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Décisions

Cass. com., 13 juillet 2010, n° 09-16.103

COUR DE CASSATION

Arrêt

Cassation

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme Tric

Avocats :

SCP Boutet, SCP Piwnica et Molinié

Paris, du 17 juin 2009

17 juin 2009

Attendu, selon l'arrêt attaqué, que la société civile d'exploitation agricole X... frères (la SCEA) a pour objet statutaire l'exploitation de la ferme du Tronchet ainsi que tous autres fonds ruraux qui pourront être pris à bail ou acquis par la société ; qu'elle a pour associés Mme Marie-Thérèse X... et Mme Marcelle X..., veuve Y... (Mmes X...), respectivement titulaires de 47, 5 % et 5 % des parts représentant le capital social, et M. Jean X..., titulaire de 47, 5 % des parts ; que les statuts établis en 1964 indiquent que, " quant à présent ", la SCEA est administrée par Mme Marie-Thérèse X... et M. Jean X... en qualité de cogérants ; que lors d'une assemblée générale ordinaire des associés réunie le 24 octobre 1990, il a été décidé de ne pas reconduire M. Jean X... dans ses fonctions de gérant ; que celui-ci, faisant valoir que la mésentente entre lui et les deux autres associés paralysait le fonctionnement de la SCEA, a demandé en justice la dissolution anticipée de cette dernière ;

Sur le second moyen :

Attendu que la SCEA et Mmes X... font grief à l'arrêt d'avoir dit que M. X... ne serait pas tenu au remboursement des intérêts du prêt afférent au financement des travaux destinés au changement d'affectation d'un bâtiment appartenant à la SCEA alors, selon le moyen, que la cassation qui ne manquera pas d'intervenir sur le premier moyen du pourvoi entraînera par voie de conséquence, des motifs (sic) de l'arrêt déchargeant M. X... du remboursement des intérêts du prêt susvisé ;

Mais attendu que le chef de l'arrêt critiqué par le moyen n'est pas indivisible de celui atteint par la cassation prononcée sur le premier moyen et ne se rattache pas à celui-ci par un lien de dépendance nécessaire ; qu'il s'ensuit que le moyen ne peut être accueilli ;

Mais sur le premier moyen, pris en sa deuxième branche :

Vu l'article 1134 du code civil ;

Attendu que pour prononcer la dissolution de la SCEA, l'arrêt retient que les statuts instituent une cogérance ;

Attendu qu'en statuant ainsi, alors que l'article 14 des statuts stipule que " la société est administrée par un ou plusieurs gérants pris parmi les associés et nommés par décision ordinaire des associés ", la cour d'appel en a dénaturé les termes clairs et précis et a violé le texte susvisé ;

Sur le même moyen, pris en sa troisième branche, qui est recevable :

Vu l'article 1844-14 du code civil ;

Attendu que pour statuer comme il fait, l'arrêt retient encore que si M. X... serait irrecevable, en raison de la prescription, à agir en nullité de la décision prise lors de l'assemblée générale ordinaire du 24 octobre 1990 de le démettre de ses fonctions de cogérant et de maintenir Mme Marie-Thérèse X... comme seule gérante, il est, en revanche, recevable à opposer aux intimées se prévalant de la délibération du 24 octobre 1990, une exception de nullité, laquelle est perpétuelle ;

Attendu qu'en statuant ainsi, alors que la SCEA et Mmes X... se bornaient à conclure à la confirmation du jugement ayant débouté M. X... de sa prétention sans demander l'exécution de la délibération de l'assemblée des associés du 24 octobre 1990, la cour d'appel a violé le texte susvisé ;

Et sur la cinquième branche du moyen :

Vu l'article 1844-7, 5°, du code civil ;

Attendu que pour se prononcer comme il fait, l'arrêt retient enfin que la mésentente entre les associés est aujourd'hui de nature à paralyser le fonctionnement de la société en ce qu'elle empêchera tout accord des cogérants concernant les décisions importantes, quand cet accord est exigé par les statuts ; qu'il ajoute qu'elle fera obstacle à la majorité exigée pour toutes les décisions relevant de l'assemblée générale extraordinaire et entraînera, de façon systématique, l'introduction de recours de la part de M. X... à l'encontre des décisions prises en assemblée générale ordinaire ;

Attendu qu'en se déterminant par tels motifs, impropres à établir que la mésentente entre les associés paralyse le fonctionnement de la SCEA, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision ;

PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs :

CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il a ordonné la dissolution de la SCEA X... frères, l'arrêt (n° 07 / 11972), l'arrêt rendu le 17 juin 2009, entre les parties, par la cour d'appel de Paris ; remet, en conséquence, sur ce point, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Paris, autrement composée.