Cass. com., 10 février 2021, n° 18-26.716
COUR DE CASSATION
Arrêt
Cassation
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
Mme Mouillard
Rapporteur :
Mme Lefeuvre
Avocat :
SCP Rousseau et Tapie
Faits et procédure
1. Selon l'arrêt attaqué (Pau, 25 octobre 2018), un jugement du 7 mars 2014 a prononcé la résolution de la vente d'un véhicule conclue entre Mme D... et la société Autottiki, en raison des vices cachés affectant le bien cédé, et a condamné la seconde à rembourser le prix de vente à la première, avec exécution provisoire.
2. Saisie, le 7 mai 2014, de l'appel de la société Autottiki, une cour d'appel a radié l'affaire pour défaut d'exécution du jugement.
3. Ayant ultérieurement appris que la société Autottiki avait fait l'objet d'une liquidation amiable, clôturée le 8 avril 2014, et qu'elle avait été radiée du registre du commerce et des sociétés au cours du même mois, Mme D... a assigné M. E..., en sa qualité de liquidateur amiable de la société Autottiki, en responsabilité.
Examen du moyen
Sur le moyen, pris en sa première branche
Enoncé du moyen
4. Mme D... fait grief à l'arrêt de rejeter ses demandes tendant à voir condamner M. E... à lui payer une certaine somme au titre de l'indemnisation de son véhicule et aux dépens afférents aux procédures devant le juge des référés, devant le tribunal de grande instance et devant la cour d'appel, alors « que la liquidation amiable d'une société impose l'apurement intégral du passif, les créances litigieuses devant, jusqu'au terme des procédures en cours, être garanties par une provision, et qu'en l'absence d'actif social suffisant pour apurer le passif, il appartient au liquidateur de différer la clôture de la liquidation et de solliciter l'ouverture d'une procédure collective à l'égard de la société ; qu'en l'espèce, après avoir constaté que le liquidateur amiable de la société Autottiki n'avait pas provisionné la créance de Mme D... avant de clôturer la liquidation amiable et qu'il aurait dû déposer le bilan auprès du tribunal de commerce, la cour d'appel a estimé que Mme D... n'avait été privée d'aucune chance de participer au boni de liquidation dès lors que le compte définitif de liquidation amiable avait fait ressortir un solde négatif de 24 728 euros, comptes sociaux arrêtés au 31 décembre 2013 à l'appui, et que cette perte s'était imputée à due concurrence du solde négatif sur le compte courant ouvert à son nom dans les livres de la société ; qu'en statuant ainsi, sans rechercher si le liquidateur amiable rapportait la preuve de l'absence de toute chance de recouvrement de sa créance, par Mme D..., dans le cadre d'une procédure collective, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 237-12 du code de commerce. »
Réponse de la Cour
Vu l'article 1382, devenu 1240, du code civil, et l'article L. 237-12, alinéa 1er, du code de commerce :
5. Aux termes du premier de ces textes, tout fait quelconque de l'homme, qui cause à autrui un dommage, oblige celui par la faute duquel il est arrivé à le réparer. Selon le second, le liquidateur d'une société est responsable, à l'égard tant de celle-ci que des tiers, des conséquences dommageables des fautes par lui commises dans l'exercice de ses fonctions.
6. Pour rejeter la demande de dommages-intérêts formée par Mme D..., l'arrêt, après avoir énoncé que la liquidation amiable d'une société impose l'apurement intégral du passif, les créances litigieuses devant, jusqu'au terme des procédures en cours, être garanties par une provision, retient que, si M. E... a commis une faute engageant sa responsabilité personnelle en s'abstenant de provisionner la créance de Mme D... avant la clôture de la liquidation amiable, et en ne demandant pas l'ouverture d'une procédure collective s'il constatait que l'actif était insuffisant pour répondre du passif, il justifie du défaut de boni de liquidation à la date où la créance de Mme D... est devenue exigible, le procès-verbal de l'assemblée du 12 mars 2014 établissant que le compte définitif de liquidation faisait ressortir un solde négatif de 24 728 euros. L'arrêt en déduit que la perte de chance de Mme D... de participer au boni de liquidation après la faute du liquidateur amiable était nulle.
7. En se déterminant ainsi, sans rechercher si Mme D... n'avait pas été privée d'une chance de recouvrer tout ou partie de sa créance dans le cadre de la procédure collective qui aurait dû être ouverte, la cour d'appel a privé sa décision de base légale.
PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur l'autre grief, la Cour :
CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 25 octobre 2018, entre les parties, par la cour d'appel de Pau ;
Remet l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Toulouse.