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Décisions

CA Douai, 3e ch., 5 janvier 2023, n° 22/02562

DOUAI

Arrêt

PARTIES

Défendeur :

Pfizer (SAS)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Salomon

Conseillers :

Mme Bertin, Mme Belkaid

Avocats :

Me Deramaut, Me Potie, Me Dupont-Thieffry, Me Piadé

TJ Lille, du 3 mai 2022, n° 21/01343

3 mai 2022

EXPOSE DU LITIGE

1. Les faits et la procédure antérieure,

Dans le cadre d'un sevrage tabagique et sur prescription de M.'[I] [L], son médecin généraliste, M.'[K] [P] a commencé un traitement avec le médicament Champix commercialisé par la société Pfizer.

A l'issue du troisième mois de traitement, M.'[P] a développé des troubles psychiatriques ayant conduit, à plusieurs reprises, à son hospitalisation.

Par actes du 27 juin 2018, M.'[P] a fait assigner en référé M.'[L] et la société Pfizer devant le président du tribunal de grande instance de Lille, désormais tribunal judiciaire, afin que soit ordonnée une expertise et qu'une provision lui soit allouée.

Par ordonnance du 16 octobre 2018, le juge des référés a accueilli sa demande d'expertise et rejeté sa demande de provision. M.'[P] n'ayant pas consigné dans le délai imparti, le juge chargé du contrôle des expertises a rendu le 18 février 2019 une ordonnance de caducité.

Par actes du 17, 19 et 23 novembre 2021, M.'[P] a de nouveau fait assigner en référé M.'[L], la société Pfizer et la caisse primaire d'assurance maladie (CPAM) de [Localité 7]-[Localité 6] afin que soit ordonnée une expertise.

2. L'ordonnance dont appel,

Par ordonnance de référé du 3 mai 2022, le juge des référés du tribunal judiciaire de Lille a :

1. dit que l'action au fond en responsabilité à l'encontre de M.'[L] et de la société Pfizer France était manifestement insusceptible de prospérer, du fait de la prescription ;

2. dit n'y avoir lieu à référé sur la demande de désignation d'un expert ;

3. condamné M.'[P] aux dépens ;

4. condamné M.'[P] à payer à la société Pfizer la somme de 800 euros au titre des frais irrépétibles ;

5. dit que la présente ordonnance était commune à la CPAM de [Localité 7]-[Localité 6] ;

6. rappelé que la présente ordonnance était exécutoire par provision.

3. La déclaration d'appel,

Par déclaration du 24 mai 2022, M.'[P] a formé appel, dans des conditions de forme et de délai non contestées, de cette ordonnance en toutes ses dispositions.

4. Les prétentions et moyens des parties

Aux termes de ses conclusions du 14 octobre 2022, M.'[P], appelant, demande à la cour, au visa des articles 145 et 263 du code de procédure civile, de :

- déclarer son appel recevable et bien fondé ;

- réformer l'ordonnance querellée en ce qu'elle a :

dit que l'action en responsabilité du docteur [L] et du laboratoire Pfizer France était manifestement insusceptible de prospérer, du fait de la prescription ;

dit n'y avoir lieu à référé sur la demande de désignation d'un expert ;

l'a condamné aux dépens et à payer à la société Pfizer la somme de 800 euros au titre des frais irrépétibles ;

Statuant à nouveau,

- dire que l'action en responsabilité à l'encontre de M. [L] et de la société Pfizer est susceptible de prospérer ;

- dire n'y avoir lieu de le condamner au paiement d'une quelconque somme au titre de l'article 700 du code de procédure civile au profit de la société Pfizer ;

- désigner tel expert judiciaire médical ou tel collège d'experts qu'il plaira à la cour avec mission de :

- se faire communiquer son entier dossier médical ;

- l'examiner, et contradictoirement, toute partie et conseil préalablement convoqué :

- décrire la chronologie de la pathologie dont il est atteint et préciser les durées exactes d'hospitalisation, la nature des soins ;

- recueillir ses doléances en l'interrogeant sur les conditions d'apparition, l'importance des douleurs et des gênes physique et psychique qui en découlent ;

- s'interroger sur un éventuel état antérieur en citant les seuls antécédents pouvant avoir une incidence éventuelle sur l'état actuel et dire s'il existe ou non un état antérieur ;

- procéder à un examen clinique détaillé ;

- décrire le préjudice corporel subi dans toutes ses répercussions et ce, conformément à la nomenclature Dintilhac ;

Fournir à la juridiction tout élément susceptible d'éclairer les juges sur l'origine de la pathologie et son lien avec la médication Champix qu'il a prise ;

- du tout dresser le rapport ;

- plus ample mission selon ce qu'il plaira à la cour ;

- déclarer l'ordonnance de référé à intervenir opposable à la CPAM de [Localité 7]-[Localité 6] ;

- condamner la société Pfizer à lui payer la somme de 3'000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

A l'appui de ses prétentions, M.'[P] fait valoir que c'est à tort que le juge des référés a estimé que son action en responsabilité contre M.'[L] et la société Pfizer était insusceptible de prospérer en raison de sa prescription, alors que :

- son dommage n'est pas encore consolidé, ce qui a pour effet de reporter à l'égard de M.'[L] le point de départ du délai de prescription prévu à l'article L. 1142-8 du code de la santé publique ;

- il n'a eu connaissance du lien entre son dommage et le médicament Champix que le 27 juillet 2017 ; sa première assignation du 27 juin 2018 est donc intervenue à l'égard de la société Pfizer dans le délai triennal prévu à l'article 1245-16 du code civil ;

- sa demande en référé du 27 juin 2018 a eu pour effet d'interrompre le délai de prescription de chacune des actions en responsabilité et ce, jusqu'au 18 février 2019, date de l'ordonnance de caducité.

Aux termes de ses dernières conclusions du 16 août 2022, M.'[L], intimé, demande à la cour, au visa notamment des articles 145 du code de procédure civile et L. 1142-1 du code de la santé publique, de :

A titre principal, confirmer l'ordonnance dont appel en toutes ses dispositions ;

- débouter M. [P] de toutes ses autres demandes, fins et conclusions ;

- mettre les frais et dépens à la charge de la partie succombante ;

- condamner la partie succombante à lui payer la somme de 3'000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

A titre subsidiaire, si la cour considère la demande recevable car non prescrite,

- désigner un collège d'experts spécialisé en médecine générale et toute spécialité qu'il plaira à la cour de désigner, et dont la mission consistera notamment mais essentiellement à :

- prendre connaissance de tous documents utiles ;

- se faire communiquer par tous les professionnels de santé et établissements de santé toutes les pièces médicales qui ne leur aurait pas été communiquées par les parties, sans que le bénéfice du secret médical ou professionnel puisse leur être opposé ;

- déterminer les antécédents médicaux et familiaux de M. [P] ;

Décrire l'étiologie de la pathologie dont souffre et se plaint M. [P] dans la présente procédure ;

- préciser, en l'état de la science actuelle, et en l'état de la science médicale du mois de juin 2018, les différents facteurs susceptibles d'être à l'origine de cette pathologie et de son aggravation ;

- dire si les soins qu'il a donnés à M.'[P] ont été consciencieux, attentifs et conformes aux données acquises de la science ou si, au contraire, une faute a été commise ;

- dans ce cas, décrire cette faute et dire si elle est en relation de cause à effet directe et certaine avec le préjudice allégué ;

- évaluer les différentes composantes de ce préjudice : composantes temporaires éventuelles (dépenses de santé actuelles, frais divers, déficit fonctionnel temporaire, perte de gains professionnels actuels, souffrances endurées) et composantes permanentes éventuelles (dépenses de santé futures, déficit fonctionnel permanent, incidence professionnelle, préjudice d'agrément, préjudice esthétique permanent, préjudice sexuel) ;

- du tout, dresser un pré-rapport adressé à chacune des parties afin de leur permettre une réponse éventuelle contradictoire ;

- réserver les dépens.

A l'appui de ses prétentions, M. [L] fait valoir que l'action en responsabilité dirigée à son encontre est prescrite et que si l'ordonnance du 18 février 2019 a pu interrompre le délai, le nouveau délai triennal a expiré le 27 juin 2021, soit antérieurement à la deuxième assignation en référé.

Aux termes de ses dernières conclusions du 14 octobre 2022, la société Pfizer, intimée, demande à la cour, au visa de l'article 145 du code de procédure civile, des articles 1245-3 et suivants du code civil, de l'article L. 1142-28 du code de la santé publique, des articles 2226, 2241 et 2242 du code civil, de :

A titre principal,

- confirmer l'ordonnance du 3 mai 2022 en toutes ses dispositions ;

- rejeter la demande d'expertise formulée par M. [P] ;

A titre subsidiaire,

- désigner un collège d'experts spécialisé en psychiatrie, pharmacologie et addictologie, aux frais avancés de M.'[P], avec la mission telle que proposée par ce dernier amendé comme suit :

- se faire communiquer, sans que le bénéfice du secret médical ou professionnel puisse leur être opposé, par tous les tiers concernés (médecins, établissements hospitaliers, établissements de soins, praticiens ayant prodigué des soins à M.'[P]) toutes les pièces médicales qui ne leur auront pas été communiquées par les parties, étant précisé qu'elles devront également être communiquées aux parties dans le respect du principe du contradictoire ;

- déterminer les antécédents médicaux et/ou familiaux de M.'[P], en particulier ceux relatifs à la ou les pathologie(s) dont il se plaint ;

- rechercher si, préalablement à la prise du médicament Champix, M.'[P] a effectué de tentatives de sevrage tabagique ; le cas échéant, déterminer l'identité, la posologie et la date d'administration des spécialités administrées dans ce cadre ; déterminer les symptômes développés par M.'[P] lors de ces tentatives de sevrage ;

- préciser la nature de l'affection ayant conduit à la prescription du médicament Champix, les conditions d'administration du médicament et les traitements associés ; décrire la durée et la posologie de ces traitements ; déterminer si M.'[P] prenait concomitamment d'autres médicaments et déterminer leur influence sur les troubles allégués ;

- émettre une opinion sur le schéma thérapeutique adopté, notamment sur les points suivants, à propos du médicament Champix et des autres médicaments administrés :

Indication (au regard de la pathologie à traiter, des antécédents médicaux et d'éventuels autres traitements médicamenteux) ;

Prescription ;

Achat du produit ;

Dates de début et d'arrêt du traitement ;

Observance ;

- décrire l'étiologie de la ou les pathologie(s) dont souffre M. [P] et préciser en l'état actuel de la science s'il est possible de circonscrire les facteurs pouvant être à l'origine de cette ou de ces pathologie(s) ; donner si possible une liste exhaustive de ces facteurs ;

- déterminer, de manière précise et circonstanciée, l'état de M. [P] antérieurement au traitement par le médicament Champix, en précisant notamment si M. [P] était ou non déjà atteint de la ou des pathologie(s) dont il se plaint à l'heure actuelle ; donner, dans le cas de M. [P], l'ensemble des facteurs ayant pu être à l'origine de cette ou de ces pathologie(s) ;

- déterminer s'il existe un lien de causalité direct, certain et exclusif entre la prise du médicament Champix et la ou les pathologie(s) alléguée(s) par M. [P] ;

En cas de réponse positive à la question susvisée, rechercher l'état des connaissances scientifiques et de la pratique médicale à l'époque des faits ;

- décrire les conditions d'arrêt du traitement du médicament Champix dans le cas spécifique de M. [P] ;

- décrire l'ensemble des lésions et séquelles constatées au jour de l'examen, directement exclusivement imputables aux conséquences de la prise du médicament Champix ;

- établir un pré-rapport d'expertise qui devra être communiqué à l'ensemble des parties sur lequel elles pourront faire valoir leurs observations dans le respect du principe du contradictoire ;

En tout état de cause,

- condamner M.'[P] au paiement de la somme de 2'000 euros au titre des frais irrépétibles ;

- le condamner au paiement des dépens.

Au soutien de ses prétentions, la société Pfizer fait valoir que la demande en référé de M.'[P] visant à voir ordonner une expertise n'est pas fondée par un motif légitime dès lors que :

- la date de mise en circulation du médicament Champix devant être fixée au plus tard au 27 juin 2008, et la deuxième assignation datant du 23 novembre 2021, le délai de 10 ans prévu par l'article 1245-15 du code civil était expiré, de sorte que la responsabilité de la société Pfizer était déjà éteinte ;

- M.'[P] ayant eu connaissance de son dommage à compter du troisième mois suivant le début de son traitement, c'est-à-dire à la fin du mois de septembre 2008, son action en responsabilité est, conformément à l'article 1245-16 du code civil, prescrite depuis fin septembre 2011 ;

- à défaut, M. [P] a eu connaissance de son dommage le 27 juillet 2017 ou, au plus tard, le 15 février 2018, et son action demeure prescrite ;

- s'il est considéré que le point de départ du délai de prescription de l'action doit être fixé au 27 juin 2018, l'action en responsabilité est tout de même prescrite puisque l'ordonnance de référé et l'ordonnance de caducité n'ont pas eu d'effet interruptif.

La caisse primaire d'assurance maladie de [Localité 7]-[Localité 6], régulièrement intimée, n'a pas constitué avocat en cause d'appel.

Pour un plus ample exposé des moyens de chacune des parties, il y a lieu de se référer aux conclusions précitées en application des dispositions de l'article 455 du code de procédure civile.

L'instruction du dossier a été clôturée par ordonnance du 17 octobre 2022.

MOTIFS DE LA DECISION

I. Sur l'existence d'un motif légitime d'ordonner une expertise,

Aux termes de l'article 145 du code de procédure civile, s'il existe un motif légitime de conserver ou d'établir avant tout procès la preuve de faits dont pourrait dépendre la solution d'un litige, les mesures d'instruction légalement admissibles peuvent être ordonnées à la demande de tout intéressé, sur requête ou en référé.

L'appréciation du motif légitime de nature à justifier l'organisation d'une mesure d'instruction doit être envisagée au regard de la pertinence des investigations demandées et de leur utilité à servir de fondement à l'action projetée qui ne doit pas manifestement être vouée à l'échec.

Par ailleurs, lorsqu'il s'agit d'apprécier si les critères du référé aux fins d'expertise sont réunis, la juridiction peut valablement porter une appréciation sur une question juridique, qui n'a toutefois aucune autorité de chose jugée à l'égard de la juridiction ultérieure éventuellement saisie au fond.

En l'espèce, M.'[L] et la société Pfizer soutiennent que l'action en responsabilité qu'entend exercer M. [P] à leur encontre est prescrite pour en déduire l'absence de motif légitime justifiant d'ordonner une mesure d'expertise en référé.

S'il n'appartient pas au juge des référés de se prononcer sur l'extinction de responsabilité du producteur ni sur la fin de non-recevoir tirée de la prescription de l'action en responsabilité dirigée contre le médecin prescripteur ou le producteur d'un produit de santé, dès lors que ces questions excèdent les pouvoirs que lui confère l'article 145 précité, il lui revient néanmoins de vérifier si l'action intentée ne serait pas manifestement éteinte ou vouée à l'échec.

A. Sur l'action en responsabilité exercée contre la société Pfizer,

1. Sur l'extinction de responsabilité du fait des produits défectueux,

Aux termes de l'article 1245-15 du code civil, sauf faute du producteur, la responsabilité de celui-ci, fondée sur les dispositions du présent chapitre, est éteinte dix ans après la mise en circulation du produit même qui a causé le dommage à moins que, durant cette période, la victime n'ait engagé une action en justice.

Le produit Champix étant fabriqué en série, le point de départ du délai décennal de forclusion correspond à la date de la commercialisation du lot dont le produit fait partie, ou de mise en circulation du médicament effectivement consommé.

En l'espèce, M. [P] s'est vu prescrire le 28 juin 2008 le médicament Champix, qui est produit et commercialisé par la société Pfizer, par son médecin traitant, M.'[L], à des fins de sevrage tabagique ; il disposait donc d'un délai de dix ans expirant le 28 juin 2018 pour saisir le juge des référés d'une demande d'expertise ou de provision, ou le tribunal d'une action en réparation du fait du produit défectueux.

En l'espèce, M.'[P] a fait une première fois assigner la société Pfizer en référé aux fins d'expertise et de provision le 27 juin 2018, cette action en justice ayant eu pour effet d'interrompre le délai décennal prévu par l'article L. 1245-15 précité.

Il en résulte que la responsabilité de la société Pfizer n'est pas manifestement éteinte.

2. Sur la prescription alléguée de l'action en responsabilité du fait des produits défectueux

L'article 1245-16 du code civil dispose que l'action en réparation fondée sur la responsabilité du fait des produits défectueux se prescrit dans un délai de trois ans à compter de la date à laquelle le demandeur a eu ou aurait dû avoir connaissance du dommage, du défaut et de l'identité du producteur.

En l'espèce, M.'[P] indique avoir souffert de troubles à compter du troisième mois de son traitement, c'est-à-dire à la fin du mois de septembre 2008. A cette période, il a, d'après certificat médical de son médecin traitant rédigé le 4 mai 2018, commencé à présenter des troubles anxieux et dépressifs, outre des éléments de bizarrerie, qui ont alors nécessité plusieurs séjours en établissement psychiatrique.

S'il avait déjà connaissance de sa pathologie fin septembre 2008, rien ne l'informait alors d'un éventuel lien avec la prise du médicament Champix, de sorte que le point de départ du délai de prescription de son action en responsabilité ne saurait être fixé à cette date.

C'est seulement dans un compte-rendu médical du 27 juillet 2017 que M.'[C], interne en psychiatrie, a retenu que M.'[P] souffrait d'une «'schizophrénie post-prise de Champix » manifestée par un « délire hallucinatoire avec idées de persécution résiduelles ». Le médecin a confirmé, à la suite de l'hospitalisation du patient entre le 20 et 24 novembre 2017, « l'hypothèse de trouble psychotique tardif possiblement pharmaco induit initialement par le Champix », et considéré qu'il s'agissait d'une pathologie chronique et sévère nécessitant une prise en charge spécialisée.

Cet avis médical du 27 juillet 2017 a porté à la connaissance de M.'[P] le possible lien existant entre sa maladie psychiatrique et la prise du médicament. L'identité du producteur lui était à ce moment accessible, ainsi que le défaut de sécurité du produit et la connaissance de son dommage.

C'est donc au 27 juillet 2017 que peut être fixé le point de départ du délai de prescription de l'action en responsabilité conformément à l'article 1245-16 précité.

Par ailleurs, l'article 2241 du code civil dispose que la demande en justice, même en référé, interrompt le délai de prescription ainsi que le délai de forclusion.

En application de l'article 2242 du même code, l'interruption résultant de la demande en justice produit ses effets jusqu'à l'extinction de l'instance.

Il résulte de ces dispositions que si une citation en référé interrompt la prescription, l'effet interruptif cesse dès que l'ordonnance est rendue.

Après que l'interruption du délai est intervenue du fait de la demande en justice, ce même délai est enfin suspendu lorsque le juge des référés fait droit à la demande de mesure d'instruction et il recommence à courir, pour une durée qui ne peut être inférieure à six mois, à compter du jour où la mesure est exécutée, en application de l'article 2239 du code civil.

En l'espèce, M.'[P] a fait assigner en référé-expertise et référé-provision la société Pfizer et M.'[L] par actes séparés du 27 juin et 4 juillet 2018, interrompant ainsi le délai de prescription. Le juge des référés a ordonné la mesure d'expertise par ordonnance du 16 octobre 2018, puis le juge chargé du contrôle des expertises a rendu une ordonnance de caducité le 18 février 2019, au motif que la provision à valoir sur la rémunération des experts n'avait pas été versée dans le délai accordé.

La caducité d'une désignation d'expert, qui n'atteint que la mesure d'expertise ordonnée, ne peut priver l'ordonnance du juge des référés l'ayant ordonné de son effet suspensif du délai de prescription. L'effet suspensif s'attache en effet exclusivement à l'ordonnance du juge des référés, et non à l'exécution de la mesure d'instruction elle-même. Seule la reprise du délai pour une durée de six mois dépend de l'exécution ou non de cette mesure.

En l'espèce, il en résulte que la suspension du délai de prescription s'est poursuivie jusqu'au 18 février 2019.

Dans ces conditions, la nouvelle action en référé-expertise intentée contre la société Pfizer par acte du 23 novembre 2021 n'est pas manifestement prescrite en application de l'article 1245-16 précité, dès lors qu'elle intervient avant le 18 février 2022, date d'expiration du délai triennal à compter de la fin de sa suspension.

B. Sur l'action en responsabilité exercée contre M.'[L],

Aux termes de l'article L. 1142-28 du code de la santé publique, les actions tendant à mettre en cause la responsabilité des professionnels de santé ou des établissements de santé publics ou privés à l'occasion d'actes de prévention, de diagnostic ou de soins et les demandes d'indemnisation formées devant l'Office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales en application du II de l'article L. 1142-1 et des articles L. 1142-24-9, L. 1221-14, L. 3111-9, L. 3122-1 et L. 3131-4 se prescrivent par dix ans à compter de la consolidation du dommage.

En l'espèce, suivant certificat médical du 30 mai 2022, M.'[O], médecin généraliste, a attesté, à cette date, de l'absence de consolidation de l'état de santé de M.'[P].

En conséquence, il n'est pas démontré que l'état de santé de l'intéressé soit consolidé depuis l'apparition de ses troubles psychiatriques en septembre 2008 après s'être vu administrer le médicament Champix, de sorte que la demande d'expertise ne saurait être rejetée au motif que l'action au fond contre le médecin traitant serait manifestement prescrite.

Il s'ensuit que M.'[L] ne démontre pas l'absence alléguée d'un motif légitime pour voir ordonner une mesure d'expertise judiciaire.

Dans ces conditions, il n'est nullement établi que la possible action au fond de M.'[P] soit manifestement insusceptible de prospérer.

Au regard de la démonstration par l'appelant de son motif légitime à voir conserver ou établir, avant tout procès, la preuve de faits dont pourrait dépendre la solution d'un litige, il convient d'infirmer l'ordonnance critiquée et d'ordonner une expertise selon les termes visés au dispositif du présent arrêt.

Le niveau de complexité de l'expertise ordonnée ne requiert pas la désignation d'un collège d'experts, étant toutefois rappelé que l'expert désigné dispose de la faculté de solliciter, de sa propre initiative et sans qu'il soit nécessaire que la juridiction l'ordonne ou que le juge chargé du contrôle des expertises ne l'y autorise, un ou plusieurs sapiteurs d'une spécialité différente de la sienne.

Dans le cadre de sa mission, il appartiendra à l'expert de recueillir le consentement de M.'[P] préalablement à la communication des pièces médicales la concernant, pour lever le secret médical couvrant ces différents documents.

En application de l'article 964-2 du code de procédure civile, le contrôle de la mesure d'instruction ordonnée par le présent arrêt est confié au juge chargé de contrôler les mesures d'instruction de la juridiction dont émane l'ordonnance de référé ainsi réformée.

Le sens de l'arrêt conduit à infirmer l'ordonnance querellée en toutes ses dispositions.

II. Sur les autres demandes,

La CPAM de [Localité 7]-[Localité 6] étant partie intimée en cause d'appel, il n'est pas nécessaire de lui déclarer le présent arrêt opposable.

Le sens de l'arrêt conduit à infirmer l'ordonnance querellée sur les dépens et les frais irrépétibles.

Chaque partie conservera à sa charge ses propres dépens de première instance et d'appel.

L'équité commande de débouter M.'[P], M.'[L] et la société Pfizer de leurs demandes respectives de frais irrépétibles sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

La cour,

Infirme en toutes ses dispositions l'ordonnance rendue le 3 mai 2022 par le président du tribunal judiciaire de Lille statuant en référé ;

Statuant à nouveau et y ajoutant,

Renvoie les parties à se pourvoir sur le fond du litige ;

Par provision, tous moyens des parties étant réservés ;

Ordonne une expertise médicale de M.'[K] [P], au contradictoire de l'ensemble des parties à la présente instance ;

Commet à cet effet M.'[F] [J], expert psychiatre inscrit sur la liste dressée par la cour d'appel de Paris (Centre hospitalier de [Localité 8] - [Adresse 5] - [Courriel 9]), lequel pourra s'adjoindre comme sapiteur, si nécessaire, tout spécialiste d'un domaine de compétence distinct du sien, notamment dans le domaine de la pharmacologie, la médecine générale, et la médecine légale, aux fins de procéder comme suit :

1 - entendre contradictoirement les parties, leurs conseils convoqués et entendus, ceci dans le strict respect des règles de déontologie médicale ou relative au secret professionnel ;

2 - recueillir toutes informations orales ou écrites des parties ; se faire communiquer puis examiner tous documents utiles (dont le dossier médical et plus généralement tous documents médicaux relatifs à la demande et le relevé des débours exposés par les organismes tiers-payeurs), à charge d'aviser le magistrat chargé du contrôle des expertises en cas de refus de lever le secret médical couvrant les documents concernés ; en prendre connaissance et les examiner ;

3 - se faire communiquer le relevé des débours de l'organisme de sécurité sociale de la victime et indiquer si les frais qui y sont inclus sont bien en relation directe, certaine et exclusive avec l'accident en cause ;

4 - entendre tous sachants ; rapporter fidèlement leurs déclarations après avoir précisé leur identité et s'il y a lieu, leur lien de parenté ou d'alliance, leur lien de subordination ou leur communauté d'intérêt avec les parties ;

5 - procéder contradictoirement à l'examen médical, psychologique, et psychiatrique de M.'[P] ainsi qu'à toutes investigations utiles :

* dire s'il est en mesure de comprendre les propos et de répondre aux questions ;

* noter ses doléances ;

* fournir le maximum de renseignements sur son identité, ses conditions d'activités professionnelles et de vie, son niveau scolaire, son statut exact, sa formation ;

* déterminer ses antécédents médicaux et familiaux et tout autre élément utile, en particulier ceux relatifs à la pathologie ou aux pathologies dont il se plaint ;

Sur le plan médical :

* décrire les constatations, y compris s'agissant de sa taille et de son poids ;

* dire s'il souffrait de pathologies avant la prise du médicament Champix ;

* dire s'il souffre d'anomalies physiques ou de pathologies ;

* dater l'apparition puis l'évolution de la pathologie ou des pathologies dont il souffre actuellement ;

* décrire les soins qu'il requiert dans la suite des troubles allégués, et les effets attendus de ces soins ;

* décrire l'évolution possible de la pathologie ;

Sur le plan psychiatrique :

* dire si l'examen de l'intéressé révèle des anomalies mentales ou psychiques, le cas échéant les décrire et préciser à quelles affections elles se rattachent ;

* dire si, avant le traitement Champix, il était atteint d'un trouble psychique ou neuro-psychique ;

* dater et décrire l'apparition puis l'évolution du ou des troubles psychiques ou neuro-psychiques dont il souffre actuellement ;

* dire les soins qu'il requiert dans la suite des troubles allégués ; dire les effets attendus des soins ;

* décrire l'évolution possible de la ou des pathologies ;

Sur le plan psychologique :

* dire si l'examen de l'intéressé révèle chez lui une déficience cognitive et/ou des troubles d'ordre psychologique ;

* dire si, avant le traitement Champix, il était atteint de troubles d'ordre psychologique ;

* dater et décrire l'apparition puis l'évolution des troubles d'ordre psychologique dont il souffre actuellement ;

* dire les soins qu'il requiert dans la suite des troubles allégués ; dire les effets attendus des soins ;

* dire l'évolution possible du ou des troubles d'ordre psychologique ;

6 - préciser, sommairement, les rapprochements signalés dans la littérature médicale entre la ou les pathologies et troubles dont souffre M. [P] et l'exposition au Champix ; se faire communiquer par le laboratoire les études préalables sur le Champix effectuées antérieurement à sa mise sur le marché et vérifier leur pertinence ; rechercher si les informations sur les effets indésirables et les précautions d'emploi du Champix contenues en 2008 dans la notice d'utilisation édictée par le producteur étaient suffisamment précises, complètes et circonstanciées en ce qui concerne les risques d'apparition de cette pathologie ;

7 - en l'état des connaissances scientifiques et de la science médicale actuelles, et en l'état des données connues en juin 2008 : décrire l'étiologie de la pathologie ou des pathologies dont souffre M.'[P], préciser les différents facteurs susceptibles d'être à l'origine de cette ou de ces pathologies ou de leur aggravation ;

8 - déterminer si la prise du traitement Champix par M. [P] a entraîné pour lui des troubles psychiques ou physiques, en particulier :

* dire si les troubles dont il souffre sont en relation directe, certaine et exclusive avec la prise du médicament Champix, et/ou un état antérieur ou postérieur qui sera alors décrit, et/ou d'autres facteurs concomitants qui seront décrits ;

* dans l'affirmative, dire si le médicament Champix a entraîné l'apparition de pathologies dont a souffert ou souffre M.'[P], ou s'il a participé à l'apparition de ces pathologies, ou s'il a aggravé le risque d'apparition de ces pathologies ; préciser le degré d'une telle causalité selon l'échelle imposée par l'AFSSAPS (paraissant exclue, douteuse, plausible, vraisemblable, très vraisemblable, certaine) ;

* dans l'hypothèse où l'état du patient est dû à un état antérieur, préciser si cet état :

- a été révélé ou traité avant le traitement Champix (dans ce cas, préciser les périodes, la nature et l'importance des traitements antérieurs) ;

- a été aggravé ou a été révélé par le traitement Champix ;

- s'il entraînait un déficit fonctionnel avant les faits ;

9 - préciser la nature de l'affection ayant conduit à la prescription du médicament Champix, ses conditions d'administration et les traitements associés ; décrire la durée et la posologie de ces traitements ; déterminer si M.'[P] prenait concomitamment d'autres médicaments et déterminer leur influence sur les troubles allégués ;

10 - rechercher si, préalablement à la prise de médicament Champix, M.'[P] a effectué des tentatives de sevrage tabagique ; le cas échéant, déterminer l'identité, la posologie et la date d'administration des spécialités prescrites et ingérées dans ce cadre ; déterminer le cas échéant les symptômes développés par M. [P] lors de ces tentatives de sevrage ;

11 - décrire dans quelles conditions, le cas échéant, M.'[P] a arrêté son traitement Champix ; dire si ces conditions sont conformes à l'état des connaissances scientifiques et de la pratique médicale à l'époque ; dire si le traitement litigieux était adapté à son état de santé, notamment au regard de l'autorisation de mise sur le marché du produit ;

12 - émettre une opinion sur le schéma thérapeutique adopté à propos du médicament Champix et des autres médicaments administrés, notamment :

* indication au regard de la pathologie à traiter, des antécédents médicaux et d'éventuels autres traitements médicamenteux ;

* prescription ;

* achat du produit ;

* dates de début et d'arrêt du traitement ;

* observance ;

13 - dire si les soins donnés par M.'[I] [L] à M.'[P] ont été consciencieux, attentifs et conformes aux données acquises de la science à l'époque où ils ont été prodigués, ou si au contraire une faute a été commise ;

14 - évaluer les postes de préjudice qui résultent de l'état actuel constaté, par référence aux barèmes d'évaluation de droit commun et aux échelles habituelles :

a) sur la consolidation :

- indiquer la durée de l'arrêt ou du ralentissement d'activité professionnelle et personnelle compte tenu de son état psychique, en indiquant s'il était total ou si une reprise partielle est intervenue; si une reprise totale ou partielle est intervenue, en préciser les conditions et la durée et, proposer la date de consolidation des troubles psychiques ; si la consolidation n'est pas acquise, indiquer le délai à l'issue duquel un nouvel examen devra être réalisé, évaluer les seuls préjudices qui peuvent l'être en l'état ;

- s'agissant des préjudices liés à des pathologies évolutives : donner un avis sur la durée et l'évolution des troubles psychiques et dire si l'état de la victime est susceptible de modification en aggravation ou en amélioration ; dans l'affirmative, donner toutes précisions utiles sur cette évolution, son degré de probabilité et, dans le cas où un nouvel examen apparaîtrait nécessaire, indiquer le détail dans lequel il devra y être procédé ; le cas échéant, préciser les consolidations successives de la maladie et les résultantes pour chaque consolidation ;

b) sur le préjudice patrimonial soumis au recours des organismes sociaux :

b-1) sur les préjudices patrimoniaux temporaires (avant consolidation) :

- sur les dépenses de santé actuelles : donner son avis sur d'éventuelles dépenses de santé ou de transport exposés par la victime avant la consolidation de ses blessures, qui n'auraient pas été prises en charge par les organismes sociaux ou par des tiers-payeurs, en précisant, le cas échéant, si le coût ou le surcoût de tels frais se rapporte à des soins ou plus généralement à des démarches nécessités par son état de santé et s'ils sont directement en lien avec les lésions résultant des faits à l'origine du dommage ;

- sur les frais divers : donner son avis sur d'éventuels besoins ou dépenses, tels que notamment des frais de garde d'enfants, de soins ménagers, d'assistance temporaire d'une tierce personne pour les besoins de la vie courante, ou encore des frais d'adaptation temporaire, soit d'un véhicule, soit d'un logement, en les quantifiant, et le cas échéant, en indiquant si ceux-ci sont directement en lien avec les lésions résultant des faits à l'origine du dommage ;

- sur les pertes de gains professionnels actuels : indiquer les périodes pendant lesquelles la victime a été, avant sa consolidation, et du fait de son incapacité fonctionnelle résultant directement des lésions consécutives aux faits à l'origine des dommages, dans l'incapacité d'exercer totalement ou partiellement une activité professionnelle ou économique ;

b-2) sur les préjudices patrimoniaux permanents (après consolidation) :

- sur les dépenses de santé futures : donner son avis sur d'éventuelles dépenses de santé future, y compris des frais de prothèse ou d'appareillage, en précisant s'il s'agit de frais hospitaliers, médicaux, paramédicaux, pharmaceutiques ou assimilés, même occasionnels mais médicalement prévisibles et rendus nécessaires par l'état pathologique de la victime après consolidation ;

- sur les frais de logement adapté : donner son avis sur d'éventuelles dépenses nécessaires pour permettre, le cas échéant, à la victime d'adapter son logement à son handicap ;

- sur les frais de véhicule adapté : donner son avis sur d'éventuelles dépenses nécessaires pour permettre, le cas échéant, à la victime d'adapter son véhicule à son handicap en précisant leur coût ou surcoût, ainsi que la nature et la fréquence de renouvellement des frais d'adaptation ;

- sur l'assistance par tierce personne : donner son avis sur d'éventuelles dépenses liées à l'assistance permanente d'une tierce personne (cette assistance ne devant pas être réduite en cas d'assistance familiale) ; dans l'affirmative, préciser si cette tierce personne doit être spécialisée ou non, ses attributions exactes ainsi que les durées respectives d'intervention de l'assistant spécialisé et de l'assistant non spécialisé ; donner à cet égard toutes précisions utiles ; préciser, le cas échéant, s'il s'agit d'un besoin définitif ;

- sur les pertes de gains professionnels futurs : indiquer si, en raison de l'incapacité permanente dont la victime reste atteinte après sa consolidation, celle-ci va subir une perte ou une diminution des gains ou revenus résultant de son activité professionnelle, du fait, soit d'une perte de son emploi, soit d'une obligation d'exercer son activité à temps partiel ou d'opérer une reconversion ;

- sur l'incidence professionnelle : indiquer si, en raison de l'incapacité permanente dont la victime reste atteinte après sa consolidation, celle-ci va subir des préjudices touchant à son activité professionnelle, autres que celui résultant de la perte de revenus liés à l'invalidité permanente ;

- sur le préjudice scolaire, universitaire ou de formation : indiquer si, en raison de l'incapacité permanente dont la victime reste atteinte après sa consolidation, celle-ci va subir des préjudices touchant à son activité scolaire, universitaire ou de formation, autres que celui résultant de la perte de revenus liés à l'invalidité permanente ;

c) sur le préjudice patrimonial non soumis au recours des organismes sociaux :

c-1) sur les préjudices extra-patrimoniaux temporaires (avant consolidation) :

- sur le déficit fonctionnel temporaire : indiquer si la victime a subi un déficit temporaire, en préciser la durée, son importance et, au besoin, sa nature ;

- sur les souffrances endurées : décrire les souffrances physiques ou psychiques endurées par victime depuis les faits à l'origine des dommages jusqu'à la date de consolidation, et les évaluer sur une échelle de 1 à 7 degrés ;

- sur le préjudice esthétique temporaire : décrire ta nature et l'importance du dommage esthétique temporaire jusqu'à la consolidation des blessures ; l'évaluer sur une échelle de 1 à 7 degrés ;

c-2) sur les préjudices extra-patrimoniaux permanents (après consolidation) :

- sur le déficit fonctionnel permanent : indiquer si ta victime a subi un déficit fonctionnel permanent, en préciser son importance et au besoin, son taux ; décrire les actes, les gestes et les mouvements rendus difficiles partiellement ou entièrement impossibles en raison du traitement Champix pris par M. [P] ;

- sur le préjudice d'agrément : donner son avis sur l'existence d'un préjudice d'agrément résultant de l'impossibilité pour la victime de pratiquer régulièrement une activité spécifique de sport ou de loisir ;

- sur le préjudice esthétique permanent : décrire la nature et l'importance du préjudice esthétique subi de façon définitive après la consolidation des blessures et l'évaluer sur une échelle de 1 à 7 degrés ;

- sur le préjudice sexuel, de procréation ou d'établissement : indiquer s'il existe ou existera un préjudice sexuel, de procréation ou d'établissement ; le décrire et l'évaluer ;

- sur les préjudices permanents exceptionnels : indiquer s'il existe ou existera des préjudices permanents exceptionnels ; les décrire et les évaluer ;

15 - établir un état récapitulatif de l'évaluation de l'ensemble des postes énumérés dans la mission ;

16 - rapporter toutes autres constatations utiles à l'examen des prétentions des parties ;

Sur les modalités d'accomplissement de l'expertise, dit qu'en application de l'article 964-2 du code de procédure civile, le contrôle des opérations d'expertise sera assuré par le juge chargé des opérations d'expertise du tribunal judiciaire de Lille, à qui il devra en être référé en cas de difficulté ;

Dit que l'expert devra faire connaître sans délai son acceptation au juge chargé du contrôle de l'expertise, et devra commencer ses opérations dès réception de l'avis de consignation ;

Dit qu'en cas d'empêchement ou de refus de l'expert, il sera procédé à son remplacement par ordonnance du juge chargé du contrôle de l'expertise ;

Dit que l'expert devra accomplir sa mission conformément aux articles 232 et suivants du code de procédure civile, notamment en ce qui concerne le caractère contradictoire des opérations ;

Dit que l'expert devra tenir le juge chargé du contrôle de l'expertise, informé du déroulement de ses opérations et des difficultés rencontrées dans l'accomplissement de sa mission ;

Fait injonction aux parties de communiquer aux autres parties les documents de toute nature qu'elles adresseront à l'expert pour établir le bien fondé de leurs prétentions ;

Dit que l'expert pourra, sous réserve de l'accord par la victime de lever le secret médical s'y appliquant, se faire communiquer tant par les médecins que par les caisses de sécurité sociale et par les établissements hospitaliers concernés, tous les documents médicaux qu'il jugerait utiles aux opérations d'expertise ;

Dit que l'expert remettra un pré-rapport aux parties en considération de la complexité technique de la mission, dans un délai de 8 mois à compter l'avis de consignation de la provision sur ses honoraires, et inviter les parties à formuler leurs observations dans un délai de 30 jours à compter de la réception de ce pré-rapport, étant rappelé aux parties qu'en application de l'article 276 alinéa 2 du code de procédure civile, il n'est pas tenu de prendre en compte les observations transmises au-delà de ce délai ;

Dit que l'expert devra déposer au greffe du tribunal judiciaire de Lille son rapport définitif, comportant notamment la prise en compte des observations formulées par les parties (accompagné des documents annexés ayant servi à son établissement, ceux qui le complètent ou contribuent à sa compréhension et restituera les autres contre récépissé aux personnes les ayant fournis), dans le délai de rigueur de 10 mois à compter l'avis de consignation de la provision sur ses honoraires (sauf prorogation dûment autorisée)'et communiquer ce rapport aux parties dans ce même délai ;

Dit que le dépôt du rapport sera accompagné de la demande de rémunération de l'expert, dont ce dernier aura adressé un exemplaire aux parties par tout moyen permettant d'en établir la réception ; que la demande de rémunération mentionnera la date d'envoi aux parties de cette copie ;

Rappelle que les parties disposeront d'un délai de 15 jours à compter de cette réception pour formuler toutes observations écrites auprès du magistrat chargé du contrôle des expertises et de l'expert, notamment aux fins de taxation des honoraires sollicités ;

Dit que les frais d'expertise seront provisoirement avancés par M.'[P] qui devra consigner la somme de 1'500 euros (mille cinq cents euros) à valoir sur la rémunération de l'expert, auprès du régisseur d'avances et de recettes du tribunal judiciaire de Lille, dans un délai de 30 jours à compter du présent arrêt étant précisé que :

- la charge définitive de la rémunération de l'expert incombera, sauf transaction, à la partie qui sera condamnée aux dépens ;

- à défaut de consignation dans le délai imparti, la désignation de l'expert sera caduque, (sauf décision contraire du juge en cas de motif légitime) ;

- chaque partie est autorisée à procéder à la consignation de la somme mise à la charge de l'autre en cas de carence ou de refus ;

Déboute les parties de leurs plus amples prétentions ;

Laisse à la charge de chaque partie les dépens qu'elles ont respectivement exposés tant en première instance qu'en appel ;

Déboute M.'[K] [P], M.'[I] [L], et la société Pfizer de leurs demandes sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.