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Décisions

CA Paris, Pôle 5 ch. 4, 8 février 2023, n° 20/04545

PARIS

Arrêt

Confirmation

PARTIES

Demandeur :

Pizza Center France (SAS), Domino's Pizza France (SAS), Fra-Ma-Pizz (SAS)

Défendeur :

LMJ Capital (Sté)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme Dallery

Conseillers :

Mme Brun-Lallemand, Mme Depelley

Avocats :

Me Guyonnet, Me Bretzner, Me Richard, Me Bonaldi, Le Goff

T. com. Rennes, du 31 janv. 2020, n° 201…

31 janvier 2020

FAITS ET PROCEDURE

Le réseau de restaurants Pizza Sprint, détenu jusqu'au 25 janvier 2016 par le groupe Pizza Sprint, a pour activité la fabrication et la distribution de pizzas sur le marché de la livraison à domicile ou à emporter.

Le groupe était composé de trois filiales détenues par la société holding Food Court Finances dirigée par M. [Y] [H] :

- la société Fra- Ma- Pizz (ci- après « le franchiseur ») qui a exploité des points de vente ou concédé l'exploitation de l'enseigne par la conclusion de contrats de franchise ;

- la société Pizza Center France (ci- après « le fournisseur ») qui était la centrale d'approvisionnement en produits alimentaires et non alimentaires du réseau ;

- la société Somainmag qui avait été constituée pour réaliser l'aménagement des points de vente du réseau et n'est plus en activité.

Le 27 novembre 2012, la société Dutchesne Distribution, devenue LMJ Capital (ci- après la société franchisée ou LMJ) a conclu un contrat de franchise avec la société Fra- Ma- Pizz pour l'exploitation d'un fonds de commerce de restauration rapide sous l'enseigne « Pizza Sprint » à [Localité 3].

M. [X] [Z] est le gérant et unique associé de cette société.

Le 26 janvier 2016, la société Domino's Pizza France (ci- après la société Domino's Pizza), exploitant dans le même secteur le premier réseau de franchise français en nombre de points de vente, s'est portée acquéreur auprès de la société Food Court Finance de 100 % des titres composant le capital social des sociétés Fra- Ma- Pizz et Pizza Center France, à l'exclusion de la société Somainmag.

A la suite de cette cession de contrôle, certains franchisés ont accepté de conclure de nouveaux contrats de franchises et d'exploiter sous l'enseigne « Domino's Pizza », d'autres ont préféré demeurer au sein du réseau « Pizza Sprint » et les relations contractuelles entre ces derniers et le franchiseur se sont rapidement dégradées.

Par courrier du 1er février 2019, la société franchisée a unilatéralement résilié le contrat de franchise au 4 février 2019 arguant de manquements contractuels du franchiseur qui aurait laissé péricliter son réseau.

Les relations ont définitivement pris fin à compter de cette dernière date.

Par acte extrajudiciaire du 11 mai 2016, puis du 19 septembre 2018, la société Dutchesne Distribution (désormais LMJ Capital) et M. [X] [Z] ont assigné les sociétés Fra- Ma- Pizz et Pizza Center France, puis la société Domino's Pizza France, devant le tribunal de commerce de Rennes pour demander la nullité du contrat de franchise initialement pour vice du consentement, puis à raison de clauses créant un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties dont la nullité a pour effet de vider le contrat de sa substance et, subsidiairement, pour faire prononcer sa résiliation aux torts exclusifs du franchiseur et obtenir les restitutions et indemnisations consécutives.

Ces deux instances ont été jointes.

Par jugement du 31 janvier 2020, le tribunal de commerce de Rennes a :

- Déclare irrecevables les demandes de Monsieur [Z] et de la société Dutchesne Distribution tendant a :

Déclarer recevable et bien fondée la demande du Ministre de l'Economie ;

Y faire droit en tous points ;

Déclarer recevable et bien fondée l'intervention volontaire principale des concluants ;

Joindre les instances engagées par les franchises a l'instance enrôlée sous le n° 2017 F 00131 ;

Annuler ou résilier le Contrat de franchise aux torts de Pizza Center France.

- Déclare irrecevables les demandes de Fra- Ma- Pizz, Pizza Center France et Domino's Pizza France tendant à :

Rejeter la demande de jonction de l'instance engagée par les Franchise avec l'instance initiée par le Ministre (RG n° 2017 F 00131) ;

Constater que l'article L. 442- 6, I, 2° du Code de commerce ne saurait fonder un quelconque grief l’encontre des défenderesses dans la mesure où ce texte n'observe pas le principe de légalité des délits et des peines consacre respectivement par (i) la convention européenne des droits de l'homme et des libertés fondamentales et (ii) par le pacte civil relatif aux droits politiques ;

Constater l'absence de soumission ou de tentative de soumission au sens de l'article L.442- 6, I, 2° du Code de commerce ;

Constater que les demandes fondées non pas avec une clause mais sur une pratique qui aurait été instaurée par la société Fra- Ma- Pizz ne saurait relever de l'article L. 442- 6, I, 2° du Code de commerce ;

Constater l'absence de déséquilibre significatif au sens de l'article L. 442- 6, I, 2° du Code de commerce.

Et :

- Valide la résiliation du Contrat de Franchise a l'initiative de la Société franchisée aux torts exclusifs de Fra- Ma- Pizz et Domino's Pizza France.

En conséquence :

- Condamne in solidum Fra- Ma- Pizz et Domino's Pizza France a verser :

a la société Dutchesne Distribution :

- la somme de 43.193,15 € au titre des redevances de franchise ;

- la somme de 370.200 € au titre de la perte de valeur de son fonds ;

à Monsieur [Z] :

- la somme de 30.000 € au titre du préjudice moral.

En outre :

- Ordonne la capitalisation des intérêts au taux l’égal par années entières conformément a l'article 1343- 2 du Code civil ;

- Condamne in solidum Fra- Ma- Pizz et Domino's Pizza France aux entiers dépens de l'instance, parmi lesquels seront compris l'ensemble des frais d'execution (y compris les emoluments de l'huissier en application de l'article A. 444- 32 du Code de commerce) ;

- Condamne in solidum Fra- Ma- Pizz et Domino's Pizza France a verser à Monsieur [Z] et à la société Dutchesne Distribution la somme de 15.000 euros chacun au titre des dispositions de l'article 700 du CPC.

Enfin :

- Déboute les parties du surplus de leurs demandes, et notamment de celles relatives a l'execution provisoire ;

- Liquide les frais de greffe a la somme de 133,40 euros tels que prévu aux articles 695 et 701 du CPC.

Par déclaration reçue au greffe de la Cour le 2 mars 2020, les sociétés Fra- Ma- Pizz, Pizza Center France et Domino's Pizza France ont interjeté appel de ce jugement.

***

Parallèlement, entre 2013 et 2016, la DGCCRF a mené une enquête sur les relations commerciales entre partenaires au sein du réseau « Pizza Sprint » à l'issue de laquelle plusieurs franchisés ont dénoncé des pratiques susceptibles de constituer des entraves au libre jeu de la concurrence.

La DGCCRF a considéré que les contrats de franchise du réseau « Pizza Sprint » contenaient des clauses qui, par leur objet ou par leurs effets, limitaient la liberté et l'autonomie commerciale des franchisés de manière telle qu'elles étaient porteuses d'un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties au sens L. 442- 6, I, 2° du code de commerce dans sa version applicable.

Par actes des 9, 13 et 15 mars 2017, le ministre de l'économie et des finances (ci- après « le Ministre » ou « le Ministre de l'économie ») a assigné les sociétés Fra- Ma- Pizz, Pizza Center France, Domino's Pizza France, Food Court Finance et Somainmag devant le tribunal de commerce de Rennes au visa des anciens articles L. 442- 6, I, 2° et L. 442- 6, I, 1° du code de commerce.

A cette instance sont volontairement intervenues, a titre principal, des sociétés franchisées et leur gérant et, à titre accessoire, la société Dutchesne Distribution et son gérant.

Ces dernières ont sollicité en vain la jonction de l'ensemble des instances devant le tribunal de commerce de Rennes qui a donc statué séparément sur chacune d'elles.

Par jugement du 22 octobre 2019, rendu dans le cadre de l'action du Ministre, le tribunal de commerce de Rennes, s'agissant des clauses litigieuses soumises à son appréciation au visa de l'article L. 442- 6, I, 2° du code de commerce dans sa version applicable, a notamment :

Prononcé la nullité des clauses relatives à l'intuitu personae,

Prononcé la nullité des clauses relatives aux modalités de résiliation et de cessation

Par un arrêt du 5 janvier 2022, rendu sur appel du jugement susvisé, la cour d'appel de Paris,

Pour les contrats de franchises versés aux débats, dont le contrat de franchise de la société Dutchesne Distribution, a notamment décidé que :

Seules les clauses intuitu personae et de résiliation dans les contrats antérieurs à 2012 sont annulées ;

les clauses d'approvisionnement et de stocks minimum ne sont pas annulées mais il a été enjoint aux sociétés Fra- Ma- Pizz, Pizza Center France et Domino's Pizza, au titre d'un déséquilibre significatif, de cesser la pratique consistant à insérer au contrat de franchise une clause de stock minimum couplée à une clause d'approvisionnement formellement non exclusive mais permettant par des règles de contrôle d'imposer de fait un approvisionnement exclusif ou quasi exclusif auprès d'un fournisseur appartenant au même groupe de sociétés que le franchiseur ;

Les clauses d'aménagement initial des points de vente, les clauses de résiliation des contrats postérieurs à 2012 n'ont pas été annulées ni sur le fondement du déséquilibre significatif ni sur le fondement de l'avantage sans contrepartie ;

Les pratiques relatives à la mise en œuvre du contrôle des points de vente, à la fixation des prix de vente, à la maîtrise des actions promotionnelles, à la facturation de la formation et autres frais accessoires, n'ont pas été jugées en elles- mêmes comme générant un déséquilibre significatif ou un avantage sans contrepartie.

Le 10 janvier 2022 un pourvoi (n°R2210314) a été formé contre cet arrêt devant la Cour de cassation.

***

Aux termes de leurs dernières conclusions, déposées et notifiées le 24 octobre 2022, les sociétés Fra- Ma- Pizz, Pizza Center France et Domino's Pizza France demandent à la Cour de :

Vu les articles 2, 9, 30 et suivants, 122, 132 et 132 du Code de procédure civile,

Vu les articles 1101, 1116, 1134, 1147, 1152, 1178, 1184, 1224, 1304 alinéa 1, 1353 alinéa 1 et 2044 du Code civil,

Vu les articles L.110- 4, L.511- 1 et suivants du Code de commerce,

Vu les articles L.442- 6, I, 1° et L.442- 6, I, 2° et L.442- 6, III (ancien) du Code de commerce,

Vu la jurisprudence,

Vu les pièces versées aux d’ébats,

- Déclarer les sociétés Domino's Pizza France, Fra- Ma- Pizz et Pizza Center France recevables et bien fondées en l'ensemble de leurs demandes, fins et prétentions ;

- Dire et juger irrecevable et mal fonde l'appel interjeté par la société Dutchesne Distribution (désormais LMJ Capital) et Monsieur [X] [Z], et en conséquence débouter la société Dutchesne Distribution (désormais LMJ Capital) et Monsieur [X] [Z] de l'ensemble de leurs demandes, fins, et prétentions ;

Ce faisant :

Infirmer le jugement rendu par le Tribunal de commerce de Rennes le 31 janvier 2020 en ce qu'il a :

Déclaré irrecevables les demandes de Fra- Ma- Pizz, Domino's Pizza France et Pizza Center France tendant a:

- rejeter la demande de jonction de la présente instance avec l'instance initiée par Mr le Ministre de l'Economie et des Finances (RG n° 2017F00131) ;

- constater que l'article L. 442- 6, I, 2 du Code de commerce ne saurait fonder un quelconque grief a l'encontre des défenderesses dans la mesure où ce texte n'observe pas le principe de légalité des délits et des peines consacre respectivement par (i) la Convention européenne des droits de l'homme et des libertés fondamentales et (ii) par le pacte civil relatif aux droits politiques ;

- constater l'absence de soumission ou de tentative de soumission au sens de l'article L. 442- 6, I, 2 du Code de commerce ;

- constater que les demandes fondées non pas avec une clause, mais sur une pratique qui aurait été instaurée par la société Fra- Ma- Pizz ne saurait relever de l'article L. 442- 6, I, 2 du Code de commerce ;

- constater l'absence de déséquilibre significatif au sens de l'article L. 442- 6, I, 2 du Code de commerce ;

et

valide la résiliation, a l'initiative de la société Dutchesne Distribution (désormais LMJ Capital) du contrat de franchise aux torts exclusifs de Fra- Ma- Pizz et Domino's Pizza France ;

en conséquence :

condamne in solidum Fra- Ma- Pizz et Domino's Pizza France :

- a rembourser a Dutchesne Distribution (désormais LMJ Capital) la somme de 43.193,15 euros au titre des redevances de franchise ;

- a verser a Dutchesne Distribution (désormais LMJ Capital) la somme de 370.200 € au titre de la perte de valeur de son fonds ;

- a verser a Monsieur [X] [Z] la somme de 30.000 € au titre du préjudice moral ;

en outre :

ordonne la capitalisation des intérêts au taux légal par années entières conformément à l'article 1343- 2 du Code civil ;

condamne in solidum Fra- Ma- Pizz et Domino's Pizza France aux entiers dépens de l'instance, parmi lesquels seront compris l'ensemble des frais d'exécution (y compris les emoluments de l'huissier en application de l'article A. 444- 32 du Code de commerce) ;

condamne in solidum Fra- Ma- Pizz et Domino's Pizza France a verser a la société Dutchesne Distribution (désormais LMJ Capital) et Monsieur [X] [Z] la somme de 15.000 € chacun au titre des dispositions de l'article 700 du CPC ;

enfin :

déboute les sociétés Fra- Ma- Pizz, Domino's Pizza France et Pizza Center France du surplus de leurs demandes, notamment de celles relatives aux fins de non- recevoir, aux incidents soulevés, aux demandes reconventionnelles, ainsi qu'au titre de l'article 700 du CPC et aux dépens.

Confirmer le jugement rendu par le Tribunal de commerce de Rennes le 31 janvier 2020 en ce qu'il a :

Déclare irrecevables les demandes de la société Dutchesne Distribution (désormais LMJ Capital) et Monsieur [X] [Z] tendant a :

- Déclarer recevable et bien fondée la demande du Ministre de l'Economie ;

- y faire droit en tous points ;

- Déclarer recevable et bien fondée leur intervention volontaire principale ;

- joindre les instances engagées par eux a l'instance enrôlée sous le n° 2017 F 00131

- annuler ou résilier le contrat de franchise aux torts de Pizza Center France ;

Déboute la société Dutchesne Distribution (désormais LMJ Capital) et Monsieur [X] [Z] du surplus de leurs demandes.

Et, statuant a nouveau :

I/ SUR LES INCIDENTS :

Constater que la société Domino's Pizza France n'a pas qualité pour défendre ;

Constater que la société Pizza Center France n'a pas qualité pour défendre ;

En conséquence,

- Déclarer irrecevables les demandes formulées a l'encontre des sociétés Domino's Pizza France et Pizza Center France ;

- Constater que Monsieur [X] [Z] n'a pas intérêt a agir, faute de préjudice direct, personnel et distinct ;

En conséquence,

- Déclarer irrecevables les demandes de Monsieur [X] [Z] ;

II/ SUR CE, AU FOND :

II.A/ Sur les demandes des franchisés

A titre préalable, si par extraordinaire la Cour d'appel de Céans considérait que les sociétés Domino's Pizza France et Pizza Center France ont qualité pour défendre dans le cadre de la présente instance, il lui est demande de :

- Constater que les conditions de mise en cause de la responsabilité la société mère pour les faits de sa filiale ne sont pas remplies et que le principe de l'autonomie de la personnalité morale fait, en toute hypothèse, obstacle à la mise en cause de la responsabilité de la société mère et / ou d'une autre société du groupe ;

En conséquence,

- Débouter les Franchise de leur demande de condamnation in solidum a l'encontre des sociétés Domino's Pizza France et Pizza Center France ;

II. A. 1/ Sur le rejet des demandes d'annulation des clauses sur le fondement de l'article L. 442- 6, I, 2° du code de commerce (déséquilibre significatif)

A titre principal,

- Constater que l'article L. 442- 6, I, 2° du Code de commerce ne saurait fonder un quelconque grief a l'encontre des Concluantes dans la mesure où ce texte n'observe pas le principe de légalité des délits et des peines consacre respectivement par (i) la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et par (ii) le Pacte civil relatif aux droits politiques ;

En conséquence,

- Débouter les Franchise de leurs demandes formulées ace titre ;

A titre subsidiaire,

- Constater l'absence de soumission ou de tentative de soumission au sens de l'article L. 442- 6, I, 2°du Code de commerce ;

En conséquence,

- Débouter les Franchise de leurs demandes fondées sur L. 442- 6, I, 2° du Code de commerce ;

Si la Cour d'appel de Paris venait a considérer que la démonstration de l'existence d'une soumission ou tentative de soumission exigée par l'article L. 442- 6, I, 2° du Code de commerce est caractérisée :

- Constater que les demandes des Franchise fondées non sur une clause mais sur une pratique qui aurait été instaurée par la société Fra- Ma- Pizz ne sauraient relever de l'article L. 442- 6, I, 2° du Code de commerce ;

- Constater l'absence de déséquilibre significatif au sens de l'article L. 442- 6, I, 2° du Code de commerce en ce qui concerne :

la clause d'aménagement des points de vente ;

la clause d'approvisionnement ;

la clause sur le stock minimum ;

la prétendue surfacturation des actions commerciales ;

la prétendue facturation hors contrat du « forfait marketing », des « frais divers » et des « frais de port et de conditionnement » ;

les modalités de contrôle des points de vente (contrôles qualité hygiène, des tests de « client- mystère » et visites des animateurs réseau) ;

le prétendu défaut de formation continue des franchise et la prétendue double facturation de la formation initiale ;

la clause sur la gestion et administration du personnel ;

la clause sur la gestion et l'administration de l'activité commerciale (outils informatiques);

la clause sur le respect de l'évolution du réseau ;

la clause sur l'information du franchiseur ;

la clause de non- concurrence applicable pendant la durée du contrat de franchise ;

la clause sur l'obligation d'assurances ;

la clause sur l'obligation de confidentialité et discrétion ;

la clause de non- concurrence post- contractuelle ;

En conséquence,

- Débouter les franchises de l'ensemble de leurs demandes fondées sur L. 442- 6, I, 2° du Code de commerce ;

II. A. 2/ Sur le rejet de la demande d'annulation du contrat de franchise.

A titre principal,

- Constater l'impossibilité pour la société Dutchesne Distribution (désormais LMJ Capital) de solliciter l'annulation du contrat de franchise conclu avec la société Fra- Ma- Pizz sur le fondement de l'article L. 442- 6, I, 2° du Code de commerce ;

En conséquence,

- Débouter la société Dutchesne Distribution (désormais LMJ Capital) de sa demande d'annulation du contrat de franchise conclu avec la société Fra- Ma- Pizz sur le fondement de l'article L. 442- 6, I, 2° du Code de commerce ;

A titre subsidiaire, si par extraordinaire la Cour d'appel de céans considérait que la société Dutchesne Distribution (désormais LMJ Capital) a la faculté solliciter l'annulation du contrat de franchise conclu avec la société Fra- Ma- Pizz sur le fondement de l'article L. 442- 6 du Code de commerce :

- Constater que la demande d'annulation du contrat de franchise ne saurait uniquement résulter de la nullité de clauses de ce contrat, si nombreuses soient elles, faute pour la société Dutchesne Distribution (désormais LMJ Capital) de démontrer que ces clauses ont constitué la volonté impulsive et déterminante du consentement des parties a contracter ;

En conséquence,

- Débouter la société Dutchesne Distribution (désormais LMJ Capital) de sa demande d'annulation du contrat de franchise conclu avec la société Fra- Ma- Pizz ;

II. A. 3/ Sur le rejet de la demande de résiliation du contrat de franchise.

- Constater l'absence de manquement de la société Fra- Ma- Pizz dans le cadre de la transmission du savoir- faire et l'absence de disparition du savoir- faire Pizza Sprint ;

- Constater l'absence de manquement de la société Fra- Ma- Pizz a ses obligations contractuelles

En conséquence,

- Débouter la société Dutchesne Distribution (désormais LMJ Capital) de sa demande de résiliation du contrat de franchise conclu avec la société Fra- Ma- Pizz aux torts exclusifs de Fra- Ma- Pizz ;

II. A. 4/ A toutes fins utiles sur le rejet des demandes des franchisées sur le fondement de l'article L. 442- 6, I, 1° du code de commerce (avantage sans contrepartie).

- Constater l'absence d'avantage sans contrepartie au sens de l'article L. 442- 6, I, 1° du Code de commerce ;

En conséquence,

- Débouter les Franchise de l'ensemble de leurs demandes fondées sur L. 442- 6, I, 1° du Code de commerce ;

II. A. 5/ Sur le rejet des demandes financières des franchisés

A titre préalable,

- Dire et juger que Domino's Pizza France est totalement étrangère aux faits qui fondent les griefs formulés par les franchisées, de sorte qu'aucune demande de condamnation « in solidum » ne peut être formulée a son encontre ;

En conséquence,

- Rejeter la demande de condamnation in solidum formulée a l'encontre de la société Domino’s Pizza France ;

Dans l'hypothèse extraordinaire oula Cour d'appel de Céans prononcerait l'annulation du Contrat de Franchise, il lui est demande de :

- Considérer que les sommes dues par Fra- Ma-Pizz au titre de la restitution en nature se compensent totalement avec les sommes dues par la Société franchisée au titre de la restitution par équivalent ;

En conséquence,

- Prononcer la compensation entre les sommes que Fra- Ma- Pizz et la société Dutchesne Distribution (désormais LMJ Capital) pourraient se devoir en exécution de l'arrêt a intervenir ;

Dans l'hypothèse extraordinaire oula Cour d'appel de Céans prononcerait la résiliation du Contrat de Franchise aux torts de Fra- Ma- Pizz, il lui est demande de :

- Considérer que la résiliation ne procède que pour l'avenir, c'est-à- dire pour la période postérieure a la date de résiliation du Contrat de Franchise ;

En conséquence,

- Débouter la société Dutchesne Distribution (désormais LMJ Capital) de sa demande de remboursement des sommes versées antérieurement a la date de résiliation du Contrat de franchise ;

En toutes hypothèses :

- Constater que la société Dutchesne Distribution (désormais LMJ Capital) et Monsieur [X] [Z] ne justifient pas le fondement de leurs demandes d'indemnisation (nullité ou résiliation) ;

- Constater que la société Dutchesne Distribution (désormais LMJ Capital) et Monsieur [X] [Z] échouent dans la preuve d'une faute de Fra- Ma- Pizz, d'un préjudice et d'un lien de causalité entre la faute invoquée et le préjudice allégué ;

En conséquence,

- Rejeter l'ensemble des demandes financières formulées par la société Dutchesne Distribution (désormais LMJ Capital) et Monsieur [X] [Z] ;

II. B/ Sur les demandes reconventionnelles des concluantes.

- Constater la résiliation du contrat de franchise conclus entre Fra- Ma- Pizz et la société Dutchesne Distribution (désormais LMJ Capital) aux torts exclusifs de la société Dutchesne Distribution (désormais LMJ Capital) ;

En conséquence,

- Condamner la société Dutchesne Distribution (désormais LMJ Capital) au paiement de la somme de 116.008,50 euros a la société Fra- Ma- Pizz au titre de la résiliation fautive du contrat de franchise ;

- Constater qu'en intentant la présente procédure, la société Dutchesne Distribution (désormais LMJ Capital) et Monsieur [X] [Z] ont commis un abus manifeste du droit d'ester en justice qui doit être sanctionne;

En conséquence,

- Condamner in solidum la société Dutchesne Distribution (désormais LMJ Capital) et Monsieur [X] [Z] au paiement de la somme de 100.000 euros aux sociétés Fra- Ma- Pizz et Pizza Center France au titre de la procédure abusive engagée a leur encontre et de la somme de 3.000 euros au titre d'une amende civile ;

II. C/ En toute hypothèse.

- Rejeter l'ensemble des prétentions et demandes des Franchise non rejetées par le jugement dont il est fait appel du Tribunal de commerce de RENNES 31 janvier 2020 (RG n°2016 F 00202) ;

- Condamner in solidum la société Dutchesne Distribution (désormais LMJ Capital) et Monsieur [X] [Z] a verser aFra- Ma- Pizz, Pizza Center France et Domino's Pizza France la somme de 30.000 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile ;

- Condamner in solidum la société Dutchesne Distribution (désormais LMJ Capital) et Monsieur [X] [Z] a supporter les dépens de l'instance dont distraction au profit de la SCP AFG, aux offres de droit.

Aux termes de leurs dernières conclusions, déposées et notifiées le 07 octobre 2022, la société LMJ Capital et M. [Z] demandent à la Cour de :

- Déclarer recevable et bien fondée l'appel incident de la Société LMJ Capital anciennement dénommée Dutchesne Distribution et de Monsieur [Z] ;

Infirmer la décision entreprise en ce qu'elle a :

- Déclare irrecevables les demandes de M. [Z] et de la Société Dutchesne Distribution tendant a:

Déclarer recevable et bien fondée la demande du Ministre de l'Economie ;

Y faire droit en tous points ;

Déclarer recevable et bien fondée l'intervention volontaire principale des concluants ;

Joindre les instances engagées par les concluants a l'instance enrôlée sous le n° 2017F 00131

- Déboutera Société PIZZ AG et M. [M] de leurs demandes ;

Confirmer la décision entreprise en ce qu'elle a :

- Déclare irrecevables les demandes de Fra- Ma- Pizz, Domino's Pizza France et Pizza Center France tendant a :

Rejeter la demande de jonction de la présente instance avec l'instance initiée par M. le Ministre de l'Economie et des Finances (RG n° 2017 F 00131) ;

Constater que l'article L. 442- 6 I 2° du code de commerce ne saurait fonder un quelconque grief a l'encontre des défenderesses dans la mesure où ce texte n'observe pas le principe de légalité des délits et des peines consacré respectivement par (i) la convention européenne des droits de l'homme et des libertés fondamentales et (ii) par le pacte civil relatif aux droits politiques ;

Constater l'absence de soumission ou de tentative de soumission au sens de l'article L. 442- 6 I 2° du code de commerce ;

Constater que les demandes fondées non pas avec une clause mais sur une pratique qui aurait été instaurée par la société Fra- Ma- Pizz ne sauraient relever de l'article L 442- 6 I 2° du code de commerce ;

Constater l'absence de déséquilibre significatif au sens de l'article L 442- 6 I 2° du code de commerce ;

- Déboute les Sociétés Fra- Ma- Pizz, Domino's Pizza France et Pizza Center France de leurs demandes ;

- Condamne in solidum Fra- Ma- Pizz et Domino's Pizza France a verser a M. [Z] la somme de 30.000 € au titre du préjudice moral ;

Statuant a nouveau, en conséquence :

- Prononcer l'annulation de chacune des clauses affectées d'un déséquilibre significatif, au sens de l'article L. 442- 6 I 2° du Code de commerce ;

- Constater que l'annulation de l'ensemble de ces clauses vident les contrats de leur substance et, en conséquence, annuler les contrats de franchise,

A défaut,

- Prononcer leur résiliation aux torts exclusifs de la Société Fra- Ma- Pizz ;

- Débouter les Sociétés Pizza Center France, Fra- Ma- Pizz, Domino's Pizza France, Food Court Finances et Somainmag de toutes leurs demandes, fins et conclusions ;

En tout état de cause :

(1) Concernant la Société LMJ Capital anciennement dénommée Dutchesne Distribution

Au titre de la restitution du droit d'entrée

- Condamner in solidum les Sociétés Fra- Ma- Pizz et Domino's Pizza France a lui verser la somme de 10.000 €,

Au titre de la restitution des redevances,

- Condamner in solidum les Sociétés Fra- Ma- Pizz et Domino's Pizza France a lui verser la somme de 128.163 €,

Au titre de pertes de marge sur les approvisionnements,

- Condamner in solidum les Sociétés Pizza Center France, Fra- Ma- Pizz et Domino's Pizza France a lui verser la somme de 292.225 €,

Au titre des prestations de marketing,

- Condamner in solidum les Sociétés Fra- Ma- Pizz et Domino's Pizza France a lui verser les sommes de 10.650 € et 13.340 €,

Au titre de la perte de la valeur du fonds,

- Réformer la décision entreprise et condamner in solidum les Sociétés Fra- Ma- Pizz et Domino's Pizza France a lui verser la somme de 709.308,50 €, ou, subsidiairement, 167 245 €;

(2) Concernant M. [Z]

- Confirmer la décision entreprise en ce qu'elle a condamné in solidum les Sociétés Fra- Ma- Pizz et Domino's Pizza France a lui verser la somme de 30.000 € au titre de son préjudice moral ;

- Ordonner la capitalisation des intérêts au taux légal par années entières conformément a l'article 1343- 2 du Code civil, a dater de l'assignation ;

- Condamner in solidum les Sociétés Pizza Center France, Fra- Ma- Pizz et Domino's Pizza France a verser a chacun des concluants la somme de 50.000 € au titre de l'article 700 du Code de procédure civile ;

- Condamner in solidum les Sociétés Pizza Center France, Fra- Ma- Pizz et Domino's Pizza France aux dépens, parmi lesquels seront compris l'ensemble des frais d'exécution (y compris les emoluments de l'huissier en application de l'article A444- 32 du Code de commerce).

L'ordonnance de clôture a été rendue le 8 novembre 2022.

La Cour renvoie à la décision entreprise et aux conclusions susvisées pour un exposé détaillé du litige et des prétentions des parties, conformément à l'article 455 du code de procédure civile.

MOTIVATION,

I- Sur la qualité à défendre des sociétés Domino's Pizza France et Pizza Center France.

Les sociétés Pizza Center France et Domino's Pizza, au visa des articles 32 et 122 du code de procédure civile, font valoir qu'elles n'ont pas qualité pour se défendre face aux demandes d'annulation ou de résiliation du contrat de franchise et des demandes indemnitaires subséquentes, en sorte que les prétentions formulées à leur encontre sont irrecevables. Elles soutiennent qu'elle sont totalement étrangères aux faits qui fondent les griefs des franchisés, puisqu'elles n'ont pas conçu les contrats litigieux, ni participé aux discussions qui ont précédé leur conclusion, ni apposé leur signature sur ces contrats et qu'elles n'ont accompli aucune des actions propres à permettre de leur imputer un rôle dans la violation de l'article L.442- 6, I, 2° du code de commerce, ni même avoir eu un rôle actif directement ou indirectement aux manquements contractuels allégués. Elles rappellent que le principe d'autonomie des personnes morales membres d'un même groupe ne cède que s'il est démontré qu'il n'existe en réalité qu'une seule personne morale et/ou une confusion des patrimoines.

Réponse de la Cour,

Selon l'article 32 du code de procédure civile, est irrecevable toute prétention émise par ou contre une personne dépourvue du droit d'agir.

Les sociétés Domino's Pizza et Pizza Center France ne soulèvent aucun moyen relatif à leur droit d'agir à l'encontre des prétentions émises par les franchisés à leur égard sur le fondement d'une part des dispositions de l'article L. 442- 6 du code de commerce interdisant certaines pratiques restrictives ou d'autre part d'une responsabilité dans les manquements contractuels invoqués, c'est- à- dire à leur qualité à se défendre à une telle action.

En effet les moyens invoqués par les sociétés Domino's Pizza et Pizza Center France ne tendent en réalité qu'à critiquer le bien- fondé des prétentions des franchisés, à savoir si les éléments constitutifs des pratiques restrictives alléguées ou des manquements contractuels invoqués sont caractérisés à leur égard.

Dès lors, la fin de non- recevoir tirée de leur défaut de qualité à défendre des sociétés Domino's Pizza et Pizza Center France sera rejetée.

Le jugement sera confirmé sur ce point sauf en ce qu'il a déclaré irrecevables les demandes de la société franchisée et de son gérant en ce qu'elles tendent à annuler ou résilier le contrat de franchise aux torts de Pizza Center France.

II- Sur la demande d'annulation du contrat de franchise.

La société franchisée a été déboutée de sa demande d'annulation du contrat de franchise par le tribunal de commerce qui, se référant à sa décision rendue dans l'instance initiée par le Ministre de l'Economie, a considéré que la nullité des seules clauses relatives à l'intuitu personae et aux modalités de résiliation et cession du contrat au titre du déséquilibre significatif ne permet pas de vider de sa substance le contrat.

Au titre de leur appel incident, la société franchisée et son gérant demandent l'infirmation du jugement sur ce point et sollicitent de la Cour aux termes du dispositif de leurs dernières conclusions de :

Prononcer l'annulation de chacune des clauses affectées d'un déséquilibre significatif au sens de l'article L. 442- 6, I, 2° du code de commerce

Constater que l'annulation de l'ensemble de ces clauses vident les contrats de leur substance et, en conséquence, annuler les contrats de franchise,

Ils font valoir pour l'essentiel d'une part que l'impossibilité pratique pour eux de fixer librement leurs prix de vente justifie le prononcé de la nullité du contrat de franchise (point 89 des conclusions) et d'autre part qu'un grand nombre de clauses du contrat de franchise doivent être annulées sur le fondement du déséquilibre significatif ou de l'avantage sans contrepartie et que l'annulation de toutes ces clauses vidant le contrat de sa substance, celui- ci doit être annulé (point 200 et suivants).

A cet effet, il est soutenu que sont nulles les clauses suivantes du contrat :

la clause d'intuitu personae,

la clause de résiliation et la clause relative à la cessation du contrat de franchise,

la clause relative à l'aménagement du point de vente des franchisés,

la clause d'approvisionnement exclusif,

la clause imposant de détenir un stock minimum,

la mise en oeuvre du contrôle des points de vente,

la fixation des prix de vente et la maîtrise des actions promotionnelles par Fra- Ma- Pizz,

les facturations de frais accessoires non justifiées.

En réplique, les sociétés Fra- Ma- Pizz, Pizza Center France et Domino's Pizza relèvent d'abord que l'article L.442- 6, I, 2° sur lequel la société franchisée fonde sa demande de nullité de contrat offre uniquement la possibilité pour un plaideur d'obtenir l'annulation des clauses générant un déséquilibre significatif et non l'annulation mécanique de l'intégralité du contrat.

Sur le fond, elles font essentiellement valoir que les conditions d'application de l'article L. 442- 6, I 2° précité ne sont pas réunies pour les clauses et pratiques litigieuses, d'une part l'élément de soumission n'est pas démontré dans le cadre du contrat de franchise et d'autre part aucun déséquilibre significatif n'est démontré dans les droits et obligations des parties pour aucune des clauses ou pratiques litigieuses. Elles soutiennent que les conditions d'application de l'article L. 442- 6, I, 1° ne sont pas davantage remplies. Elles ajoutent qu'en toute hypothèse, il n'est pas démontré que les clauses litigieuses aient été essentielles et déterminantes du consentement de la société cocontractante au contrat de franchise.

Réponse de la Cour,

D'une part, la partie victime d'un déséquilibre significatif, au sens de l'article L. 442- 6, I, 2° du code de commerce dans sa version applicable au litige, est fondée à faire prononcer la nullité de la clause du contrat qui crée ce déséquilibre, s'agissant d'une clause illicite qui méconnaît les dispositions d'ordre public de ce texte (Com., 30 septembre 2020, pourvoi n° 18- 11.644).

Il est précisé sur la légalité contestée de ce texte par les sociétés Fra- Ma- Pizz, Pizza Center et Domino's Pizza qui résulte de la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l'Homme que le principe de légalité des délits et des peines consacré par les articles 7 de la CEDH et 15 du pacte de New York implique que les infractions et les peines qui les répriment doivent être clairement définies par la loi, au sens d'accessibilité et de prévisibilité (arrêts de la Cour EDH G.I.E.M. S.R.L. et autres c. Italie, § 242 ; Cantoni c.France, § 29 ; Kafkaris c. Chypre, § 140 ; Del Ri'o Prada c. Espagne, § 91 ou Perinc'ek c. Suisse, § 134). S'agissant de la prévisibilité, le justiciable doit pouvoir savoir, à partir du libellé de la disposition pertinente, au besoin à l'aide de l'interprétation qui en est donnée par les tribunaux et le cas échéant après avoir recouru à des avocats, les actes et omissions qui peuvent engager sa responsabilité pénale et la peine qu'il peut encourir de ce chef (arrêts de la Cour EDH Cantoni c. France, § 29 ; Kafkaris c. Chypre, § 140 ; Del Ri'o Prada c. Espagne, § 79). Au regard de cette jurisprudence et de celle des juridictions françaises concernant les conditions d'application des dispositions de l'article L. 442- 6, I, 2° du code de commerce, les sociétés intimées ne démontrent pas en quoi ce texte serait contraire au principe de légalité des délits et des peines.

D'autre part, la nullité d'une clause d'un contrat n'entraîne la nullité du contrat lui- même que si la clause illicite a été dans l'intention des parties une condition essentielle de leur accord de volonté et que sa suppression aurait pour effet de bouleverser l'économie du contrat.

Dans l'instance opposant le Ministre de l'Economie aux sociétés Fra- Ma- Pizz, Pizza Center et Domino's Pizza, et à laquelle sont volontairement intervenus la société Dutchesne Distribution et M. [Z], par un arrêt du 5 janvier 2022, la cour d'appel de Paris, pour les contrats de franchise versés aux débats, dont celui signé par la société Dutchesne Distribution, a notamment décidé sur le fondement des dispositions de l'article L. 442- 6, I, 1° et 2° que :

Seules les clauses intuitu personae et de résiliation dans les contrats antérieurs à 2012 sont annulées ;

les clauses d'approvisionnement et de stocks minimum ne sont pas annulées mais il a été enjoint aux sociétés Fra- Ma- Pizz, Pizza Center France et Domino's Pizza, au titre d'un déséquilibre significatif, de cesser la pratique consistant à insérer au contrat de franchise une clause de stock minimum couplée à une clause d'approvisionnement formellement non exclusive mais permettant par des règles de contrôle d'imposer de fait un approvisionnement exclusif ou quasi exclusif auprès d'un fournisseur appartenant au même groupe de sociétés que le franchiseur ;

Les clauses d'aménagement initial des points de vente, les clauses de résiliation des contrats postérieurs à 2012 n'ont pas été annulées ni sur le fondement du déséquilibre significatif ni sur le fondement de l'avantage sans contrepartie ;

les pratiques relatives à la mise en œuvre du contrôle des points de vente, à la fixation des prix de vente, à la maîtrise des actions promotionnelles, à la facturation de la formation et autres frais accessoires, n'ont pas été jugées en elles- mêmes comme générant un déséquilibre significatif ou un avantage sans contrepartie.

Cette décision du 5 janvier 2022, à laquelle les parties font référence dans leurs écritures, fait l'objet d'un pourvoi en cassation, mais dans l'attente elle bénéficie de l'autorité de la chose jugée qui s'impose, dans la présente instance, à la validité des mêmes clauses, dans le même contrat de franchise opposant les mêmes parties, autres que le Ministre, sur le fondement de pratiques restrictives de concurrence.

En toute hypothèse, ni les sociétés Fra- Ma- Pizz, Pizza Center et Domino's Pizza , ni la société LMJ, ne font état de faits ou de moyens de droit au soutien de leurs prétentions relatives à la validité des clauses ou en défense différents de ceux invoqués dans l'instance ayant donné lieu à l'arrêt du 5 janvier 2022 et sur lesquels la Cour ne pourrait porter une appréciation différente.

Seule la clause intuitu personae du contrat de franchise conclu après 2012 a été annulée et la société LMJ, anciennement Dutchesne Distribution, ne démontre pas en quoi cette clause était essentielle au contrat de franchise ou que sa suppression était de nature à bouleverser l'économie du contrat.

La société LMJ sera déboutée de sa demande d'annulation du contrat de franchise.

Le jugement sera confirmé sur ce point.

III- Sur la résiliation du contrat de franchise.

Par lettre de son conseil du 1er février 2019, la société Dutchesne Distribution a notifié à la société Fra- Ma- Pizz la résiliation de son contrat de franchise, aux torts exclusifs du franchiseur, à effet au lundi 4février 2019 à 8 heures. Aux termes de ce courrier, la société Dutchesne Distribution a reproché au franchiseur de ne plus assurer ses obligations quant à la gestion de son réseau, à savoir :

« Il [le franchiseur] laisse ses derniers franchisés livrés à eux- même et complètement démunis face à une concurrence de plus en plus agressive.

Alors que les enseignes concurrentes innovent en développant de nouvelles gammes de produits (gamme premium, signature, végan, sans gluten...), PIZZA SPRINT se contente d'une carte figée et d'ancienne s recettes rejetées par les clients, en quête de nouveautés et de produits locaux, de terroir....

Pendant que les concurrents communiquent massivement sur les réseaux sociaux et via leurs applications digitales toujours plus plébiscitées par les consommateurs, PIZZA SPRINT s'endort en utilisant des offres et des coupons promotionnels d'un autre temps.

Depuis plusieurs années déjà, il n'y a plus de formation des franchisés, plus d'accompagnements de ceux- ci, aucune animation de réseau et aucune réunion de travail avec plan d'actions pour le développement du chiffre d'affaires, aucun projet de R&D et marketing.

Pendant ce temps la concurrence se développe, y compris localement.

En effet, un restaurant Burger King s'est implanté, en août 2018, à [Localité 3] et, en janvier 2019, une pizzeria s'est installée à 200 mètres de l'établissement de la société Dutchesne Distribution.

Parce qu'il n'entend pas déposer son bilan dans quelques mois face à ces concurrents employant des moyens marketing nationaux, mon client n'a pas d'autre solution que de quitter la franchise PIZZA SPRINT.

Il doit allouer ses modestes ressources à des actions de communication locale pour sauvegarder son entreprise et continuer à nourrir sa famille.

Enfin, pour décourager et faire disparaître ses derniers franchisés, la société Fra- Ma- Pizz a volontairement confié l'approvisionnement des pizzerias à un franchiseur incapable d'assumer sa mission, en ayant chaque semaine plus de 10 % de ruptures dans la mercuriale Pizza Sprint, sans compter les déréférencements et surfacturations inopinés (...) »

Le tribunal a validé la résiliation à l'initiative de la société Dutchesne Distribution du contrat de franchise aux torts exclusifs de Fra- Ma- Pizz et Domino's Pizza France en retenant qu'à compter de 2017, à la suite du rachat de la société Fra- Ma- Pizz par Domino's Pizza France, le savoir- faire n'a plus été transmis, voir est devenu inexistant.

Dans la présente instance, la société LMJ et M. [Z] demandent la confirmation du jugement en ce qu'il a constaté la résiliation du contrat aux torts de la société Fra- Ma- Pizz. Ils font notamment valoir qu'à la suite de l'acquisition de l'ensemble des titres composant le capital social des sociétés Fra- Ma- Pizz et Pizza Center par la société Domino's Pizza France le 26 janvier 2016, l'intention de cette dernière était à court terme la conversion du réseau Pizza Sprint à l'enseigne Domino's Pizza. Selon le franchisé, bien que l'annonce ait été faite de la poursuite des contrats de franchise pour ceux qui ne souhaitaient pas rejoindre le réseau concurrent Domino's Pizza, la stratégie n'en demeurait pas moins de faire disparaître le réseau Pizza Sprint. Ils relèvent à cet effet un nombre restreint d'animateurs de réseau sans expérience suffisante, l'absence de plan marketing ou de projet de développement de la communication sur les réseaux sociaux, un savoir- faire ne faisant plus l'objet d'une actualisation, à savoir l'évolution du site internet, la diversification des modes de distribution ou la mise au point de nouvelles recettes, confinant à sa disparition. Ils observent que le franchiseur ne s'est plus employé à développer son réseau et que celui- ci est passé de janvier 2016 à juillet 2018 de 89 magasins à 9. Ils ajoutent qu'ils ont rencontré des difficultés logistiques à la suite de la reprise de la centrale d'achat par la société Transgourmet et qu'ils n'ont plus bénéficié de l'assistance du franchiseur. Ils en déduisent que le franchiseur a ainsi manqué à ses obligations contractuelles de nature à justifier la résiliation du contrat à ses torts exclusifs et à engager sa responsabilité.

Les sociétés Fra- Ma- Pizz, Pizza Center France et Domino's Pizza demandent la confirmation du jugement en ce qu'il a fait droit à la demande de résiliation du franchisé et demandent sa condamnation à lui payer la somme de 116 008,50 euros à titre d'indemnité pour résiliation anticipée du contrat. Elles font notamment valoir que le franchiseur a bien respecté ses obligations contractuelles jusqu'à la cessation des contrats de franchise, à savoir l'obligation de formation continue, l'obligation de marketing/communication par diverses campagnes de publicités, l'obligation d'assistance telle que l'organisation de comités de pilotage, la possibilité de commander en ligne et le maintien de l'usage de l'enseigne et des signes distinctifs. Le franchiseur soutient que le savoir- faire n'a pas disparu, qu'il a toujours été transmis et que le nombre de points de vente composant le réseau de franchise est indifférent au savoir- faire. En revanche il est soutenu que le franchiseur n'est pas tenu à une obligation d'actualisation du savoir- faire ni de maintenir l'importance du réseau. Il est en outre insisté sur le fait qu'aucun changement d'enseigne n'a été imposé aux franchisés, que les conversions constatées se sont toujours faites sur la base du volontariat.

La société Domino's Pizza France conteste toute faute de nature à engager sa responsabilité, et en particulier les griefs relatifs à l'opération d'acquisition. Elle fait notamment valoir qu'elle est totalement étrangère aux faits qui fondent les griefs de la société franchisée et de son gérant et met en avant le principe de l'autonomie des personnes morales.

Réponse de la Cour,

Comme l'expose le franchiseur lui- même dans ses conclusions (points 149 et suivants), la franchise répond à un schéma économique particulier. Elle repose sur un savoir- faire, développé par les investissements du franchiseur et dont il est proposé la réitération à des partenaires indépendants- les franchisés avec lesquels il va collaborer pour créer un réseau de franchise. Par la conclusion du contrat de franchise permettant la transmission du savoir- faire du franchiseur, son assistance, et l'utilisation de son enseigne à laquelle est déjà attachée une clientèle, le franchisé va bénéficier d'un avantage concurrentiel.

En l'espèce, la Cour constate que dans le préambule du contrat signé par la société Dutchesne Distribution, il est expressément rappelé que le franchiseur a mis au point un savoir- faire et une méthode spécifique de fabrication, de commercialisation, de distribution et de livraison de pizzas à domicile expérimentée avec succès depuis 1992 et que le franchisé a conclu le contrat, convaincu de l'originalité et de l'intérêt de ce savoir- faire et de l'expérience du franchiseur. Il est précisé que le contrat a pour objet de permettre au franchisé d'exploiter le savoir- faire Pizza Sprint, de distribuer les produits et services du savoir- faire et d'en arborer tous les signes distinctifs, dont la marque Pizza Sprint, dans le cadre d'un système de franchise. L'article 6.1 stipule que le franchiseur a mis au point un savoir- faire portant notamment sur une méthodologie d'exploitation incluant des méthodes de publicité, de promotion, de commercialisation, en vue d'un service compétitif de qualité auprès de la clientèle'. Ainsi le franchiseur s'est engagé à assurer une formation non seulement initiale mais aussi continue (article 7.2) par l'organisation de formations internes régulières portant sur les méthodes commerciales et marketing nouveaux produits. En contrepartie de l'accès au réseau, et de la mise à disposition de savoir- faire et de l'assistance apportée par le franchiseur, le franchisé doit s'acquitter d'un droit d'entrée et des redevances mensuelles (article 7).

Le franchiseur s'est en outre expressément engagé à faire évoluer la franchise. En effet l'article 5.3 au titre des signes distinctifs stipulent que :

« Le Franchisé s'oblige à respecter l'image du Réseau Pizza Sprint, notamment à utiliser, à l'exclusion de tous autres, les codes couleurs du Franchiseur et les tenues du personnel.

A cet égard, et compte tenu de l'obligation que s'impose le Franchiseur de faire évoluer la Franchise, le Franchisé s'engage à se conformer aux directives et instructions qui seront nécessaires à cette évolution, et notamment à modifier la présentation et le graphisme des signes distinctifs et /ou les conditions d'exercice de son activité ».

Il s'ensuit que par la signature de ce contrat et le paiement des redevances, le franchisé entend bien bénéficier pour son activité d'un avantage concurrentiel tiré du savoir- faire et de l'expérience du franchiseur ainsi que de la notoriété du réseau. Aussi, tant le savoir- faire que la notoriété du réseau, sont des moyens mis au service de la constitution et de la préservation de cet avantage concurrentiel. Il appartient donc au franchiseur d'actualiser ce savoir- faire aux évolutions du secteur d'activité considéré et de prendre les mesures nécessaires pour s'assurer de l'image et de la notoriété du réseau.

Or, à la suite de l'acquisition par la société Domino's France des titres composant le capital social des sociétés Fra- Ma- Pizz et Pizza Center France, la Cour relève les éléments suivants :

Au moment de cette acquisition en janvier 2016, le projet à très court terme était la conversion du réseau Pizza Sprint à l'enseigne Domino's Pizza (pièces franchisé PC n° 61,63,64). Aux termes du contrat de franchise, le franchiseur Pizza Sprint n'avait aucune obligation d'information du franchisé qui n'avait effectivement pas été mis au courant de ce projet de cession et des conséquences sur le devenir du réseau, alors même que le contrat de franchise de la société Dutchesne Distribution signé pour une durée de 10 années ne devait se terminer qu'en 2022. Le franchisé a été mis devant le fait accompli lors d'un séminaire du 13 octobre 2015 qui ne comportait pas cette information à l'ordre du jour (pièce franchisé PC n° 58 - invitation au séminaire du 13 octobre 2015). Alors que le franchisé n'avait aucune information juridique et financière concrète sur le devenir de son contrat de franchise Pizza Sprint et de son activité (pièce franchisé PC n° 50), la conversion de l'enseigne était confirmée pour février 2016 par un courrier de M. [H] le 23 octobre 2015, en ces termes :

« Il s'agit désormais de travailler ensemble à tourner la page Pizza Sprint (...) Des dates précises vont maintenant rythmer le passage à la nouvelle enseigne Domino's (...) Enfin, au mois de février 2016, l'ensemble des points de vente en propre Pizza Sprint basculeront sous enseigne Domino's Pizza. Ces points de vente deviendront alors vos centres de formation en support supplémentaire à l'académie Domino's Pizza située à [Localité 6]. »

Le site AC Franchise, dans son article consacré à la franchise Pizza Sprint indiquait (PC franchisé n° 63) :

La franchise Pizza Sprint, née en 1998, est une enseigne de pizza en livraison et à emporter qui a connu un développement conséquent. De 3 restaurants Pizza Sprint en 1998, le réseau est passé à 90 points de vente Pizza Sprint en 2015. L’enseigne a été rachetée par Domino s Pizza fin 2015 et les points de vente passeront sous enseigne Domino s pour la plupart. Le 5 février 2016, l’enseigne nous a écrit

« L’enseigne Pizza Sprint ne développe plus son réseau, car en effet elle fusionne et est absorbée par Domino s Pizza ». C’est donc auprès de Domino s Pizza que vous pouvez candidater désormais. Le site Pizza Sprint renvoyait les internautes vers le site Domino's Pizza (PC franchisé n° 64).

Au motif avancé de conditions financières peu attractives au sein du réseau Domino's Pizza, un certain nombre de franchisés Pizza Sprint, dont la société Dutchesne Distribution, n'ont pas souhaité la conversion de leur enseigne et exigé la poursuite de leur contrat de franchise Pizza Sprint en cours.

Du fait de ce rachat, les clauses contractuelles ne permettaient pas non plus aux franchisés de résilier par anticipation leur contrat sans pénalité et ils étaient tenus à une obligation de non- concurrence post- contractuelle. Ainsi écrivait M. [Z] au correspondant de la société Fra- Ma- Pizz le 23 mai 2018 (pièce n° 4) :

« Suite à notre échange lors du COPIL d'hier, je vous ai informé que je souhaitais vendre mon commerce. Aussi comme nous sommes lié par le contrat de franchise, vous devrez valider le candidat souhaitant acheter mon commerce. Comme les modalités ne sont pas détaillées dans le contrat de franchise, pouvez- vous me dire s'il vous plaît si vous resignerez un nouveau contrat de franchise avec mon repreneur ou bien s'il reprendra mon contrat en cours.

La situation pour moi est complexe, car vous avez communiqué au sein du réseau et dans la presse que vous ne développez plus l'enseigne Pizza Sprint (ce que nous constatons mois après mois avec les fermetures et les magasins qui quittent le réseau Pizza Sprint ex :

Prochainement les 6 magasins de franchisés [U] devraient quitter aussi le réseau...).

J'ai le sentiment d'être bloqué avec ma Pizzeria Pizza Sprint de [Localité 3] car j'ai du mal à imaginer qu'un entrepreneur investisse dans mon fond de commerce exploité sous enseigne Pizza Sprint si l'enseigne est vouée à disparaître (...). »

Certes, la société Fra- Ma- Pizz produit aux débats divers documents (pièces PC, 4.9 à 4.29, 5.1 à 5.34) attestant du maintien d'une présence opérationnelle minimum du franchiseur pour assurer :

- des audits de performance, des examens annuels des chiffres du réseau, et la communication au réseau de ces analyses (notamment PC n° 5.2, 5.7, 5.8),

- des synthèses des visites des clients mystères (PC n°5.3, 5.9, 5.16, 5.31),

- la préparation et tenue régulière de comité de pilotage Copil (PC n° 5.11, 5.12, 5.18), - de la tenue d'un site internet et de l'animation d'une page Facebook (PC n° 4.10, 4.11, 4.21)

En revanche, la Cour constate, notamment à la lecture des bilans annuels (notamment PC n° 5.18,5.32) et des comptes- rendus de Copil, que sur la période 2016 à 2020 :

- les actions marketing se sont limitées chaque année à des campagnes nationales de Pizzas spéciales suivant le même dispositif d'action (guide campagne PC n° 4.9 et suivantes) et de format publicitaire standard (affiche en magasin, e- mailing, une page Facebook et site WEB)

- une newsletter en 2018,

- en quatre années, il est noté l'organisation de trois jeux et loterie, d'un menu spécial coupe du monde et d'un partenariat "planète sauvage" ou "spectacle [G] et [C]",

- d'un programme de fidélisation de commande en ligne,

- aucune évolution de la carte, seul le bilan de 2018 faisant état de "l'intégration d'une nouvelle bouteille d'eau gazeuse",

- l'animation sur les réseaux sociaux s'est limitée à un site internet et une page Facebook,

Au titre de la formation continue, il n'est présenté aucun plan de formation régulière tel que prévu au contrat de franchise. Il est justifié d'une formation "logiciel Talc" en 2017 (PC n° 5.13) et d'un courriel évoquant l'accueil au sein d'un magasin en 2018 d'une personne pour une formation "accueil client et prise de commande Talc" (pièce PC n° 5.27).

La société franchisée fait observer, sans être sérieusement contredite, que le site internet Pizza Sprint n'a pas évolué depuis 2015, que le franchiseur n'a pas cherché à faire évoluer ses méthodes commerciales pour rester compétitif, tels que des plans de communication sur les réseaux sociaux, le développement d'une application pour passer des commandes en ligne sur un téléphone, le renouvellement des produits et des recettes, ou toute autre adaptation aux nouvelles attentes de la clientèle depuis 2016, et ce en comparaison de ce qui a été développé sous l'enseigne Domino's Pizza (PC n° 110 et courrier de résiliation pièce n° 4).

A compter de 2018, les franchisés ont rencontré des difficultés pour l'assistance commerciale et technique de la part du franchiseur (PC n° 69, n° 123 et 124, courriels de M. [Z] pièces n° 4 et 5). Le réseau n'était plus référencé courant 2020 (PC n° 123).

Enfin, il n'est pas contesté que le réseau Pizza Sprint qui comptait 89 magasins en 2016, a été réduit à 35 magasins en 2017. Si le franchiseur fait état de ce que le franchisé a continué à exploiter, jusqu'à la cessation du contrat en 2019, son magasin sous l'enseigne et les signes distinctifs Pizza Sprint, force est de constater que ces signes de ralliements de la clientèle ne pouvaient avoir qu'un impact commercial réduit au regard de la notoriété déclinante du réseau dès l'année 2016.

Il ressort de l'ensemble de ces constatations, qu’à compter de l'année 2016, le franchiseur a manqué à ses obligations contractuelles en ne fournissant plus d'effort d'actualisation de son savoir- faire, en ne respectant pas son obligation de formation et d'assistance sur les méthodes commerciales et marketing nouveaux produits, et en contribuant à la dégradation de la notoriété du réseau.

Dès lors, ces manquements de la part de la société Fra- Ma- Pizz, sont de nature à justifier que la résiliation du contrat de franchise intervenue le 4 février 2019 à l'initiative de la société Dutchesne Distribution soit constatée aux torts exclusifs du franchiseur.

Le jugement sera confirmé en ce qu'il a validé la résiliation du contrat de franchise par la société franchisée aux torts exclusifs de la société Fra- Ma- Pizz sauf à préciser que cette résiliation est intervenue le 4 février 2019.

Sur la responsabilité de la société Domino's Pizza France :

Dans sa documentation financière semestrielle pour la période allant jusqu'au 1er janvier 2017 (pièce franchisé PC n° 65), la société Domino's Pizza annonçait que la fin de la conversion du réseau Pizza Sprint était attendue à la fin de l'année fiscale 2017, soit le 30 juin 2017. Dans le rapport de gestion au président DPF 2018 (Pièce franchisé PC n° 109), il est indiqué : Au titre de l'exercice en cours qui sera clos le 30 juin 2019, nous prévoyons de continuer notre progression tant en nombre de points de vente qu'en chiffre d'affaires par magasin. Nous prévoyons également de continuer la conversion des magasins sous enseigne Pizza Sprint sous l'enseigne Domino's Pizza. Il ressort du rapport du commissaire aux comptes sur les comptes DPF 2018 (pièce franchisé PC n° 92) que la majeure partie des activités des sociétés Fra- Ma- Pizz et Pizza Center France a été transférée à la société Domino's Pizza France après leur acquisition.

Aussi, de par sa propre stratégie de développement, la société Domino's Pizza France a contribué aux manquements contractuels de la société franchiseur Fra- Ma- Pizz et des préjudices en découlant à compter de 2016.

Ces agissements sont de nature à engager la responsabilité extra- contractuelle de la société Domino's Pizza France qui sera condamnée in solidum avec la société Fra- Ma- Pizz à la réparation de ces préjudices.

Le jugement sera confirmé sur ce point.

IV- Sur la demande d'indemnité de résiliation de la société Fra- Ma- Pizz.

La résiliation du contrat de franchise étant intervenue aux torts de la société Fra- Ma- Pizz , celle- ci sera déboutée de sa demande d'indemnité de résiliation.

Le jugement sera confirmé en ce qu'il a débouté la société Fra- Ma- Pizz de sa demande de ce chef.

V- Sur les demandes indemnitaires de la société LMJ.

1- sur la demande au titre de la restitution du droit d'entrée.

La société franchisée réclame la somme de 10 000 euros au titre du remboursement du droit d'entrée.

L'annulation du contrat de franchise n'ayant pas été prononcée, et aucun manquement n'ayant été retenu au titre de l'accès proprement dit au réseau ni au titre de l'assistance ou formation initiale, la société franchisée sera déboutée de cette demande et le jugement confirmé sur ce point.

2- Sur la demande au titre des redevances.

Au titre de l'article 17.2 du contrat de franchise, en contrepartie de la mise à disposition du savoir- faire et de l'assistance apportée par le franchiseur pendant toute l'exécution du contrat, le franchisé était tenu au versement d'une redevance hors taxes de 5 % de son chiffre d'affaires HT.

La société franchisée demande la condamnation in solidum des sociétés Fra- Ma- Pizz et Domino's Pizza France à lui payer la somme de 128 163 euros au titre de la restitution des redevances versées depuis le début du contrat de franchise jusqu'au 31 mai 2018, à savoir 5 % du chiffres d'affaires HT.

L'annulation du contrat de franchise n'a pas été prononcée, en sorte que la société franchisée ne peut demander la restitution de l'intégralité des redevances payées.

En revanche, il a été relevé des manquements contractuels de la société Fra- Ma- Pizz ayant conduit au non- respect partiel des obligations du franchiseur en contrepartie desquelles la société franchisée lui a versé des redevances à compter du 1er janvier 2016.

La Cour évalue le préjudice en résultant à 50% du montant des redevances versées à la société Fra- Ma- Pizz depuis janvier 2016 et jusqu'à la fin du contrat.

Il ressort de la pièce n°10 du franchisé que celui- ci a versé à la société Fra- Ma- Pizz la somme de 81 305 euros HT au titre des redevances pour les années 2016 à 2018, soit un préjudice évalué à la somme de 40 652,50 euros.

La société Fra- Ma- Pizz sera condamnée à restituer la somme de 40 652,50 euros à la société LMJ au titre des redevances pour les exercices 2016 à 2018.

La société LMJ sera déboutée du surplus de sa demande à ce titre et de sa demande de condamnation in solidum de la société Domino's Pizza qui n'a pas perçu ces redevances.

Le jugement sera infirmé sur ces points.

3- Sur le préjudice de pertes de marge sur les approvisionnements.

Au motif d'une sur- marge pratiquée de 40 % du prix du marché, la société LMJ réclame la somme de 292 225 euros, représentant 40 % du prix des achats de la société Dutchesne Distribution auprès de la société Pizza Center depuis le début du contrat de franchise. Elle fait valoir que cette pratique de sur- marge résulte du comportement de la société Fra- Ma- Pizz et a été comptablement perçue par la société Pizza Center et Fra- Ma- Pizz, en sorte que ces sociétés doivent être condamnées in solidum à réparer son préjudice.

A l'appui de sa demande, la société LMJ ne produit aucune pièce justifiant du montant des achats effectués par la société Dutchesne Distribution auprès de la société Pizza Center et donc de l'existence d'un préjudice.

Sans qu'il soit nécessaire de statuer sur les manquements allégués au titre de l'obligation d'approvisionnement, la société LMJ sera déboutée de sa demande de ce chef de préjudice.

Le jugement sera confirmé sur ce point.

4- Sur la demande au titre des prestations marketing.

La société franchisée fait valoir qu'une somme de 150 euros par mois était facturée au titre d'un pack marketing, alors que la prestation était incluse dans le contrat de franchise de base, soit l'équivalent de 9750 euros sur la durée du contrat et qu'en outre cette prestation a été sur- facturée à hauteur de 41 589 euros. Elle demande la condamnation in solidum des sociétés Fra- Ma- Pizz et Domino's Pizza France à lui payer ces sommes.

Toutefois la société franchisée ne produit aux débats aucun élément permettant de mettre en évidence une sur- facturation ou le paiement de somme ne correspondant à aucune prestation.

La société franchisée sera déboutée de sa demande et le jugement sera confirmé sur ce point.

5- Sur la demande au titre de la perte de la valeur du fonds.

La société franchisée fait valoir qu'en l'absence de contrat de franchise, le fonds de commerce perd toute sa valeur. Elle explique avoir souhaité vendre son fonds et a interrogé le franchiseur à ce sujet les 23 et 31 mai 2018 sans obtenir de réponse. A la suite d'un courrier de son conseil, le franchiseur a répondu en ces termes :

« Nous faisons suite à vos récents écrits faisant part de votre volonté de céder votre fonds de commerce situé à [Localité 3].

Tout d'abord, il n'existe pas de droit acquis de céder votre fonds de commerce avec l'enseigne PIZZA SPRINT : le franchiseur est libre d''accepter ou non que le repreneur devienne franchisé du réseau PIZZA SPRINT.

Ce point essentiel rappelé, par la présente, nous vous informons que nous n'entendons pas poursuivre le contrat de franchise PIZZA SPRINT avec votre futur repreneur, tout comme nous n'envisageons pas la signature d'un nouveau contrat de franchise avec ce dernier.

La cession de votre fonds de commerce emportera résiliation anticipée du contrat de franchise qui nous lie avec les conséquences y attachées.

Notre position résulte du contentieux massif auquel nous sommes confrontés. Il serait en effet très problématique d'intégrer un nouveau franchisé dans ce contexte, ce dernier ne pourrait être que déçu et mécontent tant à votre égard que du nôtre.

Ceci précisé, si vous souhaitez nous soumettre une proposition de rachat de votre fonds de commerce, nous pouvons l'examiner. »

La société LMJ soutient que le franchiseur a ainsi acté l'impossibilité d'une cession sous l'enseigne Pizza Sprint, et que de ce fait son fonds de commerce a perdu de la valeur.

Elle sollicite la condamnation in solidum des sociétés Fra- Ma- Pizz et Domino's Pizza France à une indemnisation égale au ratio de valorisation appliqué lors de l'acquisition du réseau Pizza Sprint par Domino's Pizza France soit 115 % de son chiffre d'affaires réalisé en 2017 et, subsidiairement, égale au ratio pratiqué lors de cessions individuelles de fonds de commerce au sein du réseau Pizza Sprint soit 87 % du chiffre d'affaires annuel moyen.

La société LMJ réclame à titre principal une indemnisation de 709 308,50 euros, soit l'équivalent de 115 % de son chiffre d'affaires réalisé au cours de l'exercice 2017 (616 790 x 115 %).

Subsidiairement, la société LMJ fait valoir d'une part que les données de l'administration fiscale évaluent la valeur d'un fonds de commerce de pizzeria entre 50 et 100 % du chiffre d'affaires et que d'autre part lorsque le réseau existait les cessions de fonds étaient réalisées sur une base de 80 à 85 % du chiffre d'affaires. Or, elle relève que la cession du fonds est intervenue avec difficulté qu'au prix de 380 000 euros, alors que la valorisation espérée du fonds était de 87 % du chiffre d'affaires annuel sur les trois derniers exercices de 2017- 2019 (629 017 euros), soit la somme de 547 245 euros. Elle demande subsidiairement l'indemnisation de la différence à hauteur de 167 245 euros.

En réplique, les sociétés Fra- Ma- Pizz et Domino's Pizza France rappellent les principes de réparation intégrale du préjudice et de répartition de la charge de la preuve, et prétendent que les sociétés franchisées ne démontrent pas l'existence d'une perte de valeur de leur fonds, ni n'apportent d'éléments probants au soutien de leur évaluation de cette perte de valeur. Elles soutiennent que leur préjudice n'est certain ni pour les sociétés qui n'ont pas cédé leur fonds puisque la perte de valeur n'est alors pas acquise, ni pour celles qui l'ont cédé puisque le prix obtenu est alors cohérent avec leur valeur intrinsèque. En toute hypothèse, elles entendent produire un document démontrant que les praticiens considèrent que le prix de cession d'un fonds de commerce de restauration rapide dans le secteur de pizzas peut être évalué en appliquant au chiffre d'affaires de la société concernée un coefficient multiplicateur compris entre 40 et 80 %.

Elles précisent qu'en toute hypothèse aucun lien de causalité ne saurait être établi entre une faute imputable au franchiseur et une hypothétique perte de valeur de ces fonds.

Réponse de la Cour,

La valorisation du fonds de commerce à hauteur de 115 % du chiffre d'affaires est dépourvue de pertinence.

Il ressort des pièces du débat que pour tenter de limiter la perte de valeur de son fonds, la société Dutchesne Distribution a été dans l'obligation de notifier au franchiseur la résiliation du contrat de franchise en février 2019 alors que celui-ci devait se poursuivre jusqu'en 2022. La société LMJ produit au débat un acte de cession du fonds de commerce du 30 juin 2020 pour un prix de 380 000 euros, soit seulement 60 % de la moyenne des chiffres d'affaires des exercices 2017- 2019 (629 017 €).

Ces éléments révèlent une dévalorisation du fonds de commerce pendant la période où, comme il a été constaté dans les motifs qui précèdent, l'activité du réseau Sprint Pizza était particulièrement réduite en raison des agissements fautifs des sociétés Fra- Ma- Pizz et Domino's Pizza France.

A partir des fourchettes de valeurs de commerce de pizzeria données par les parties (pièces franchisé PC n° 129 et 130, pièce n° 7 du franchiseur), de la situation particulière de l'activité de la société Dutchesne Distribution et des démarches entreprises, la Cour retient un minimum de valorisation à 80% du chiffre d'affaires annuel moyen des trois derniers exercices (629 017 € x 0,80), soit une perte de valeur de 123 213,60 euros (503 213,60 - 380 000).

Dès lors, les sociétés Fra- Ma- Pizz et Domino's Pizza France seront condamnées in solidum à payer à la société LMJ la somme de 123 213,60 euros à titre de dommages-intérêts.

Le jugement sera infirmé sur ce point.

VI- Sur la demande au titre du préjudice moral de M.[Z]

M. [Z], en sa qualité de gérant de la société Dutchesne Distribution devenue LMJ, expose que les multiples difficultés rencontrées au cours de l'exécution du contrat, l'orientation autoritaire de M. [H], son absence de loyauté à l'égard des franchisés, le mépris manifesté à son égard, le temps passé à tenter en vain d'obtenir des réponses sur l'évolution de son activité, l'importance des conséquences sur sa situation personnelle et professionnelle, lui ont causé à titre personnel un préjudice moral à hauteur de 30 000 euros.

Les difficultés récurrentes auxquelles a été confronté M. [Z] tout au long du contrat de franchise (notamment pièces PC n° 38, 86,123 et 124) et telles que constatées au titre des manquements des sociétés Fra- Ma- Pizz et Domino's Pizza, ont été de nature à lui causer un préjudice moral que le tribunal a justement évalué à la somme de 30 000 euros.

Le jugement sera confirmé en ce qu'il a condamné in solidum les sociétés Fra- Ma- Pizz et Domino's Pizza à verser à M. [Z] la somme de 30 000 euros.

VII- Sur la demande de capitalisation des intérêts.

Le jugement sera confirmé en ce qu'il a ordonné la capitalisation des intérêts conformément à l'article 1343- 2 du code civil.

VIII- Sur les demandes au titre d'une procédure abusive.

Compte tenu du sens de la décision rendue, les sociétés Fra- Ma- Pizz, Pizza Center France et Domino's Pizza France seront déboutées de leur demande de dommages- intérêts pour procédure abusive et de voir prononcer une amende civile au titre d'un abus d'ester en justice.

Le jugement sera confirmé sur ce point.

IX- Sur les dépens et l'article 700 du code de procédure civile.

Le jugement sera confirmé en ce qu'il a condamné in solidum les sociétés Fra- Ma- Pizz et Domino's Pizza France aux dépens de première instance, et à payer à la société Dutchesne Distribution et M. [Z] la somme de 15 000 euros chacun.

Les sociétés Fra- Ma- Pizz, Pizza et Domino's Pizza France, succombant partiellement en appel, seront condamnées aux dépens.

En application de l'article 700 du code de procédure civile, les sociétés Fra- Ma- Pizz, Pizza Center France et Domino's Pizza France seront déboutées de leurs demandes et les sociétés Fra- Ma- Pizz et Domino's Pizza seront condamnées in solidum à payer à la société Dutchesne Distribution et M. [Z] la somme de 5 000 euros chacun.

PAR CES MOTIFS,

La Cour, statuant publiquement par mise à disposition au greffe, par arrêt contradictoire,

Infirme le jugement en ce qu'il a :

- déclaré irrecevables les demandes de la société Dutchesne Distribution et M. [Z] en ce qu'elles tendent à annuler ou résilier le contrat de franchise aux torts de Pizza Center France,

- condamné in solidum les sociétés Fra- Ma- Pizz et Domino's Pizza à rembourser à Dutchesne Distribution la somme de 43 193,15 euros au titre des redevances de franchise ;

- condamné in solidum les sociétés Fra- Ma- Pizz et Domino's Pizza à verser à Dutchesne Distribution la somme 370 200 euros au titre de la perte de valeur de son fonds,

Le confirme pour le surplus ;

Statuant à nouveau sur ces chefs infirmés et y ajoutant,

Déclare recevables les prétentions formulées par la société Dutchesne Distribution devenue LMJ Capital et M. [Z] à l'encontre des sociétés Domino's Pizza France et Pizza Center France ;

Constate que la résiliation du contrat de franchise intervenue le 4 février 2019 est aux torts exclusifs de la société Fra- Ma- Pizz ;

Condamne la société Fra- Ma- Pizz à payer à la société LMJ Capital la somme de 40 652,50 euros au titre de la restitution des redevances pour les années 2016 à 2018 ;

Condamne les sociétés Fra- Ma- Pizz et Domino's Pizza France in solidum à payer à la société LMJ Capital la somme de 123 213,60 euros au titre de la perte de valeur du fonds ;

Condamne les sociétés Fra- Ma- Pizz et Domino's Pizza France in solidum aux dépens d'appel ;

Condamne les sociétés Fra- Ma- Pizz et Domino's Pizza France in solidum à verser à la société LMJ Capital et M. [Z] la somme de 5000 euros chacun au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

Rejette toute autre demande.