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Décisions

ARCEP, 29 mars 2022, n° 2022-0682-RDPI

ARCEP

se prononçant sur une demande de règlement de différend opposant la société Bouygues Telecom et la société Orange

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme de la Raudière

Membre :

M. Abiteboul, Mme Cottenye, Mme Liebert-Champagne

ARCEP n° 2022-0682-RDPI

28 mars 2022

 

L’Autorité de régulation des communications électroniques, des postes et de la distribution de la presse (ci-après « l’Arcep » ou « l’Autorité »),

Vu la directive (UE) 2018/1972 du Parlement Européen et du Conseil du 11 décembre 2018 établissant le code des communications électroniques européen ;

Vu le code des postes et des communications électroniques (ci-après « CPCE »), notamment ses articles L. 32, L. 32-1, L. 34-8, L. 34-8-3, L. 36-8, R. 11-1 ;

Vu la décision n° 2009-1106 de l’Arcep en date du 22 décembre 2009 précisant, en application des articles L. 34-8 et L. 34-8-3 du CPCE, les modalités de l’accès aux lignes de communications électroniques à très haut débit en fibre optique et les cas dans lesquels le point de mutualisation peut se situer dans les limites de la propriété privée ;

Vu la décision n° 2010-1312 de l’Arcep en date du 14 décembre 2010 précisant, en application des articles L. 34-8 et L. 34-8-3 du CPCE, les modalités de l’accès aux lignes de communications électroniques à très haut débit en fibre optique sur l’ensemble du territoire à l’exception des zones très denses ;

Vu la décision n° 2015-0776 de l’Arcep en date du 2 juillet 2015 sur les processus techniques et opérationnels de la mutualisation des réseaux de communications électroniques à très haut débit en fibre optique ;

Vu la décision n° 2019-1685 de l’Arcep en date du 10 décembre 2019 modifiée portant adoption du règlement intérieur ;

Vu la décision n° 2020-1432 du 8 décembre 2020 de l’Arcep précisant les modalités de l’accès aux lignes de communications électroniques à très haut débit en fibre optique ;

Vu la recommandation de l’Arcep en date du 23 décembre 2009 relative aux modalités de l’accès aux lignes de communications électroniques à très haut débit en fibre optique ;

Vu la recommandation de l’Arcep en date du 14 juin 2011 relative aux modalités de l’accès aux lignes à très haut débit en fibre optique pour certains immeubles des zones très denses, notamment ceux de moins de douze logements ;

Vu la recommandation de l’Arcep du 25 avril 2013 sur l’identification des lignes en fibre optique jusqu’à l’abonné ;

Vu la recommandation de l’Arcep en date du 21 janvier 2014 sur les modalités de l’accès aux lignes à très haut débit en fibre optique pour les immeubles de moins de 12 logements ou locaux à usage professionnel des zones très denses ;

Vu la recommandation de l’Arcep en date du 7 décembre 2015 relative à la mise en œuvre de l’obligation de complétude des déploiements des réseaux en fibre optique jusqu’à l’abonné en dehors des zones très denses ;

Vu la recommandation de l’Arcep en date du 24 juillet 2018 relative à la cohérence des déploiements des réseaux en fibre optique jusqu’à l’abonné ;

Vu la recommandation de l’Arcep en date du 8 décembre 2020 sur les modalités de l’accès aux lignes de communications électroniques à très haut débit en fibre optique ;

Vu la demande de règlement de différend, enregistrée à l’Autorité le 15 octobre 2021, présentée par la société Bouygues Telecom, société anonyme au capital de 819.698.624,76 euros, immatriculée au registre du commerce et des sociétés de Paris sous le numéro 397 480 930, dont le siège social est situé 37-39, Rue Boissière à Paris (75116), représentée par Richard VIEL, en qualité de président, domicilié en cette qualité audit siège ;

La société Bouygues Telecom demande à l’Autorité de :

« A. Dire que les demandes de Bouygues Telecom sont recevables ;

B.  Enjoindre à Orange de transmettre à Bouygues Telecom dans un délai d’un (1) mois à compter de la notification de la décision de règlement de différend à intervenir un avenant au Contrat d’accès à la partie verticale des réseaux d’Orange conclu entre Bouygues Telecom et Orange le 3 juillet 2019, intégrant les modifications suivantes :

B1/ L’avenant devra modifier l’article 13.4.2 des conditions générales afin de :

i/ supprimer le principe selon lequel le versement par Orange des restitutions des contributions aux frais de mise en service est conditionné à la mise à disposition ultérieure de la ligne au bénéfice d’un nouvel opérateur,

ii/ prévoir que le versement par Orange des restitutions des contributions aux frais de mise en service sera dû dès lors que la résiliation de la ligne FttH aura été demandée par Bouygues Telecom pour les lignes à construire et les lignes existantes/actives quelle que soit la date de  création de la ligne, et sans qu’aucun autre événement ne puisse conditionner ce versement ;

L’avenant devra apporter toute autre modification adéquate des dispositions contractuelles pour tenir compte de la modification du fait générateur des restitutions.

B2/ L’avenant devra modifier les articles 5.1.2.2 et 5.1.6 de l’Annexe « Prix » des Conditions Particulières en zone très dense des conditions particulières afin que la formule de calcul du montant de la restitution des contributions aux frais mise en service soit adaptée, et garantisse l’application effective du principe selon lequel le versement des restitutions des contributions aux frais de mise en service soit conditionné uniquement à la résiliation de la ligne par Bouygues Telecom pour les lignes à construire et les lignes existantes/actives quelle que soit la date de création de la ligne ;

B3/ En conséquence, B3 a/ à titre principal

La formule de calcul du montant de la restitution des contributions aux frais de mise en service devra être modifiée afin que :

i/ Les stipulations contractuelles intègrent deux nouveaux paramètres : délai de vacance entre [5 ; 6] mois et taux de CCF repris entre [97,5 ; 98,5] % ;

 

ii/ L’article 5.1.2.2 de l’Annexe « Prix » des Conditions Particulières en zone très dense stipule désormais que :

Lors de la résiliation d’une ligne FttH par Bouygues Telecom, le montant de la restitution (R) se calcule par la formule suivante :

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Lorsque la mise à disposition d’une Ligne FttH aboutit à avoir un Contributeur   supplémentaire, le montant de la restitution (R) se calcule par la formule suivante :

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Avec

Taux de CCF repris : taux de lignes résiliées donnant lieu à un nouvel abonnement FttH dans un délai de 20 ans suivant la résiliation,

Préf : prix de référence du Câblage Client Final tel que visé à l’article 5.1.4,

D : nombre d’opérateurs cofinanceurs engagés sur Fibre Dédiée,

Pdédiée : prix de référence de la Fibre Dédiée tel que visé à l’article 5.1.5,

Cxy : coefficient multiplicateur appliqué X années Y mois (Y<12), après la date d’installation du

Câblage Client Final tel que visé à l’article 5.1.6,

K : nombre de contributeurs,

K’ : nombre de Contributeurs, y compris le nouveau Contributeur.

 

iii/  L’article 5.1.6  de  l’Annexe  « Prix » des  Conditions  Particulières en zone très  dense stipule désormais que :

Le coefficient multiplicateur appliqué X années et Y mois (Y<12), entre la date d’installation   du Câblage Client Final et :

soit la date de mise à disposition de la Ligne FttH dans les cas visés à l’article 5.1.2.1

soit la date de réception de la demande de résiliation de la Ligne FttH par l’Opérateur décalé du délai moyen de vacance dans les cas visés à l’article 5.1.2.2

soit la date de réception de la demande de résiliation de Ligne FttH par l’Opérateur dans le cas visé à l’article 5.1.3

est donné par : IMG12.png

avec CAx le coefficient défini pour chaque année X, donné par le tableau suivant.

IMG3.png

 B3 b/ à titre subsidiaire, il est demandé à l’Arcep d’enjoindre à Orange, d’une part, de transmettre à Bouygues Telecom dans un délai d’un (1) mois à compter de la notification de la décision de règlement de différend à intervenir un premier projet d’avenant au Contrat d’accès à la partie verticale des réseaux d’Orange conclu entre Bouygues Telecom et Orange le 3 juillet 2019 et, d’autre part, de transmettre à l’issue d’une négociation menée de bonne foi et au plus tard dans un délai de quatre (4) mois à compter de la notification de la décision de règlement de différend à intervenir, un avenant au Contrat d’accès par lesquels il est prévu une modification de la formule de calcul de la valeur résiduelle des contributions aux frais de mise en service devant être restituées à la résiliation de la ligne FttH par Bouygues Telecom pour les lignes à construire et les lignes existantes/actives quelle que soit la date de création de la ligne, en tenant compte i/ : du taux de CCF repris c’est-à-dire du taux de lignes résiliées donnant lieu à un nouvel abonnement FttH dans un délai de vingt (20) ans suivant la résiliation et ii/ : du délai moyen de vacances entre la résiliation et le nouvel abonnement FttH souscrit pour le même logement, ces éléments devant être déterminés en fonction de la réalité du marché, et non des informations résultant du système d’information d’Orange ;

B 3 c/ à titre infiniment subsidiaire, il est demandé à l’Arcep d’enjoindre à Orange, d’une part, de transmettre à Bouygues Telecom dans un délai d’un (1) mois à compter de la notification de la décision de règlement de différend à intervenir un premier projet d’avenant au Contrat d’accès à la partie verticale des réseaux d’Orange conclu entre Bouygues Telecom et Orange le 3 juillet 2019 et, d’autre part, de transmettre à l’issue d’une négociation menée de bonne foi et au plus tard dans un délai de quatre (4) mois à compter de la notification de la décision de règlement de différend à intervenir, un avenant au Contrat d’accès par lesquels il est prévu une modification de la formule de calcul de la valeur résiduelle des contributions aux frais de mise en service devant être restituées à la résiliation de la ligne FttH par Bouygues Telecom pour les lignes à construire et les lignes existantes/actives quelle que soit la date de création de la ligne ainsi que des paramètres qui la composent ;

C. Dire que les modifications ainsi prévues auront un effet rétroactif à partir du 23 juillet 2021 pour toutes les lignes existantes/actives quelle que soit la date de création de la ligne FttH. »

Sur la compétence de l’Autorité et la recevabilité des demandes,

Bouygues Telecom soutient que l’Autorité est compétente en application des articles L. 36-8 et L. 34- 8-3 du CPCE pour trancher le différend qui l’oppose à la société Orange étant donné que le contrat est une convention d’accès à un réseau de communication électronique en fibre optique, que le différend porte sur la conclusion ou à tout le moins l’exécution d’un contrat d’accès à une réseau de communications électroniques en fibre optique et que les demandes portent sur les conditions techniques et financières d’un contrat d’accès à une réseau de communications électroniques. L’Autorité est ainsi selon Bouygues Telecom compétente, en application de l’article L. 36-8 du CPCE, pour enjoindre à Orange de modifier le fait générateur des restitutions des contributions aux frais de mise en service à la date de la résiliation de la ligne FttH par Bouygues Telecom ainsi que la formule de calcul des restitutions des contributions aux frais de mise en service, avec un effet rétroactif au 23 juillet 2021 ;

Bouygues Télécom estime que ses demandes sont recevables en raison de l’échec des négociations avec Orange dès lors que Bouygues Telecom a demandé à plusieurs reprises à Orange de nouvelles règles de restitutions avec une modification du fait générateur des restitutions des contributions aux frais de mise en service à la date de la résiliation de la ligne à très haut débit en fibre optique permettant de desservir un utilisateur final (ci-après « FttH » pour Fibre to the Home) par Bouygues Telecom ainsi que la modification de la formule de calcul des restitutions des contributions aux frais de mise en service.

Sur le fond, Bouygues Telecom soutient que ses demandes sont, d’une part, fondées au regard des obligations réglementaires incombant aux opérateurs d’infrastructures, et d’autre part, raisonnables, équitables et proportionnées.

En premier lieu, Bouygues Telecom soutient en substance que la modification du fait générateur de la restitution des contributions aux frais de mise en service et de sa formule est justifiée par les dispositions des articles L. 34-8 et L. 34-8-3 du CPCE, ainsi que par les décisions prises en application de ces dispositions, dont la décision n° 2009-1106 qui prévoit le respect du principe de non- discrimination, d’objectivité, de pertinence et d’efficacité des investissements ou encore l’application de conditions économiques raisonnables et le partage équitable des coûts résultant selon lui de l’article L. 34-8-3 du CPCE et du cadre symétrique.

Bouygues Telecom estime également, en substance, qu’au titre de son obligation d’accès effective, l’opérateur d’infrastructure, à savoir Orange en l’espèce, est responsable des conditions de déploiements de lignes au point de mutualisation jusqu’au dispositif de terminaison intérieur optique dont il est propriétaire. Bouygues Telecom estime que l’opérateur d’infrastructure est également responsable, dans le cadre de la prestation d’accès, de la fiabilité de son système d’information, et notamment du système d’identification des lignes existantes ainsi que des outils de commande.

En deuxième lieu, Bouygues Télécom soutient que le schéma contractuel d’Orange est inéquitable et contraire aux principes et objectifs de la régulation. Bouygues Telecom soutient notamment que les conditions d’accès imposées par Orange sont contraires aux principes d’efficacité, de pertinence et de partage équitable des coûts, en ce qu’elles font peser sur Bouygues Telecom de façon indéfinie le coût d’une ligne dont elle n’a plus l’usage et dont elle n’est pas propriétaire.

Bouygues Telecom considère également que les conditions d’accès imposées par Orange sont contraires aux principes de pertinence, d’efficacité et de caractère raisonnable des conditions d’accès en ce qu’elles font peser sur Bouygues Telecom un surcoût lié aux surproductions de ligne, dont elle n’est pas responsable. A cet égard, Bouygues Telecom indique notamment qu’en ayant aucun moyen de vérifier par elle-même si les lignes qu’elle a résiliées ont été effectivement reprises, Bouygues Telecom est ainsi placée dans la situation d’avoir à rapporter une preuve impossible. Bouygues Telecom soutient en substance qu’en faisant peser sur Bouygues Telecom la charge de la preuve de la reprise de lignes, non renseignées comme telle dans le système d’information inefficient d’Orange, les conditions d’accès imposées par Orange sont inéquitables et non raisonnables.

Bouygues Telecom considère que les conditions d’accès imposées par Orange sont en outre inéquitables et non raisonnables en ce qu’elles font peser exclusivement sur Bouygues Telecom les surcoûts liés au non-respect des obligations réglementaires d’Orange.

Bouygues Telecom ajoute enfin que les conditions d’accès imposées par Orange sont contraires aux exigences de visibilité des opérateurs.

Enfin et en troisième lieu, Bouygues Telecom soutient qu’une modification des conditions contractuelles est indispensables pour lui permettre de bénéficier de conditions d’accès équitables, raisonnables, et conformes aux objectifs de pertinence, et d’efficacité. Bouygues Telecom estime que la restitution ne doit pas être conditionnée à l’enregistrement d’une reprise de la ligne, mais intervenir dès lors que la ligne est résiliée et que la formule de calcul de la valeur des restitutions doit être modifiée afin de la rendre compatible avec la modification du fait générateur dont il est demandé qu’il soit fixé au moment de la résiliation de la ligne FttH. Bouygues Telecom estime ainsi que le contrat d’accès aux lignes FttH d’Orange (ci-après « le Contrat ») doit être modifié en prévoyant d’une part, que le déclenchement des restitutions ait lieu à la résiliation de la ligne FttH par Bouygues Telecom et d’autre part, que la formule de calcul de la valeur des restitutions intègre les paramètres liés au taux de câblage client final (ci-après « CCF ») repris fixé à [97,5 % ; 98,5 %] ainsi qu’un délai moyen de vacance associé fixé à [5 ; 6] mois.

Vu les courriers du 15 octobre 2021 par lesquels la directrice des affaires juridiques de l’Autorité   a

transmis à la société Orange la demande de règlement de différend de la société Bouygues Telecom ;

Vu les courriers du 20 octobre 2021 par lesquels la directrice des affaires juridiques de l’Autorité a transmis aux parties le calendrier prévisionnel de dépôt des mémoires et désigné les rapporteurs ;

Vu les observations en défense, enregistrées à l’Autorité le 16 novembre 2021, présentées par la société Orange, société anonyme au capital de 10 640 226 396 euros, dont le siège social est situé au 111 quai du Président Roosevelt à Issy-les-Moulineaux (92130), et immatriculée au Registre du Commerce et des Sociétés de Nanterre sous le numéro 380 129 866, représentée par son directeur des affaires réglementaires, Monsieur Philippe Béguin.

Sur le fond, Orange soutient en substance, d’une part, que les demandes de Bouygues Telecom remettent en cause le cadre réglementaire symétrique qui a permis le déploiement du FttH, et d’autre part, qu’elles ne sont ni équitables, ni raisonnables.

En premier lieu, Orange soutient que les demandes de Bouygues Telecom remettent en cause le cadre réglementaire symétrique qui a permis le déploiement du FttH.

Elle soutient notamment à cet égard que le différend remet en cause l’équilibre existant entre l’opérateur d’infrastructure et l’opérateur commercial qui a la relation avec le client final. Dans le cas du mode sous-traitance opérateur commercial (ci-après « STOC »), Orange estime notamment que l’opérateur commercial, ayant recours à ses propres sous-traitants, a logiquement la responsabilité d’identifier correctement l’existence ou non d’un CCF chez le client final. A cet égard, Orange indique avoir mis en place, en tant qu’opérateur d’infrastructure, un mécanisme contractuel permettant de partager les coûts de construction des CCF entre les opérateurs commerciaux au fil de leur durée de vie. Orange ajoute également que le bon fonctionnement de ce mécanisme de contributions et restitutions repose selon elle sur l’incitation des opérateurs commerciaux à adopter un comportement vertueux de reprise des CCF existants et de contrôle de l’action de leurs sous-traitants. Orange estime notamment que les demandes de Bouygues Telecom visent précisément à s’affranchir de cette obligation de mutualisation et à faire transférer sur Orange un risque assurantiel au bénéfice de des opérateurs alors qu’elle ne dispose d’aucun moyen de fiabiliser le dispositif en fournissant des informations qu’il ne détient pas et qui relèvent pour l’essentiel de la relation avec le client final. Orange estime en substance que de telles demandes sont contraires au principe de mutualisation et plus largement contraires à l’équité.

Encore, Orange indique que le cadre réglementaire pose le principe d’un partage de rôles entre l’opérateur d’infrastructure et les opérateurs commerciaux. Orange considère notamment que les demandes de Bouygues Telecom reviennent à s’affranchir à juste titre de l’obligation de mutualisation en exigeant une restitution des contributions aux frais de mises en service des CCF, quel que soit le degré de respect par les opérateurs commerciaux des règles impliquant la reprise de lignes existantes. Elle estime que ces demandes déresponsabiliseraient les opérateurs commerciaux et ne les inciteraient pas à mieux communiquer avec les utilisateurs finals et à mieux contrôler leurs sous- traitants lorsqu’ils interviennent chez ces utilisateurs finals lors de la mise en service des lignes FttH.

Enfin, Orange ajoute que les demandes de Bouygues Telecom mettent en cause substantiellement le cadre qui a permis de libérer les investissements et heurtent le principe de protection de la confiance légitime. Elle indique notamment que si l’Arcep faisait droit aux demandes de Bouygues Telecom, alors une telle décision bouleverserait de facto le cadre réglementaire symétrique FttH existants et les équilibres économiques sur lesquels il repose, ce qui conduirait à remettre en cause les anticipations sur lesquelles Orange a fondé ses investissements.

En deuxième lieu, Orange soutient que les demandes de Bouygues Telecom ne sont ni équitables, ni raisonnables car elles conduiraient à transférer intégralement le risque économique sur l’opérateur d’infrastructure, ce  qui  n’est  pas réalisable  et  remettrait en cause  structurellement  les   principes fondamentaux de la mutualisation des réseaux FttH qui sont le non-discrimination, efficacité, pertinence et objectivité.

Orange indique proposer un outil d’aide à la prise de commande nommé TAO (pour « Translation d’Adresse Opérateur »), qui permet de donner accès à l’ensemble des informations disponibles dans les bases de données d’Orange, conformément aux spécifications Interop’Fibre lesquelles répondent aux obligations de la décision de l’Arcep n° 2015-0776 et aux besoins exprimés par les opérateurs commerciaux lors des réunions Interop’Fibre. Sur les prétendues défaillances de son système d’information, Orange renvoie aux conditions de son contrat relatif à la fourniture des e-service lequel ne prévoit pas une obligation de résultat pour le service TAO et estime que si l’outil peut présenter quelques incohérences, celles-ci sont normales pour un outil qui évolue régulièrement dans un but d’amélioration continue au bénéfice de tous les opérateurs.

Orange soutient ensuite que l’identification précise et univoque des logements, telle que le suggère Bouygues Telecom, n’est ni réalisable, ni applicable en pratique. Elle indique qu’il n’existe pas de normalisation visant à une identification sans équivoque un local à l’intérieur d’un immeuble. En tout état de cause, Orange considère que l’existence d’une base nationale des locaux, si tant est qu’elle puisse exister, ne résoudrait pas le problème de la construction abusive d’un CCF, qui est l’enjeu de ce différend. Orange ajoute qu’aucun acteur national, que ce soit dans le domaine des télécommunications ou dans d’autres domaines, n’a réalisé à ce jour un référencement des locaux. Orange indique notamment que le référencement des lignes cuivre mis en place par Orange montre selon elle que les tentatives d’identification des logements ne sont pas pérennes. En l’absence de normalisation, les processus de commandes ne peuvent être établis sur la description spatiale des locaux au sein des immeubles. Orange estime ainsi que demander à chaque opérateur d’infrastructure de réaliser un référencement des locaux ne serait ni efficace ni raisonnable.

Par ailleurs, Orange soutient que le partage de responsabilité tel qu’il ressort de la réglementation permet un équilibre entre l’opérateur d’infrastructure et les opérateurs commerciaux. Orange indique notamment que le bon fonctionnement du mode STOC suppose que l’opérateur d’infrastructure mette à la disposition des opérateurs commerciaux des outils nécessaires afin de fournir un accès aux lignes et assure des engagements des qualité de service. Orange ajoute que l’organisation du mode STOC et les protocoles Interop’Fibre confèrent nécessairement une part de responsabilité des aux opérateurs commerciaux. En effet, et selon Orange, les opérateurs commerciaux sont tenus d’identifier la ligne, cette identification reposant sur l’interrogation par l’opérateur commercial de son client final, notamment pour qualifier l’existence ou non d’une prise terminal optique (ci-après « PTO ») dans le local. Le contrat STOC prévoit ensuite l’obligation, en cas de découverte d’une prise existante, de ne pas procéder à une nouvelle construction et d’en informer l’opérateur d’infrastructure. Ainsi, Orange considère en substance que l’opérateur commercial détient une responsabilité afin d’assurer la viabilité de ce système, les moyens de contrôle de l’opérateur d’infrastructure ne lui permettant pas de maîtriser la situation chez le client final.

Orange soutient que son Contrat prévoit une tarification des CCF raisonnable et conforme aux principes édictés par l’Arcep, et que les tarifs relatifs aux CCF respectent notamment les principes d’objectivité, de non-discrimination, de pertinence et d’efficacité. Orange indique que la critique de Bouygues Telecom sur le prétendu défaut de prévisibilité ou de transparence du système tarifaire de l’offre d’accès d’Orange est totalement injustifiée, dans la mesure où l’ensemble des paramètres nécessaires au calcul sont décrits précisément dans le Contrat. Orange estime notamment que le système de tarification des CCF existant dans son offre d’accès est raisonnable et équilibré en ce qu’il fait peser sur chaque opérateur des risques et des incitations en rapport avec ses moyens d’actions et que la contribution financière de chaque opérateur reflète effectivement son usage du réseau.

Orange considère ensuite que les demandes de Bouygues Telecom conduiraient à faire porter à l’opérateur d’infrastructure un risque financier indu et disproportionné puisqu’il supporterait seul le risque lié à l’absence de reprise du CCF par un nouvel opérateur commercial. Orange considère   qu’il serait contreproductif de modifier les équilibres contractuels, les responsabilités et leviers d’efficacité étant répartis entre les opérateurs. Un tel transfert de risque engendrerait selon Orange une augmentation de l’assiette globale des coûts de raccordements, un contrôle renforcé et onéreux ainsi que la nécessaire répercussion des surcoûts dans les tarifs de l’opérateur d’infrastructure vers les opérateurs commerciaux qui serait probablement contestée.

Enfin, Orange considère que le système actuel des restitutions est vertueux et que les actions engagées pour l’améliorer portent leurs effets. Orange indique que le système de restitutions progresse en efficacité et que l’effort des opérateurs doit porter collectivement sur l’amélioration du taux de reprises des lignes existantes Orange indique notamment avoir mené des travaux, conjointement avec les opérateurs commerciaux, afin d’identifier les principales causes de dysfonctionnements et d’apporter des explications à l’absence de restitution à la suite de la résiliation d’une prise. Orange indique regretter que Bouygues Telecom privilégie une demande unilatérale, déraisonnable et inéquitable de modification du contrat.

Vu les courriers du 23 novembre 2021 par lequel la directrice des affaires juridiques de l’Autorité a

adressé aux parties le premier questionnaire des rapporteurs ;

Vu les observations en réplique, reçues à l’Autorité le 1er décembre 2021, présentées par la société Bouygues Telecom ;

Sur la compétence de l’Autorité et la recevabilité des demandes,

Bouygues Telecom maintient que l’Autorité est compétente et que ses demandes sont recevables et indique qu’Orange ne conteste pas l’existence et l’échec des négociations relatives à ses demandes.

Bouygues Telecom rappelle en substance que l’existence d’un cadre symétrique et que la création imminente d’un groupe de travail inter-opérateur sur la « fluidification de processus dans le cadre d’un changement d’opérateur » ne font pas obstacle à l’exercice par l’Arcep de son pouvoir de règlement de différend en l’espèce.

Sur le fond, Bouygues Telecom maintient ses demandes et complète son argumentation avec les éléments ci-dessous.

En premier lieu, Bouygues Telecom souligne que ses demandes ne sont pas contraires au cadre réglementaire.

Bouygues Telecom indique notamment que le raisonnement d’Orange repose sur une fausse interprétation du principe de mutualisation de la partie terminale de la fibre optique et des implications de ce principe en termes de partage des coûts. Elle considère qu’en aucun cas l’obligation de mutualisation découlant de l’article L. 34-8-3 du CPCE ne vient justifier le système contractuel imposé par Orange, lequel est, selon Bouygues Telecom, contraire aux principes de pertinence et de prévisibilité. En particulier, Bouygues Telecom indique que le dysfonctionnement des mécanismes d’indentification des lignes existantes rend le système imposé par Orange inopérant. D’une part, il n’est pas légitime de faire peser sur l’ensemble des opérateurs le poids de l’ensemble des surproductions, indépendamment du rôle individuel que ces opérateurs ont pu avoir dans la génération de ces surcoûts. D’autre part, il n’est pas pertinent selon Bouygues Telecom d’écarter Orange, en tant qu’opérateur d’infrastructure, de toute responsabilité. Autrement dit, Bouygues Telecom affirme que la mutualisation de la partie terminale des réseaux en fibre optique n’implique en aucun cas une mise en commun de l’ensemble des coûts et risques liés au déploiement dans l’immeuble. De plus, elle ajoute que le cadre réglementaire ne consacre pas l’existence d’une collectivité des opérateurs commerciaux qui devrait prendre en charge la totalité de ces coûts.

Bouygues Telecom considère qu’Orange cherche ouvertement à nier le droit de Bouygues Telecom à obtenir une restitution et qu’Orange ne respecte pas les principes tarifaires dans leurs relations en subordonnant la restitution des contributions aux frais de mise en service à la preuve de reprise de la ligne FttH par un autre opérateur commercial, alors même qu’Orange déclare ne pas disposer  d’une information fiable sur les reprises de raccordement client. A cet égard, Bouygues Telecom rappelle qu’il résulte des principes d’objectivité et pertinence que les opérateurs commerciaux n’ont pas à supporter les coûts d’infrastructure qui ne leur profitent pas ou dont ils n’ont pas usage ou qu’ils n’ont pas induits. De plus, Bouygues Telecom soutient qu’en application principe d’efficacité des investissements, il appartient à l’opérateur d’immeuble de retenir un schéma de déploiement qui corresponde à celui d’un opérateur efficace, notamment en évitant de dupliquer les ressources nécessaires au déploiement de la boucle locale optique. Selon Bouygues Telecom, Orange serait donc tenue d’établir une relation entre les tarifs, d’une part, et les coûts et le niveau des investissements, d’autre part. Bouygues Telecom ajoute enfin qu’il appartient à Orange de s’assurer que Bouygues Telecom bénéficie effectivement de ces principes, non seulement lorsqu’elle commande un raccordement client final, mais également au regard de la possibilité pour Bouygues Telecom, en tant qu’opérateur commercial cédant, de se voir restituer les frais de mise en service associés au CCF. Cette restitution constitue ainsi un élément à part entière de la tarification de l’accès.

Encore, Bouygues Telecom indique en substance que l’argumentation d’Orange selon laquelle elle n’aurait aucune responsabilité dans le dysfonctionnement des mécanismes de reprise des CCF au prétexte que l’opérateur commercial preneur intervient en mode STOC serait contraire au cadre réglementaire et constituerait une négation complète des obligations qui incombent à Orange en tant qu’opérateur d’infrastructure. Bouygues Telecom ajoute notamment que, dans le mode STOC, l’opérateur commercial n’intervient qu’en tant que sous-traitant de l’opérateur d’infrastructure, lequel demeure responsable des conditions de déploiement du réseau dont il est propriétaire et de la mise à disposition d’une information pertinente et fiable, en ayant la maîtrise du système d’information indispensable à la réalisation des opérations de raccordement.

Bouygues Telecom indique que, contrairement à l’argumentation d’Orange, cette dernière est bien tenue d’assurer une mise à disposition des informations aux opérateurs commerciaux dans l’outil d’aide à la prise de commande (ci-après « OAPC ») à la maille du local. Bouygues Telecom soutient également qu’Orange a bien la capacité d’assurer une telle localisation précise, faisant référence notamment aux données de « casage » disponibles sur son outil d’éligibilité sur la boucle locale cuivre dans son OAPC.

Bouygues Telecom estime également que les obligations de comptabilisation des coûts impliquent un suivi précis des déploiement et reprises de CCF (elle indique notamment à cet égard s’interroger sur les affirmations d’Orange qui prétend ne pas être en mesure de détecter les doublons physique ou virtuels et être dans l’incapacité de disposer d’une information fiable sur les opérations de raccordement client et d’en contrôler la réalisation, au regard de l’obligation de comptabilisation des coûts.

En deuxième lieu, Bouygues Telecom rappelle que ses demandes sont raisonnables et équitables.

A cet égard, Bouygues Telecom considère que le raisonnement d’Orange est erroné au regard du principe de pertinence qui ne justifierait pas que l’opérateur commercial cédant supporte les coûts en cas de surproductions. Selon elle, l’opérateur d’infrastructure reste responsable de la collecte d’information et de la bonne identification des lignes existantes, y compris dans le mode STOC. L’opérateur d’infrastructure est le seul responsable, notamment vis-à-vis de l’opérateur commercial cédant, d’un possible doublon empêchant la reprise de la ligne. Bouygues Telecom ajoute notamment que la modification des conditions contractuelles demandée est conforme aux principes d’efficacité, de pertinence et de partage des coûts, en ce qu’elle vise une meilleure répartition des coûts et des risques en fonction des responsabilités et des situations particulières de chaque opérateur. Ainsi, les demandes de Bouygues Telecom visent selon elle à une meilleure répartition des risques entre l’opérateur d’infrastructure, propriétaire et maître d’œuvre des opérations de raccordement et responsable de l’information ainsi que de l’efficience du système de commande, et l’opérateur commercial cédant, occupant temporaire qui cesse d’avoir l’usage de la ligne à la résiliation de cette dernière par le client final et qui n’a aucun lien contractuel avec l’opérateur commercial preneur.

Sur l’atteinte au principe de confiance légitime, Bouygues Telecom considère en substance qu’Orange ne démontre pas que les conditions jurisprudentielles tenant au respect du principe de confiance légitime issu du droit de l’Union européenne ne sont pas en l’espèce respectées. En outre, elle indique que la décision n° 2010-1312 de l’Arcep ainsi que l’avis n° 10-A-18 de l’Autorité de la concurrence ne constituent pas, au sens du droit de l’Union européenne, des assurances précises, inconditionnelles et concordantes de l’administration, qui ont pu faire naître dans le chef d’Orange des espérances fondées. Ces décisions ne se prononcent pour Bouygues Telecom ni sur le fait générateur des restitutions, ni sur le partage des coûts liées aux surproductions. Le moyen tiré donc de la méconnaissance du principe de confiance légitime est inopérant.

Enfin, sur l’atteinte à la stabilité du cadre réglementaire symétrique FttH, Bouygues Telecom considère qu’Orange soutient à tort que la demande de Bouygues Telecom n’apporterait aucune amélioration opérationnelle à ce mécanisme de restitution et risquerait au contraire de diminuer plus encore les incitations pour les opérateurs commerciaux de maximiser le taux de reprise de lignes lors de la commande d’un nouvel accès FttH. Bouygues Telecom indique que ses demandes permettront à Orange de pérenniser ses investissements dans les zones où elle est opérateur d’infrastructure sans bouleverser le cadre réglementaire symétrique FttH. Bouygues Telecom considère notamment que la modification du Contrat est un prérequis nécessaire pour rendre efficace et opérant le système financier et contractuel. Le nouveau mécanisme de restitution à la résiliation des contributions aux frais de mise en service proposé incitera Orange, selon Bouygues Telecom, à réaliser les contrôles nécessaires à l’égard des sous-traitants.

Vu les réponses des parties au premier questionnaire reçues à l’Autorité le 7 décembre 2021 ;

Vu les deuxièmes observations en défense, reçues à l’Autorité le 17 décembre 2021, présentées par la société Orange ;

Sur la compétence de l’Autorité et la recevabilité des demandes, Orange indique ne pas comprendre pourquoi Bouygues Telecom n’a pas saisi l’Arcep au titre de l’article L. 36-11 du CPCE, d’autant que le régulateur a eu à plusieurs reprises l’occasion de préciser qu’il ne lui appartenait pas de constater le respect ou non par un opérateur de ses obligations en règlement de différend.

Sur le fond, Orange maintient son argumentation et développe les éléments complémentaires ci- dessous.

En premier lieu, Orange rappelle que la demande de Bouygues Telecom n’est ni raisonnable, ni équitable.

Contrairement à Bouygues Telecom, Orange soutient notamment que la réglementation, notamment la décision n° 2015-0776 de l’Arcep, n’impose pas une obligation selon laquelle l’opérateur d’infrastructure devrait mettre en place un système permettant de localiser de manière certaine et univoque tous les logements raccordés à partir des seuls éléments de localisation fournis dans le système d’information et que cette localisation n’est pas possible. A cet égard, elle indique que la demande de Bouygues Telecom consiste à obtenir un droit qui correspond, en pratique, à une fiabilisation complète et à tout moment de l’information sur la présence ou non d’un PTO chez les clients, alors que seuls les opérateurs commerciaux peuvent interroger leurs clients finals à ce sujet. Orange indique que la demande de Bouygues Telecom revient notamment, selon elle, à lui faire supporter indûment les conséquences de l’impossibilité matérielle de définir une nomenclature unique décrivant de manière certaine et univoque la localisation de chaque logement dans un immeuble. Orange estime également se trouver dans l’impossibilité d’assurer qu’une telle nomenclature puisse être correctement mise en œuvre et utilisée par l’ensemble des acteurs, et ce d’une manière durable dans le temps.

De plus,  Orange  indique  qu’un  système  de  numérotation  de  logements  ne serait, d’une part, pas pérenne, et serait, d’autre part, matériellement irréaliste à mettre en place (par exemple du fait que cela nécessiterait qu’Orange intervienne auprès des syndicats ou propriétaires des habitations afin d’obtenir leur accord pour traiter avec un marquage physique les logements de son parc d’immeubles existants).

Orange rappelle notamment que la reprise correcte d’une PTO existante repose, avant tout, selon elle, sur la capacité du client final à communiquer la référence PTO à son opérateur commercial. A cet égard, Orange estime que cette communication est une prérogative exclusive de l’opérateur commercial prenant, afin d’identifier correctement l’existence d’une PTO dans le logement.

Orange indique également que les outils qu’elle met à disposition permettent bien la reprise des PTO existantes. Elle soutient que ce point n’est nullement contesté par Bouygues Telecom : dans le cadre du mode STOC, l’opérateur commercial cédant comme l’opérateur prenant peuvent selon elle facilement accéder à la ligne FttH.

En deuxième lieu, Orange souligne que Bouygues Telecom ne peut pas revendiquer un droit à restitution des contributions aux frais de mise en service du CCF qui conduirait à la mise en place d’un système dans lequel l’intégralité du risque est portée par Orange.

Orange soutient que le principe contractuel qu’elle a mis en place est conforme au cadre réglementaire et au principe de mutualisation. Orange ajoute notamment que son mécanisme contractuel de contribution-restitution, impliquant que les coûts soient affectés aux opérateurs qui les génèrent, répond bien au principe de pertinence. A contrario, la demande de Bouygues Telecom conduirait, selon Orange, à mettre en place un système de restitution automatique dans lequel Orange serait amené à supporter la quasi-intégralité des coûts de raccordement. Orange soutient également que son système de commande répond aussi au principe d’efficacité, dans la mesure où il permet effectivement aux opérateurs commerciaux d’accéder aux lignes FttH, de manière fluide, en reprenant les PTO existantes.

Enfin, Orange indique que l’acte de raccordement n’appelle pas de droit de restitution dans la mesure où il s’agit, comme le précise selon elle la décision n° 2010-1232 de l’Arcep, d’un acte commercial dont l’initiative revient à l’opérateur commercial qui a recruté un nouveau client. Orange indique que dans la décision précitée, l’Arcep a estimé que le système dans lequel l’opérateur commercial supporterait au moins 90 % des coûts pertinents du raccordement palier serait raisonnable, dans la mesure où l’utilisation du raccordement final apporte plus de valeur à l’opérateur commercial initial qu’aux autres opérateurs commerciaux. Orange ajoute notamment que le mécanisme actuel du Contrat revient à faire supporter à l’opérateur commercial initial un coût moyen de [SDA] € par raccordement, soit [SDA] % du coût initial du raccordement. Ce dernier taux est très inférieur au taux de 90 % précité et admis par l’Arcep.

Orange considère que la demande de Bouygues Telecom, visant à faire porter l’intégralité du risque sur le seul opérateur d’infrastructure, serait inéquitable et disproportionnée et irait à l’encontre du cadre réglementaire.

Vu les courriers du 21 décembre 2021 par lequel la directrice des affaires juridiques de l’Autorité  a

adressé aux parties le second questionnaire des rapporteurs ;

Vu les réponses des parties au second questionnaire enregistrées à l’Autorité le 13 janvier 2022 ;

Vu le courrier d’Orange du 17 janvier 2022 et la réponse de la directrice juridique du 21 janvier 2022 transmise à Bouygues Telecom le 24 janvier 2022 ;

Vu la décision n° 2022-0169-RDPI en date du 27 janvier 2022 par laquelle la formation de règlement des différends, de poursuite et d’instruction de l’Autorité a décidé de proroger le délai dans lequel elle doit se prononcer sur le différend ;

Vu les observations complémentaires reçues à l’Autorité le 1er février 2022, présentées par la société Bouygues Telecom ;

Sur le fond, Bouygues Telecom maintient son argumentation et développe les éléments complémentaires ci-dessous.

Bouygues Telecom considère notamment que l’analyse économique du cabinet Brattle produite par Orange dans ses réponses au second questionnaire des rapporteurs a pour finalité de contester le taux de restitution constaté par Bouygues Telecom ainsi que les hypothèses du modèle par Analysys Mason, en particulier celle d’un marché 100 % FttH à terme.

En premier lieu, Bouygues Telecom rappelle qu’il a présenté dans ses réponses au second questionnaire une vision par cohorte annuelle de résiliation par zone (zones très denses (ZTD) et zone moins dense (ZMD)) et que le taux de restitution est au maximum d’environ de [SDA] % pour certaines cohortes, contrairement à l’analyse du cabinet Brattle qui prévoit que le taux de restitution tend pour toutes les cohortes à [SDA] % avec une progression forte entre 2020 et 2021. Dès lors, Bouygues Telecom soutient que le taux de restitution global de [SDA] % qu'il a présenté dans ses différentes écritures ne saurait être trompeur.

En deuxième lieu, Bouygues Telecom indique que sur les zones dans lesquelles la fibre est déjà déployée et s’agissant des locaux où un raccordement FttH a déjà été réalisé, le marché actuel est dès aujourd’hui très proche d’un marché dit « 100 % FttH ». D’autre part, Bouygues Telecom considère que le taux de reprise d’un abonnement FttH dans un local d’ores et déjà équipé en FttH ne peut nullement être déterminé sur la base du taux national de pénétration du FttH. Ce dernier étant pris à une échelle nationale, il comprend des zones nouvellement déployées sur lesquelles les opérateurs commerciaux ne sont pas encore présents en FttH. Dès lors, le modèle d’Analysys Mason saurait s’être fondé sur des hypothèse « extrêmes » en se basant sur le scénario d’un marché 100 % FttH.

Vu les courriers en date du 9 février 2022, par lesquels les sociétés Bouygues Telecom et Orange ont été invitées à participer à une audience devant la formation de règlement des différends, de poursuite et d’instruction de l’Autorité le 10 mars 2022, et informées que la clôture d’instruction de la présente affaire était fixée au 23 février 2022 ;

Vu les troisièmes observations en défense, reçues à l’Autorité le 22 février 2022, présentées par la société Orange ;

Sur le fond, Orange maintient son argumentation et développe les éléments complémentaires ci- dessous.

En premier lieu, à l’appui d’un graphique produit à partir des propres données de Bouygues Telecom, Orange soutient notamment que le taux de reprise des CCF resiliés depuis plus d’un an, à fin août 2021, est très supérieur au taux de [SDA] % avancé par Bouygues Telecom. Orange constate également que ce constat est valable pour l’ensemble des opérateurs commerciaux. La demande de Bouygues Telecom repose donc essentiellement selon elle sur un postulat erroné.

En deuxième lieu, Orange considère que, contrairement à ce que soutient Bouygues Telecom, les hypothèses du modèle Analysys Mason sont théoriques et inadaptées à l’analyse de la situation actuelle du marché du FttH. Orange indique notamment qu’en réalisant une comparaison entre les projections du modèle d’Analysys Mason et les données réelles du marché relatives à la ZTD, et en tenant compte du taux de doublon avancé par Bouygues Telecom, le modèle d’Analysys Mason apparaît incompatible avec la réalité des reprises observées. Orange soutient que les données disponibles confirment qu’il ne peut être déterminé avec certitude à quel niveau le taux de reprise plafonnera à l’avenir. Dès lors, elle estime que l’approche de Bouygues Telecom conduirait in fine à faire anormalement supporter à l’opérateur d’infrastructure un coût de vacance des CCF lié, non pas aux constructions en doublon, mais en réalité à une maturité de marché inférieure à celle supposée par Bouygues Telecom, sans aucune contrepartie.

Vu les autres pièces du dossier ;

Après avoir entendu le 10 mars 2022, lors de l'audience devant la formation de règlement des différends, de poursuite et d’instruction de l’Autorité, composée de Mme Laure de la Raudière, présidente, M. Serge Abiteboul, Mme Joëlle Cottenye, Mme Monique Liebert-Champagne, membres de l’Autorité et en la présence de Mme Cécile Dubarry, directrice générale de l’Autorité, de Mme Jennifer Corradi, rapporteur, de M. Olivier Corolleur, Mme Elisabeth Suel, Mme Anne Yvrande-Billon, M. Rémy Maecker, Mme Anne-Lou Roguet, et Mme Stéphanie Demesse, agents de l’Autorité, et des représentants de la société Bouygues Telecom et de la société Orange :

-  le rapport de Mme Jennifer Corradi, présentant les conclusions des parties ;

-  les observations des représentants de la société Bouygues Telecom ;

-  les observations des représentants de la société Orange.

Sur la publicité de l’audience,

L'article 14 du règlement intérieur susvisé prévoit que « l’audience est publique, sauf demande conjointe de toutes les parties. Si cette demande n’est pas conjointe, la formation de règlement des différends, de poursuite et d’instruction de l'Autorité en délibère ».

Par un courriel en date du 17 février 2022, la société Bouygues Telecom a demandé à ce que l’audience ne soit pas publique. Par un courriel en date du 24 février 2022, la société Orange a indiqué ne pas s’opposer à ce que l’audience soit publique. Lors de l’audience, Orange a indiqué être d’accord avec la demande de Bouygues Telecom tendant à ce que l’audience ne soit pas publique.

En conséquence, l’audience n’a pas été publique.

La formation de règlement des différends, de poursuite et d’instruction de l’Autorité (composée de Mme Laure de la Raudière, présidente, M. Serge Abiteboul, Mme Joëlle Cottenye, Mme Monique Liebert-Champagne, membres de l’Autorité), en ayant délibéré le 29 mars 2022 en la seule présence de ses membres, adopte la présente décision.

 

1 Contexte général

 

1.1 Présentation des parties

 

La société Bouygues Telecom est un opérateur de communications électroniques, créé en 1994 et actuellement détenu à 90,5 % par la société anonyme Bouygues SA, présent sur les marchés du haut et très haut débit fixes et mobiles en tant qu’opérateur de détail.

Bouygues Telecom est actuellement le 4e opérateur fixe avec une part de marché qu’elle revendique  à 13,4 %. Au 1er trimestre 2021, elle revendique ainsi 4,26 millions d’abonnés haut et très haut débit fixe, dont 1,790 millions d’abonnés FttH1.

La société Orange est le principal opérateur de gros et de détail présent sur les marchés du haut et du très haut débit fixes. Orange a en particulier été de nouveau reconnue en 2020 par l’Autorité comme exerçant une influence significative sur les marchés 3a, 3b et 4 pour le cycle d’analyse de marché 2020- 20232.

Au 1er trimestre 2021, Orange disposait en France d’un parc d’abonnés FttH de 4,9 millions de clients sur le territoire3. En ce qui concerne les déploiements de ses réseaux FttH, Orange indique compter 24,4 millions de foyers raccordables éligibles au FttH en France au 1er trimestre 20214.

1.2 Le raccordement final

La construction de l’infrastructure FttH s’organise en plusieurs étapes.

Dans un premier temps, l’opérateur d’infrastructure déploie les infrastructures de distribution (du point de mutualisation au point de branchement optique, ci-après « PBO ») et le cas échéant de transport (du nœud de raccordement optique au point de mutualisation), ce qui permet de rendre le local raccordable. Puis, le raccordement final permet de relier la prise terminale optique (ci-après « PTO ») de l’utilisateur final, située à l’intérieur d’un logement ou local professionnel, au PBO associé au local. Pour les immeubles collectifs, le PBO peut être situé dans les étages, tandis que pour les immeubles individuels, il se trouve généralement à l’extérieur, sur un poteau, une façade, dans une borne ou dans une chambre de génie civil, à proximité immédiate des logements ou locaux à usage professionnel. Le raccordement final de l’abonné au réseau constitue ainsi la dernière étape du déploiement, indispensable pour relier l’utilisateur final au réseau FttH.

La construction de cette partie terminale du réseau n’est généralement pas réalisée directement lors du déploiement initial du réseau, mais au fur et à mesure de la souscription des abonnés aux offres de détail.

Le raccordement final est effectué, à la demande de l’opérateur commercial, par l’opérateur d’infrastructure (mode « OI ») ou par l’opérateur commercial en sous-traitance de l’opérateur commercial, également appelée réalisation du raccordement final en « mode STOC ». Aujourd’hui, les opérations de raccordement final sont dans leur grande majorité réalisées en mode STOC. Le mode OI est quant à lui principalement mobilisé par des opérateurs commerciaux qui souscrivent à des offres activées mais dont la part de marché reste faible 5

L’opérateur commercial qui demande à l’opérateur d’infrastructure la mise à disposition d’un raccordement final est alors redevable auprès de ce dernier d’une contribution financière.

Compte tenu de la dynamique du marché FttH, plusieurs opérateurs commerciaux peuvent se succéder pour l’utilisation du raccordement final d’un logement. Lorsque le client souscrit une offre FttH pour la première fois dans un local, une prise FttH est construite, en mode OI ou en mode STOC. Puis, lorsque le client final change d’opérateur (churn), le nouvel opérateur commercial dit « prenant » reprend le raccordement final libéré par l’opérateur commercial précédant dit « sortant ». L’opérateur commercial « sortant » n’a alors plus l’usage du raccordement final en cas de déménagement du client final du logement raccordé.

 

2 Sur la compétence de l’Autorité et la recevabilité des demandes

Bouygues Telecom a saisi la formation RDPI de l’Autorité de demandes relatives au contrat d’accès aux Lignes FttH d’Orange signé entre la société Orange et la société Bouygues Telecom le 3 juillet 2019 (ci- après « Contrat »). Le Contrat susmentionné prévoit notamment les modalités de l’accès à la partie terminale des lignes de communications électroniques à très haut débit en fibre optique installées en partie ou en totalité par Orange. Les demandes de Bouygues Telecom concernent uniquement les lignes déployés par Orange en zones très denses et portent sur les modalités des restitutions des contributions aux frais de mise en service. Bouygues Telecom demande en particulier :

- la modification du fait générateur de restitution des contributions aux frais de mise en service à la résiliation de la ligne FttH par Bouygues Telecom, avec effet rétroactif au 23 juillet 2021 ;

- la modification de la formule de calcul des restitutions des contributions aux frais de mise en service, intégrant deux nouveaux paramètres : délai de vacance entre [5 ; 6] mois et taux de CCF repris entre [97,5 ; 98,5] %, avec effet rétroactif au 23 juillet 2021.

 

2.1 Sur la compétence de l’Autorité pour connaître des modalités de restitution des contributions aux frais de mise en service

 

Sur le fondement des dispositions du I de l’article L. 36-8 du CPCE, l’Autorité peut être saisie pour se prononcer sur un différend « [e]n cas de refus d’accès ou d’interconnexion, d’échec des négociations commerciales ou de désaccord sur la conclusion ou l’exécution d’une convention d’interconnexion ou d’accès  à  un réseau  de  communications  électroniques  […]. Sa  décision est  motivée  et  précise  les conditions équitables, d’ordre technique et financier, dans lesquelles l’interconnexion ou l’accès doivent être assurés ».

De plus, selon l’article L. 34-8-3 du CPCE :

« […] L'accès est fourni dans des conditions transparentes et non discriminatoires en un point déterminé par l'Autorité de régulation des communications électroniques, des postes et de la distribution de la presse, situé, sauf dans les cas définis par l'Autorité de régulation des communications électroniques, des postes et de la distribution de la presse, hors des limites de propriété privée et permettant le raccordement effectif d'opérateurs tiers, à des conditions économiques, techniques et d'accessibilité raisonnables. […]

III.- L'accès fourni conformément au I, et le cas échéant au II, fait l'objet d'une convention entre les personnes concernées. Celle-ci détermine les conditions techniques et financières de l'accès. Elle est communiquée à l'Autorité de régulation des communications électroniques, des postes et de la distribution de la presse à sa demande. […]

Les différends relatifs à la conclusion ou à l'exécution de la convention prévue au présent article sont soumis à l'Autorité de régulation des communications électroniques, des postes et de la distribution de la presse conformément à l'article L. 36-8 ».

Le II de l’article L. 36-8 du même code précise que : « En cas d’échec des négociations, l’Autorité de régulation des communications électroniques, des postes et de la distribution de la presse peut également être saisie des différends portant sur : 2°bis [l]a mise en œuvre des obligations des opérateurs prévues par le présent titre et le chapitre III du titre III, notamment ceux portant sur la conclusion ou l’exécution (…) de la convention d’accès prévue à l’article L. 34-8-3 ».

Il résulte de l’ensemble de ces dispositions que l’Autorité est compétente pour connaitre d’un différend, en cas d’échec des négociations, portant sur la conclusion ou l’exécution d’une convention d’accès prévue à l’article L. 34-8-3 du CPCE.

En l’espèce, Bouygues Telecom demande que soient modifiées les conditions d’exécution de l’offre d’accès à la partie terminale des lignes de communications électroniques à très haut débit en fibre optique en zones très denses d’Orange. Un différend portant sur l’exécution d’un tel contrat conclu en application de l’article L. 34-8-3 entre donc, selon lui, dans le champ de compétence de l’Autorité.

Orange ne soulève aucune incompétence de l’Arcep sur les demandes de Bouygues Telecom au titre de l’article L. 36-8 du CPCE.

Aux termes des articles L. 36-8 et L. 34-8-3 du CPCE, l’Autorité est compétente pour régler les différends nés des conventions d’accès, dans la mesure où ils portent sur des clauses relatives aux modalités financières et techniques de l’accès. Dès lors qu’une clause litigieuse a un lien, même indirect, avec les conditions d’exécution de la prestation d’accès, l’Autorité est compétente pour se prononcer.

La convention d’accès prévue à l’article L. 34-8-3 du CPCE « détermine les conditions techniques et  financières de l’accès » à une ligne à très haut débit en fibre optique, qui doivent être transparentes et non discriminatoires pour permettre le raccordement effectif d’opérateurs tiers à des conditions économiques, techniques et d’accessibilité raisonnables.

La décision n° 2015-0776 de l’Arcep sur les processus techniques et opérationnels de la mutualisation des réseaux de communications électroniques à très haut débit en fibre optique est venue encadrer les modalités définies par les opérateurs d’infrastructure pour la mise à disposition des réseaux de communications électroniques à très haut débit en fibre optique aux opérateurs commerciaux et notamment des conditions de réalisation du raccordement6.

Enfin, l’Autorité a également considéré dans sa décision en date du 16 novembre 2010 se prononçant sur une demande de règlement de différend opposant les sociétés Bouygues Telecom et France Télécom, que : : « les modalités du raccordement palier font partie intégrante des modalités techniques et ou tarifaires de l’accès. Par conséquent l’autorité est compétente pour se prononcer sur cette question »7.Cette compétence n’a été ni remise en cause par la Cour d’Appel de Paris ni par la Cour de Cassation8.

En l’espèce, les demandes de Bouygues Telecom portent sur la modification dans le Contrat conclu avec Orange du fait générateur de restitution des contributions aux frais de mise en service à la résiliation de la ligne FttH par Bouygues Telecom ainsi que de sa formule de calcul. Au titre du Contrat susmentionné, l’Autorité relève que la prestation de mise à disposition de la ligne FttH avec câblage client final est conditionné au versement d’une contribution de mise en service9. Dès lors, l’Autorité considère que les clauses du Contrat relatives à la restitution des frais de mise en service dont il est demandé la modification par Bouygues Telecom sont indissociablement liées aux modalités d’accès aux lignes déployées du réseau FttH visées à l’article L. 34-8-3 du CPCE, objet du contrat. Les modalités techniques et tarifaires du raccordement final et en particulier celles relatives à la restitution des contributions des frais de mises en service raccordements finals font donc partie intégrante des modalités techniques et tarifaires de l’accès.

Par ailleurs et contrairement à ce qu’Orange semble insinuer dans ses écritures10, le fait que Bouygues Telecom n’ait pas fait de demande d’ouverture d’une procédure sur le fondement de l’article L. 36-11 du CPCE est sans incidence sur la compétence de l’Arcep pour connaître de la présente procédure de règlement de différend.

Par suite, et conformément aux articles L. 36-8 et L. 34-8-3 du CPCE, l’Autorité est compétente pour

se prononcer sur l’ensemble des demandes dont elle est saisie par Bouygues Telecom.

 

2.2        Sur la recevabilité des demandes formulées par Bouygues Telecom

 

Dans le cadre de l’appréciation de la recevabilité du différend dont elle est saisie, il revient à l’Autorité de s’assurer que la condition tenant à l’échec des négociations prévue à l’article L. 36-8 du CPCE est remplie, et ce, au regard des échanges intervenus entre les parties avant sa saisine.

Par courrier du 16 juillet 202011, Bouygues Telecom a demandé la fixation de nouvelles règles relatives au calcul des restitutions des contributions aux frais de mise en service des raccordements finals, et la régularisation des restitutions pour la période allant de la date d’entrée en vigueur du contrat jusqu’au 30 juin 2020.

Par courrier du 3 septembre 202012, Orange a opposé un refus à cette demande, en soulignant que

« Bouygues Telecom ne fournit aucune justification de la reprise effective des [SDA] à [SDA]% de PTO existantes dont Bouygues Telecom était le premier OC titulaire et qui à date n’ont pas fait l’objet d’une nouvelle commande par un autre OC, qu’un accord entre Orange et Bouygues Telecom devrait nécessairement prendre en compte la responsabilité partagée de l’ensemble des OC, y compris Bouygues Telecom, qui ont réalisé des constructions « à tort » dans des cas où un reprise de PLP aurait été possible. »

Par courrier du 31 mars 202113, Bouygues Telecom a mis en demeure Orange : « de modifier le Contrat afin qu’à compter du 1er mai 2021, la restitution des contributions aux frais de mise en service associée à chaque CCF résilié se fasse à la résiliation par Bouygues Telecom, à une valeur d’au moins 98% de la valeur résiduelle, telle que définie précédemment, correspondant à un délai moyen de vacance d’au maximum 6 mois. »

Par courrier du 7 mai 202114, Orange en réponse au courrier du 31 mars 2021, a refusé cette modification, en opposant à Bouygues Telecom qu’elle « n’apporterait aucune amélioration opérationnelle et risquerait même de diminuer les incitations pour les opérateurs commerciaux de maximiser le taux de reprise de lignes lors de la commande d’un nouvel accès FttH ».

Par courrier du 23 juillet 202115, Bouygues Telecom a réitéré sa demande de modification contractuelle et précise que « […] le calcul de la valeur résiduelle des contributions aux frais de mise en service devant être restituées lors de la résiliation de la ligne par Bouygues Telecom devra exclusivement intégrer les paramètres suivants fixés sur la durée d’amortissement de vingt ans : un délai moyen de vacance statistique et le taux moyen associé de CCF repris, calculé sur vingt ans (« taux de CCF repris » ). Nous considérons que les fourchettes de valeur à attribuer à ces deux paramètres sont les suivantes : le délai moyen de vacances s’élève entre cinq et six mois ; le taux de CCF repris au bout de vingt ans s’élève à 97,5% pour un délai moyen de vacance de cinq mois ou à 98,5%, pour un délai moyen de vacance de six mois ».

Par courrier du 15 septembre 202116, Orange en réponse au courrier du 23 juillet 2021 a opposé un refus dans des termes similaires à ceux de son courrier du 7 mai 2021 tout en ajoutant que : « cette demande qui impacte le mécanisme des restitutions pour l’ensemble des acteurs du marché FTTH (opérateurs d’infrastructure et opérateurs commerciaux) équivaudrait à une remise en cause complète du modèle économique mis en place sur le marché FTTH, ce qui n’est pas envisageable dans une relation bilatérale ».

Par courrier du 15 septembre 202117 également, Bouygues Telecom a constaté « […] qu’Orange refuse une nouvelle fois de faire droit aux demandes de Bouygues Telecom » et considère que « […] les négociations en vue de modifier le Contrat ont échoué et en [tire] toutes les conséquences juridiques qui s’imposent, notamment par une saisine de l’ARCEP en règlement des différends sur le fondement de l’article L. 36-8 du code des postes et des communications électroniques ».

Par courrier du 16 septembre 202118, Orange a contesté tout échec des négociations, en soulignant qu’elle avait bien répondu au dernier courrier de Bouygues Telecom, tout en renvoyant aux arguments développés dans son courrier du 15 septembre pour opposer un nouveau refus aux demandes de Bouygues Telecom. Orange a indiqué également « rester à disposition pour discuter de manière constructive du sujet des restitutions que ce soit dans le cadre de nos nombreux échanges bilatéraux ou dans le cadre de la mise en place, sous l’égide de l’ARCEP, du groupe de travail « Fluidification des processus dans le cadre du changement d’opérateur ».

Par courrier du 12 octobre 202119, Bouygues Telecom en réponse aux courriers des 15 et 16 septembre 2021, a constaté que « bien que vous prétendiez être ouverts à des discussions, vos courriers confirment le rejet constant d’Orange d’accueillir les demandes de modifications contractuelles qui lui ont été formulées – à de nombreuses reprises – par Bouygues Telecom » et a informé Orange qu’elle n’a d’autre choix que de mettre en œuvre les procédures appropriées en vue d’obtenir la modification du Contrat afin de le rendre efficace et équitable.

A titre liminaire, l’Autorité estime qu’Orange n’est pas fondée à reprocher à Bouygues Telecom l’introduction de sa saisine alors qu’un groupe de travail « Fluidification des processus dans le cadre du changement d’opérateur » allait être lancé de manière imminente20. La tenue de ce groupe de travail ne saurait en effet faire obstacle à la possibilité qui est offerte par l’article L. 36-8 du CPCE aux opérateurs de communications électroniques de saisir l’Autorité d’une demande de règlement de différend et, par voie de conséquence, sur l’examen, en l’espèce, de la recevabilité de la demande de règlement de différend de Bouygues Telecom.

Il apparaît donc que Bouygues Telecom a demandé, à plusieurs reprises, à Orange des évolutions contractuelles dans des termes quasiment identiques aux demandes B1, B2 et B3 telles que formulées dans la saisine et qu’Orange a refusé de faire droit à ces demandes ou n’y a pas répondu.

Dans ces conditions, et compte tenu de l’ensemble des échanges intervenus entre les parties et rappelés ci-avant, l’Autorité considère que l’échec des négociations sur l’ensemble des demandes est avéré, ce que n’a pas contesté Orange dans le cadre de l’instruction.

 

2.3  Sur la détermination de la date de début de la période couverte par le différend s’agissant des demandes de Bouygues Telecom

 

Bouygues Telecom demande à l’Autorité de faire appliquer les modifications demandées, à partir du 23 juillet 2021, courrier dans lequel, elle demande à Orange de modifier le Contrat « afin que le seul fait générateur des restitutions des contributions aux frais de mise en service des CCF, pour les lignes existantes/actives ou à construire, soit la résiliation de la ligne FTTH par Bouygues Telecom pour 100% des CCF résiliés quel que soit la date de création de la ligne […] 21».

Conformément à l’article L. 36-8 du CPCE « […] l’autorité peut, à la demande de la partie qui la saisit, décider que sa décision produira effet à une date antérieure à sa saisine, sans toutefois que cette date puisse être antérieure à la date à laquelle la contestation a été formellement élevée par l'une des parties pour la première fois et, en tout état de cause, sans que cette date soit antérieure de plus de deux ans à sa saisine […] ».

En l’espèce, les demandes faites le 23 juillet 2021 par Bouygues Telecom portent bien sur un objet identique, à savoir la modification des dispositions du fait générateur des restitutions des contributions aux frais de mise en service à la date de la résiliation de la ligne FttH par Bouygues Telecom et sa formule de calcul.

Par conséquent, au regard des circonstances de l’espèce, les demandes de Bouygues Telecom sont recevables en tant qu’elles portent sur une période débutant le 23 juillet 2021, ce que ne conteste pas Orange.

 

 3 Rappel du cadre juridique applicable

La loi de modernisation de l’économie n° 2008-776 du 4 août 2008 a fixé le cadre juridique de la régulation de la partie terminale des réseaux en fibre optique jusqu’à l’abonné, en instaurant un principe de mutualisation de la partie terminale des réseaux entre opérateurs. L’article L. 34-8-3 du CPCE dispose ainsi que :

« Toute personne établissant ou ayant établi dans un immeuble bâti ou exploitant une ligne de communications électroniques à très haut débit en fibre optique permettant de desservir un utilisateur final fait droit aux demandes raisonnables d'accès à ladite ligne et aux moyens qui y sont associés émanant d'opérateurs, en vue de fournir des services de communications électroniques à cet utilisateur final.

L’accès est fourni dans des conditions transparentes et non discriminatoires en un point [...] permettant le raccordement effectif d’opérateurs tiers, à des conditions économiques, techniques et d’accessibilité raisonnables. [...] Tout refus d’accès est motivé.

L’accès […] fait l’objet d'une convention entre les personnes concernées. Celle-ci détermine les conditions techniques et financières de l'accès [...].

Pour réaliser les objectifs définis à l’article L. 32-1, et notamment en vue d’assurer la cohérence des déploiements et une couverture homogène des zones desservies, l’autorité peut préciser, de manière objective, transparente, non discriminatoire et proportionnée, les modalités de l’accès prévu au présent article».

En application de ces dispositions, l’Arcep a précisé les modalités de l’accès aux lignes FttH par quatre décisions réglementaires :

- la décision n° 2009-1106 en date du 22 décembre 2009 précisant les modalités de l’accès aux lignes de communications électroniques à très haut débit en fibre optique et les cas dans lesquels le point de mutualisation peut se situer dans les limites de la propriété privée22 ;

- la décision n° 2010-1312 en date du 14 décembre 2010 précisant les modalités de l’accès aux lignes de communications électroniques à très haut débit en fibre optique sur l’ensemble du territoire à l’exception des zones très denses ;

- la décision n° 2015-0776 en date du 2 juillet 2015 sur les processus techniques et opérationnels de la mutualisation des réseaux de communications électroniques à très haut débit en fibre optique ;

- la décision n° 2020-1432 en date du 8 décembre 2020 précisant les modalités de l’accès   aux lignes de communications électroniques à très haut débit en fibre optique.

L’article 1 de la décision n° 2009-1106 définit la notion de « ligne de communications électroniques à très haut débit en fibre optique » ou « ligne » comme « une liaison passive d’un réseau de boucle locale à très haut débit constituée d’un ou de plusieurs chemins continus en fibres optiques et permettant de desservir un utilisateur final ».

L’article 2 de la décision n° 2009-1106 impose à l’opérateur d’immeuble d’offrir aux autres opérateurs un accès passif aux lignes « dans des conditions raisonnables et non discriminatoires » et prévoit  que « [l]’accès aux lignes proprement dites s’accompagne de la mise à disposition des ressources nécessaires associées à la mise en œuvre effective de l’accès dans des conditions raisonnables et non discriminatoires […] ».

L’Autorité a également précisé les conditions tarifaires de l’accès aux lignes FttH à l’article 3 de la décision n° 2009-1106. Ces dispositions prévoient ainsi que « les conditions tarifaires de l’accès au point de mutualisation doivent être raisonnables et respecter les principes de non-discrimination, d’objectivité, de pertinence et d’efficacité ».

L’Autorité a précisé dans les motifs de la décision n° 2009-1106 la portée des principes tarifaires visés ci-dessus :

- « le principe de non-discrimination : un traitement discriminatoire d’opérateurs se trouvant dans des situations similaires aurait pour conséquence d’affaiblir la dynamique concurrentielle sur le marché de détail, en favorisant artificiellement une situation ou un choix stratégique ;

- le principe d’objectivité : la tarification mise en œuvre par l’opérateur doit pouvoir être justifiée à partir d’éléments de coûts clairs et opposables ;

- le principe de pertinence : les coûts doivent être supportés par les opérateurs qui les induisent ou ont usage des infrastructures ou prestations correspondantes ; ainsi, l’opérateur d’immeuble ne doit pas supporter de coûts induits par la pose de fibres supplémentaires pour d’autres opérateurs ; en outre, ce principe appelle une cohérence entre partage des coûts et partage des revenus ultérieurs éventuels liés à l’accueil d’opérateurs se raccordant ultérieurement à l’immeuble ;

- le principe d’efficacité des investissements : les coûts pris en compte doivent correspondre à ceux encourus par un opérateur efficace ; il convient donc que l’opérateur d’immeuble ne fasse pas supporter de coûts indus ou excessifs aux opérateurs tiers » (soulignements ajoutés).

Enfin, les motifs de la décision n° 2009-1106 précisent notamment que « [l]’accès aux lignes inclut également les prestations nécessaires pour la gestion et la maintenance des accès ».

Par ailleurs, les décisions n° 2009-1106 et n° 2010-1312 mettent en avant le besoin de prévisibilité des opérateurs commerciaux, à travers plusieurs dispositions, qu’il s’agisse des obligations de transparence (publication des offres) ou des obligations tarifaires.

Dans les motifs de la décision n° 2009-1106 se rapportant à l’obligation de publication des offres d’accès mentionnée à l’article 4 de cette même décision, il est indiqué que l’existence et la publication d’une offre d’accès doit notamment « permettre d’apporter de la visibilité et de la stabilité aux opérateurs dans l’élaboration de leurs plans de développement ». Il est ajouté que « [l]es opérateurs tiers ont besoin, lors de l’élaboration de leurs plans d’affaires et de leurs stratégies techniques et commerciales, de disposer d’une bonne visibilité sur les conditions techniques et tarifaires proposées par l’opérateur d’immeuble »23. (soulignements ajoutés)

Dans les motifs de la décision n° 2009-1106 se rapportant aux conditions tarifaires de l’accès, l’Autorité indique « partage[r] pleinement l'analyse de la Commission concernant la nécessité d'un niveau de prévisibilité suffisant pour permettre à l’ensemble des opérateurs, et notamment à ceux souhaitant s’engager dans le co-investissement, de construire des plans d’affaires précis. Pour s’engager dans des projets d’investissement ou de co-investissement aussi importants, les opérateurs ont besoin d’une certaine visibilité sur les coûts qu’ils encourront et sur les recettes qu’ils percevront »24.

Le cadre réglementaire de l’accès aux lignes FttH au travers de la décision n° 2015-0776 du 2 juillet 2015 précise que « l’obligation d’accès aux lignes de communications électroniques à très haut débit en fibre optique porte sur la partie de la ligne comprise entre le point de mutualisation, ou le PRDM le cas échéant, et le dispositif de terminaison intérieur optique. L’opérateur d’immeuble étant tenu de s’assurer du respect de cette obligation, il est donc responsable de la ligne de communications électroniques à très haut débit en fibre optique de bout en bout, c’est-à-dire du point de mutualisation jusqu’au dispositif de terminaison intérieur optique (DTIO) »25.

L’article 17 de la décision dispose ainsi notamment que « [l]’opérateur d’immeuble inclut dans son offre d’accès une prestation de construction du raccordement final à la demande d’un opérateur commercial. Les modalités tarifaires de cette offre sont raisonnables et respectent les principes d’objectivité, de pertinence, de non-discrimination et d’efficacité. […] »

Aux termes de l’article 18 : « L’offre d’accès aux lignes de l’opérateur d’immeuble inclut une prestation de maintenance des lignes actives. »

L’article 19 précise que « Toute commande d’accès sur un réseau de communications électroniques à très haut débit en fibre optique fait l’objet d’une prise de commande d’accès envoyée à l’opérateur d’immeuble par un opérateur commercial, d’un compte-rendu de commande d’accès et d’un compte- rendu de mise à disposition de la ligne, sauf dans les cas où la commande est annulée par l’opérateur commercial ou fait l’objet d’un rejet de commande de la part de l’opérateur d’immeuble […] »

L’article 20 prévoit que « L’opérateur d’immeuble fournit aux opérateurs qui souhaitent accéder aux lignes un outil d’aide à la prise de commande qui fournit des informations sur les lignes raccordables et les lignes existantes.

Le contenu et les modalités de mise à disposition de l’outil d’aide à la prise de commande sont décrits à l’Annexe 6. »

L’article 21 indique quant à lui que : « Lors de la construction d’une ligne, l’opérateur d’immeuble   lui attribue un identifiant. […] Lorsque l’opérateur d’immeuble mandate un tiers, notamment l’opérateur commercial, pour réaliser certaines opérations, il s’assure du respect des dispositions du présent article. » (soulignement ajouté)

Pour ce qui concerne la réalisation du raccordement final, l’opérateur commercial souhaite en effet parfois réaliser lui-même l’opération (également appelée réalisation du raccordement final en mode STOC)26, considérant cette prestation comme étant indissociable de la relation commerciale avec le client final et profitant de ce rendez-vous pris avec ce dernier pour mettre en service les équipements nécessaires à la fourniture du service, une fois la continuité optique établie.

Proposée dans les contrats d’accès des opérateurs d’infrastructure, la réalisation du raccordement final en mode STOC s’inscrit dans une relation de sous-traitance dans laquelle l’opérateur commercial est mandaté par l’opérateur d’infrastructure pour la construction du raccordement final, dans le respect des spécifications techniques d’accès au service prévues par l’opérateur d’infrastructure.

À cet égard, les motifs de la décision de 2015 précitée indiquent que l’opérateur d’infrastructure demeure responsable du réseau déployé : « [c]e mode de fonctionnement, s’il permet d’éviter qu’un opérateur d’immeuble intégré s’immisce dans la relation commerciale entre l’opérateur commercial et son client, pose également le risque de créer une confusion sur la responsabilité de l’opérateur d’immeuble vis-à-vis du raccordement final. Bien que les opérateurs commerciaux cherchent souvent à obtenir la plus grande autonomie possible sur la gestion de ce segment de réseau, y compris pour sa maintenance,  il  appartient  à  l’opérateur  d’immeuble  de  s’assurer  du  respect  des    spécifications techniques  d’accès  au  service  dont  il  demeure  responsable,  en  particulier  lors  des  changements  d’opérateur de détail ou d’activations de lignes existantes. À titre d’exemple, un marquage manquant ou erroné sur un DTIO ou des soudures non réalisées dans de cas d’une ingénierie multifibres peuvent s’avérer problématiques pour la vie du réseau »27  (soulignement ajouté).

 

Ainsi, et au regard de l’ensemble des éléments exposés ci-avant, il ressort tant des dispositions du CPCE et en particulier de l’article L. 34-8-3 que du cadre symétrique, que l’opérateur d’infrastructure a l’obligation de fournir un accès à des conditions économiques et techniques raisonnables et prévisibles, y compris sur le segment du raccordement final, et est responsable de ses déploiements jusqu’à l’abonné. La circonstance que le raccordement final soit réalisé en mode OI, à savoir par l’opérateur d’infrastructure lui-même ou par un prestataire sous-traitant qu’il a désigné, ou en mode STOC, à savoir par l’opérateur commercial en tant que sous-traitant de l’opérateur d’infrastructure, est sans effet sur la responsabilité de l’opérateur d’infrastructure sur le réseau FttH déployé ou en cours de déploiement.

 

 4 Sur les demandes de Bouygues Telecom concernant la modification du fait générateur de la restitution des contributions aux frais de mise en service à la date de la résiliation de la ligne FttH

 

 4.1 Rappel des demandes

 

La demande concernant la restitution des contributions aux frais de mise en service à la date de la résiliation de la ligne FttH formulée par Bouygues Telecom est la suivante :

« Enjoindre à Orange de transmettre à Bouygues Telecom dans un délai d’un (1) mois à compter de la notification de la décision de règlement de différend à intervenir un avenant au Contrat d’accès à la partie verticale des réseaux d’Orange conclu entre Bouygues Telecom et Orange le 3 juillet 2019, intégrant les modifications suivantes :

B1/ L’avenant devra modifier l’article 13.4.2 des conditions générales afin de :

i/ supprimer le principe selon lequel le versement par Orange des restitutions des contributions aux frais de mise en service est conditionné à la mise à disposition ultérieure de la ligne au bénéfice d’un nouvel opérateur,

ii/ prévoir que le versement par Orange des restitutions des contributions aux frais de mise en service sera dû dès lors que la résiliation de la ligne FttH aura été demandée par Bouygues Telecom pour les lignes à construire et les lignes existantes/actives quelle que soit la date de  création de la ligne, et sans qu’aucun autre événement ne puisse conditionner ce versement ;

L’avenant devra apporter toute autre modification adéquate des dispositions contractuelles pour tenir compte de la modification du fait générateur des restitutions.

B2/ L’avenant devra modifier les articles 5.1.2.2 et 5.1.6 de l’Annexe « Prix » des Conditions Particulières en zone très dense des conditions particulières afin que la formule de calcul du montant de la restitution des contributions aux frais mise en service soit adaptée, et garantisse l’application effective du principe selon lequel le versement des restitutions des contributions aux frais de mise en service soit conditionné uniquement à la résiliation de la ligne par Bouygues Telecom pour les lignes à construire et les lignes existantes/actives quelle que soit la date de création de la ligne ; ».

 

4.2 Sur le fond

 

Propos liminaire sur le Contrat

 

À titre liminaire, il convient tout d’abord de rappeler que sur le segment du raccordement final, Orange  ne  propose  dans son Contrat  qu’une  seule  modalité  d’accès,  que l’opérateur commercial « prenant » soit cofinanceur ou locataire.

L’offre d’accès que propose Orange sur le raccordement final consiste à mettre à disposition de l’opérateur commercial une ligne FttH sur laquelle l’opérateur commercial souscripteur bénéficie d’un droit de jouissance à durée indéterminée jusqu’à la résiliation de la ligne28. Cette modalité implique qu’après la résiliation de la ligne, l’opérateur commercial n’est plus « titulaire de la ligne » (cf. infra).

Le Contrat prévoit ainsi à l’article 13.1 de ses conditions générales, que l’opérateur commercial « s'engage systématiquement à : / - passer une commande de mise à disposition d’une Ligne FTTH pour fournir des services de communications électroniques à très haut débit en fibre optique à un Client Final, / - résilier la Ligne FTTH lorsqu'il ne fournit plus de services de communications électroniques à très haut débit en fibre optique à ce Client Final. »

L’article 13.1 stipule en outre que :

« La mise à disposition d'une Ligne FTTH prend fin :

- lorsque la Ligne FTTH est mise à disposition d'un «autre opérateur dans le cas de la Fibre Partageable » ou,

- lorsque l'Opérateur résilie la Ligne FTTH ou,

- lorsque le droit d'usage de l'Opérateur est arrivé à son terme.

Les Conditions Spécifiques précisent les modalités de mise à disposition de la Ligne FTTH […] ». (soulignement ajouté)

L’Autorité relève que le mécanisme de financement et de restitution du raccordement final retenu par Orange dans le Contrat, et contesté par Bouygues Telecom dans le cadre du présent règlement de différend, est actuellement décorrélé du statut de cofinanceur de l’opérateur commercial. Il s’applique ainsi de la même manière que l’opérateur commercial se trouve en situation de cofinancement ou de location et se décompose de la manière suivante29.

En premier lieu, s’agissant du financement initial du raccordement final, l’opérateur commercial est redevable d’une contribution aux frais de mise en service auprès d’Orange, qui est propriétaire de la ligne FttH et la met à disposition de l’opérateur commercial.

L’article 13.4.2 des conditions générales du Contrat d’Orange stipule que :

« Les prix applicables à la mise à disposition d'une Ligne FTTH dus à Orange par l'Opérateur selon les tarifs décrits en annexe « prix » des Conditions Particulières, sont détaillés ci-dessous.

On entend au sens des présentes par « Contribution aux Frais de Mise en Service » du Câblage Client Final le montant actualisé de la part des frais de mise en service d'un Câblage Client Final existant imputable à l’Opérateur, telle que décrite en annexe « prix » des Conditions Particulières.

Est « Contributeur » au sens des présentes un opérateur :

- titulaire d'une Ligne FTTH sur un Câblage Client Final au titre d’une commande de mise à

disposition de Ligne FTTH ; ou

- ayant résilié une Ligne FTTH en situation de dernier Opérateur titulaire d’une Ligne FTTH sur ce Câblage Client Final jusqu'à ce que ce dernier fasse l'objet d'une commande de mise à disposition de Ligne FTTH par un autre opérateur.

En Zone Très Dense, plusieurs opérateurs peuvent avoir simultanément la qualité de Contributeur.

Dans tous les cas, l'Opérateur n’est plus titulaire de la Ligne FTTH à compter de sa résiliation. »

L’article 5.1 de l’annexe 1 à laquelle il est fait référence prévoit notamment que « [p]our chaque commande de mise à disposition de Ligne FTTH, l’Opérateur doit payer à Orange :

- dans le cas où l’Opérateur demande une mise à disposition de Ligne FTTH impliquant la construction du Câblage Client Final :

· le prix de la première mise en service du Câblage Client Final […],

· le prix de mise en continuité optique de la Ligne FTTH au PM, le cas échéant, […],

· des frais de fourniture d’informations relatives à la Ligne FTTH, le cas échéant, […]

- dans le cas où l’Opérateur demande une mise à disposition de Ligne FTTH relative à un Câblage Client Final existant :

· une Contribution aux Frais de Mise en Service du Câblage Client Final […],

· des frais de gestion des Contributions aux Frais de Mise en Service, […]

· des frais de fourniture d’informations relatives à la Ligne FTTH, le cas échéant, […] »30.

S’agissant de la première mise en service du câblage client final à construire, l’article 5.1.1  de l’annexe 1 Prix en ZTD prévoit que « [l]e prix de première mise en service d’un Câblage Client Final est noté Pmise_en_service et il est défini par l’expression suivante :

Pmise_en_service = ( Punitaire_mise_en_service - D. Psurnuméraire )

avec

Pmise_en_service = prix unitaire de la première mise en service tel que décrit ci-dessous

D : nombre d’opérateurs cofinanceurs engagés dans le cadre du cofinancement sur Fibre Dédiée.

Psurnuméraire  = prix de référence de la Fibre Dédiée tel que visé à l’article 5.1.5 »

 S’agissant de la mise à disposition d’un câblage client final existant, l’article 5.1.2.1 de l’annexe 1 Prix en ZTD précise que « [l]e montant de la Contribution aux Frais de Mise en Service du Câblage Client Final (Cmes), pour l’opérateur qui bénéficie de la mise à disposition de la Ligne FTTH est définie par l’expression suivante :

 IMG4.png

avec :

Préf: prix de référence du Câblage Client Final tel que visé à l’article 5.1.4, D : nombre d’opérateurs cofinanceurs engagés sur Fibre Dédiée,

Pdédiée: prix de référence de la Fibre Dédiée tel que visé à l’article 5.1.5,

Cx,y : coefficient multiplicateur appliqué X années Y mois (Y<12), après la date d’installation du Câblage Client Final tel que visé à l’article 5.1.6,

K = nombre de Contributeurs »

 

En deuxième lieu, s’agissant du mécanisme de restitution de la contribution versée, le Contrat prévoit qu’à chaque résiliation (à l’initiative de l’opérateur commercial ou à la suite d’un écrasement par un autre opérateur commercial), l’opérateur commercial « sortant » peut bénéficier d’une restitution.

L’article 13.4.2 des conditions générales du Contrat d’Orange précité prévoit en effet qu’: « A chaque résiliation de Ligne FTTH (à l'initiative de l’Opérateur ou suite à écrasement par un autre opérateur dans le cas de la Fibre Partageable), l’Opérateur peut bénéficier d'une restitution telle que décrite en annexe « prix » des Conditions Particulières (sous réserve du paiement effectif par le ou les opérateurs Contributeurs concernés de leur Contribution aux Frais de Mise en Service). » (soulignement ajouté)

S’agissant du montant de la restitution, l’article 5.1.2.2 de l’annexe 1 Prix en ZTD prévoit que « Lorsque la mise à disposition de la Ligne FTTH à un opérateur sur Fibre Partageable, donne lieu à écrasement d’un autre opérateur sur Fibre Partageable, la restitution concerne uniquement l’opérateur écrasé.

Lorsque la mise à disposition de la Ligne FTTH intervient alors qu’il subsistait un opérateur Contributeur, non titulaire de la Ligne FTTH, la restitution concerne cet opérateur Contributeur.

Dans les deux cas, le montant de la restitution est égal au montant de la Contribution aux Frais de Mise en Service du Câblage Client Final (Cmes), payé par l’opérateur écraseur»31.

 

L’article ajoute également que : «[l]orsque la mise à disposition d’une Ligne FTTH aboutit à avoir un Contributeur supplémentaire, le montant de la restitution est alors égal au montant de la Contribution aux Frais de Mise en Service du Câblage Client Final (Cmes), payé par le nouveau Contributeur, et est réparti entre les Contributeurs, sans compter le nouveau Contributeur. Le montant de la restitution de la Contribution aux Frais de Mise en Service du Câblage Client Final ( R ), pour chaque Contributeur, est donné par la formule suivante :

 IMG5.png

avec :

Cmes: Contribution aux Frais de Mise en Service du Câblage Client Final telle que définie à l’article 5.1.2.1

K : nombre de Contributeurs, y compris le nouveau Contributeur »

Enfin, sur la temporalité du versement de cette restitution, l’article 13.4.2 précité prévoit notamment

« qu'aucune restitution n'est faite au dernier Opérateur Contributeur d'une Ligne FTTH avant l'arrivée éventuelle d'un nouvel opérateur. La restitution intervient alors au moment de la mise à disposition ultérieure  de la Ligne  FTTH à cet  autre opérateur. L’Opérateur reste  Contributeur  de la Ligne   FTTH jusqu’à mise à disposition ultérieure éventuelle ». (soulignement ajouté)

 

Sur l’appréciation du caractère raisonnable du mécanisme de restitution actuel

 

Bouygues Telecom demande la modification du mécanisme de restitution contractuel actuel d’Orange, notamment pour les raisons suivantes.

Bouygues Telecom soutient que « le bénéfice de ces principes [des principes tarifaires énoncés dans la décision n° 2009-1106] à l’égard de Bouygues Telecom doit s’apprécier non seulement lorsqu’elle commande un raccordement client final (en ce qui concerne la tarification intrinsèque de l’accès) mais également au regard de la possibilité pour Bouygues Telecom en tant qu’OC [opérateur commercial] cédant de se voir restituer les frais de mise en service associés au CCF » et qu’« [a]insi, la restitution des frais de mise en service constitue un élément à part entière de la tarification de l’accès sur le tronçon PBO-PTO» 32.

Bouygues Telecom affirme que «[l]es conditions d’accès imposées par Orange sont contraires aux principes de pertinence et de caractère raisonnable des conditions d’accès en ce qu’elles font peser sur Bouygues Telecom un surcoût lié aux surproductions de ligne, dont elle n’est pas responsable»33.

S’agissant en particulier du principe de pertinence, Bouygues Telecom estime qu’« [e]n vertu de ce principe, Bouygues Telecom ne devrait supporter que les coûts qu’elle induit ou les coûts du fait de l’usage des infrastructures ou des prestations correspondantes»34.

En ce sens, Bouygues Telecom indique que « [l]e paiement du coût de construction du CCF par l’OC initial correspondant non à un achat de ce CCF qui emporterait transfert du droit de propriété, mais au paiement d’un droit d’accès. »35, que « [l]’OC […] n’est qu’un simple occupant temporaire du CCF »36 et qu’« [a]u moment de la résiliation, l’OC perd sa qualité d’occupant temporaire. Il ne devrait donc plus avoir à supporter les coûts d’un actif qu’il a financé mais qui ne lui appartient pas et qu’il n’exploite plus»37.

Bouygues Telecom soutient également que « le schéma contractuel actuel est contraire au principe de prévisibilité puisqu’il rend le droit à restitution totalement aléatoire pour Bouygues Telecom »38.

Orange, quant à lui, soutient que « [l]e respect du principe de pertinence implique que les coûts soient affectés aux opérateurs qui les génèrent » et que « [l]’opérateur commercial qui génère une construction de raccordement porte les coûts de cette construction, via les frais de mise en service du CCF. Comme rappelé en partie 4.2, le raccordement est un acte commercial, et l’Arcep considère ainsi légitime que l’opérateur qui est à l’origine d’une construction de raccordement en porte la responsabilité et en supporte la quasi-intégralité des coûts, dans la mesure où le raccordement lui profite principalement»39.

Orange ajoute que « Bouygues Telecom affirme à tort que le système de tarification prévu par Orange ne respecterait pas [le principe de pertinence] en faisant supporter à l’opérateur commercial des coûts sans rapport avec son usage. Il n’en est rien :

- le premier opérateur commercial qui commercialise un accès auprès du client final supporte, au moment de la construction du CCF, les coûts correspondants qu’il a induits, sous forme de frais de première mise en service ;

- l’usage de la ligne FttH fait alors, à compter de la mise à disposition de cette ligne, l’objet d’une facturation mensuelle récurrente d’abonnements (avec des tarifs distincts pour la partie PM-PBO et pour la partie PBO-PTO), cette facturation étant bien stoppée dès la résiliation de l’accès par l’opérateur commercial. Il n’y a donc aucun décalage entre l’usage de la ligne et la facturation ;

- l’opérateur commercial dispose ensuite d’une opportunité de bénéficier d’une restitution d’une partie de ce coût de construction, dès lors qu’un autre opérateur commercial reprend effectivement l’usage du CCF, ce qui ne peut être garanti à l’avance, et en tenant compte de la durée avant cette reprise, qui elle-même ne peut être anticipée, dans un contexte de concurrence technologique (câble, 4G/5G) et avec la possibilité d’une vacance du local du client final »40.

Orange estime également que « la critique de Bouygues Telecom sur un prétendu défaut de prévisibilité ou de transparence du système tarifaire de l’offre d’accès d’Orange est totalement injustifiée, dans la mesure où l’ensemble des paramètres nécessaires au calcul des tarifs est décrit précisément dans la Convention, en l’occurrence dans les annexes prix, et les valeurs de ces paramètres sont disponibles dans les informations fournies par Orange »41.

Enfin Orange explique son mécanisme et soutient avoir « cherché à équilibrer davantage le système pour récompenser l’opérateur commercial ayant initialement contribué au déploiement du réseau par la construction du CCF, en introduisant un système de contribution aux frais de mise en service par les opérateurs commerciaux prenants et de restitution aux opérateurs commerciaux cédants, en tenant compte de l’amortissement de la valeur du CCF sur une période de 20 ans. Il ne figure ni dans la Convention, ni dans aucun texte réglementaire de garantie d’un taux minimal de restitution, ce taux étant le résultat de l’action collective des opérateurs »42.

 A titre liminaire, le Contrat indique, à propos du mécanisme de restitution, qu’« [à] chaque résiliation de Ligne FTTH (à l'initiative de l’Opérateur ou suite à écrasement par un autre opérateur dans le cas de la Fibre Partageable), l’Opérateur peut bénéficier d'une restitution (sous réserve du paiement effectif par le ou les opérateurs Contributeurs concernés de leur Contribution aux Frais de Mise en Service) »43. Il précise cependant « qu’aucune restitution n’est faite au dernier Opérateur Contributeur d’une Ligne FTTH avant l’arrivée éventuelle d’un nouvel opérateur […]. L’Opérateur reste Contributeur de la Ligne FTTH jusqu’à mise à disposition ultérieure éventuelle. » Le contrat précise également que « [d]ans tous les cas, l'Opérateur n’est plus titulaire de la Ligne FTTH à compter de sa résiliation »44.

Il résulte des stipulations contractuelles précitées que le mécanisme de restitution actuellement proposé par Orange prévoit que l’opérateur commercial « sortant » se voit restituer une partie des frais de mise en service en cas de résiliation dès lors que la ligne est reprise. L’Autorité relève ainsi que l’opérateur commercial « sortant » reste contributeur de la ligne résiliée jusqu’à la reprise de la ligne par un opérateur commercial « prenant », et ne se voit restituer aucune partie des frais de mise en service,  tant  que  la  ligne  résiliée  n’est  pas  effectivement  reprise  par  cet  opérateur commercial « prenant ».

Le fait générateur de la restitution des frais de mise en service dans le mécanisme contractuel actuel est donc la reprise par un opérateur commercial « prenant » de la ligne résiliée par l’opérateur commercial « sortant ».

Ce mécanisme n’apparait ni justifié ni raisonnable pour les raisons développées ci-après.

En premier lieu, il convient de rappeler que, comme exposé supra, l’opérateur d’infrastructure demeure responsable de son réseau de bout en bout, y compris des raccordements finals construits par les opérateurs commerciaux en mode STOC.

Il convient également de rappeler que, en vertu du cadre réglementaire cité en partie 3, d’une part, le principe d’efficacité des investissements prévoit que « les coûts pris en compte doivent correspondre à ceux encourus par un opérateur efficace ; il convient donc que l’opérateur d’immeuble ne fasse pas supporter de coûts indus ou excessifs aux opérateurs tiers » et, d’autre part, le principe de pertinence prévoit notamment que « les coûts doivent être supportés par les opérateurs qui les induisent ou ont usage des infrastructures ou prestations correspondantes ; […] ».

Orange estime que le mécanisme de restitution actuel respecte ce principe de pertinence, en ce que « l’opérateur commercial qui génère une construction de raccordement porte les coûts de cette construction, via les frais de mise en service du CCF »45. Orange indique dans le même temps avoir introduit ce mécanisme car : « le mécanisme de contributions-restitutions est celui qui prend le mieux en compte la durée réelle d’affectation à chaque opérateur commercial d’une Ligne FttH au cours de sa durée d’amortissement »46.

Mais d’une part, l’Autorité constate que, dans le mécanisme actuel, si le premier opérateur commercial « prenant », celui qui fait construire le raccordement final, supporte temporairement les coûts de la construction du raccordement final par le paiement du prix de la première mise en service, une partie de ce paiement lui est restitué après résiliation de la ligne, au moment où un deuxième opérateur commercial « prenant » lui succède et reprend la ligne existante. Ce deuxième opérateur commercial « prenant » est alors redevable, en vertu des stipulations contractuelles, d’une contribution aux frais de mise en service de la ligne. Ainsi, dans le mécanisme actuel d’Orange, le coût de construction du raccordement final d’un client final ne saurait être interprété comme un coût induit uniquement  par le seul premier opérateur commercial demandeur et pour son seul usage puisqu’il se voit restituer une partie de ces coûts à la reprise de la ligne par un autre opérateur commercial.

D’autre part, Orange indique que le mécanisme actuel vise à faire porter les coûts du raccordement final sur les opérateurs commerciaux en fonction de « la durée réelle d’affectation à chaque opérateur commercial d’une ligne FttH au cours de sa durée d’amortissement ».

Ainsi, dans le mécanisme retenu par Orange, au regard de ce qui précède, l’application du principe de pertinence s’apprécie nécessairement au regard de la durée de l’usage de la ligne FttH par l’opérateur commercial. Il en résulte que l’’application du principe de pertinence au cas d’espèce implique in fine une restitution des contributions aux frais de mises en service en lien avec l’usage du raccordement final qu’a pu avoir l’opérateur commercial « sortant ».

Or en l’espèce, dans le mécanisme actuel d’Orange, alors que l’opérateur commercial « sortant » n’est plus titulaire du droit d’usage à compter de la résiliation de la ligne, il reste contributeur d’une infrastructure dont il n’a plus l’usage et dont il ne retire plus les fruits de l’exploitation et n’obtiendra le versement du montant de la restitution des frais de mise en service qu’à la reprise de la ligne par un opérateur commercial « prenant ». Ainsi, dans l’hypothèse où le raccordement final n’est pas repris immédiatement, le dernier opérateur commercial « sortant », continue à supporter les coûts de construction non encore amortis du raccordement final tant que la ligne n’est pas reprise, bien que lui-même n’ait plus l’usage de cette ligne et l’ait résiliée. Dès lors, l’opérateur commercial « sortant » demeure contributeur après la résiliation d’une ligne dont il n’a plus l’usage, pour une durée inconnue à la date de résiliation, tant qu’un autre opérateur commercial n’a pas repris la ligne.

Le mécanisme ne reflète donc pas la durée réelle d’affectation d’une ligne à un opérateur commercial alors même qu’Orange justifie l’introduction de ce mécanisme par ce motif.

Il ressort de tout ce qui précède que c’est à tort qu’Orange affirme que son mécanisme de restitution actuel respecterait le principe de pertinence. En outre, s’il est exact, comme l’indique Orange, qu’ « il ne figure ni dans la Convention, ni dans aucun texte réglementaire de garantie d’un taux minimal de restitution, ce taux étant le résultat de l’action collective des opérateurs », il n’en demeure pas moins que l’Autorité, saisie d’une demande de règlement de différend en application des dispositions de l’article L. 36-8 du CPCE, se prononce, au regard des faits de l’espèce, afin de préciser les conditions équitables, d’ordre technique et financier, dans lesquelles l’accès doit être assuré.

La comparaison effectuée par Orange avec le mécanisme de contribution mis en place à la suite de la décision de l’Arcep n° 2010-1232 en date du 16 novembre 201047 pour justifier de la pertinence du mécanisme contractuel litigieux, n’est pas de nature à remettre en cause l’appréciation de l’Autorité qui précède.

Orange estime en substance que son mécanisme actuel est plus avantageux que le mécanisme qui avait été retenu à la suite de la décision de règlement de différend précitée48.

Mais il convient tout d’abord de relever que c’est bien Orange qui a fait le choix en 2014 de modifier le mécanisme de financement des raccordements finals de son contrat d’accès aux lignes FttH et d’introduire le présent mécanisme de financement de ces raccordements qui prévoit la restitution d’une partie des contributions payées initialement par les opérateurs commerciaux.

Ensuite, l’Autorité estime qu’Orange ne saurait retenir la comparaison avec les modalités de répartition des coûts pour le financement des raccordements paliers, objet de la décision précitée du 16 novembre 2010. Cette décision portait sur le mécanisme de tarification des raccordements finals de France Télécom dans son offre d’accès qui prévoyait alors une répartition du financement du raccordement palier au moment de sa création entre les cofinanceurs: 50 % étaient payés par l’opérateur commercial demandeur de la création du raccordement et 50 % étaient répartis entre les autres opérateurs ayant cofinancé la commune et bénéficiant à ce titre d’un accès pérenne à l’infrastructure en fibre optique déployée dans les immeubles. Ce mécanisme, totalement différent du mécanisme actuellement retenu par Orange, ne prévoyait ainsi qu’un unique paiement par chaque opérateur engagé au titre du cofinancement sur la commune (définitivement encaissé par France Télécom) lors de la création initiale du raccordement, et n’incluait pas de mécanisme de restitution dans le temps de tout ou partie des frais payés lors de la création de la ligne à la résiliation. Ainsi, lorsqu’un opérateur cofinanceur reprenait une ligne existante, celui-ci n’était redevable d’aucune autre contribution que le prix du cofinancement payé initialement49. On notera que ce mécanisme était intrinsèquement lié à la modalité de cofinancement en zones très denses où les opérateurs commerciaux cofinanceurs bénéficiaient d’un droit d’usage sur l’ensemble des lignes rattachées aux points de mutualisation qu’ils avaient cofinancés, jusqu’à la PTO.

Bouygues Telecom avait saisi l’Arcep d’une demande de règlement de différend au titre de l’article

L. 36-8 du CPCE sur ce mécanisme, en demandant la prise en charge de l’intégralité du coût du raccordement palier par l’opérateur commercial à l’origine de la construction de ce raccordement. L’Autorité n’a pas fait entièrement fait droit à cette demande, notamment en mettant en exergue la question de droit d’usage pérenne spécifique au cofinanceur, car elle avait estimé que « [s]i le raccordement palier profite initialement exclusivement à l’opérateur commercial qui a conquis le client, l’ensemble des co-investisseurs bénéficient, dans la durée, d’un droit d’usage pérenne sur cet élément de réseau terminal. En effet, lorsque le client se désabonnera de son opérateur commercial initial, les autres opérateurs pourront potentiellement bénéficier de ce raccordement palier s’ils conquièrent ce client. Ainsi, si l’utilité du raccordement palier profitera dans la durée de vie espérée moyenne du client (7-8 ans) au seul opérateur commercial initial, les autres opérateurs pourront ensuite espérer bénéficier de l’utilité de cet élément de réseau. ». Toutefois, l’Autorité a relevé que le mécanisme de partage des coûts de l’offre d’accès de France Telecom conduisait notamment « à augmenter sensiblement les barrières à l’entrée du co-investissement dans les réseaux de fibre optique jusqu’à l’abonné », notamment pour les plus petits opérateurs ou les nouveaux entrants. En effet, le mécanisme de financement à 50 % par l’opérateur commercial demandant la création du raccordement palier et 50 % répartis entre les opérateurs co-investisseurs faisait porter à Bouygues Telecom des coûts importants par rapport à sa faible part de marché : il supportait une partie des raccordements paliers réalisés par d’autres opérateurs commerciaux, et pour lesquels le client final avait déjà souscrit une offre de détail chez un autre opérateur et qu’il avait donc peu de chance d’acquérir à court terme.

L’Arcep avait donc enjoint à France Télécom de modifier son offre d’accès afin de prévoir la prise en charge « d’au moins 90 % » des coûts du raccordement palier par l’opérateur commercial recrutant le client. Ce mécanisme avait été considéré comme équitable par l’Autorité, dans un contexte particulier de début des déploiements des réseaux FttH et pour le cas spécifique du cofinancement de la partie terminale du réseau FttH par des opérateurs commerciaux cofinanceurs qui bénéficiaient en échange tous d’un même droit d’usage pérenne sur l’ensemble du segment PM-PTO, raccordement final compris.

En 2014, Orange a remplacé le mécanisme de tarification des raccordements finals par le mécanisme actuel, identique pour tous les opérateurs commerciaux, qu’ils aient recours à l’offre de cofinancement ou de location sur le segment PM-PBO. Or ce dernier mécanisme, qui est celui actuellement en vigueur et concerné par le présent différend comporte des différences significatives avec le mécanisme en vigueur avant la décision en date du 16 novembre 2010 précitée, ou même avec celui mis en place à la suite de cette décision. Le mécanisme de restitution des contributions actuel est de plus basé sur le principe selon lequel le premier opérateur commercial « prenant » finance la totalité du raccordement final puis est restitué d’une partie de ces frais après la résiliation de la ligne, comme présenté supra. L’Autorité relève en outre que les opérateurs commerciaux tiers à l’opérateur commercial « prenant » initial, à l’origine de la construction du raccordement final, ne sont redevables d’aucune contribution au moment de cette construction. En revanche, après résiliation par l’opérateur commercial initial de la ligne en cause, comme exposé supra, les autres opérateurs commerciaux seront redevables d’une contribution aux frais de mise en service de la ligne en cas de réutilisation de la ligne, au moment où ils en demandent la mise à disposition. Comme Orange l’indique dans ses écritures, ce nouveau mécanisme a introduit une dimension temporelle afin, contrairement aux mécanismes antérieurs, de tenir compte de la durée réelle d’affectation de la ligne à chaque opérateur commercial.

Dès lors, l’Autorité considère que les deux mécanismes de financement ne sauraient être comparés de façon pertinente compte tenu notamment des différences significatives exposées ci-avant avec la solution consacrée dans la décision du 16 novembre 2010 précitée. La solution retenue par l’Autorité en 2010 s’agissant du partage des coûts du raccordement palier ne saurait ainsi être transposée dans le cas d’espèce.

En second lieu, l’Autorité relève que les parties s’accordent sur le fait que le délai de vacance d’un raccordement final post résiliation est très hétérogène selon les situations rencontrées. En effet, dans sa saisine, Bouygues Telecom indique des délais moyens de vacance variant de 4 à 61,83 mois selon les situations (churn sans déménagement, déménagement puis choix d’une autre technologie ou logement temporairement vacant puis réoccupé…) pour son premier jeu d’hypothèses et de 3,3 à 69,3 mois selon les mêmes situations pour son second jeu d’hypothèses50. Quant à Orange, dans ses réponses au premier questionnaire des rapporteurs51, il indique des délais moyens de vacance variant de 4 à 109,92 mois pour son premier jeu d’hypothèses (année 2022) et de 4 à 69,83 mois pour son second jeu d’hypothèses (à terme).

Cette amplitude très significative des délais de vacances indiqués par les parties dans le cadre de l’instruction, qui apparaît très variable d’un raccordement à l’autre, implique une forte incertitude sur la date de restitution des contributions aux frais de mise en service du raccordement final pour l’opérateur sortant. À cela s’ajoute une incertitude sur le fait même que la ligne soit un jour reprise par un autre opérateur commercial. Cette situation induit, dans le cadre du mécanisme contractuel actuel d’Orange, un manque de prévisibilité certain pour l’opérateur commercial « sortant », lequel ne peut bénéficier d’une restitution qu’au moment de la reprise de la ligne par un autre opérateur commercial « prenant ». L’opérateur commercial « sortant » n’est en effet pas en capacité de savoir, lorsqu’il résilie la ligne, si cette reprise interviendra ni à quelle échéance.

L’opérateur commercial « sortant » supporte donc une triple incertitude :

- sur le point de savoir s’il bénéficiera un jour d’une restitution, certaines lignes n’étant jamais

reprises ;

- sur le niveau du montant qui sera restitué puisque dans le système actuel d’Orange le montant

de la restitution dépend de la date de reprise de la ligne (avec un effet dégressif dans le temps) ;

- sur la date de restitution (et donc de potentielle réutilisation des sommes récupérées).

Ainsi, l’Autorité estime que le Contrat d’Orange dans lequel le fait générateur de la restitution à l’opérateur commercial « sortant » est la « mise à disposition ultérieure éventuelle » de la ligne FttH à un opérateur commercial « prenant », ne permet pas d’apporter de la visibilité à l’opérateur commercial « sortant » sur la récupération des montants immobilisés pour une infrastructure sur laquelle il n’a plus l’usage.

Eu égard à l’ensemble des éléments exposés ci-avant et compte tenu de l’obligation pour l’opérateur d’infrastructure de fournir un accès à des conditions économiques et techniques raisonnables, de la responsabilité de l'opérateur d’infrastructure sur le réseau FttH déployé ou en cours de déploiement jusqu’à l’abonné, des principes de pertinence et d’efficacité des investissements rappelés ci-avant, et du besoin de prévisibilité des opérateurs commerciaux, il apparaît que le mécanisme de restitution actuellement prévu par Orange n’est ni justifié ni raisonnable en ce qu’il fait peser sur Bouygues Telecom, en tant qu’opérateur commercial « sortant », une responsabilité ainsi qu’une charge financière injustifiée, liée à une infrastructure dont il n’a plus l’usage.

La part non négligeable de raccordements finals en doublon est un obstacle au maintien du mécanisme actuel

Bouygues Telecom indique que « [l]e taux de restitution [des contributions aux frais de mise en service, à hauteur de [SDA] % des prises résiliées par Bouygues Telecom en application du Contrat] est manifestement anormal et incohérent puisque dans les faits, la plupart des résiliations d’un abonnement FttH sont suivies d’un nouvel abonnement FttH. Cette incohérence est due à une défaillance des processus et du système d’information (dont son OAPC) d’Orange, qui ne permet pas de garantir que, lors de la souscription d’un nouvel abonnement, le CCF existant soit systématiquement réutilisé. Il en découle que certains CCF, effectivement repris, sont enregistrés dans le système d’information comme nouvellement créés (doublon virtuel) ou sans que la reprise ne soit enregistrée dans le système d’information (reprise cachée), ou que certains CCF existants n’étant pas identifiés au moment du nouvel abonnement, un second CCF est alors créé en surplus, et le précédent n’est jamais repris (doublon physique) »52.

Bouygues Telecom estime également que, du fait du mécanisme actuel, il supporte seul le « risque créé par les doublons », « qui lui est étranger et qui est anormal »53.

Orange affirme que « [l]es travaux menés permettent d’apporter des explications à l’absence de restitution à la suite de la résiliation d’une prise : […] 3/ constructions déclarées à tort par les opérateurs commerciaux, alors qu’une PTO existait déjà dans le logement : / - constructions réelles : qui ont fait l’objet de la création sur le terrain d’un nouveau raccordement physique et de la pose d’une nouvelle PTO. […]. Ce volume est probablement minoritaire ; / - constructions virtuelles : déclarées par le technicien sous-traitant de l’opérateur commercial et que l’opérateur d’infrastructure acceptait jusqu’à présent comme nouvelles constructions STOC, mais sans pouvoir de contrôle a posteriori puisque sans accès à l’intérieur du logement du client » 54.

L’Autorité note ainsi que les parties reconnaissent toutes deux l’existence de raccordements finals en doublon non sollicités qui expliquerait l’existence de prises résiliées mais non reprises, en distinguant les doublons dits « physiques » (ou « constructions réelles ») correspondant aux cas où le raccordement final est réalisé à tort par l’opérateur commercial « preneur » en surplus du raccordement final existant, des doublons dits « virtuels » correspondant aux cas où le raccordement final initial est effectivement repris par l’opérateur commercial « preneur » mais déclaré dans le système d’information comme un nouveau raccordement final construit et non comme une reprise. Dans de telles situations, l’abonné qui a résilié son abonnement auprès de l’opérateur commercial « sortant » a bien repris un abonnement auprès de l’opérateur commercial « prenant », mais la ligne FttH physique correspondante n’est pas identifiée comme reprise dans le système d’information de l’opérateur d’infrastructure.

L’Autorité relève que, conformément au cadre juridique rappelé en partie 3, la loi de modernisation de l’économie n° 2008-776 du 4 août 2008 a fixé le cadre juridique de la régulation de la partie terminale des réseaux en fibre optique jusqu’à l’abonné, en instaurant un principe de mutualisation de la partie terminale des réseaux entre opérateurs. L’alinéa 1er de l’article L. 34-8-3 du CPCE issu de cette loi prévoit en particulier que « [t]oute personne établissant ou ayant établi dans un immeuble bâti ou exploitant une ligne de communications électroniques à très haut débit en fibre optique permettant de desservir un utilisateur final fait droit aux demandes raisonnables d'accès à ladite ligne et aux moyens qui y sont associés émanant d'opérateurs, en vue de fournir des services de communications électroniques à cet utilisateur final ».

Comme l’a rappelé le juge judiciaire, le législateur a institué par ces dispositions un principe de mutualisation des installations de la partie terminale des réseaux pour des motifs d’intérêt général, tenant notamment à la cohérence du réseau, à l'établissement d'une concurrence effective et loyale entre opérateurs sur le marché du très haut débit et à la nécessité de ne pas multiplier les travaux dans les immeubles55.

Dans les motifs de sa décision n° 2009-1106 en date du 22 décembre 2009, l’Autorité précise, quant à l’application des dispositions de l’article L. 34-8-3, alinéa 1er du CPCE précitées, qu’ « [e]n pratique, l’accès aux lignes doit pouvoir être offert par l’opérateur d’immeuble au point de mutualisation,  sous la forme de la mise à disposition d’un chemin optique continu allant du point de mutualisation à la prise terminale optique installée à l’intérieur du logement ou du local à usage professionnel. L’accès aux lignes inclut également les prestations nécessaires pour la gestion et la maintenance des accès. »56 (soulignement ajouté)

La question des raccordements finals en doublon57 sera ainsi en l’espèce appréhendée tant au regard des dispositions de l’article L. 34-8-3 du CPCE que de celles des décisions réglementaires de l’Autorité prises en son application ainsi, que des objectifs mentionnés à l’article L. 32-1 du CPCE, notamment le développement de l'investissement, de l'innovation et de la compétitivité dans le secteur des communications électroniques et l'exercice au bénéfice des utilisateurs d'une concurrence effective et loyale entre les exploitants de réseau et les fournisseurs de services de communications électroniques.

 

a) Sur la responsabilité de l’opérateur d’infrastructure d’éviter ou détecter les raccordements finals en doublon.

A titre liminaire, l’Autorité rappelle que, conformément au cadre juridique applicable rappelé ci-avant en partie 3, l’opérateur d’infrastructure est responsable sur son réseau de bout en bout. La circonstance que le raccordement final soit réalisé en mode OI ou en mode STOC est sans effet sur la responsabilité de l’opérateur d’infrastructure sur le réseau FttH déployé ou en cours de déploiement (comme présenté supra en parties 1.2 et 3).

D’ailleurs, l’Autorité relève que l’opérateur commercial réalisant l’opération de construction du raccordement final intervient en tant que sous-traitant de l’opérateur d’infrastructure, et demeure donc sous la responsabilité de ce dernier qui demeure le maître d’ouvrage dans le cadre de la réalisation des raccordements finals.

L’Autorité relève que l’article 13.1 des conditions générales du Contrat prévoit notamment en ce  sens qu’« [l]a prestation de mise à disposition d’une Ligne FTTH consiste, pour Orange et sous sa responsabilité à :

-  construire  le  Câblage  Client  Final  s’il  n’existe  pas  lorsque  l’Opérateur  commande  une  mise   à disposition de Ligne FTTH ;

(…) Orange est responsable de l’affectation de la Ligne FTTH. Afin de respecter la relation du Client Final avec l'Opérateur Commercial de son choix pour le raccordement du Logement FTTH, Orange peut, au choix de l'Opérateur, déléguer à ce dernier la maîtrise d’œuvre de la réalisation du Câblage Client Final. Dans le cas où l'Opérateur ne souhaita pas exercer la maîtrise d'œuvre de la réalisation du Câblage Client Final, Orange propose une prestation de réalisation de Câblage Client Final dans les conditions décrites à l'article « construction du Câblage Client Final par Orange en tant qu'Opérateur d’immeuble » des Conditions Générales »58. (soulignement ajouté)

De même, l’article 13.2 des conditions des conditions générales du  Contrat précise notamment     que « [l]e présent article précise les conditions selon lesquelles Orange délègue à l'Opérateur la maîtrise d’œuvre de la réalisation des Câblages Client Final lorsque l'Opérateur en a fait le choix. La maîtrise d'œuvre déléguée comprend le pilotage et la réalisation des Câblages Client Final (planification des travaux, prise de rendez- vous avec le Client Final...) par l'Opérateur en tant  que  prestataire  d'Orange »59.

L’Autorité note également que l’article 2 du contrat signé entre Orange et Bouygues Telecom le 17 décembre 2021 portant sur la prestation de raccordement du Câblage Client Final (ci-après « contrat STOC v2 ») stipule que : « [l]e présent contrat (ci-après le « Contrat ») a pour objet de définir les conditions dans lesquelles l’Opérateur d’Immeuble confie à l’Opérateur Commercial l'exécution de prestations de réalisation de Câblages Client Final comprenant la fourniture du matériel associé (ci- après dénommée la « Prestation »), et ce, conformément aux dispositions de l’article R 9-4 (3°) du Code des Postes et des Communications Electroniques»60. L’article R. 9-4, 3° du CPCE prévoit à cet égard que l’opérateur d’immeuble « peut mandater un tiers pour réaliser certaines opérations mais il reste responsable de ces opérations à l'égard du propriétaire du syndicat de copropriétaires ou de l'association syndicale de copropriétaires ».

Ainsi, en cohérence avec le cadre juridique rappelé ci-avant en partie 3, le Contrat prévoit que la construction du raccordement final relève de la responsabilité de l’opérateur d’infrastructure, y compris lorsque cette prestation est déléguée à l’opérateur commercial « prenant » dans le cadre du mode STOC.

Il appartient donc bien à l’opérateur d’infrastructure de s’assurer du respect tant par ses propres sous- traitants auxquels il recourt en mode OI que par les opérateurs commerciaux qu’il a mandatés dans le cadre du mode STOC, des spécifications techniques d’accès, notamment lors d’une intervention sur le segment du raccordement final. Dans ces conditions, et compte tenu de sa responsabilité, il revient à l’opérateur d’infrastructure de mettre en œuvre tous les moyens à sa disposition afin de s’assurer que des raccordements finals en doublon ne sont pas construits, y compris en mode STOC, ou les détecter le cas échéant.

b) Sur la présence de raccordements finals en doublon : appréciation de la charge financière à l’aune du principe d’efficacité et analyse des incitations pour éviter ces doublons

Concernant le principe d’efficacité des investissements, l’Autorité rappelle que ce principe prévoit que : « les coûts pris en compte doivent correspondre à ceux encourus par un opérateur efficace ; il convient donc que l’opérateur d’immeuble ne fasse pas supporter de coûts indus ou excessifs aux opérateurs tiers. » (cf. partie 3).

Il découle de ce qui précède que l’opérateur d’infrastructure ne saurait faire supporter aux opérateurs commerciaux des coûts concernant les raccordements finals qui ne résultent pas de ceux encourus par un opérateur efficace. Or, compte tenu de la responsabilité de l'opérateur d'infrastructure dans la construction des raccordements finals, ainsi que du principe de mutualisation des réseaux tels qu’exposés supra, les surcoûts engendrés par la création de raccordements finals en doublon ne sauraient être, par principe, considérés comme des coûts encourus par un opérateur efficace.

Ainsi, et quand bien même le phénomène des raccordements finals en doublons ne pourrait être totalement évité, l’Autorité considère que les raccordements finals en doublons devraient demeurer dans une proportion résiduelle sur le réseau d’un opérateur efficace.

En premier lieu, l’Autorité note que, les parties s’accordent sur le fait qu’à ce jour, une certaine proportion des raccordements finals sur les réseaux d’Orange ne sont pas repris.

En effet, Bouygues Telecom relève dans ses premières écritures un taux de restitution, au 31 août 2021, des raccordements finals qu’il a résiliés depuis la mise en œuvre du mécanisme contractuel de contributions/restitutions fin 2017 de [SDA] % en moyenne et plus particulièrement de [SDA] % en zones très denses61. En tenant compte des montants restitués entre le 31 août 2021 et décembre 2021, ce taux est évalué par Bouygues Telecom à [SDA] % en moyenne et [SDA] % en zones très denses62. Orange mentionne quant à lui un taux de restitution en décembre 2021 des raccordements finals résiliés par Bouygues Telecom entre la mise en œuvre du mécanisme contractuel de contributions/restitutions fin 2017 et le 31 août 2021, de [SDA] % en moyenne et de [SDA] % en zones très denses63 et un taux de reprise constaté en décembre 2021 des raccordements finals résiliés il y a plus de 2,5 ans de [SDA] % en moyenne sur lequel il s’appuie pour montrer que « le taux de restitution peut être établi aujourd’hui à environ [SDA]% (en excluant les prises résiliées en 2021 qui n’ont que quelques mois de résiliation, et n’ont pas encore été reprises) » 64.

Par ailleurs, Bouygues indique que « [a]u vu de la tendance d’évolution du taux de restitution par cohorte qui progresse faiblement même au bout de plusieurs années, qu’une stagnation du taux de restitution à des niveaux de l’ordre de [SDA]% pour les cohortes les plus anciennes peut être observée.

Or ce taux de [SDA]% est en décalage manifeste avec la réalité du marché »65.

Bouygues Telecom affirme en outre que le taux de restitution instantané (i.e. de reprise de la ligne dans les premiers mois suivant la résiliation) oscille entre [SDA] % et [SDA] % selon l’année de résiliation considérée et estime que « [l]e faiblesse de ce taux témoigne une nouvelle fois que le schéma contractuel retenu par Orange est inefficace […] [e]n effet, de tels taux - s’ils correspondaient à la réalité

– impliqueraient que lorsqu’un client change d’opérateur ou déménage, entre [SDA] CCF sur [SDA] et [SDA] CCF sur [SDA] est uniquement repris lors de la résiliation d’un abonnement FttH ce qui est en total décalage avec la réalité du marché FttH. Ainsi si [cela] correspondai[t] à la réalité des taux de reprises dans le cadre d’un mécanisme de reprise t efficient (d’un point de vue opérationnel et contractuel), cela signifierait que la grande majorité des clients (entre [SDA]% et [SDA]%) lorsqu’ils résilient leur abonnement fibre ne reprennent pas d’abonnement fibre ou libèrent leur logement sans que celui-ci ne soit repris à court terme. Or, cette situation ne reflète pas la réalité de ce marché notamment au regard de la forte croissance du parc d’abonnés FttH, ce qui apparait clairement à la lecture de l’observatoire HD/THD de l’Autorité. Il est donc démontré que le taux de restitution tel qu’actuellement observé est largement en dessous du taux qui devrait être atteint si le système de reprise était fonctionnel, et si les reprises de lignes étaient effectivement enregistrées »66.

A cet égard, l’Autorité constate qu’Orange calcule, à partir du modèle de Bouygues Telecom auquel il a apporté les corrections qu’il a jugé pertinentes, un taux de restitution instantané des prises résiliées théorique de [SDA] % en 202267, qui est bien supérieur non seulement au taux de reprise à court terme constaté fin 2021 par Brattle, mais également au taux communiqué par Orange lui-même dans ses écritures. En effet, dans les six premiers mois suivant la résiliation de la prise, le taux de restitution instantané effective se situe, selon le graphique communiqué par Orange, entre environ [SDA] % et [SDA] % selon l’année de résiliation de la prise68 et les éléments fournis par Orange montrent qu’il est très improbable que le taux de restitution instantané puisse atteindre un niveau de l’ordre de [SDA] % en 202269. Le taux de restitution instantané constaté semble ainsi bien inférieur au taux théorique calculé par Orange à partir du modèle de Bouygues Telecom auquel il a apporté les corrections qu’il a jugé pertinentes, ce qui pourrait s’expliquer par la présence d’une part non résiduelle de raccordements en doublons.

Le taux observé de [SDA] % de lignes FttH non reprises au bout de 2,5 ans dans le cas de l’estimation impliquant le plus haut nombre de reprises, ne semble pas non plus cohérent avec les dynamiques observées sur le marché FttH70, d’autant plus compte tenu des conditions démographiques et d’occupation des logements des zones très denses. Orange a elle-même indiqué en substance lors de l’audience devant la formation RDPI du 10 mars 2022 ne pas savoir expliquer les faibles taux de reprise observés.

Enfin, l’Autorité relève également qu’Orange indique dans ses réponses au premier questionnaire avoir constaté : « [d]ans l’étude réalisée par Orange et partagée avec Bouygues Telecom lors de précédents copils opérationnels […] , que :

les commandes passées en construction par les OC, malgré la disponibilité d’un CCF à l’adresse,   ont abouti dans [SDA] % des cas à la facturation d’une nouvelle construction par le sous-traitant. […];

les commandes passées en reprise de CCF existant ont abouti dans [SDA] % des cas à une nouvelle déclaration de construction, alors qu’un câblage existe. Manifestement, il s’agit de situation d’abus de la part du sous-traitant, sauf dans le cas d’un besoin spécifique (double accès) ou pour la rénovation d’une prise détruite (qui aurait dû être facturée au client) »71.

L’Autorité constate que les parties s’accordent pour reconnaître qu’une partie des lignes FttH non reprises est causée par la présence de raccordements finals en doublons72. Bien que les parties n’aient pas été en mesure de communiquer à l’Autorité au cours de l’instruction la proportion exacte de raccordements finals en doublon parmi les lignes résiliées non reprises, il résulte de tout ce qui précède que les proportions de lignes résiliées non reprises décrites ci-dessus s’expliquent nécessairement en partie par la présence de raccordements en doublon dans une proportion non résiduelle.

En deuxième lieu, l’existence de raccordements en doublons soulève la question de l’efficacité d’Orange, en tant qu’opérateur d’infrastructure responsable, dans le cadre de la réalisation des raccordements finals, du contrôle de ses sous-traitants agissant en mode STOC et de la gestion de son outil d’aide à la prise de commande.

D’une  part,  s’agissant  du  contrôle  de  ses  sous-traitants,  Orange  affirme  dans  ses  écritures que « l’opérateur d’infrastructure ne peut donc pas être le garant de l’efficience du mode STOC »73  et que « [l]a prévention de ces comportements frauduleux [de certains sous-traitants des opérateurs commerciaux] ne peut être traitée, sous l’égide de l’Arcep, que dans le cadre d’une approche collective des opérateurs commerciaux qui doivent exercer un contrôle de leurs sous-traitants »74. Orange soutient que « l’opérateur d’infrastructure […] n’a pas de contrôle opérationnel sur le sous-traitant de l’opérateur commercial »75, et « qu’il ne contrôle pas le prestataire qui réalise ce nouveau CCF » 76. Orange estime que l’argumentaire de Bouygues Telecom selon lequel « il appartiendrait à l’opérateur d’infrastructure d’assurer seul le contrôle demandé au titre de la réglementation […] n’est pas opérationnellement réalisable » 77. Orange ajoute que : « [l]e seul moyen de contrôle in fine (de deuxième niveau) serait la possibilité de vérification sur le terrain de bout en bout et donc jusqu’à la PTO, qui n’est pas autorisée à l’opérateur d’infrastructure» 78 et que « [l]’opérateur d’infrastructure n’ayant aucune relation avec le client final, ni au moment de la commande, ni au moment du raccordement client puisqu’il se fait en mode STOC, ni dans la vie de parc de l’accès, n’a aucun moyen de valider ou contrôler, ou vérifier que l’installation de la PTO et la localisation de la PTO est conforme à la réalité terrain » 79 (soulignements ajoutés).

Orange affirme également que « [l]’opérateur d’infrastructure ne devant pas s’immiscer dans la relation entre l’opérateur commercial et son client final, ni pour l’opérateur commercial cédant, ni pour l’opérateur commercial prenant, n’a aucun moyen de contrôle, ni sur le cédant ni sur le prenant pour détecter cette fraude. L’opérateur d’infrastructure n’a aucun moyen de s’assurer que l’information selon laquelle il n’y a pas de PTO existante dans le local est juste par rapport au déclaratif de l’opérateur commercial prenant. Il ne peut que lui faire confiance» 80.

Par ces déclarations, et comme il l’a confirmé lors de l’audience, Orange explique qu’il lui est impossible selon lui d’exercer un contrôle sur la construction des raccordements en mode STOC.

L’Autorité relève que s’il est vrai qu’Orange, en tant qu’opérateur d’infrastructure, dans le cas du mode STOC, n’a pas de relation directe avec le technicien intervenant sur le terrain en sous-traitance de l’opérateur commercial, ni de relation directe avec le client final, il dispose cependant d’un certain nombre de moyens à sa disposition, en tant qu’opérateur d’infrastructure, pour exercer un contrôle des raccordements finals et fixer les bonnes incitations à ses sous-traitants en mode STOC afin que ceux-ci s’assurent que leurs techniciens ne construisent pas de raccordements en doublon ou pour détecter les raccordements en doublon construits.

Comme il sera exposé en partie 4.2.4, Orange peut notamment mettre en place un régime de pénalités, des comptes-rendus d’intervention ou encore la réalisation d’audits, auxquels la décision n° 2015-0776 ne fait pas obstacle. Les déclarations d’Orange visant à justifier qu’il lui est impossible de contrôler les raccordements construits en mode STOC semblent indiquer qu’il n’a aujourd’hui ni exploré ni mis en place toutes les mesures possibles pour contrôler au mieux ces raccordements, en tant qu’opérateur d’infrastructure efficace.

A cet égard, l’Autorité relève que Bouygues Telecom a fait constater par actes d’huissier en date du   2 juillet et du 30 novembre 2021 plusieurs incohérences du système d’information d’Orange81 sans que ce dernier ne parvienne à démontrer que les constats d’huissier étaient infondés. Les exemples relevés présentent notamment le cas de plusieurs immeubles ayant dans l’outil d’aide à la prise de commande d’Orange un nombre de PTO construites supérieur au nombre de locaux dans l’immeuble82. L’acte d’huissier du 30 novembre 2021 fait également le constat que de nouvelles créations de lignes (PTO) ont eu lieu dans des immeubles qui présentaient déjà en juillet 2021 des surproductions de lignes par rapport au nombre de logements83.

Ces constats montrent que les systèmes d’informations d’Orange présentent parfois des incohérences entre le nombre de prises construites à une adresse et le nombre de locaux présents à cette adresse, qui attestent manifestement de l’existence de lignes construites en doublon. Il ne ressort en outre pas de l’instruction que ces incohérences aient fait l’objet de mesures correctives par Orange entre juillet et novembre 2021.

L’Autorité relève par ailleurs qu’Orange indique elle-même dans ses écritures avoir entrepris d’améliorer son système concernant une meilleure prévention des raccordements finals en doublon en mettant en place une requalification automatique en commande sur prise existante des commandes incluant une création de prise, depuis septembre 2021, dans les pavillons dont l’adresse dispose déjà d’une prise dans l’OAPC et, depuis octobre 2021, dans les immeubles dont le nombre de prises construites est supérieur à 80 % des locaux de l’immeuble84. Enfin, comme il sera vu infra, l’Autorité constate qu’Orange a prévu dans son contrat STOC v2 signé par Bouygues Telecom fin 2021, de ne pas rémunérer les opérateurs commerciaux en cas de construction de raccordement en doublon.

Dès lors, si des mesures correctives et incitatives ont déjà été mises en œuvre par Orange depuis fin 2021, compte tenu de leur caractère particulièrement récent, l’Autorité n’est pas en mesure d’apprécier, dans les circonstances de l’espèce, les effets de ces dernières. Elles ne sauraient donc démontrer à elles seules une efficacité avérée d’Orange pour éviter les raccordements finals en doublon ou les détecter.

D’autre part, l’Autorité note que l’article 20 de la décision n° 2015-0776 impose à l’opérateur d’infrastructure de fournir aux opérateurs commerciaux un outil qui fournit des informations sur les lignes à construire et les lignes existantes. L’annexe 6 de la décision précise que : « [...] [l]’outil d’aide à la prise de commande permet de distinguer :

les lignes existantes et les lignes à construire ;

parmi les lignes à construire, les lignes raccordables et les lignes qui ne le sont pas ;

les lignes ouvertes à la commercialisation et celles qui ne le sont pas ;

les lignes actives et celles qui ne le sont pas ;

-   parmi les lignes à construire, les lignes ayant été actives et dont la continuité optique du point de mutualisation au dispositif de terminaison intérieur optique a par la suite été rompue, et les autres lignes

[…]

La liste des informations devant être mises à disposition dans l’outil d’aide à la prise de commande à la maille du local sont celles qui suivent. Il doit être possible, pour tout opérateur tiers, de réaliser une recherche au sein de l’outil, à partir d’une seule ou d’une combinaison de ces informations.

[…]

- localisation du local dans l’immeuble, notamment : bâtiment et/ou escalier (uniquement si cela est pertinent), étage et toute information pouvant permettre, au cas d’espèce, d’identifier le local à l’étage (par exemple : « porte de gauche ») ; »

Les motifs de cette même décision précisent de plus que : « […] l’homogénéité, l’exhaustivité et la qualité des informations contenues dans l’outil d’aide à la prise de commande sont des éléments essentiels au bon fonctionnement du processus de commande d’accès »85.

Il s’ensuit que l’opérateur d’infrastructure doit fournir aux opérateurs commerciaux qui souhaitent accéder aux lignes un outil d’aide à la prise de commande qui fournit notamment les informations sur la localisation des lignes existantes ou à construire à la maille du local. Pour cela, l’outil d’aide à la prise de commande de l’opérateur d’infrastructure doit fournir toute information pouvant permettre d’identifier la localisation d’une ligne au sein de l’étage d’un immeuble.

En l’espèce, l’Autorité note que d’après Bouygues Telecom, sans qu’Orange ne le conteste : « l’outil TAO permet uniquement d’obtenir les informations à la maille du bâtiment, de l’escalier ou de l’étage mais pas à celle du local »86. En outre, il apparait que dans l’outil d’aide à la prise de commande d’Orange,  les  informations de  localisation au sein d’un     étage des prises déjà construites  sont peu renseignées, alors même que la décision n° 2015-0776 prévoit que ces informations doivent être mises à disposition.

Orange soutient qu’« il n’est pas possible pour un opérateur d’infrastructure 1/ de définir une nomenclature décrivant de manière littérale la localisation de chaque logement dans un immeuble d’habitation, 2/ d’assurer qu’une telle nomenclature puisse être correctement implémentée et utilisée par l’ensemble des acteurs (technicien de l’opérateur d’infrastructure, client final, interlocuteur de l’opérateur commercial) notamment afin de pouvoir identifier de manière certaine et univoque un logement lors de la prise de commande et 3/ de maintenir une telle nomenclature dans le temps. / Compte tenu de l’ensemble de ces éléments, il ressort que l’identification de manière certaine et univoque d’un logement au sein d’un immeuble d’habitation à partir des seuls éléments de localisation fournis dans le SI n’est matériellement pas possible »87.

Sans qu’il ne soit nécessaire de se prononcer en l’espèce sur l’opportunité de mettre en œuvre un système d’identification univoque et standardisé de tous les locaux, l’Autorité estime qu’Orange n’explique pas ce qui l’empêcherait de renseigner systématiquement des informations de localisation des lignes au sein de l’étage dans son outil d’aide à la prise de commande. Cette possibilité ne saurait donc être totalement être écartée. Orange pourrait par exemple envisager d’exiger de ses sous- traitants, y compris en mode STOC, qu’ils renseignent systématiquement des informations relatives à la localisation au sein de l’étage du local dans lequel la prise a été construite, informations qui seraient ensuite utilisées pour compléter l’outil d’aide à la prise de commande. L’Autorité estime que ce type de démarche pourrait participer à éviter la construction de raccordements en doublon dus au fait que le client et l’opérateur commercial « prenant » ignoraient qu’une prise existait déjà, mais également permettre à l’opérateur d’infrastructure de détecter les éventuels doublons construits.

Il résulte de tout ce qui précède que l’Autorité constate des inefficacités dans la gestion par Orange de la réalisation des raccordements finals en mode STOC et le suivi des prises existantes et à construire qui ne permettent pas d’éviter les raccordements finals en doublon ou les détecter.

Concernant les incitations du mécanisme actuel à éviter les raccordements finals en doublons, Bouygues Telecom soutient que : « le schéma contractuel conduit à une situation inextricable pour Bouygues Telecom dans laquelle elle se trouve doublement pénalisée par l’inefficience du système d’information et de l’OAPC d’Orange […]. A l’inverse Orange n’est aucunement affectée par cette situation, et n’a aucune incitation à y remédier  de façon efficace. »88. Bouygues Telecom  ajoute     qu’ « Orange reconnait avoir la capacité de mettre en œuvre des moyens de contrôle pour limiter le risque de l’absence de reprise d’un CCF. Il est dans ces conditions essentiel qu’elle conserve une importante incitation à continuer dans cette voie, ce que ne permet pas le système contractuel actuel qui l’exonère des surcoûts engendrés par les surproductions »89.

Orange considère quant à lui que : « [l]e système de contributions et restitutions, avec une restitution au moment de la reprise de la ligne par un nouvel opérateur commercial, confie à chaque type d’opérateur les bonnes incitations à l’efficacité »90.

L’Autorité relève qu’en cas de raccordement en doublon non détecté, le mécanisme retenu par Orange conduit à ce que l’opérateur d’infrastructure ne verse pas à l’opérateur commercial « sortant » le montant de la restitution de la contribution aux frais de mise en service, car la ligne FttH résiliée en cause n’est pas identifiée comme reprise dans son système d’information. En revanche, l’opérateur d’infrastructure  rémunère l’opérateur  commercial « prenant »  en  tant  que  sous-traitant  en mode STOC pour la construction du raccordement final en doublon non identifié comme tel et perçoit, en retour, le paiement de la contribution aux frais de mise en service du même montant pour l’usage de ce raccordement par cet opérateur commercial « prenant »91. Il s’ensuit que, comme le reconnait Orange92, dans le mécanisme actuel, l’impact financier de la construction de raccordements finals en doublon non détectés est sans effet direct et immédiat pour l’opérateur d’infrastructure93.

L’Autorité relève donc que le mécanisme actuel n’induit pas une incitation financière suffisante de l’opérateur d’infrastructure pourtant responsable de son réseau de bout en bout à éviter et à détecter la construction de raccordements en doublon. À l’inverse, la contrainte financière de ces raccordements en doublon non détectés pèse sur les opérateurs commerciaux « sortants » dont les frais de premières mises en service ne sont pas restitués, tant que le doublon n’est pas identifié ou repris.

De plus, le mécanisme actuel n’apparait pas, en pratique, de nature à créer des incitations financières à l’opérateur commercial « prenant » à éviter qu’il construise un raccordement en doublon lorsqu’il reprend une ligne donnée. En effet, dans les cas de résiliation, l’opérateur commercial « sortant » du raccordement final de ce logement n’est souvent pas l’opérateur commercial « prenant » qui intervient en mode STOC pour la reprise de ce client final94. Or, c’est ce dernier opérateur commercial « prenant » qui est celui susceptible de construire un raccordement final en doublon pour ce logement. Dès lors, en faisant supporter la surcharge financière causée par les doublons non détectés à l’opérateur commercial « sortant », le mécanisme de restitution actuel pénalise cet opérateur qui n’est pourtant pas à l’origine du doublon.

A cet égard, l’Autorité relève qu’Orange indique dans ses écritures que, dans la mesure où il n’a pas de contact avec le client final, il ne peut vérifier auprès de ce dernier si une prise existe déjà pour le raccordement final de son logement, lorsqu’un opérateur commercial « prenant » passe une commande en mode STOC pour raccorder ce client et que seul cet opérateur commercial est en capacité de connaître cette information95. Ce faisant, la position d’Orange implique que l’incitation à ne pas construire de doublon devrait peser sur l’opérateur commercial « prenant », qui est le seul en mesure de vérifier la présence d’une prise existante. L’Autorité constate toutefois que, à l’inverse, comme démontré précédemment, le mécanisme contractuel actuel d’Orange fait peser les conséquences financières d’un raccordement en doublon non détecté non pas sur cet opérateur commercial « prenant » mais bien sur l’opérateur commercial « sortant ». Par ailleurs, et contrairement à ce que prétend Orange, il ne ressort pas de l’instruction que le mécanisme actuel inciterait en pratique « collectivement les opérateurs commerciaux » à éviter la construction de raccordements finals en doublon parce qu’ils seraient prétendument « tour à tour prenant et cédant » 96.

En effet, il convient tout d’abord de rappeler que chaque opérateur commercial est individuellement responsable de ses seules interventions vis-à-vis de l’opérateur d’infrastructure97, et non de celles des opérateurs commerciaux tiers sur lesquels il ne peut agir.

De plus, à l’échelle du marché, en s’appuyant sur l’idée qu’il existerait une collectivité des opérateurs, Orange assimile les opérateurs commerciaux « prenants » construisant des raccordements finals en mode STOC et ayant à ce titre une relation contractuelle de sous-traitance avec l’opérateur d’infrastructure et les opérateurs commerciaux « sortants » qui résilient des lignes lorsqu’ils perdent un client. Or, une telle approche pénalise financièrement en cas de raccordements en doublon non détectés les opérateurs commerciaux « sortants » indépendamment de leur comportement individuel en tant qu’opérateur commercial « prenant » à ne pas créer de raccordements en doublon. Ainsi, et en réalité, les opérateurs commerciaux « sortants » qui seraient vertueux et ne créeraient pas de raccordements en doublons lorsqu’ils agissent en tant qu’opérateurs commerciaux « prenants » seraient pénalisés de la même manière que les opérateurs commerciaux « sortants » qui créent des raccordements finals en doublon lorsqu’ils agissent en tant qu’opérateurs commerciaux « prenants ».

L’Autorité estime qu’une telle situation n’est pas équitable.

On notera également que cette situation n’est pas cohérente dans le cas d’un opérateur commercial qui recourrait à la construction des raccordements par l’opérateur d’infrastructure (en mode OI) et ne pourrait donc être tenu pour responsable de la construction de raccordements en doublon, mais serait tout aussi pénalisé en tant qu’opérateur commercial « sortant » par les raccordements en doublon non détectés.

Il résulte de tout ce qui précède que la mise en œuvre du mécanisme actuel d’Orange dans les cas de raccordements finals en doublon non détectés fait supporter une surcharge financière à l’opérateur commercial « sortant » (ici en l’occurrence Bouygues Telecom) causée par des inefficacités dans la gestion par Orange, opérateur d’infrastructure, de la réalisation des raccordements finals en mode STOC , et ne permet pas de mettre en place les incitations financières adéquates pour éviter la construction de raccordements finals en doublon ou les détecter.

  c) Sur l’atteinte portée au besoin de prévisibilité des opérateurs commerciaux et au principe de pertinence.

Comme démontré en partie 4.2.2, le mécanisme de restitution contractuel actuel est contraire au principe de pertinence et va à l’encontre du besoin de prévisibilité des opérateurs commerciaux. L’Autorité relève que, du fait de l’existence de raccordements finals construits en doublon non détectés, la mise en œuvre du mécanisme contractuel actuel d’Orange fait supporter à l’opérateur commercial « sortant » une surcharge financière causée par des raccordements construits en doublon qu’il n’a pas induits.

Dès  lors,  cette  situation  est  de  nature  à  créer  notamment  deux  risques  pesant  sur l’opérateur commercial « sortant ».

Premièrement, s’agissant du versement même de la restitution, l’Autorité note que la présence de raccordements finals construits en doublon et non détectés est de nature à créer un risque que l’opérateur commercial « sortant » ne soit jamais remboursé du montant de la restitution, malgré une reprise de l’abonné par un opérateur commercial tiers « prenant ». En cas de doublons « virtuels », la réalisation de ce risque est même presque certaine : la ligne physique précédente ayant été renommée, il n’est plus possible qu’elle soit reprise un jour.

Deuxièmement, s’agissant du moment et du montant de la restitution versée, l’Autorité relève que la présence de raccordements finals construits en doublon non détectés (doublons « physiques » particulièrement) peut causer des délais de vacance plus longs qu’en l’absence de doublon, dans l’hypothèse où la ligne doublonnée est reprise à l’occasion d’un churn ultérieur. Dans cette situation, l’opérateur commercial « sortant » est remboursé beaucoup plus tardivement qu’il n’aurait dû l’être si la ligne avait bien été reprise sans construction en doublon, ce qui entraine, de plus, dans le système mis en place par Orange qui fait varier le montant des restitutions en fonction de la date de reprise, une baisse du montant restitué. L’opérateur commercial « sortant » subit donc le risque de se voir verser le montant de la restitution plus tardivement et pour un montant moindre.

Au surplus, même si le doublon est identifié comme tel par la suite, l’Autorité note que le Contrat ne prévoit pas de mécanisme de régularisation pour compenser la baisse du montant restitué due au temps écoulé entre la construction et l’identification du doublon.

Par conséquent, comme le soutient Bouygues Telecom98, les risques de non-versement et de remboursement tardif ou moindre de la restitution identifiés dans le cadre de l’instruction sont de nature à accroître le caractère aléatoire de la restitution des contributions aux frais de mise en service conférée à Bouygues Telecom par le Contrat et, par conséquent, à accroître l’atteinte portée au besoin de prévisibilité des opérateurs commerciaux.

Par ailleurs, dans le cas des raccordements en doublon non détectés, l’opérateur commercial « sortant » supporte une surcharge financière du fait de la vacance temporaire ou définitive comme démontré supra, alors qu’il n’est a fortiori pas responsable de cette vacance due à la construction non détectée d’un raccordement en doublon, en contradiction avec le principe de pertinence.

Dans ces conditions, contrairement à ce que soutient Orange, l’incertitude supportée par l’opérateur commercial « sortant » dans le système actuel ne saurait constituer un partage des risques équilibré. A cet égard, le fait soulevé par Orange que « l’ensemble des paramètres nécessaires au calcul des tarifs est décrit précisément dans la Convention, en l’occurrence dans les annexes prix, et les valeurs de ces paramètres sont disponibles dans les informations fournies par Orange »99 ne saurait justifier à lui seul la fourniture d’un accès dans des conditions transparentes et répondre au besoin de visibilité des opérateurs commerciaux.

Il s’ensuit que le mécanisme contractuel actuel, en particulier en présence de raccordements finals construits en doublon et non identifiés comme tels, ne permet pas aux opérateurs commerciaux de bénéficier d’une prévisibilité adéquate et est contraire au principe de pertinence.

  d) Sur la charge de la preuve de la construction de raccordements finals en doublon L’Autorité note également que l’article 19 de l’accord cadre du 6 octobre 2017 du Contrat prévoit que :

« […] [d]e convention expresse, les Parties s'accordent pour considérer les données enregistrées, transmises et/ou reçues par Orange dans le cadre de l'Accord-cadre ou du Contrat concerné au moyen de ses propres outils d'enregistrement et de calcul comme la preuve du contenu, de la réalité et du moment de l'enregistrement, de la transmission et/ou de la réception des dites données étant entendu que l'Opérateur peut apporter la preuve contraire en cas de contestation des données d'Orange »100. Il résulte de ces stipulations que les informations issues du système d’information d’Orange font foi entre les parties dans le Contrat et qu’il appartient à Bouygues Telecom de rapporter la preuve contraire en cas de contestation des informations d’Orange.

Au cas d’espèce, en cas de raccordements en doublon non détectés par Orange, l’Autorité relève que ce système revient à faire porter par Bouygues Telecom, en tant qu’opérateur commercial « sortant » la charge de la preuve de l’existence d’un doublon construit par l’opérateur commercial « prenant » afin que la ligne soit considérée comme reprise et que la restitution de la contribution de frais de mise en service lui soit versée. Or, une telle situation résulte de l’absence de détection par Orange lui-même, en tant qu’opérateur d’infrastructure, du doublon construit. Dès lors, si l’opérateur d’infrastructure pourrait légitimement demander à l’opérateur commercial « prenant » d’apporter la preuve qu’il n’a pas construit de raccordement en doublon, il ne saurait demander à  l’opérateur commercial « sortant », en l’espèce Bouygues Telecom, d’apporter la preuve qu’un autre opérateur    commercial « prenant » a construit un raccordement en doublon, qu’Orange indique lui-même ne pas avoir été en capacité de fournir.

Il n’est donc ni justifié, ni raisonnable que l’opérateur d’infrastructure demande à l’opérateur commercial « sortant » de rapporter la preuve de l’existence d’un raccordement en doublon. De plus, l’argument d’Orange selon lequel, l’opérateur commercial disposerait d’une relation exclusive avec le client final qui lui permettrait de vérifier si dernier a repris un abonnement ne saurait prospérer. En effet, la résiliation de la ligne FttH par Bouygues Telecom marque le terme de la relation contractuelle entre l’opérateur commercial « sortant » en tant que fournisseur d’accès à internet et son abonné. Ainsi, l’opérateur commercial « sortant » n’est pas légitime à contacter de nouveau son ancien abonné après la résiliation de la ligne101.

 

Dès lors et à l’aune de ces éléments, le mécanisme actuel d’Orange n’apparaît pas équitable en ce qu’il met en l’espèce à la charge de Bouygues Telecom le soin d’apporter la preuve d’une reprise de la ligne dans le cas d’une construction en doublon non détectée afin d’obtenir la restitution de sa contribution à laquelle il peut pourtant légitimement prétendre.

 

L’Autorité estime qu’il convient que le mécanisme de restitution des contributions de frais de mises en service appréhende de manière adéquate le phénomène de raccordements finals en doublons, tout en incitant à sa baisse.

 

Par conséquent et au regard de tout ce qui précède, compte tenu de la proportion élevée à ce jour de lignes non reprises, qui inclut nécessairement une part de raccordements finals construits en doublon causée par des inefficacités dans la gestion par Orange de la réalisation des raccordements finals en mode STOC et le suivi des prises existantes et à construire et au regard de la responsabilité de ce dernier sur son réseau de bout en bout, ainsi que des principes de pertinence, d’efficacité et du besoin de prévisibilité des opérateurs commerciaux, l’Autorité estime que le mécanisme contractuel actuel d’Orange n’est ni justifié ni équitable.

 

La demande de Bouygues Telecom visant à modifier le fait générateur de la restitution des contributions aux frais de mise en service est raisonnable et permet de résoudre les difficultés identifiées

 

A titre liminaire, l’Autorité rappelle que les demandes de Bouygues Telecom visent à modifier le fait générateur de la restitution des contributions aux frais de mise en service afin que cette restitution n’intervienne plus à la reprise de la ligne effective de la ligne par un nouvel opérateur commercial « prenant » mais bien au moment de la résiliation de la ligne  FttH par  l’opérateur commercial « sortant » (ci-après « la modification du fait générateur »). Bouygues Telecom demande également que la formule de calcul du montant de la restitution des contributions aux frais de mise en service soit adaptée pour tenir compte de cette modification du fait générateur.

En effet, la modification du fait générateur implique en l’espèce de modifier la formule de calcul du montant de cette restitution afin de permettre de calculer au moment de la résiliation de la ligne le montant de la restitution qui sera due à l’opérateur commercial « sortant ».

En premier lieu, l’Autorité relève que, la modification du fait générateur demandée par Bouygues Telecom permet que l’opérateur commercial « sortant » ne reste plus contributeur d’une ligne dont il n’a plus l’usage et reflète ainsi la durée réelle d’affectation de la ligne à cet opérateur, en cohérence avec le principe de pertinence tel qu’il doit s’apprécier dans les circonstances de l’espèce (voir partie 4.2.2).

En deuxième lieu, l’Autorité relève que la modification du fait générateur répond au besoin de prévisibilité de l’opérateur commercial « sortant » puisque le fait générateur de la restitution des contributions aux frais de mise en service n’est plus l’éventuelle reprise de la ligne par un opérateur commercial « prenant » mais la résiliation de la ligne par l’opérateur commercial « sortant ».

En troisième lieu, l’Autorité relève que la modification du fait générateur libère l’opérateur commercial « sortant » d’une charge de la preuve qui n’est pas équitable102 dans le mécanisme actuel en cas de raccordement en doublon non détecté, tel que cela a été démontré dans la partie 4.2.3. Avec la modification du fait générateur, en cas de raccordement en doublon non détecté, l’opérateur commercial « sortant » n’a en effet plus à démontrer, afin que la restitution lui soit due, qu’un opérateur commercial « prenant » a effectivement reconstruit la ligne résiliée en doublon : la restitution lui est due dès la résiliation, indépendamment de l’avenir de la prise.

En quatrième lieu, l’Autorité relève qu’Orange soutient que la modification du fait générateur revient à opérer un transfert financier indu et disproportionné sur l’opérateur d’infrastructure, en ce que « [l]es Demandes de Bouygues Telecom visent à ce que l’opérateur d’infrastructure Orange supporte seul le risque lié à l’absence de reprise du CCF existant par le nouvel opérateur commercial choisi par le client final, […] »103.

A cet égard, l’Autorité estime que le nouveau mécanisme de calcul du montant restitué devra notamment prendre en compte les phénomènes de vacance temporaire ou de non-reprise définitive des lignes qui correspondent à un opérateur efficace de manière à permettre à l’opérateur d’infrastructure de recouvrer, sur l’ensemble de son réseau, la totalité des coûts efficaces de construction des raccordements finals.

L’Autorité constate d’ailleurs que ni Bouygues Telecom ni Orange ne contestent qu’il est nécessaire de prendre en compte les phénomènes de vacance et de non-reprise des lignes résiliées dans le calcul du montant des restitutions. Bouygues Telecom indique à ce sujet qu’il « accepte de supporter le risque normal de vacances et de non reprises, sous forme forfaitaire, dans le cadre de la formule de calcul qu’elle a proposé »104 et propose dans ses demandes une formule qui permet selon lui d’en tenir compte. Bouygues Telecom précise toutefois qu’il convient de prendre en compte pour l’estimation de ces phénomènes de vacance temporaire et de non-reprise définitive, la réalité des réabonnements au FttH105 mais pas des inefficacités de l’opérateur d’infrastructure106.

L’Autorité estime que la prise en compte, dans la nouvelle formule à déterminer, des effets liés à la vacance et à la non reprise d’une ligne qui correspondent à un opérateur efficace permet d’éviter, contrairement à ce que soutient Orange, que ces effets ne soient supportés par l’opérateur d’infrastructure, tout en évitant que la vacance d’une ligne en particulier ne soit supportée par le seul opérateur commercial « sortant », comme dans le mécanisme actuel (voir partie 4.2.2).

La modification du fait générateur assortie d’un nouveau mécanisme de calcul remplissant les conditions décrites ci-dessus permettra en outre d’éviter que les opérateurs commerciaux supportent la charge financière des phénomènes induits par des inefficacités de l’opérateur d’infrastructure, notamment des raccordements en doublon qui ne correspondent pas à ceux d’un opérateur efficace.

Enfin, par la modification du fait générateur et l’introduction d’un nouveau mécanisme de calcul à déterminer selon certaines modalités décrites dans la présente décision, la charge financière liée à la vacance et la non-reprise des lignes consécutives à la construction de raccordements en doublon qui ne correspondent pas à un opérateur efficace ne sera plus portée par le seul opérateur commercial « sortant », contrairement au mécanisme actuel (voir partie 4.2.3) mais par l’opérateur d’infrastructure, en cohérence avec le principe d’efficacité.

Dans ces conditions, selon l’Autorité, et comme le soutient Bouygues Telecom, la modification du fait générateur est de nature à améliorer les incitations financières de l’opérateur d’infrastructure à mettre en place des mesures efficaces tant pour éviter la construction de raccordements finals en doublon que pour détecter ceux qui sont malgré tout construits, en cohérence avec le principe de responsabilité qui pèse sur l’opérateur d’infrastructure.

Au surplus, l’argument d’Orange selon lequel la modification du fait générateur risquerait d’amoindrir les incitations pesant sur les opérateurs commerciaux « prenant » à reprendre les lignes existantes et ne pas construire de doublons n’est pas fondé107.

Comme vu supra, le mécanisme actuel d’Orange ne pénalise pas directement l’opérateur commercial « prenant » qui ne reprend pas la ligne existante et construit un raccordement final en doublon. En effet, si ce doublon n’est pas détecté, l’opérateur commercial « prenant » est payé par l’opérateur d’infrastructure à travers le mode STOC pour la construction du doublon ; et si son raccordement en doublon non détecté est repris, il se verra verser le montant de la restitution au moment de cette reprise ultérieure108.

De plus, et contrairement à ce que soutient Orange, il ressort de l’instruction qu’Orange a la possibilité de mettre en œuvre des actions visant à éviter ou à détecter les raccordements finals en doublon.

Tout d’abord, Orange peut agir en utilisant son système d’information pour éviter la construction  de raccordements en doublon, par exemple :

- en identifiant automatiquement et systématiquement les immeubles dont le nombre de PTO dépasse le nombre de logements puis en agissant proactivement pour vérifier que des PTO en doublon n’ont pas été construites dans ces immeubles par exemple en allant faire des audits sur le terrain ;

- en continuant à requalifier automatiquement les commandes en « reprise de ligne existante » lorsque le taux de PTO dans l’immeuble est supérieur à un certain seuil, comme 80 % des locaux, comme Orange indique le faire depuis l’automne 2021109 ;

- en exigeant des justifications supplémentaires prouvant l’absence de prise existante de la part du sous-traitant pour pouvoir construire une nouvelle ligne, notamment lorsque le taux de PTO construite dans l’immeuble est supérieur à un certain seuil ;

- ou encore en introduisant une obligation pour le sous-traitants, y compris en mode STOC, de fournir systématiquement des informations à la maille du local sur la localisation de la PTO qu’il vient de construire, afin de renseigner cette information dans l’OAPC.

Ensuite, Orange peut par exemple renforcer le contrôle de ses sous-traitants notamment par la mise en place et l’analyse systématique de comptes-rendus d’intervention photographiques ou la réalisation régulière d’audits.

Par ailleurs, comme relevé par les parties, l’opérateur d’infrastructure peut mettre en œuvre un système de pénalités pour l’opérateur commercial « prenant » si ce dernier construit un raccordement final en doublon. Ce système de pénalités, pour être efficace, pourrait disposer de montants suffisamment dissuasifs afin d’inciter les opérateurs commerciaux « prenant » à tout mettre en œuvre pour éviter de construire des raccordements en doublon.

A ce titre, l’Autorité note que les parties ont signé le 17 décembre 2021 une nouvelle version du contrat de prestation de raccordement des câblages client FttH . A l’inverse de la version précédente, l’article 9.1 du contrat STOC v2 prévoit une absence de rémunération de l’opérateur commercial en cas de construction d’un doublon110.

Par ailleurs Orange soutient que le phénomène de construction de raccordements en doublon provient dans une certaine mesure du fait que les techniciens intervenant sur le terrain sont plus rémunérés pour la construction d’un nouveau raccordement final que pour la reprise d’un raccordement existant111. L’Autorité note à cet égard qu’une réflexion sur les modalités de rémunération des techniciens pourrait également participer à l’introduction de meilleures incitations à la reprise des lignes existantes.

Ainsi, compte tenu des possibilités d’action dont dispose à ce jour l’opérateur d’infrastructure pour éviter ou détecter de manière plus efficace la construction de raccordements en doublon et du principe d’efficacité, la circonstance que la modification du fait générateur fait peser sur l’opérateur d’infrastructure la surcharge financière causée par les raccordements en doublon non détectés qui ne relèvent pas d’un opérateur efficace est raisonnable.

 

En cinquième lieu, Orange soutient que : «[l]a formule de restitution proposée par Bouygues dès la résiliation est inéquitable : / - elle repose sur des résultats extrêmement sensibles à quelques paramètres soit qui sont factuellement faux, soit qui ne sont pas mesurables aujourd’hui et/ou potentiellement évolutifs dans le temps. Accepter de telles hypothèses a priori, sans retour d’analyse opérationnelle dans la durée, reviendrait à déplacer, de façon arbitraire et structurante, la charge des raccordements entre les acteurs ; / - elle décrit une vision théorique et irréaliste opérationnellement des délais de reprise des PTO, sans tenir compte des constructions en doublon pour lesquelles l’opérateur d’infrastructure ne peut exercer de contrôle, tout particulièrement dans les immeubles, en raison de l’impossibilité matérielle de mettre en place un référentiel unique des logements »112.

Orange ajoute également que : « [l]’incertitude qui pèse sur l’évolution future de ces paramètres est d’autant plus problématique que les résultats du modèle Analysys Mason apparaissent très sensibles aux hypothèses retenues. Dans ces conditions, utiliser le modèle Analysys Mason, comme le suggère BYT, revient à faire porter aux OI le risque que le taux de reprise, qu’il n’est pas possible d’estimer aujourd’hui de manière fiable, s’avère inférieur à sa valeur maximale théorique »113.

L’Autorité estime que l’opérateur d’infrastructure ne saurait en effet être tenu de supporter seul le risque d’une évolution dans le temps ou d’une mauvaise estimation initiale des délais de vacances, des taux de non-reprise durable ou d’autres paramètres qui seraient pris en compte dans la formule de calcul du montant de la restitution de la contribution aux frais de mise en service. Il s’ensuit que le nouveau système de restitution devrait également prévoir les cas où les paramètres (et le cas échéant la formule) permettant le calcul du montant de la restitution pourront être révisés ou adaptés afin de tenir compte des évolutions dans le temps des phénomènes de vacance et de non-reprise durable ou d’une connaissance plus précise de leur valeur réelle.

 

Il résulte de tout ce qui précède, et au vu en particulier de l’article L. 34-8-3 du CPCE, des décisions réglementaires prises en son application notamment des principes de pertinence et d’efficacité, et du nécessaire besoin de prévisibilité des opérateurs commerciaux, de la responsabilité de l’opérateur d’infrastructure sur son réseau de bout en bout ainsi que des objectifs de régulation mentionnés à l’article L. 32-1 du CPCE, notamment les objectifs de « développement de l'investissement, de l'innovation et de la compétitivité dans le secteur des communications électroniques », d’ « aménagement et l’intérêt des territoires et la diversité de la concurrence dans les territoires », d’ « exercice au bénéfice des utilisateurs d’une concurrence effective et loyale entre les exploitants de réseau et les fournisseurs de services de communications électroniques » qu’il apparaît raisonnable qu’Orange propose à Bouygues Telecom un avenant au Contrat, qui prévoit explicitement, concernant les modalités de restitution de la contribution aux frais de mise en service du câblage client final en zones très denses, pour les lignes à construire, existantes ou actives actuellement soumises au mécanisme de restitution des contributions de l’article 13.4.2. du Contrat, que la résiliation de la ligne par Bouygues Telecom est le fait générateur de la restitution des contributions aux frais de mise en service, afin que cette restitution soit due et calculée au moment de la résiliation de la ligne FttH par Bouygues Telecom.

L’Autorité estime également que la modification au sein du même Contrat des modalités de calcul du montant de la restitution associée à la modification du fait générateur devant permettre à l’opérateur d’infrastructure de couvrir ses coûts efficaces en prenant notamment en compte les phénomènes de vacance et de non reprise durable des lignes correspondant à un opérateur efficace, est raisonnable. Ces modalités de calcul du montant de la restitution devraient inclure des conditions de révision ultérieures de cette formule ou de ses paramètres. Toutefois, comme il sera vu dans la partie suivante, il n’apparaît pas raisonnable en l’état de l’instruction de faire droit à la demande de formule, telle qu’elle est présentée dans la saisine de Bouygues Telecom. Par ailleurs, la prise en compte des phénomènes précités ne préjudicie notamment pas de la possibilité pour l’opérateur d’infrastructure, dans un objectif d’efficacité, comme indiqué précédemment, de compléter le dispositif contractuel par d’autres éléments dûment justifiés, tels que des mécanismes incitant les opérateurs commerciaux « prenant » intervenant en mode STOC à ne pas construire de raccordements en doublon

5   Sur les demandes de Bouygues Telecom relatives à la formule de calcul du montant de la restitution des contributions aux frais de mise en service 

5.1  Rappel des demandes de Bouygues Telecom

 Dans  sa  saisine,  Bouygues  Telecom  formule  les  demandes  suivantes relatives  à  l’évolution  de la formule de calcul du montant de la restitution des contributions aux frais de mise en service :

« B3/ En conséquence,

B3 a/ à titre principal

La formule de calcul du montant de la restitution des contributions aux frais de mise en service devra être modifiée afin que :

i/ Les stipulations contractuelles intègrent deux nouveaux paramètres : délai de vacance entre [5 ; 6] mois et taux de CCF repris entre [97,5 ; 98,5] % ;

ii/ L’article 5.1.2.2 de l’Annexe « Prix » des Conditions Particulières en zone très dense stipule désormais que :

Lors de la résiliation d’une ligne FttH par Bouygues Telecom, le montant de la restitution (R) se calcule par la formule suivante :

IMG6.png

Lorsque la mise à disposition d’une Ligne FttH aboutit à avoir un Contributeur supplémentaire, le montant de la restitution (R) se calcule par la formule suivante :

 IMG7.png

Avec

Taux de CCF repris : taux de lignes résiliées donnant lieu à un nouvel abonnement FttH dans un délai de 20 ans suivant la résiliation,

Préf : prix de référence du Câblage Client Final tel que visé à l’article 5.1.4,

D : nombre d’opérateurs cofinanceurs engagés sur Fibre Dédiée,

Pdédiée : prix de référence de la Fibre Dédiée tel que visé à l’article 5.1.5,

Cxy : coefficient multiplicateur appliqué X années Y mois (Y<12), après la date d’installation du Câblage Client Final tel que visé à l’article 5.1.6,

K : nombre de contributeurs,

K’ : nombre de Contributeurs, y compris le nouveau Contributeur.

iii/ L’article 5.1.6 de l’Annexe « Prix » des Conditions Particulières en zone très dense stipule désormais

que :

Le coefficient multiplicateur appliqué X années et Y mois (Y<12), entre la date d’installation du Câblage Client Final et :

soit la date de mise à disposition de la Ligne FttH dans les cas visés à l’article 5.1.2.1

soit la date de réception de la demande de résiliation de la Ligne FttH par l’Opérateur décalé du délai moyen de vacance dans les cas visés à l’article 5.1.2.2

  • soit la date de réception de la demande de résiliation de Ligne FttH par l’Opérateur dans le cas visé à l’article 5.1.3

est donné par :  IMG10.png

avec CAX le coefficient défini pour chaque année X, donné par le tableau suivant.

IMG8.png

B3 b/ à titre subsidiaire, il est demandé à l’Arcep d’enjoindre à Orange, d’une part, de transmettre à Bouygues Telecom dans un délai d’un (1) mois à compter de la notification de la décision de règlement de différend à intervenir un premier projet d’avenant au Contrat d’accès à la partie verticale des réseaux d’Orange conclu entre Bouygues Telecom et Orange le 3 juillet 2019 et, d’autre part, de transmettre à l’issue d’une négociation menée de bonne foi et au plus tard dans un délai de quatre (4) mois à compter de la notification de la décision de règlement de différend à intervenir, un avenant au Contrat d’accès par lesquels il est prévu une modification de la formule de calcul de la valeur résiduelle des contributions aux frais de mise en service devant être restituées à la résiliation de la ligne FttH par Bouygues Telecom pour les lignes à construire et les lignes existantes/actives quelle que soit la date de création de la ligne, en tenant compte i/ : du taux de CCF repris c’est-à-dire du taux de lignes résiliées donnant lieu à un nouvel abonnement FttH dans un délai de vingt (20) ans suivant la résiliation et ii/ : du délai moyen de vacances entre la résiliation et le nouvel abonnement FttH souscrit pour le même logement, ces éléments devant être déterminés en fonction de la réalité du marché, et non des informations résultant du système d’information d’Orange ;B 3 c/ à titre infiniment subsidiaire, il est demandé à l’Arcep d’enjoindre à Orange, d’une part, de transmettre à Bouygues Telecom dans un délai d’un (1) mois à compter de la notification de la décision de règlement de différend à intervenir un premier projet d’avenant au Contrat d’accès à la partie verticale des réseaux d’Orange conclu entre Bouygues Telecom et Orange le 3 juillet 2019 et,   d’autre part, de transmettre à l’issue d’une négociation menée de bonne foi et au plus tard dans un délai de quatre (4) mois à compter de la notification de la décision de règlement de différend à intervenir, un avenant au Contrat d’accès par lesquels il est prévu une modification de la formule de calcul de la valeur résiduelle des contributions aux frais de mise en service devant être restituées à la résiliation de la ligne FttH par Bouygues Telecom pour les lignes à construire et les lignes existantes/actives quelle que soit la date de création de la ligne ainsi que des paramètres qui la composent. »

 

5.2     Présentation du modèle produit par Bouygues Telecom au soutien de sa demande de formule de calcul des restitutions

 

Bouygues Telecom indique qu’« [i]l est également nécessaire de modifier la formule contractuelle de calcul des restitutions afin de la rendre compatible avec la modification du fait générateur désormais fixé au moment de la résiliation de la Ligne FttH »115.

S’agissant de la modification de cette formule, Bouygues Telecom affirme que « dans l’esprit du partage des coûts qui est prévu par le Contrat – il est possible de prévoir une contribution de Bouygues Telecom au risque de vacance de la ligne, sans toutefois faire peser sur elle les conséquences de l’inefficacité et de l’absence de fiabilité du système d’information et de prise de commande d’Orange. » et en conclut que « [l]a formule de calcul de la valeur des restitutions pourra ainsi intégrer les paramètres adéquats permettant de tenir compte du taux de CCF repris (qui correspond non pas aux données du système d’information d’Orange mais au taux réel de réabonnement à un accès FttH suivant une résiliation) et du délai moyen de vacance d’une ligne » 116.

Bouygues Telecom indique qu’elle « s’est appuyée sur le cabinet de conseil Analysys Mason pour développer un Modèle permettant la mise en œuvre opérationnelle d’un nouveau schéma contractuel en vertu duquel la restitution serait déclenchée par la résiliation par Bouygues Telecom »117, qui « perme[t] […] d’évaluer, d’une part, les différentes situations nominales pouvant amener un CCF résilié par Bouygues Telecom à ne pas être repris par un nouvel OC et, d’autre part, en cas de reprise, le Délai Moyen de Vacance associé. En sortie, ce Modèle vise à définir le Taux de CCF Repris ainsi que le Délai de Vacance Moyen associé […] ».118

Ce modèle représente le devenir d’un câblage client final après sa résiliation119. Il distingue pour cela plusieurs cas, sous forme d’un arbre des possibles : si la résiliation fait suite à un churn sans déménagement ou à un déménagement ; en cas de déménagement, si ce dernier est suivi d’une réoccupation immédiate, d’une vacance temporaire ou de la destruction du logement ; et enfin si le client après un churn ou un emménagement se rééquipe en FttH ou pas. Il distingue ainsi six cas, qui correspondent à la figure suivante présentée par Bouygues Telecom120 :

IMG9.png

Ce modèle calcule ensuite, sur la base de ces six cas, le taux de raccordements finals repris sur la durée de 20 ans (correspondant à la durée d’amortissement dans le contrat d’Orange), ainsi que le délai moyen de vacance pour les raccordements finals repris.

Le modèle utilise plusieurs paramètres d’entrée121, dont les valeurs sont issues de sources externes ou internes à Bouygues Telecom122 et pour lesquels Bouygues Telecom présente deux jeux d’hypothèses. Analysys Mason en déduit, pour ces deux jeux d’hypothèses, un taux de reprise du raccordement final de 98,5 % et 97,5 % d’une part et un délai moyen de vacance de 6,4 et 5,3 mois d’autre part.

Bouygues Telecom précise que « le Modèle […] fonctionne dans un « marché 100% FTTH à terme » dans la mesure où il est observé que : (i) les OC (lorsqu’ils sont présents en FTTH à une adresse) ne proposent que du FTTH, (ii) la couverture d’éligibilité commerciale FTTH des opérateurs est en forte croissance et (iii) la boucle locale cuivre est en cours de fermeture par Orange. »123 et que « [l]e Modèle propose une analyse sur 20 ans suivant la résiliation du CCF. Outre le fait que ce Modèle soit conservateur, il permet de traiter près de 4 cycles de résiliation. Cette durée de 20 ans correspond à la durée d’amortissement du CCF suivant la date d’installation de ce câblage, sa valeur sera de 0 € à la fin de cette période. Il est ainsi garanti, en menant une analyse sur cette durée après la résiliation du CCF, que l’intégralité de la durée de vie du CCF est couverte, même dans le cas d’un CCF résilié quelques jours après sa première installation. »124

A partir des résultats du modèle, Bouygues Telecom affirme que « [d]ans le cadre de la mise en œuvre des modifications contractuelles demandées, [elle] estime équitable, raisonnable et proportionné que :

•  Le Taux de CCF Repris soit fixé entre 97,5% et 98,5% ;

•  Le Délai Moyen de Vacance associé soit fixé entre 5 et 6 mois […] ».125

Orange estime que « [l]a formule de restitution proposée par Bouygues dès la résiliation est inéquitable : / - elle repose sur des résultats extrêmement sensibles à quelques paramètres soit qui sont factuellement faux, soit qui ne sont pas mesurables aujourd’hui et/ou potentiellement évolutifs dans le temps. Accepter de telles hypothèses a priori, sans retour d’analyse opérationnelle dans la durée, reviendrait à déplacer, de façon arbitraire et structurante, la charge des raccordements entre les acteurs ; / - elle décrit une vision théorique et irréaliste opérationnellement des délais de reprise des PTO, sans tenir compte des constructions en doublon pour lesquelles l’opérateur d’infrastructure ne peut exercer de contrôle, tout particulièrement dans les immeubles, en raison de l’impossibilité matérielle de mettre en place un référentiel unique des logements »126.

Orange propose « [des] ajustements des paramètres du modèle Analysys Mason qui mènent à des résultats très différents, ce qui montre le caractère purement théorique et la très grande sensibilité du modèle de Bouygues Telecom » et considère qu’ « il s’agit d’un modèle complètement déconnecté du terrain, qui ne prend pas en compte toutes les contraintes opérationnelles inhérentes au déploiement d’un réseau, ainsi qu’aux abus de certains sous-traitants »127, concluant que « le modèle de Bouygues Telecom doit être rejeté par l’Arcep »128.

Orange précise que « [l]es paramètres clés suivants ont ainsi été corrigés : / - le taux de réabonnement FttH en cas de déménagement (estimé à [SDA] % sur base d’une enquête interne et d’hypothèses Bouygues), estimé par Orange à 54 % à 2022 et 85 % à terme ; /- le taux de réabonnement FttH en cas de churn (estimé à [SDA] % sur base d’une enquête interne et d’hypothèses Bouygues), estimé par Orange à [SDA] % et [SDA] % à terme (cette distinction entre les cas de churn et les cas de déménagements semblait essentielle pour prendre en compte la diversité des situations, comme explicité en question 41) ; - la part des logements temporairement vides et durablement vacants, qui était sous-estimée avec 2.8 % de déménagements seulement. Sur la base des données fournies par Bouygues un taux revu de 5.9 % a été modélisé en prenant compte les logements détruits et durablement vacants. Cependant d’autres paramètres pourraient également être contestés, notamment : / - la vitesse de rééquipements en cas de changement de technologies ; / - la vitesse de rééquipements en cas de déménagement »129.

Orange ayant introduit une dimension temporelle dans l’estimation des paramètres, les parties ont spécifiquement été interrogées dans le cadre de l’instruction sur la pertinence et les modalités d’une éventuelle évolution dans le temps de la formule ou de ses paramètres.

Sur ce point, Orange indique que « certains paramètres du modèle vont évoluer dans le temps, entre les hypothèses actuelles ce jour et la valeur qu’ils pourraient potentiellement avoir à terme. De plus, les valeurs à terme dépendent de multiples facteurs qui sont incertains, notamment l’évolution du taux de pénétration de la fibre face à des technologies alternatives, selon les conditions de marché. […] » tout en soulignant que le prise en compte de l’évolution des paramètres afin d’ajuster la formule présente des difficultés : « la méthodologie pour mettre à jour ces informations serait complexe. […] En plus de la collecte de ces données, il faudrait pouvoir les mettre à jour régulièrement ce qui requiert des ressources humaines et financières conséquentes »130.

Bouygues Telecom, quant à lui, a répondu131 qu’« une vision « cible » d’un marché FTTH stable à terme est pertinente, raisonnable et proportionnée pour déterminer les hypothèses et le fonctionnement du Modèle présenté par Bouygues Telecom dans sa saisine […] Bouygues Telecom ne partage pas la dimension temporelle proposée par Orange. » Il ajoute dans ses observations complémentaires que « [s]ur les zones dans laquelle la fibre est déjà déployée et là où il y a déjà eu un raccordement FTTH de réalisé, le marché actuel est dès aujourd’hui très proche d’un marché « 100% FTTH […] Considérer que le périmètre pertinent à retenir, dans le cadre du présent différend, correspond à un marché « 100% FTTH » qui est quasiment d’ores et déjà atteint, revient donc, pour déterminer les valeurs de taux de reprise des CCF et le délai de vacance, à s’appuyer [sur] le Modèle présenté par Bouygues Telecom, dans le cadre de sa saisine, qui correspond au Modèle Orange à terme »132.

Orange répond dans son mémoire complémentaire que « [l]es hypothèses du modèle Analysys Mason produit par Bouygues Telecom sont démenties par les données réelles de marché »133 et que « […] retenir l’approche de Bouygues Telecom conduirait in fine à faire anormalement supporter par l’OI un coût de vacance des CCF lié, non pas aux constructions en doublon, mais en réalité à une maturité de marché inférieure à celle supposée par Bouygues Telecom. »134 Orange critique notamment l’hypothèse d’un marché déjà 100 % FttH au niveau des raccordements finals réalisés, précisant qu’elle correspond à des hypothèses erronées135. Orange conclut, se référant à un rapport produit par Brattle136, que : « [c]omme indiqué dans la Note Brattle, les données disponibles confirment qu’il ne peut être déterminé avec certitude à quel niveau le taux de reprise plafonnera à l’avenir, ce qui invalide intégralement le modèle AM »137.

5.3        Analyse de l’Autorité

S’agissant de la formule proposée par Bouygues Telecom, Orange met en avant deux principales difficultés sur sa mise en œuvre. D’une part, il indique qu’il serait impossible, en l’état, de calibrer le modèle permettant de déterminer la valeur des paramètres présents dans la formule proposée par Bouygues Telecom compte tenu de la maturité actuelle du marché138. D’autre part, il souligne que plusieurs données d’entrée de ce modèle pourraient évoluer dans le temps, mais que la prise en compte de ces évolutions serait complexe. Orange met en avant en outre le risque financier substantiel pour l’opérateur d’infrastructure associé à une mauvaise estimation des paramètres139.

En réponse à ces critiques, Bouygues Telecom maintient qu’il est pertinent de considérer un modèle prenant  l’hypothèse  d’un  marché  « 100 %  FttH »  dans  la  mesure  où  il  convient  de  s’intéresser uniquement aux logements déjà fibrés140. Il ne propose par ailleurs pas de mécanisme permettant de prendre en compte l’évolution des paramètres dans le temps.

Toutefois, l’affirmation de Bouygues Telecom que l’on pourrait d’ores et déjà se placer dans un marché « 100 % FttH » ne semble pas suffisamment justifiée.

Certes, la remarque de Bouygues Telecom selon laquelle il convient de raisonner au périmètre des raccordements finals déjà construits141 semble adaptée, dans la mesure où le mécanisme de restitution ne vise bien, par définition, que des raccordements déjà construits.

Cependant, l’Autorité relève que ce que Bouygues Telecom entend par « marché 100 % FttH » va plus loin. Bouygues Telecom entend par là qu’après une résiliation dans un local déjà équipé en FttH, un nouvel abonnement filaire ne sera qu’en FttH142, hypothèse qu’il retient pour sa modélisation.

Or, il ressort des écritures mêmes de Bouygues Telecom que, même sur le périmètre des seuls raccordements finals FttH déjà construits, l’hypothèse d’un marché « 100 % FttH » semble prématurée. En effet Bouygues Telecom mentionne à plusieurs reprises que cet état d’un marché

« 100 % FttH » serait « proche » ou « quasiment atteint » et indique qu’il s’agit d’un scénario « cible » et « stable à terme »143 ; or, il retient malgré tout cette hypothèse alors même que sa demande porte sur des résiliations à date, sur un marché qui n’a donc pas encore atteint cette cible.

Par exemple, Bouygues Telecom appuie son affirmation par le fait que « [s]ur la ZTD Orange, il y a au moins 3 opérateurs commerciaux d’envergure nationale sur 90% des prises raccordables (on est à plus de 95% en ZMD) »144 ; cela n’implique pas que les quatre opérateurs d’envergure nationale proposent du FttH sur ces prises, et sur les 10 % de prises restantes ce sont donc moins de trois opérateurs qui proposent du FttH, les opérateurs ne proposant pas du FttH proposant dans la majorité des cas une autre technologie (ADSL ou câble). Le fait que « [l]e parc d’abonnés sur une offre avec terminaison en câble coaxial dont le débit est ≥ 100 Mbit/s, soit concurrent potentiel à une offre FTTH, est en baisse depuis 2017, avec une baisse de plus de 13% entre 2019 et 2020 » n’implique pas qu’il n’y ait plus de commercialisation d’accès en câble. De même, le sondage le plus récent (« sondage 2021 ») présenté par Bouygues Telecom145 présente un pourcentage de [SDA] % d’abonnés qui basculent sur une autre technologie fixe que le FttH après une résiliation sans déménagement.

L’hypothèse d’un marché « 100 % FttH », au sens où l’entend Bouygues Telecom est donc bien une approximation146, dont Bouygues Telecom ne démontre pas en quoi elle serait sans conséquences. Au contraire, le modèle proposé par Bouygues Telecom tend, toutes choses égales par ailleurs, à sous- estimer les délais de vacance des raccordements finals par rapport à la réalité, puisqu’il ressort des éléments mêmes fournis par Bouygues Telecom que certains logements font encore l’objet, après une résiliation d’un abonnement FttH, d’un abonnement dans une autre technologie fixe.

Or, c’est en particulier cette hypothèse d’un marché 100 % FttH dès aujourd’hui que Bouygues Telecom met en avant pour répondre aux difficultés mises en avant par Orange concernant le modèle que Bouygues Telecom produit à l’appui de sa demande (la difficulté de calibration du modèle et l’évolution des paramètres dans le temps)147.

De plus, apparaissent des risques d’une mauvaise estimation ou d’une évolution dans le temps des paramètres tels qu’ils ont été discutés entre les parties dans le cadre de l’instruction . Dans ce contexte, et au regard des éléments évoqués en partie 4.2.4, l’Autorité considère que Bouygues Telecom n’a pas apporté les éléments suffisants pour répondre aux préoccupations et critiques légitimes avancées par Orange, à savoir le risque d’une mauvaise estimation des paramètres de la formule proposée par Bouygues Telecom et les conséquences du fait que ceux-ci pourraient évoluer dans le temps.

Dans ces conditions, il apparaît que l’Autorité n’est pas en mesure d’apprécier le caractère   justifié et proportionné de la formule proposée par Bouygues Telecom.

Par ailleurs, concernant les paramètres à retenir, Bouygues Telecom indique que la formule devrait tenir compte de deux phénomènes dont il estime logique qu’ils soient pris en compte dans les contributions des opérateurs commerciaux : les lignes non reprises d’une part ; la vacance (non définitive) d’autre part. Comme vu en partie 4.2.4, il est en effet nécessaire que la formule tienne compte de ces phénomènes dès lors que le fait générateur est modifié. Comme indiqué dans cette même partie, il doit toutefois s’agir des non-reprises et vacances qui ne sont pas causées par les inefficacités de l’opérateur d’infrastructure, tels que des raccordements en doublon inefficaces.

Dans ses demandes, Bouygues Telecom propose d’utiliser plus précisément les paramètres suivants pour tenir compte de ces phénomènes : (i) le taux de raccordements finals non repris au bout de la durée d’amortissement du raccordement final (20 ans) et (ii) le délai moyen de vacance.

Ces paramètres, qui ont le mérite d’avoir une définition simple et qui ont fait l’objet d’échanges entre les parties dans le cadre de l’instruction, pourraient ainsi être ceux à utiliser.

Cependant, l’Autorité n’a pas été mise en mesure de se prononcer sur la pertinence de la formule proposée par Bouygues Telecom avec ses paramètres précis et valeurs associées, au regard notamment des problématiques de calibrage des paramètres et de leur évolution dans le temps, dont le mécanisme reste à établir.

Ainsi, il ne serait ni justifié ni proportionné que l’Autorité impose à Orange de proposer une formule qui tienne compte précisément des paramètres proposés par Bouygues Telecom et fixe les valeurs des paramètres proposés par Bouygues Telecom.

 6          Conclusion générale

En conclusion, au regard de l’ensemble des éléments qui précèdent, et au vu en particulier de l’article

L.  34-8-3 du CPCE, des décisions réglementaires prises en son application, notamment des principes de pertinence et d’efficacité, et du nécessaire besoin de prévisibilité des opérateurs commerciaux, de la responsabilité de l’opérateur d’infrastructure sur son réseau de bout en bout ainsi que des objectifs  de régulation  mentionnés  à  l’article L. 32-1  du  CPCE,  et en  particulier des  objectifs de

« développement de l'investissement, de l'innovation et de la compétitivité dans le secteur des communications électroniques », d’ « aménagement et l’intérêt des territoires et la diversité de la concurrence dans les territoires », d’ « exercice au bénéfice des utilisateurs d’une concurrence effective et loyale entre les exploitants de réseau et les fournisseurs de services de communications électroniques » , l’Autorité estime justifié et raisonnable qu’Orange modifie le fait générateur de la restitution des contributions aux frais de mise en service afin que cette restitution n’intervienne plus à la reprise de la ligne effective de la ligne par un nouvel opérateur commercial mais au moment de la résiliation de la ligne FttH par Bouygues Telecom. L’Autorité estime également justifié et raisonnable que soit associée à cette modification du fait générateur une formule de calcul du montant de la restitution qui prenne notamment en compte les phénomènes de vacances et de non reprise durable des lignes correspondant à un opérateur efficace. Devraient de plus être prévues les modalités d’évolutions justifiées ultérieures de cette formule ou de ses paramètres. La formule de calcul et les paramètres associés devront être fixés à l’issue d’une négociation menée de bonne foi entre les parties.

Pour permettre ces modifications du Contrat, l’Autorité considère dès lors qu’il est justifié et proportionné qu’Orange transmette un projet d’avenant initial :

- pour prévoir explicitement dans son Contrat d’accès aux lignes FttH, en zones très denses, pour les lignes à construire et les lignes existantes ou actives actuellement soumises au mécanisme de restitution des contributions de l’article 13.4.2 du Contrat, que la résiliation de la ligne par Bouygues Telecom est le fait générateur de la restitution des contributions aux frais de mise en service, afin que cette restitution soit due et calculée par Orange au moment de la résiliation de cette ligne FttH par Bouygues Telecom ;

- proposant une formule de calcul de la restitution des contributions adaptée afin d’initier les discussions sur ce point entre les parties, dans le cadre d’une négociation menée de bonne foi. La nouvelle formule de calcul de la restitution des contributions prendra en compte les phénomènes de vacances et de non reprise durable des lignes correspondant à un opérateur efficace. Le projet d’avenant devrait également proposer des modalités d’évolutions justifiées ultérieures de cette formule ou de ses paramètres.

A cette fin, l’Autorité estime qu’il est justifié de laisser à Orange, un délai de 6 mois à compter de la notification de la présente décision, pour proposer un Contrat modifié en ce sens. Afin que les négociations sur la formule de calcul de la restitution des contributions et les paramètres associés se déroulent dans de bonnes conditions entre les parties, Orange initiera ces dernières, par l’envoi d’un premier projet d’avenant initial tel que décrit ci-dessus dans un délai raisonnable de 2 mois à compter de la notification de la présente décision.

Compte tenu de ce qui précède, l’Autorité rejette le surplus des demandes de Bouygues Telecom concernant la fixation de la nouvelle formule et de ses paramètres.

 

 7 Sur la date d’effet demandée par Bouygues Telecom

Bouygues Telecom demande à ce que les modifications prévues par la décision de règlement de différend aient un effet rétroactif à partir du 23 juillet 2021 « pour toutes les  lignes  existantes/actives », quelle que soit la date de création de la ligne FttH.

Pour rappel, en application de l’article L. 36-8 du CPCE, l’Autorité « peut, à la demande de la partie qui la saisit, décider que sa décision produira effet à une date antérieur à sa saisine, sans toutefois que cette date puisse être antérieure à la date à laquelle la contestation a été formellement élevée par des parties pour la première fois, et, en tout état de cause, sans que cette date soit antérieure de plus de deux ans à sa saisine ».

L’Autorité a fait droit à la demande de Bouygues Telecom tenant à la modification du fait générateur de la restitution des contributions aux frais de mise en service afin que le fait générateur n’intervienne plus à la reprise de la ligne effective de la ligne par un nouvel opérateur commercial « prenant » mais bien à la résiliation de la ligne FttH par l’opérateur commercial « sortant ». Toutefois comme exposé supra en partie 4.2.4, la modification du fait générateur des restitutions à la résiliation de la ligne FttH par Bouygues Telecom nécessite une modification de la formule de calcul afin de permettre de calculer au moment de la résiliation le montant de la restitution qui sera due à l’opérateur commercial « sortant ».

Lors de  l’audience, Bouygues  Telecom a indiqué  que  sa demande  de rétroactivité était  légitime et formulée en application du CPCE.

Bouygues Telecom a précisé que les  conséquences financières  de sa demande de  rétroactivité au  23 juillet 2021 seraient de l’ordre « d’une dizaine de millions d’euros ». Bouygues Telecom a ajouté, à titre d’illustration, qu’entre le 1er septembre 2021 et le 31 janvier 2022, Bouygues Telecom a résilié  40 000 prises en zones très denses.

Lors de l’audience devant la formation RDPI de l’Arcep, Orange a indiqué qu’elle estimait que la demande de rétroactivité de Bouygues Telecom serait inéquitable. Orange a souligné que sur l’ensemble de l’exercice 2021, si Orange avait appliqué la formule et les paramètres demandés par Bouygues Telecom pour l’ensemble des prises résiliées sur l’année 2021 par tous les opérateurs commerciaux, Orange aurait versé [SDA] millions d’euros de plus que le montant des contributions qu’il a reçues des opérateurs tiers à la reprise des lignes résiliées sur la même période, dont [SDA] millions d’euros en zones très denses. Compte tenu de la croissance du nombre de prises souscrites en 2022 et du pourcentage stable du taux de prises résiliées chaque année, Orange estime que l’impact financier sera plus élevé pour 2022.

Tout d’abord, l’Autorité relève que, d’une part, comme démontré au point 2, la demande de rétroactivité est recevable en l’espèce et que, d’autre part, Orange a connaissance des demandes de Bouygues Telecom et donc de l’éventualité qu’une décision de l’Arcep, saisie du règlement de différend, y fasse droit, depuis au moins le courrier du 23 juillet 2021 qui lui a été adressé par cette dernière, en vue de faire modifier le fait générateur de la restitution des contributions aux frais de mises en service à la résiliation de la ligne FttH ainsi que de la formule de calcul demandée.

Ensuite, dès lors qu’il été décidé de faire droit à la demande de modification du fait générateur de la restitution des contributions aux frais de mise en service, il apparaît à l’Autorité qu’il serait justifié et équitable, en l’espèce, de faire également droit à la demande de rétroactivité de Bouygues Telecom. En effet, l’Autorité relève que Bouygues Telecom ne saurait en particulier être tributaire sur la période de rétroactivité demandée, des inefficacités d’Orange dans la gestion de la réalisation des raccordements finals en mode STOC comme exposé supra en partie 4.2.3. Il ne serait pas équitable que le fait générateur de la restitution à Bouygues Telecom des contributions aux frais de mise en service litigieux soit inchangé et demeure la reprise par un nouvel opérateur commercial « prenant » de la ligne résiliée, entre le 23 juillet 2021 et la date de la présente décision.

L’Autorité estime en outre qu’il n’a été apporté aucun élément au cours de l’instruction faisant état de difficultés techniques ou comptables particulières qui remettrait en cause le caractère proportionné et équitable de la demande de rétroactivité de Bouygues Telecom.

Au surplus, les éléments chiffrés évoqués par Orange à l’audience devant la formation RDPI de l’Arcep concernent l’ensemble des opérateurs commerciaux et une période de temps supérieure et différente à celle couverte par la demande de rétroactivité.

Par conséquent, il ressort de l’ensemble des développements qui précèdent que la demande de Bouygues Telecom tendant à la modification du fait générateur de la restitution des contributions aux frais de mise en service à la date de résiliation de la ligne FttH par Bouygues Telecom à compter du 23 juillet 2021, pour les lignes FttH soumises au mécanisme de restitution des contributions en application de l’article 13.4.2 des conditions générales de ce contrat, situées en zones très denses, présente un caractère équitable et proportionné, et doit, par suite, être acceptée. Cette modification du fait générateur emporte les modifications nécessaires pour permettre le calcul du montant des restitutions des lignes FttH soumises au mécanisme de restitution des contributions en application de l’article 13.4.2 des conditions générales du Contrat, situées en zones très denses et résiliées par Bouygues Telecom entre le 23 juillet 2021 et la date de la présente décision, en cohérence avec les principes exposés en partie 5. Ces modifications sont à déterminer dans le cadre de négociations menées de bonne foi entre les parties et dans les mêmes délais que ceux prévues en partie 6.

 8 Sur l’atteinte au principe de confiance légitime

Orange soutient que « [s]i, par extraordinaire, l’Arcep faisait droit aux Demandes de Bouygues Telecom, alors une telle décision bouleverserait de facto le cadre réglementaire symétrique FttH existant, et les équilibres économiques sur lesquels il repose en imposant à l’opérateur d’infrastructure Orange de supporter seul des coûts et ce en contradiction avec l’obligation de mutualisation propre au cadre réglementaire symétrique. Une telle décision serait manifestement disproportionnée et conduirait à remettre en cause les anticipations sur lesquelles Orange a fondé ses investissements. Orange a en effet investi et continue à investir des sommes considérables dans le déploiement d’un réseau FttH en France, sur la base du cadre réglementaire symétrique adopté par l’Arcep et de cette obligation de mutualisation, applicable à tous les opérateurs d’infrastructures. Les Demandes de Bouygues Telecom ne peuvent donc conduire à porter atteinte à la stabilité du cadre et à la confiance légitime qui ont soutenu de tels investissements ». 148

Bouygues Telecom considère qu’: « Orange fait l’économie de la démonstration de ces trois conditions. Elle ne démontre pas avoir reçu une quelconque assurance précise, inconditionnelle et concordante que le fait générateur des restitutions (fait générateur qu’elle a elle-même défini dans sa convention d’accès sans qu’il ne soit dicté par l’Arcep), ne serait pas modifié. Orange pouvait d’autant moins nourrir une telle espérance légitime, qu’elle sait pertinemment que l’Arcep dispose du pouvoir de l’enjoindre de modifier sa convention d’accès. Les éléments qu’Orange cite, à savoir la décision n° 2010-1312 et l’avis n° 10-A-18 de l’Autorité de la concurrence, ne constituent aucunement des assurances conférées par les autorités. Ces décisions ne se prononcent pas sur le fait générateur des restitutions, pas plus que sur le partage des coûts liés aux surproductions. Comme on l’a vu les principes de mutualisation et de pertinence, rappelés par la décision 2010-1312 de l’Arcep et l’avis n°10-A-18 de l’Adlc ne signifie aucunement une mutualisation de l’ensemble des coûts et des risques, contrairement à ce que prétend Orange.  Le  postulat selon lequel  les  Demandes  visent  à ce  qu’Orange,  en sa qualité  d’OI,  subisse « l’intégralité des coûts dans l’hypothèse de la construction d’un nouveau CCF » contrairement à ce que prévoit le « cadre règlementaire de la mutualisation » est en ce sens erroné »149.

Bouygues Telecom ajoute également qu’« Orange indique elle-même qu’elle a à sa disposition de multiples moyens pour ce faire, et il ne lui manque en réalité que l’incitation, qui ne peut provenir que de la modification du Contrat. Loin de supporter seule les risques résiduels de surproductions Orange pourra, une fois qu’elle aura mis son SI à niveau, éviter les situations de surproduction en identifiant systématiquement les lignes. La modification du Contrat d’accès est un donc un prérequis nécessaire pour rendre efficace et opérant le système financier et contractuel, permettant ainsi à Orange de pérenniser ses investissements dans les zones où elle est OI, sans bouleverser le cadre réglementaire symétrique FttH. »150 L’Autorité rappelle que, suivant une jurisprudence constante des juridictions de l’Union européenne, « le principe de confiance légitime, opposable aux autorités de l’Union européennes et nationales lorsqu’elles mettent en œuvre le droit de l’Union, leur impose de respecter la confiance des parties lorsqu’elles ont fait naître dans leur chef des espérances fondées du fait d’assurances précises qu’elles leur auraient fournies »151.

L’Autorité relève qu’Orange cite à l’appui d’une prétendue atteinte au principe de confiance légitime la décision du 14 décembre 2010 n° 2010-1312 de l’Autorité précisant les modalités de l’accès aux lignes de communications électroniques à très haut débit en fibre optique sur l’ensemble du territoire à l’exception des zones très denses ainsi que l’avis du 27 septembre 2010 n°10-A-18 de l’Autorité de la concurrence relatif à ce même projet de décision de Arcep portant sur le déploiement de la fibre optique en dehors des zones très denses.

Or l’Autorité relève que ces décisions ne se prononcent ni sur le fait générateur des restitutions des contributions aux frais de mise en service ni sur le partage des coûts liés à la présence de raccordements finals en doublons et ne sauraient donc constituer des assurances précises inconditionnelles et concordantes de nature à faire naître une attente légitime pour Orange

Il incombe en revanche à l’Autorité, en application des dispositions de l’article L. 36-8 du CPCE, de trancher le litige né entre deux opérateurs sur les conditions dans lesquelles l’accès est assuré, sans qu’il n’y ait d’incompatibilité avec l’exercice, par l’Autorité, de sa compétence sur le fondement des dispositions de l’article L. 36-6 ou de l’article L. 34-8-3 du CPCE.

Il s’ensuit que la demande de Bouygues Telecom ne porte pas atteinte au principe de confiance légitime.

 

Décide :

 

Article 1. La société Orange doit, dans un délai de 6 mois à compter de la notification de la présente décision, transmettre un projet de contrat modifiant, à compter de la présente décision, le contrat conclu avec Bouygues Telecom le 3 juillet 2019 pour prévoir pour les lignes à construire, existantes ou actives soumises au mécanisme de restitution des contributions en application de l’article 13.4.2 des conditions générales de ce contrat et situées en zones très denses :

- d’une part que la résiliation de la ligne FttH par Bouygues Telecom est le fait générateur de la restitution des contributions aux frais de mise en service ;

- d’autre part, à l’issue d’une négociation menée de bonne foi, une formule de calcul du montant de la restitution des contributions aux frais de mise en service adaptée, qui prend notamment en compte les phénomènes de vacance et de non reprise durable des lignes correspondant à un opérateur efficace.

Un premier projet de contrat sera transmis dans un délai de 2 mois à compter de la notification de la présente décision comprenant la modification du fait générateur de la restitution des contributions aux frais de mise en service conformément au deuxième alinéa du présent article ainsi qu’une proposition de formule de calcul de la restitution des contributions dans les conditions prévues au troisième alinéa, en vue d’initier une négociation menée de bonne foi sur cette dernière.

Article 2. La modification du fait générateur de la restitution des contributions aux frais de mise en service, telle que prévue au 2e alinéa de l’article 1er sera applicable à compter du 23 juillet 2021. Les conséquences à en tirer pour permettre le calcul du montant des restitutions des lignes FttH soumises au mécanisme de restitution des contributions en application de l’article 13.4.2 des conditions générales de ce contrat, situées en zones très denses et résiliées par Bouygues Telecom entre le 23 juillet 2021 et la date de la présente décision sont à déterminer dans le cadre de négociations menées de bonne foi dans les mêmes délais que ceux prévus à l’article 1er.

Article 3.      Le surplus des demandes de la société Bouygues Telecom est rejeté.

Article 4. La directrice des affaires juridiques de l’Autorité de régulation des communications électroniques, des postes et de la distribution de la presse est chargée de notifier la présente décision aux sociétés Bouygues Telecom et Orange. Elle sera rendue publique sous réserve des secrets protégés par la loi.

 

NOTES :

1 Saisine de Bouygues Telecom, point22 et suivants, page 7.

2 Décision n° 2020-1446 de l’Autorité de régulation des communications électroniques, des postes et de la distribution de la presse en date du 15 décembre 2020 portant sur la définition du marché pertinent de fourniture en gros d'accès local en position déterminée, sur la désignation d’un opérateur exerçant une influence significative sur ce marché et sur les obligations imposées à cet opérateur à ce titre (marché 3a), disponible ici : https://www.arcep.fr/uploads/tx_gsavis/20-1446.pdf.

Décision n° 2020-1447 de l’Autorité de régulation des communications électroniques, des postes et de la distribution de la presse en date du 15 décembre 2020 portant sur la définition du marché pertinent de fourniture en gros d'accès central en position déterminée à destination du marché de masse, sur la désignation d’un opérateur exerçant une influence significative sur ce marché et sur les obligations imposées à cet opérateur à ce titre (marché 3b), disponible ici : https://www.arcep.fr/uploads/tx_gsavis/20-1447.pdf.

Décision n° 2020-1448 de l’Autorité de régulation des communications électroniques, des postes et de la distribution de la presse en date du 15 décembre 2020 portant sur la définition du marché pertinent de fourniture en gros d’accès de haute qualité, sur la désignation d’un opérateur exerçant une influence significative sur ce marché et sur les obligations imposées à cet opérateur à ce titre (marché 4), disponible ici : https://www.arcep.fr/uploads/tx_gsavis/20-1448.pdf.

3 Résultats financiers d’Orange, #T1_2021, 22 avril 2021, disponible à l’adresse : https://www.orange.com/sites/orangecom/files/documents/2021-04/Q1%2021%20Presentation%20-%20FR%20vdef.pdf.

4 Ibid.

5 La réalisation des raccordements finals FttH sur tout le territoire - Consultation publique du 17 décembre 2020 au 4 mars 2021 (publication le 17 décembre 2020) (arcep.fr).

6 Décision n° 2015-0776 de l’Arcep en date du 2 juillet 2015 sur les processus techniques et opérationnels de la mutualisation

des réseaux de communications électroniques à très haut débit en fibre optique.

7 Décision n° 2010-1232 de l’Autorité de régulation des communications électroniques et des postes en date du 16 novembre 2010 se prononçant sur une demande de règlement de différend opposant les sociétés Bouygues Telecom et France Télécom.

8 Cour d’appel de Paris du 19 janvier 2012, France Télécom contre Bouygues Telecom, RG n°2010/24694 ; Cass. Com. 16 avr. 2013, n° 12-14.445.

L’Autorité s’est également déclarée compétente concernant la réalisation des raccordement paliers dans sa décision de règlement de différend opposant les sociétés Free Infrastructure et France Telecom, décision n° 2011-0846 en date du 21 juillet 2011.

9 Article 13.4.2 des conditions générales du contrat d’Orange, pièce n°2 de la saisine de Bouygues Telecom.

10 Deuxièmes observations en défense d’Orange, page 6 : « On comprend mal pourquoi dans ce cas Bouygues Telecom n’a pas saisi l’Arcep au titre de l’article L. 36-11 du CPCE, d’autant que le régulateur a eu à plusieurs reprises l’occasion de préciser qu’il ne lui appartenait pas de constater le respect ou non par un opérateur de ses obligations en règlement de différend ».

11 Saisine de Bouygues Telecom, pièce n°8.

12 Saisine de Bouygues Telecom, pièce n°9.

13 Saisine de Bouygues Telecom, pièce n°18.

14 Saisine de Bouygues Telecom, pièce n°19.

15 Saisine de Bouygues Telecom, pièce n°21.

16 Saisine de Bouygues Telecom, pièce n°23.

17 Saisine de Bouygues Telecom, pièce n°22.

18 Saisine de Bouygues Telecom, pièce n°24.

19 Saisine de Bouygues Telecom, pièce n°25.

20 Premières observations en défense d’Orange, page 8.

21 Saisine de Bouygues Telecom, pièce n°21.

22 A noter que la décision n° 2013-1475 du 10 décembre 2013 est venue modifier la liste des communes des zones très denses définie par la décision n° 2009-1106 du 22 décembre 2009.

23 Décision n°2009-1106, motifs page 30.

24 Décision n°2009-1106, motifs page 28.

25 Décision 2015-0776 du 2 juillet 2015, motifs page 43.

26 La décision n° 2011-0893 du 26 juillet 2011 se prononçant sur une demande de règlement de différend opposant les sociétés France Télécom et Free Infrastructure avait en ce sens estimé justifié et raisonnable qu’il soit prescrit à la société Free Infrastructure de modifier ses contrats d’accès pour prévoir la réalisation du « raccordement palier » par France Télécom pour les clients de ce dernier, « sous respect des règles de l’art et des modalités raisonnables définies de manière appropriée par Free infrastructure ».

27 Il pourra être relevé que la responsabilité de l’opérateur d’infrastructure sur la partie raccordement final se retrouve également à travers les obligations vis-à-vis du propriétaire, du syndicat de copropriétaires ou de l’association syndicale des propriétaires de l’immeuble avec lequel il a signé une convention au titre de l’article L. 33-6 du CPCE.

En effet, cet article dispose notamment que « [c]ette convention définit les conditions de réalisation des opérations d'installation, de gestion, d'entretien et de remplacement des lignes mentionnées à l'alinéa précédent. Ces opérations se font aux frais de l'opérateur, sauf lorsque le propriétaire, le syndicat de copropriétaires ou l'association syndicale de propriétaires a refusé deux offres consécutives de cet opérateur dans les deux ans qui précèdent. »

De même, l’article R. 9-4 du CPCE, qui prévoit les clauses que doit respecter la convention susmentionnée, dispose que : « 3° Les modalités d'exécution des interventions ou travaux d'installation, de raccordement, de gestion, d'entretien ou de remplacement des lignes de communications électroniques à très haut débit en fibre optique dans les parties communes de l'immeuble ou dans les voies, équipements ou espaces communs du lotissement sont de la responsabilité de l'opérateur. Celui- ci respecte le règlement intérieur de l'immeuble ou le règlement de copropriété, ainsi que les normes applicables et les règles de l'art. Les installations et chemins de câbles respectent l'esthétique de l'immeuble. L'opérateur signataire peut mandater un tiers pour réaliser certaines opérations mais il reste responsable de ces opérations à l'égard du propriétaire, du syndicat de copropriétaires ou de l'association syndicale de copropriétaires. »

28 Article 10.2 nature et durée du droit sur la Ligne FttH des conditions générales du Contrat d’Orange qui prévoit :

« Au titre de l'offre d'accès à la Ligne FTTH, l'Opérateur bénéficie d’un droit de jouissance sur la Fibre Partageable de la Ligne FTTH qui lui est mise à disposition.

L'Opérateur est informé que la mise à disposition de la Ligne FTTH n'est pas exclusive afin de permettre à Orange de conserver la possibilité de la mettre à disposition d'un autre opérateur en vue de desservir le Client Final.

Ce droit de jouissance est conféré, à compter de la mise à disposition de la Ligne FTTH, pour une durée indéterminée. Il prend fin à la survenance du premier des évènements suivants :

-  du terme normal ou anticipé de la Convention au titre de laquelle Orange installe ou gère et entretient la Ligne FTTH ou,

- du terme normal ou anticipé de l’accord au titre duquel un Câblage FTTH a été installé dans une Maison Individuelle

FTTH ou,

- de la résiliation de la Ligne FTTH conformément à l'article « résiliation » des Conditions Générales ou, d'une demande de mise à disposition de la Ligne FTTH d'un opérateur sur Fibre Partageable.

Le terme du droit de jouissance entraine de plein droit la résiliation de la Ligne FTTH. ».

29 Pour les lignes soumises au mécanisme de contributions et restitutions prévu à l’article 13.4.2 des conditions générales du Contrat.

30 Article 5.1 de l’annexe 1 Prix en ZTD du Contrat, pièce n°3 de la saisine de Bouygues Telecom.

31 Article 5.1.2.2 de l’annexe 1 Prix en ZTD du Contrat, pièce n°3 de la saisine de Bouygues Telecom.

32 Mémoire en réplique de Bouygues Telecom, point 115 et 116, page 24.

33 Saisine de Bouygues Telecom, page 62.

34 Saisine de Bouygues Telecom, point 320, page 62.

35 Mémoire en réplique de Bouygues Telecom, point 232, page 40.

36 Mémoire en réplique de Bouygues Telecom, point 231, page 40.

37 Mémoire en réplique de Bouygues Telecom, point 234, page 40.

38 Mémoire en réplique de Bouygues Telecom, point 272, page 44.

39 Deuxièmes observations en défense d’Orange, page 20.

40 Premières observations en défense d’Orange, pages 28 et 29.

41 Premières observations en défense d’Orange, page 29.

42 Premières observations en défense d’Orange, page 29.

43 Article 13.4.2 des conditions générales de l’offre d’Orange, page 22, pièce n° 2 de la saisine de Bouygues Telecom.

44 Article 13.4.2 des conditions générales de l’offre d’Orange, page 21, pièce n° 2 de la saisine de Bouygues Telecom.

45 Deuxièmes observations en défense d’Orange, page 20.

46 Réponse d’Orange au second questionnaire des rapporteurs, question 18.

47 Décision n° 2010-1232 en date du 16 novembre 2010 se prononçant sur une demande de règlement de différend opposant les sociétés Bouygues Telecom et France Télécom.

48 Orange soutient qu’à travers le mécanisme de contributions-restitutions actuellement mis en place dans son contrat d’accès : « [e]n tenant compte d’un taux de restitution de [SDA] % (constaté par Orange en ZTD sur les CCF de Bouygues Telecom) et d’une durée moyenne de 6,25 années avant restitution (soit un coefficient de restitution de 0.75), l’opérateur commercial initial peut espérer en moyenne récupérer [SDA] € au bout de 6,25 années. Cela revient à ce que l’opérateur commercial initial supporte un coût résultant moyen de [SDA] € par raccordement, soit [SDA] % du coût initial du raccordement, ce qui est très inférieur au taux de 90 % relevé par l’Arcep » dans la décision n° 2010-1232 ; deuxièmes observations en défense d’Orange, page 22.

49 Hors tarif récurrent de maintenance, indépendant de la présente procédure.

50 Saisine de Bouygues Telecom, pièce n° 5.1.

51 Réponses d’Orange au premier questionnaire des rapporteurs, pièce n° 1.

52 Saisine de Bouygues Telecom, point 8, page 5.

53 Observations complémentaires de Bouygues Telecom en réponse à la note du cabinet Brattle déposée par Orange le 13 janvier 2022, page 2.

54 Premières observations en défense d’Orange, page 35.

55 Cour d’appel de Paris, 19 janvier 2012, RG n°2010/24694, confirmé par Cass. Com., 16 avril 2013, pourvoi n°12-14.445.

56 Motifs page 23 de la décision n° 2009-1106 en date du 22 décembre 2009 précisant les modalités de l’accès aux lignes de communications électroniques à très haut débit en fibre optique et les cas dans lesquels le point de mutualisation peut se situer dans les limites de la propriété privée.

57 Les cas de raccordements en doublons non sollicités discutés dans la présente section doivent être distingués des cas de demandes volontaires de multi-accès

58  Article 13.1 des conditions générales du contrat d’accès aux lignes FttH d’Orange, pièce n°2 de la saisine de Bouygues Telecom.

59 Article 13.2 des conditions générales du contrat d’accès aux lignes FttH d’Orange, pièce n°2 de la saisine de Bouygues Telecom.

60 Contrat STOC portant sur la prestation de raccordement du Câblage Client Final, version du 17 décembre 2021, réponse d’Orange au second questionnaire, pièce n°4. Au demeurant, la version antérieure du contrat STOC signé entre les parties le 22 avril 2014 prévoyait une clause quasi-similaire : « Le présent Contrat a pour objet de définir les termes et conditions selon lesquels Orange confie à l’Entrepreneur l'exécution de prestations de travaux de Câblages Client Finals dans des Sites FttH câblés en fibre par Orange comprenant la fourniture du matériel associé (ci-après la « Prestation ») sur le territoire national métropolitain, et ce, conformément aux dispositions de l’article R 9-4 (2°) du Code des Postes et des Communications Electroniques. ».

61 Saisine de Bouygues Telecom, point 119, page 24 ; pour les restitutions faites au 31 août 2021 et sur les raccordements finals résiliés avant le 31 août 2021.

62 Réponse de Bouygues Telecom au second questionnaire des rapporteurs, question 2 ; pour les restitutions faites à la date des écritures et sur les raccordements finals résiliés avant le 31 août 2021.

63 Réponse d’Orange au premier questionnaire des rapporteurs, question 14.

64 Réponse d’Orange au second questionnaire des rapporteurs, question 13 et pièce n°1 page 4.

65 Observations complémentaires de Bouygues Telecom en réponse à la note du cabinet Brattle déposée par Orange le 13 janvier 2022, page 4.

66 Observations complémentaires de Bouygues Telecom en réponse à la note du cabinet Brattle déposée par Orange le 13 janvier 2022, page 4.

67 Réponse d’Orange au premier questionnaire des rapporteurs, question 30, page 15.

68 Réponse d’Orange au second questionnaire des rapporteurs, pièce n°1, page 5.

69 Réponse d’Orange au second questionnaire des rapporteurs, page 2 ; graphiques « Délai de reprise de la PTO par millésime de résiliation [an] » et « Taux de reprise des PTO par millésime des résiliations ».

70 Le marché des abonnements au FttH est en effet en pleine croissance. A titre d’illustration, dans son observatoire au haut et très haut débit : abonnements et déploiements du 3ème trimestre 2021, l’Arcep estime à 17,5 millions le nombre d’abonnements internet à très haut débit, dont 13,4 millions (75 %) en fibre optique, ce qui correspond à une hausse de 44 % par rapport au 3ème trimestre 2020. Au 3ème trimestre 2021, le taux d’abonnements aux accès FttH (i.e. nombre d’accès FttH souscrits rapporté au nombre de locaux éligibles) est de 47 % et a augmenté de 12 % en un an.

Par ailleurs, en zones très denses, au 3ème trimestre 2021, le nombre de locaux raccordables à la fibre est de 6,6 millions (87 % des locaux), soit une hausse de 8,2 % par rapport à l’année précédente.

71 Réponse d’Orange au premier questionnaire des rapporteurs, question 7.

72 Saisine de Bouygues Telecom, page 5 et premières observations en défense d’Orange, page 35. On relèvera à cet égard, qu’Orange affirme dans ses dernières observations, ainsi à qu’à l’audience, que Bouygues Telecom attribue l’intégralité des non-reprises, soit [SDA] % des prises résiliées, à des doublons, ce qu’Orange conteste. Orange ne remet toutefois pas en question l’existence même de doublons et le rapport Brattle communiqué confirme que des doublons existent, sans qu’il ne soit possible d’en estimer l’ampleur (troisièmes observations en défense d’Orange, pièce n °1, pages 7 et 11).

73 Premières observations en défense d’Orange, page 13.

74 Premières observations en défense d’Orange, page 14.

75 Premières observations en défense d’Orange, page 14.

76 Premières observations en défense d’Orange, page 17.

77 Premières observations en défense d’Orange, page 20.

78 Premières observations en défense d’Orange, page 28.

79 Premières observations en défense d’Orange, page 33.

80 Premières observations en défense d’Orange, page 35.

81 Saisine de Bouygues Telecom, pièce n°6 et pièce n°33 du mémoire en réplique de Bouygues Telecom.

82 Saisine de Bouygues Telecom, pièce n°6, pages 33, 35, 38, 40 et 42.

83 Mémoire en réplique de Bouygues Telecom, pièce n°33 Constat d’huissier en date du 30 novembre 2021, pages 12 à 16.

84 Premières observations en défense d’Orange, page 37.

85 Décision n° 2015-0776, motifs page 47.

86 Saisine de Bouygues Telecom, point 139, page 30.

87 Deuxièmes observations en défense d’Orange, page 16.

88 Saisine de Bouygues Telecom, point 111, page 23.

89 Mémoire en réplique de Bouygues Telecom, points 313 et 314, page 49.

90 Premières observations en défense d’Orange, page 30.

91 Article 5.1.1 de l’annexe 1 du contrat d’accès aux lignes FttH d’Orange, pièce n°3 de la saisine de Bouygues Telecom.

92 Premières observations en défense d’Orange, page 31.

93 A cet égard, si, comme le soutient Orange, les doublons sont susceptibles de saturer les PBO, les éventuels coûts de désaturation qui en résulteraient n’affecteraient l’opérateur d’infrastructure qu’indirectement, à plus long terme, lorsqu’une grande partie des lignes du réseau seront utilisées. De plus, l’opérateur d’infrastructure pourrait réutiliser les lignes construites en doublon pour raccorder d’autres locaux et n’aurait donc pas nécessairement à reconstruire des câblages PM- PBO supplémentaires. En cas de doublon « virtuel », les éventuels surcoûts seraient encore plus réduits, dans la mesure où la remise à jour des systèmes d’information suffirait à désaturer le réseau. En tout état de cause, il ne ressort pas de l’instruction que ces éventuels surcoûts à venir constitueraient à ce jour une incitation suffisante pour l’opérateur d’infrastructure à éviter les doublons ou les détecter.

94 En cas de churn, l’opérateur commercial « sortant » sera par définition nécessairement différent de l’opérateur commercial « prenant ». En cas de résiliation pour cause de déménagement, l’opérateur commercial « sortant » pour le raccordement de ce logement peut, le cas échéant, après une période de vacance, être différent ou rester le même que l’opérateur commercial « prenant ».

95 Premières observations en défense d’Orange, page 28 : « [d]ans le cas du mode STOC, les moyens de contrôle pour l’opérateur d’infrastructure ne permettent pas de maîtriser la situation chez le client final, pour laquelle l’opérateur commercial reste le seul interlocuteur. » ; deuxièmes observations d’Orange, page 18 : « il faudra toujours interroger correctement le client final, prérogative exclusive de l’opérateur commercial prenant, pour identifier l’existence d’une PTO dans son logement et passer le bon type de commande à l’OI, construction ou reprise de ligne existante ».

96 Réponse d’Orange au second questionnaire des rapporteurs, page 11.

97  Orange signe à ce titre avec chaque opérateur commercial un contrat d’accès aux lignes puis un contrat « STOC » afin d’encadrer ces interventions.

98 Mémoire en réplique de Bouygues Telecom, point 282, page 45.

99 Premières observations en défense d’Orange, page 29.

100 Accord-cadre n° 17090070, Saisine de Bouygues Telecom, pièce n°1.

101 Au surplus, même si l’opérateur commercial « sortant » était légitime pour contacter son ancien abonné pour savoir si la ligne FttH a été reprise, cela ne suffirait pas à couvrir tous les cas, notamment lorsque l’ancien abonné a déménagé du logement, l’opérateur commercial « sortant » ne disposerait pas des coordonnées du nouvel occupant.

102 Bouygues Telecom affirme à cet égard que « [c]ette demande permet également de résoudre la situation de preuve impossible dans laquelle Bouygues Telecom est actuellement placée. » Mémoire en réplique de Bouygues Telecom, point 298, page 47.

103 Premières observations en défense d’Orange, page 32.

104  Observations complémentaires de Bouygues Telecom en réponse à la  note du cabinet Brattle déposée par Orange le    13 janvier 2022, page 2.

105 Saisine de Bouygues Telecom, point 159, page 35.

106 Saisine de Bouygues Telecom, point 384, page 70.

107 Orange soutient en effet que « la demande de Bouygues Telecom […] risquerait […] de diminuer plus encore les incitations pour les opérateurs commerciaux de maximiser le taux de reprise de lignes lors de la commande d’un nouvel accès FttH. » Premières observations en défense d’Orange, page 8.

108 A titre subsidiaire, ce n’est que si l’opérateur commercial « prenant » ultérieur reprend la ligne qui existait initialement, après la résiliation de l’opérateur commercial alors « sortant » qui avait construit le doublon, qu’il ne sera pas remboursé du montant de la restitution.

109 Premières observations en défense d’Orange, page 37.

110 Réponse d’Orange au second questionnaire des rapporteurs, question 16, Contrat STOC de prestation de raccordement des Câblages Client Final FTTH, pièce n°4 : « [l]’opérateur commercial s’engage à : (…) - à ne pas créer un Câblage Client Final lorsqu’il en existe un dans le Logement FTTH hormis le cas de multi-accès. En cas de construction à tort, la facturation tout montant facturé par l’Opérateur Commercial de la Prestation pour ledit CCF ne sera pas du par l’Opérateur d’Immeuble. »

111 Premières observations en défense d’Orange, pages 30 et 31.

112 Réponse d’Orange au second questionnaire des rapporteurs, page 4.

113 Réponse d’Orange au second questionnaire des rapporteurs, pièce n°1 : rapport du cabinet Brattle « Commentaires sur le mécanisme de restitution des frais de mise en service des lignes FttH proposé par Bouygues Telecom dans le cadre de sa demande de règlement de différend », § 23, page 10.

114 Bouygues Telecom a par la suite indiqué qu’il y avait une erreur de plume  et  que  la  formule  à  retenir  était  la suivante : « ,=𝐴+(𝐴+1−𝐴)/12 », réponse de Bouygues Telecom au premier questionnaire des rapporteurs, question 18, page 16.

115 Saisine de Bouygues Telecom, point 383, page 70.

116 Saisine de Bouygues Telecom, point 384, page 70.

117 Saisine de Bouygues Telecom, point 389, page 72.

118 Saisine de Bouygues Telecom, points 395 et 396, page 73.

119 Saisine de Bouygues Telecom, pièce 5.2, page 4.

120 Saisine de Bouygues Telecom, page 73.

121 D’après la saisine de Bouygues Telecom, pièce n° 5.2, page 13, figure 4.1, ces paramètres sont les suivants : taux de churn total (avec et sans déménagement), taux de déménagement, pourcentage de déménagements inclus dans le churn, taux de destruction de logements après déménagement, taux de logements vacants, taux de réoccupation des logements vacants, taux de réoccupation du logement en cas de réoccupation immédiate et taux de churn sans déménagement n’entrainant pas de reprise de FttH.

122  Les données utilisées  proviennent  de l’Arcep,  l’INSEE,  le ministère chargé  du  développement  durable,  ainsi que de Bouygues Telecom (baromètre interne et sondages clients).

123 Réponse de Bouygues Telecom au second questionnaire des rapporteurs, question 28, page 42.

124 Saisine de Bouygues Telecom, points 403 et 404, page 74 et 75.

125 Saisine de Bouygues Telecom, point 401, page 74.

126 Réponse d’Orange au second questionnaire des rapporteurs, page 4.

127 Réponse d’Orange au premier questionnaire des rapporteurs, question 30, page 15.

128 Réponse d’Orange au premier questionnaire des rapporteurs, question 30, page 15.

129 Réponse d’Orange au second questionnaire des rapporteurs, question 39, page 17.

130 Réponse d’Orange au second questionnaire des rapporteurs, question 40, page 18.

131 Réponse de Bouygues Telecom au second questionnaire des rapporteurs, question 29, page 44.

132 Observations complémentaires de Bouygues Telecom en réponse à la note du cabinet Brattle déposée par Orange le 13 janvier 2022, page 5.

133 Troisièmes observations en défense d’Orange, page 5.

134 Troisièmes observations en défense d’Orange, page 6.

135 Troisièmes observations en défense d’Orange, pièce n°1, page 5.

136 Troisièmes observations en défense d’Orange, pièce n°1.

137 Troisièmes observations en défense d’Orange, page 7.

138 Réponse d’Orange au second questionnaire des rapporteurs, page 1. « Le modèle Analysys Mason utilisé par BYT pour estimer le taux « normal » de restitution repose sur des hypothèses fondamentalement inadaptées à l’analyse de la situation actuelle du marché de la fibre. […] Il n’est pas possible, en l’état, de corriger le modèle Analysys Mason en le calibrant à partir des données réelles de marché. Le taux de restitution des prises semble en effet largement influencé par le degré de maturité du marché. »

139 Réponse d’Orange au second questionnaire des rapporteurs, pièce 1, page 10.

140 Observations complémentaires de Bouygues Telecom en réponse à la note du cabinet Brattle déposée par Orange le 13 janvier 2022, page 4 : « Brattle reproche en particulier à Analysys Mason de s’être fondé sur le scénario d’un marché 100% FTTH qui serait extrême et très éloigné de la réalité. / Or Brattle ignore ici un point fondamental de l’analyse : le périmètre étudié n’est pas le marché national dans son ensemble mais uniquement celui des locaux qui sont déjà fibrés. […] Sur les zones dans laquelle la fibre est déjà déployée et là où il y a déjà eu un raccordement FTTH de réalisé, le marché actuel est dès aujourd’hui très proche d’un marché « 100% FTTH ».

141 Observations complémentaires de Bouygues Telecom en réponse à la note du cabinet Brattle déposée par Orange le 13 janvier 2022, page 5 : « Ainsi, il convient bien de regarder uniquement la situation d’un marché correspondant aux prises raccordables sur lesquelles des opérateurs commerciaux sont déjà présents, un raccordement FTTH a déjà été réalisé (et résilié) correspondant donc à une situation d’un marché fibre « mûr », et non une situation de marché beaucoup plus « jeune» correspondant à l’ensemble des prises raccordables comme le font Orange et Brattle. ».

142 Saisine de Bouygues Telecom, pièce n°5.2, page 20. « Cependant, dans une hypothèse de marché 100% FTTH à terme telle que développée précédemment, il est considéré que les offres fixes ne seront qu’en FTTH. Le pourcentage de répondants qui nous intéresse est donc le pourcentage ne reprenant pas une offre fixe […] dans un marché 100% FTTH, les clients souhaitant conservé un accès fixe n’auront d’autre choix que de prendre du FTTH et donc réutiliser le CCF existant ».

143 Bouygues Telecom indique que « compte tenu des Demandes formulées par Bouygues Telecom qui portent principalement sur des CCF qui seront résiliés dans les années à venir, une vision « cible » d’un marché FTTH stable à terme est pertinente, raisonnable et proportionnée »,réponses de Bouygues Telecom au second questionnaire des rapporteurs, question 29, page 44, que « la situation d’un marché 100% FTTH au niveau d’un CCF […] est d’ores et déjà quasiment atteint » [réponse au 2e questionnaire question 29, page 44], ou que « le marché actuel est dès aujourd’hui très proche d’un marché « 100% FTTH » », Observations complémentaires de Bouygues Telecom en réponse à la note du cabinet Brattle déposée par Orange le 13 janvier 2022, page 5.

144 Observations complémentaires de Bouygues Telecom en réponse à la note du cabinet Brattle déposée par Orange le 13 janvier 2022, page 5.

145 Saisine de Bouygues Telecom, pièce n° 5.2, page 20.

146 Observations complémentaires de Bouygues Telecom en réponse à la note du cabinet Brattle déposée par Orange le 13 janvier 2022, page 5.

147 Observations complémentaires de Bouygues Telecom en réponse à la note du cabinet Brattle déposée par Orange le 13 janvier 2022, page 5.

148 Premières observations en défense d’Orange, page 19.

149 Mémoire en réplique de Bouygues Telecom, points 350 à 353, pages 53 et 54.

150 Mémoire en réplique de Bouygues Telecom, points 359 à 361, page 55.

151 Voir, notamment, CJUE, arrêt du 14 juin 2017, Santogal M-Comércioe Reparação de Automóveis, C-26/16, point 76 et jurisprudence citée, rappelé par l’arrêt de la Cour d’appel de Paris du 29 juin 2017.