Cass. 1re civ., 31 mai 1988, n° 86-11.596
COUR DE CASSATION
Arrêt
Rejet
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
M. Ponsard
Rapporteur :
M. Viennois
Avocat général :
M. Dontenwille
Avocat :
SCP Rouvière, Lepitre et Boutet
Sur le moyen unique, pris en ses trois branches :
Attendu qu'un litige opposant MM. Y... et Aroche et Mme Z..., docteurs en médecine, à leur confrère, M. X..., au sujet du non-respect par celui-ci d'une clause de leur contrat d'association lui interdisant de se rétablir dans un périmètre de quatre kilomètres, les trois premiers praticiens ont demandé au juge des référés d'ordonner que la caisse primaire d'assurance maladie du Var (CPAM) communique le nombre de clients ayant consulté M. X... dans le périmètre litigieux ; que la CPAM a résisté à cette demande en soutenant que la révélation de ces renseignements constituerait, de sa part, une violation du secret professionnel auquel elle est tenue ;
Attendu que la CPAM reproche à l'arrêt confirmatif attaqué (Aix-en-Provence, 21 novembre 1985) d'avoir fait droit à cette demande, alors, selon le moyen, d'une part, que les instructions données par la Caisse nationale de l'assurance maladie, établissement public national à caractère administratif pour la gestion du service public de l'assurance maladie de la sécurité sociale, constituent des actes administratifs qui doivent être appliqués par les juridictions civiles, une éventuelle exception d'illégalité devant provoquer le renvoi du litige devant la juridiction administrative, seule compétente pour en apprécier la légalité ; alors, d'autre part, que les articles 11 et 145 du nouveau Code de procédure civile ne sauraient s'appliquer à une caisse qui n'a pas la qualité de partie au procès opposant divers médecins entre eux et alors, enfin, que la caisse, dépositaire par état des données relatives aux visites de M. X... chez des malades, ne pouvait être tenue de fournir des renseignements - même statistiques - sur le nombre d'actes médicaux pratiqués et le lieu de leur exécution, le respect du secret médical et social constituant, à cet égard, un empêchement légitime ;
Mais attendu, d'abord, que la cour d'appel, qui avait à apprécier si le respect du secret professionnel, invoqué par la CPAM pour refuser les renseignements qui lui étaient demandés, était fondé au regard des textes législatifs et réglementaires en la matière, n'était pas tenue par le simple avis exprimé par la Caisse nationale de l'assurance maladie dans sa lettre du 9 août 1985 adressée à la CPAM à la suite de l'ordonnance de référé frappée d'appel ;
Attendu, ensuite, qu'il résulte de la combinaison des articles 10 du Code civil, 11 et 145 du nouveau Code de procédure civile qu'il peut être ordonné à des tiers, sur requête ou en référé, de produire tous documents qu'ils détiennent, s'il existe un motif légitime de conserver ou d'établir avant tout procès la preuve de faits dont pourrait dépendre la solution d'un litige ;
Attendu, enfin, que la cour d'appel, qui relève que les renseignements demandés - constituant une statistique sommaire - ne dévoilent pas l'identité ou la maladie des patients et ne révèlent pas la position de fortune du médecin soignant, puisqu'ils ne correspondent qu'à une partie de la zone d'activité de celui-ci et sont limités à une période de dix mois, a pu estimer qu'en l'espèce, la CPAM ne justifiait pas d'un empêchement légitime pour en refuser la production ; d'où il suit qu'en aucune de ses trois branches, le moyen n'est fondé ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi.