter de la signification du jugement, et à lui verser les sommes de 159 922,09 euros HT, 276 005 HT et 50 000 euros à titre de dommages-intérêts, alors, selon le moyen :
1°/ que le vendeur qui méconnaît son obligation d'information sur l'état et la composition du sous-sol du terrain qu'il cède ne peut se prévaloir de la clause par laquelle il est dispensé de l'obligation de garantie relativement à l'état du sol et du sous-sol du terrain et par laquelle l'acquéreur reconnaît acquérir le terrain en l'état et s'engage à faire son affaire personnelle de la dépollution du site, si cette dernière s'avérait nécessaire ; que dès lors, en se bornant, pour rejeter les demandes de la SCI fondées sur la garantie des vices cachés, à se fonder sur la clause contractuelle par laquelle cette dernière a accepté de supporter les risques de pollution du site sans recours contre le vendeur, et à déduire de cette clause qu'il lui appartenait de démontrer que la contamination dont elle faisait état résultait des trois citernes enterrées dans le sous-sol dont elle ignorait l'existence, et non des trois cuves dont elle avait accepté la présence, sans rechercher, comme il le lui était demandé, si le vendeur, qui avait méconnu son obligation d'information, en n'informant pas l'acquéreur de la présence dans le sous-sol du terrain de trois cuves supplémentaires ayant contenu des hydrocarbures, pouvait se prévaloir des effets de la clause d'exclusion de garantie précitée, la cour d'appel a privé sa décision de base légale, au regard des articles 1134 et 1643 du code civil ;
2°/ que constitue un vice caché le défaut caché de la chose vendue qui la rend impropre à son usage auquel on la destine, ou qui diminue tellement cet usage, que l'acheteur ne l'aurait pas acquise, ou n'en aurait donné qu'un moindre prix, s'il les avait connus ; qu'en énonçant, pour juger que la présence de trois citernes non connues de l'acquéreur ne constituait pas à elle seule un vice caché, que ces cuves avaient pu être enlevées sans difficultés pour un coût de 7 000 euros, particulièrement modique au regard du prix de 900 000 euros versé par la SCI pour acquérir le site, la cour d'appel s'est prononcée par des motifs inopérants et a ainsi violé l'article 1641 du code civil ;
3°/ que la pollution d'un terrain quelle qu'en soit la nature constitue un vice caché rendant le terrain impropre à son usage ; qu'en énonçant encore, pour exclure l'existence de tout vice caché affectant le terrain cédé, que seule la pollution par hydrocarbures de ce dernier pourrait caractériser un vice caché rendant le terrain impropre à son usage, la cour d'appel a derechef violé l'article 1641 du code civil ;
Mais attendu que c'est dans l'exercice de son pouvoir souverain d'appréciation des éléments de fait et de preuve soumis à son examen, qu'après avoir constaté que la SCI avait contractuellement accepté de supporter les risques de pollution résultant de l'exploitation sur le site vendu d'une station-service et de locaux dans lesquels étaient réparés des poids lourds, la cour d'appel a retenu que celle-ci ne démontrait pas que la contamination dont elle faisait état résultait des trois citernes découvertes, et non des trois cuves dont elle avait été informée qu'elles entraînaient des risques de pollution ; qu'elle a pu en déduire que les demandes fondées sur la garantie des vices cachés devaient être rejetées ; que le moyen, qui manque en fait en sa troisième branche, ne peut être accueilli pour le surplus ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne la SCI Les Terrasses du parc aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande de la SCI Les Terrasses du parc, et la condamne à payer la somme de 3 000 euros à la société Immo Colruyt France ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du quatorze octobre deux mille quinze.