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Décisions

Cass. 2e civ., 3 septembre 2015, n° 14-23.174

COUR DE CASSATION

Arrêt

Rejet

Agen, du 7 mai 2014

7 mai 2014

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Agen, 7 mai 2014), que Mme X... a relevé appel du jugement d'un tribunal de grande instance ayant déclaré recevable et fondée la tierce opposition formée par M. Y..., ancien associé de la société Arizona, contre un jugement qui avait constaté la résiliation du bail commercial consenti par elle à cette société, ordonné son expulsion et l'avait condamnée à payer diverses sommes à titre d'arriérés de loyers et de dommages-intérêts ; que la société Odile Stutz, puis M. Z...ont été successivement désignés en qualité de mandataire ad hoc de la société Arizona, laquelle a fait l'objet d'une procédure de liquidation judiciaire clôturée pour insuffisance d'actif ;

Sur le premier moyen :

Attendu que M. Y...fait grief à l'arrêt d'écarter les pièces n° 1 à 83 qui n'ont pas été communiquées simultanément à la notification de ses conclusions alors, selon le moyen :

1°/ qu'un bordereau récapitulatif des pièces était annexé aux dernières conclusions de M. Y..., du 12 octobre 2012, signifiées à la partie adverse ; que dès lors, en jugeant qu'« il résult ait des pièces de procédure du dossier que M. Y...n'a pas établi de bordereau de communication de pièces », la cour d'appel a dénaturé le bordereau annexé aux dernières conclusions de M. Y..., violant ainsi l'article 4 du code de procédure civile ;

2°/ qu'une nouvelle communication des pièces produites en première instance n'est pas exigée en cause d'appel si l'adversaire ne la demande pas ; qu'en l'espèce, pour demander que les pièces n° 1 à 83, communiquées en première instance, soient écartées, Mme X... soutenait uniquement que l'article 906 du code de procédure civile « n'a pas prévu de distinguer entre les pièces signifiées en première instance et les autres. Dès lors, la Cour écartera des débats les pièces n° 1 à 83 pour cette raison qu'elles n'ont pas été communiquées « simultanément à l'avocat de l'autre partie » ; qu'elle ne demandait pas de nouvelle communication de ces pièces ; que dès lors, en écartant lesdites pièces au motif qu'« aucun élément ne permet de s'assurer que les pièces n° 1 à 83 ont bien été communiquées à nouveau en cause d'appel », la cour d'appel a violé l'article 132 du code de procédure civile ;

3°/ qu'en cause d'appel, Mme X... soutenait uniquement que les pièces n° 1 à 83 n'avaient pas été communiquées « simultanément » avec les conclusions d'appel, sans contester l'existence même de leur communication ; que dès lors, en écartant ces pièces au motif qu'« aucun élément ne permet de s'assurer que les pièces n° 1 à 83 ont bien été communiquées à nouveau en cause », la cour d'appel a méconnu l'objet du litige en violation des articles 4 et 5 du code de procédure civile ;

4°/ qu'en écartant les pièces n° 1 à 83 au motif qu'« aucun élément ne permet de s'assurer que les pièces n° 1 à 83 ont bien été communiquées à nouveau en cause », sans inviter les parties à présenter préalablement leurs observations sur ce moyen qu'elle relevait d'office, la cour d'appel a méconnu le principe de la contradiction et violé l'article 16 du code de procédure civile ;

Mais attendu que l'arrêt relève que Mme X... demandait à la cour d'appel d'écarter les pièces n° 1 à 83 produites en première instance par M. Y...qui n'avaient pas été communiquées par l'intimé en cause d'appel simultanément à la notification de ses conclusions d'appel et que M. Y...n'avait pas répondu à ce moyen ;

Et attendu qu'il résulte de l'article 132 du code de procédure civile, dans sa rédaction issue de l'article 8 du décret n° 2009-1524 du 9 décembre 2009, que la partie qui fait état d'une pièce s'oblige à la communiquer à toute autre partie à l'instance et que cette communication doit être spontanée, sans exception, en cause d'appel, pour les pièces déjà produites en première instance ; qu'ayant souverainement constaté, sans dénaturer la liste, fidèlement reproduite dans l'arrêt, des pièces produites par M. Y...et figurant à la suite des conclusions, qu'aucun élément ne permettait de s'assurer que les pièces n° 1 à 83 avaient bien été communiquées en cause d'appel, c'est sans encourir les griefs du moyen que la cour d'appel a écarté des débats les pièces litigieuses ;

Sur le second moyen :

Attendu que M. Y...fait grief à l'arrêt de le dire irrecevable faute d'intérêt à agir, alors, selon le moyen :

1°/ qu'est recevable à former tierce opposition toute personne qui y a intérêt ; qu'ayant constaté que M. Y...était associé de la SARL Arizona, et que par le jugement litigieux du 23 mars 2007, le tribunal de grande instance de Marmande avait constaté la résiliation du bail commercial de l'immeuble occupé par la SARL Arizona, jugé que cette société était occupante sans droit ni titre depuis le 26 février 2006, ordonné son expulsion, et l'avait condamnée à payer certaines sommes à titre d'arriérés de loyer, d'indemnité d'occupation et de dommages-intérêts, ce dont il résultait que la décision comportait des chefs préjudiciables pour M. Y..., demeuré associé, la cour d'appel, qui a déclaré irrecevable la tierce opposition faute d'intérêt à agir, n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations, en violation des articles 583 et 591 du code de procédure civile ;

2°/ que, en déclarant irrecevable la tierce opposition de M. Y...faute d'intérêt à agir, sans rechercher, comme elle y était invitée, si le jugement concerné du 23 mars 2007 ne lui causait pas un préjudice en qualité d'associé et de créancier de la SARL Arizona, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 583 du code de procédure civile ;

3°/ que la recevabilité de la tierce opposition ne se confond pas avec le bien-fondé des demandes du tiers opposant ; qu'en se déterminant, pour déclarer irrecevable la tierce opposition faute d'intérêt à agir de M. Y..., par des motifs relatifs au bien-fondé de la demande de rétractation du jugement litigieux, la cour d'appel a violé les articles 122 et 583 du code de procédure civile ;

Mais attendu que l'arrêt relève que M. Y...ne démontre pas avoir été évincé de la gérance de la société par la collusion familiale frauduleuse alléguée et que les autres faits qu'il invoquait résultaient d'autres procédures, notamment devant le juge-commissaire, et ne l'autorisaient pas à instaurer un nouveau litige devant la juridiction saisie du recours ;

Et attendu que l'appréciation de l'existence de l'intérêt du demandeur à exercer une tierce opposition relève du pouvoir souverain des juges du fond ;

D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE les pourvois ;

Condamne M. Y...aux dépens ;

Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du trois septembre deux mille quinze. MOYENS ANNEXES au présent arrêt