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Décisions

Cass. com., 10 mai 2011, n° 10-16.323

COUR DE CASSATION

Arrêt

Cassation

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme Favre

Avocats :

SCP Ortscheidt, SCP Potier de La Varde et Buk-Lament

Poitiers, du 2 févr. 2010

2 février 2010

Attendu, selon l'arrêt attaqué, que M. X..., associé de la société civile immobilière Des Moteles (la SCI), a assigné l'autre associée, Mme X..., exerçant les fonctions de gérante, en dissolution pour justes motifs; que Mme X... et la SCI ont demandé reconventionnellement la condamnation de M. X... au paiement de dommages-intérêts pour abus de minorité ;

Sur le premier moyen :

Attendu que Mme X... fait grief à l'arrêt d'avoir prononcé la dissolution de la SCI alors, selon le moyen :

1°/ que la cour d'appel a constaté que les statuts subordonnaient à l'accord de l'ensemble des associés la conclusion de baux d'une durée supérieure à neuf ans ou conférant un droit à renouvellement ; qu'en relevant que le bail conclu avec la société Audilab ne pouvait l'être qu'à l'unanimité des associés, sans constater, ni que ce bail avait une durée supérieure à neuf ans, ni qu'il comportait un droit à renouvellement, ce que Mme X... contestait, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1134 du code civil ;

2°/ que la dissolution d'une société civile pour mésentente entre associés ne peut être prononcée que si elle a pour effet de paralyser son fonctionnement ; qu'en prononçant la dissolution de la société, après avoir pourtant relevé que les assemblées générales étaient tenues et les comptes approuvés, sans caractériser la paralysie de la SCI, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1844-7,5 du code civil ;

3°/ que la dissolution d'une société civile pour mésentente entre les associés ne peut être prononcée que si elle a pour effet de paralyser son fonctionnement ; qu'en affirmant que la SCI n'était plus en mesure de fonctionner normalement, motif pris que «des décisions», dont elle ne précise pas la nature, n'étaient pas ou pas immédiatement prises, ce qui est impropre à établir la paralysie de la société, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1844-7,5 du code civil ;

Mais attendu que l'arrêt retient que si des assemblées ont été tenues et des comptes approuvés, il convient de ne pas omettre les conditions dans lesquelles les décisions ont été prises; qu'il relève ainsi que Mme X... a, en violation des statuts qui exigent l'unanimité des associés pour la conclusion de baux conférant un droit au renouvellement, conclu un bail commercial avec la société Audilab qui exerce une activité commerciale lui conférant un tel droit ; qu'il relève encore que pour conclure un autre bail avec la société Locaposte, Mme X... avait convoqué une assemblée et soumis au vote le projet de bail, que ce projet n'avait pu alors aboutir en raison de l'opposition de M. X... et que Mme X... ne conteste pas qu'il s'agissait d'un acte excédant les pouvoirs statutaires du gérant ; que l'arrêt en déduit que cette contravention aux stipulations du contrat conclu entre les associés, qui résulte de leur mésentente et de l'impossibilité de prendre en temps utile des décisions, y compris opportunes, en conformité avec les statuts, établit qu'en réalité la SCI n'est plus en mesure de fonctionner normalement ; qu'en l'état de ces constatations desquelles il résulte que la mésentente existant entre les associés avait pour conséquences que les décisions sociales exigeant l'unanimité ou bien n'étaient pas prises ou bien l'étaient en violation des statuts, la cour d'appel, qui a procédé à la recherche visée par la première branche et a caractérisé la paralysie du fonctionnement de la société, a légalement justifié sa décision; que le moyen n'est fondé en aucune de ses branches ;

Mais sur le second moyen :

Vu l'article 1382 du code civil ;

Attendu que pour rejeter la demande de Mme X... en paiement de dommages-intérêts pour abus de minorité, l'arrêt se réfère au contexte précédemment exposé et retient qu'il n'est pas démontré que les votes de M. X... auraient finalement été manifestement contraires à l'objet social et auraient ainsi causé un préjudice à la SCI ;

Attendu qu'en se déterminant ainsi, après avoir relevé que M. X... s'était opposé à la conclusion du bail avec la société Locaposte et que la mésentente entre les associés avait rendu impossible la prise de décisions mêmes opportunes, sans rechercher si l'opposition de M. X... ne procédait pas de la volonté de faire prévaloir ses intérêts personnels sur les intérêts essentiels de la société, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision ;

PAR CES MOTIFS :

CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il a confirmé le jugement ayant rejeté la demande de Mme X... et de la société civile immobilière des Moteles en paiement de dommages-intérêts fondée sur l'abus de minorité, l'arrêt rendu le 2 février 2010, entre les parties, par la cour d'appel de Poitiers ; remet, en conséquence, sur ce point, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Poitiers, autrement composée.