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Décisions

CA Paris, Pôle 5 ch. 4, 15 février 2023, n° 22/05248

PARIS

Arrêt

Infirmation partielle

PARTIES

Demandeur :

Hypromat France Eléphant Bleu (SAS)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme Brun-Lallemand

Conseillers :

Mme Depelley, Mme L'Eleu de la Simone

Avocats :

Me Lallement, Me Levy, Me Pinto

T. com. Nancy, du 8 sept. 2017, n° 20150…

8 septembre 2017

FAITS ET PROCÉDURE

La société Hypromat France (ci-après « Hypromat ») a pour activité la conception, l'implantation et l'exploitation de centres de lavage rapide pour véhicules, qu'elle exerce directement ou par la conclusion de contrats de franchise sous l'enseigne « L'Eléphant Bleu ».

La société [Localité 2] Lavage a été constituée pour exploiter un centre de lavage rapide pour véhicules sous l'enseigne « L'Eléphant Bleu » à [Localité 2], qu'elle exploite désormais à titre indépendant.

La société [Localité 6] Lavage a également exploité à [Localité 6] un centre de nettoyages de véhicules automobiles à l'enseigne « L'Eléphant Bleu ».

Les sociétés [Localité 6] Lavage et [Localité 2] Lavage ont chacune conclu un contrat de franchise avec la société Hypromat pour une durée de 3 ans, respectivement le 25 mars 2005 et le 19 juin 2005.

L'article 14 du contrat de franchise formule l'obligation post-contractuelle suivante :

« Le Franchisé cessera immédiatement toute utilisation à quelque titre que ce soit de la marque Hypromat Eléphant Bleu, ainsi que de tous emblêmes, posters, affiches, et de tous éléments publicitaires ou promotionnels distinctifs liés à la franchise et en particulier tous matériels, documents ou articles portant la marque Hypromat Eléphant Bleu. Le Franchisé devra immédiatement procéder à la dépose de la ou les enseignes Hypromat et Eléphant Bleu et plus généralement de tous signes distinctifs d'appartenance au réseau. Il s'engage à ne plus utiliser les couleurs bleu et blanc et à faire repeindre son centre dans d'autres couleurs que bleu et blanc dans les 6 mois à compter de la cessation du contrat. [...]

Le Franchisé procèdera à toute modification complémentaire spécifique des locaux, de leur agencement ou décoration qui seraient nécessaires pour prévenir toute association, confusion ou ressemblance avec le réseau, et notamment modifier les couleurs spécifiques (bleu et blanc). »

Les deux contrats de franchise n'ont pas été renouvelés à leur terme.

Constatant que les stations de lavage des sociétés [Localité 2] et [Localité 6] Lavage avaient conservé les couleurs spécifiques de la franchise Eléphant Bleu en méconnaissance de l'article 14 précité, la société Hypromat leur a adressé une lettre de mise en demeure le 4 avril 2008 aux fins de procéder à la dépose de l'enseigne Éléphant bleu et de « ne plus utiliser les couleurs bleu et blanc et à faire repeindre son centre dans d'autres couleurs que bleu et blanc dans les 6 mois à compter de la cessation du contrat. »

Constatant que malgré ces mises en demeure, les stations étaient maintenues pratiquement dans leur état d'origine, la société Hypromat a saisi le juge des référés de Strasbourg qui a ordonné sous astreinte à la société [Localité 2] Lavage et [Localité 6] Lavage de modifier l'aspect de leur station « en remplaçant les couleurs bleu et blanc pour toute autre couleur de son choix ».

C'est dans ce contexte que par acte extrajudiciaire du 21 mars 2011, la société [Localité 2] Lavage a assigné la société Hypromat devant la chambre commerciale du tribunal de grande instance de Strasbourg en paiement d'une indemnisation au titre de la rupture brutale d'une relation commerciale établie, et en nullité d'une clause lui interdisant l'usage des couleurs bleu et blanc sans limite de durée à l'issue de leur relation contractuelle.

La société [Localité 6] Lavage est intervenue volontairement à cette instance pour obtenir le remboursement de diverses sommes versées en exécution d'une ordonnance de référé du 20 octobre 2009 ' injonction sous astreinte d'avoir à remplacer les couleurs bleu et blanc de la devanture de son centre de lavage par toute autre couleur de son choix ' et d'un arrêt de la cour d'appel de Douai du 6 juin 2013 ' confirmation d'une décision du juge de l'exécution de liquider cette astreinte ', ainsi que la réparation de ses préjudices.

Par ordonnance du juge de la mise en état du 23 octobre 2015, la chambre commerciale du tribunal de grande instance de Strasbourg s'est déclarée incompétente et les parties renvoyées devant le tribunal de commerce de Nancy.

Par jugement du 8 septembre 2017, le tribunal de commerce de Nancy a :

- déclaré l'intervention volontaire de la SARL [Localité 6] Lavage recevable,

- déclaré la SARL [Localité 2] Lavage mal fondée en ses demandes au titre de l'article L.442-6 I 5° du code de commerce,

- l'en a débouté,

- dit que la clause du contrat de franchise de la SAS Hypromat, obligeant le franchisé à ne plus utiliser les couleurs bleue et blanche et à repeindre son centre dans d'autres couleurs que bleu et blanc dans les 6 mois à compter de la cessation du contrat, figurant à l'article 14 du contrat de franchise, est réputée non écrite,

- déclaré la SARL [Localité 2] Lavage et la SARL [Localité 6] Lavage mal fondées en leurs demandes en réparation des travaux engagés,

- les en a débouté,

- condamné la SARL [Localité 2] Lavage à payer à la SAS Hypromat France la somme de 5.000 € à titre d'indemnité contractuelle pour utilisation des signes de la franchise après la fin du contrat,

- déclaré la SAS Hypromat mal fondée en ses demandes complémentaires,

- l'en a débouté,

- autorisé l'exécution provisoire du présent jugement nonobstant appel et sans caution,

- dit qu'il n'y a pas lieu d'appliquer les dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamné la SARL [Localité 2] Lavage aux dépens du présent jugement.

Par déclaration du 22 novembre 2017, la société Hypromat France a interjeté appel du jugement intimant les sociétés [Localité 2] Lavage et [Localité 6] Lavage.

Par un arrêt du 1er juillet 2020, la cour d'appel de Paris a :

- réformé le jugement entrepris, mais seulement en ce qu'il a statué sur les dépens et l'article 700 du code de procédure civile et en ce qu'il a débouté la SARL [Localité 6] Lavage :

* de ses demandes en restitution, d'une part, de la somme de 3.000 euros versée à titre de provision sur indemnité contractuelle, mise à sa charge par l'ordonnance de référé du 20 octobre 2009 et, d'autre part, de la somme de 5.000 euros versée au titre de l'astreinte prononcée par l'ordonnance de référé du 29 octobre 2009 et liquidée par l'arrêt de la cour d'appel de Douai du 6 juin 2013,

* de sa demande en dommages-intérêts pour compensation du coût de travaux superflus,

Pour le surplus,

- confirmé le jugement entrepris, précisant que l'article 14 des contrats de franchise conclus entre la SAS Hypromat France d'une part et chacune des SARL [Localité 2] Lavage et [Localité 6] Lavage d'autre part, est réputée non écrite entre les parties,

- condamné la SAS Hypromat France à restituer à la SARL [Localité 6] Lavage la somme de 3.000 euros versée à titre de provision sur indemnité contractuelle, mise à sa charge par l'ordonnance de référé du 20 octobre 2009,

- condamné la SAS Hypromat France à restituer à la SARL [Localité 6] Lavage la somme de 5.000 euros versée au titre de l'astreinte prononcée par l'ordonnance de référé du 20 octobre 2009 liquidée par l'arrêt de la cour d'appel de Douai du 6 juin 2013,

- condamné la SAS Hypromat France à payer à la SARL [Localité 6] Lava une somme de 800 euros à titre de dommages-inte're'ts pour compensation du coût des travaux superflus, et débouté cette société du surplus de la demande formée à ce titre,

- condamné la SAS Hypromat France à payer à la SARL [Localité 6] Lavage une somme globale de 7.500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile en première instance et en appel,

- débouté la SAS Hypromat France de ses demandes au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamné la SAS Hypromat France aux dépens de première instance et d'appel, hors ceux du référé qui pourront être recouvrés conformément à l'article 699 du code de procédure civile,

- rejeté toute autre demande.

Par un arrêt du 16 février 2022, rendu à la suite du pourvoi n° U 20-20.429 formé par la société Hypromat France, la chambre commerciale, économique et financière de la Cour de cassation a prononcé la cassation partielle de l'arrêt rendu le 1er juillet 2020 en ce qu'il a « dit que la clause des contrats de franchise conclus entre la société Hypromat France et les sociétés [Localité 2] Lavage et [Localité 6] Lavage, obligeant le franchisé à ne plus utiliser les couleurs bleue et blanche et à faire repeindre son centre dans d'autres couleurs, figurant à l'article 14 des contrats, est réputée non écrite entre les parties, en ce qu'il [a condamné] la société Hypromat France à restituer à la société [Localité 6] Lavage la somme de 3.000 euros versée à titre de provision sur indemnité contractuelle et la somme de 5.000 euros versée au titre de l'astreinte, en qu'il [a condamné] la société Hypromat à payer à la société [Localité 6] Lavage une somme de 800 euros à titre de dommages-intérêts pour compensation du coût des travaux superflus et en ce qu'il [a statué] sur les dépens et l'application de l'article 700 du code de procédure civile », et a remis en conséquence, sur ces points, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les a renvoyées devant la cour d'appel de Paris.

La Cour de cassation a censuré l'arrêt aux motifs que :

-« [la cour d'appel a réputé non écrite la clause litigieuse au visa de l'article L.341-2 du code de commerce], en statuant ainsi, alors que la loi nouvelle ne peut, sauf rétroactivité expressément stipulée par le législateur, inexistante en l'espèce, remettre en cause la validité d'une clause contractuelle régie par les dispositions en vigueur à la date où le contrat a été passé, la cour d'appel a violé les textes susvisés ».

-« [la cour d'appel a estimé, pour réputer non écrite la clause, que celle-ci était de nature à restreindre la liberté d'exercice de l'activité commerciale de l'exploitant qui l'a souscrite] en se déterminant ainsi, par des motifs tirés de la restriction apportée par la clause à l'activité de l'exploitant, impropres à établir une atteinte disproportionnée au principe de la liberté d'entreprendre, au regard des intérêts légitimes du franchiseur, la cour d'appel a privé sa décision de base légale ».

Par déclaration reçue au greffe de la Cour le 7 mars 2022, la société Hypromat France a saisi la cour d'appel de renvoi.

Aux termes de ses dernières conclusions, déposées et notifiées le 7 septembre 2022, la société Hypromat France demande à la Cour de :

- recevoir la société Hypromat France en sa déclaration de saisine après cassation,

- infirmer le Jugement du Tribunal de Commerce de Nancy en date du 08.09.2017 en tant que cette décision :

* a dit que la clause du contrat de franchise de la société Hypromat France obligeant le franchise' à ne plus utiliser les couleurs bleu et blanc et à faire repeindre son centre dans d'autres couleurs dans les six mois à compter de la cessation du contrat est réputé non écrite,

* a rejeté ses demandes tant à l'encontre de société [Localité 2] lavage que de la société [Localité 6] Lavage.

Statuant à nouveau :

- condamner la société [Localité 2] Lavage à payer à la société Hypromat France SA la somme de 20 000 € à titre de dommages et intérêts pour abus de procédure ;

- condamner la société [Localité 2] Lavage à payer à la société Hypromat France la somme de 15.000 € au titre de l'article 700 du Code de Procédure Civile, montant identique à celui réclamé dans l'assignation ;

- condamner la société [Localité 6] Lavage à payer à la société Hypromat France la somme de 20 000 € à titre de dommages et intérêts pour abus de procédure ;

- condamner la société [Localité 6] à payer à la société Hypromat France la somme de 15.000€ au titre de l'article 700 du Code de Procédure Civile, montant identique à celui réclamé dans l'assignation.

- confirmer le jugement sur tous autres chefs.

- déclarer irrecevable l'intervention de M. [Z] [H] [K] ;

- débouter [Localité 6] Lavage de l'ensemble de ses fins et conclusions ;

-condamner la société [Localité 6] Lavage aux entiers frais et dépens des deux instances solidairement avec [Localité 2] Lavage.

Aux termes de ses dernières conclusions, déposées et notifiées le 29 juin 2022, la société [Localité 2] Lavage demande à la Cour de :

Vu l'article 1134 du code civil,

Vu l'article 1131 du code civil,

Vu le principe d'ordre public de prohibition des engagements perpétuels,

Vu l'article 5.3.D du Règlement de l'Union Européenne n° 330/2010 sur les accords verticaux et ses lignes directrices et notamment le paragraphe 65,

Vu l'article 1147 (ancien) du code civil.

- confirmer la décision déférée en ce qu'elle a juge' non-écrite la clause prohibant sans limite de durée l'utilisation des couleurs blanc et bleu.

Statuant à nouveau,

- condamner la société Hypromat à payer à la société [Localité 2] Lavage la somme de 15.000 € en réparation des travaux superflus qu'elle a été contrainte de réaliser.

- débouter la société Hypromat de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions.

- condamner la société Hypromat à payer à la société [Localité 2] Lavage la somme de 20.000 € au titre de l'article 700 du CPC ; ainsi qu'aux dépens des procédures de référé, dont les frais d'huissier nécessaires aux constats réalisés.

Aux termes de ses dernières conclusions, déposées et notifiées le 29 juin 2022, M. [Z] [H] [K], déclarant venir aux droits de la société [Localité 6] Lavage - intervenant volontaire - demande à la Cour de :

Vu l'article 1134 du code civil,

Vu les articles 1131 a'133 du code civil,

Vu l'article 1147 (ancien) du code civil,

Vu le principe d'ordre public de prohibition des engagements perpétuels,

Vu l'article 5.3.D du Règlement de l'Union Européenne n° 330/2010 sur les accords verticaux et ses lignes directrices et notamment le paragraphe 65,

- confirmer le jugement déféré en ce qu'il a dit et jugé la clause interdisant l'usage des couleurs blanche et bleue sans limite de durée aux anciens franchisés du réseau Eléphant Bleu réputée non écrite.

En conséquence,

- condamner la société Hypromat à payer à Monsieur [Z] [H] [K] venant aux droits de la société [Localité 6] Lavage la somme de 15.000 € en réparation des travaux superflus qu'elle a été contrainte de réaliser ;

- ordonner à la société Hypromat de restituer à Monsieur [Z] [H] [K] venant aux droits de la société [Localité 6] Lavage toutes sommes payées à titre d'astreinte en vertu de l'arrêt à venir de la Cour d'appel de Douai :

* condamner la société Hypromat à rembourser à Monsieur [Z] [H] [K] venant aux droits de la société [Localité 6] Lavage la somme de 5.000 € qu'elle a versée au titre de l'astreinte liquidée par l'arrêt de la Cour d'Appel de Douai du 6 juin 2013 ;

* condamner la société Hypromat à rembourser à Monsieur [Z] [H] [K] venant aux droits de la société [Localité 6] Lavage la somme de 3.000 € qu'elle a versée au titre de la provision sur l'indemnité contractuelle prononcée par l'ordonnance de référé du 20 octobre 2009 ;

* condamner la société Hypromat à rembourser à Monsieur [Z] [H] [K] venant aux droits de la société [Localité 6] Lavage la somme de 3.600 € qu'elle a versée au titre des frais irrépétibles ;

- condamner la société Hypromat à payer à Monsieur [Z] [H] [K] venant aux droits de la société [Localité 6] Lavage la somme de 20.000 € au titre de l'article 700 du CPC ; ainsi qu'aux dépens.

Vu les dernières conclusions de la société [Localité 6] Lavage, déposées et notifiées le 3 mai 2018 dans la procédure d'appel, par lesquelles il est demandé à la Cour de :

Vu l'article 1134 du Code civil ;

Vu les articles 1131 à133 du Code civil ;

Vu l'article 1147 du Code civil ;

Vu le principe d'ordre public de prohibition des engagements perpétuels,

Vu l'article 5.3.D du Règlement de l'Union Européenne N°330/2010 sur les accords verticaux et ses lignes directrices et notamment le paragraphe 65,

Vu les articles L. 341-1 et L. 341-2 du Code de commerce,

Sur l'intervention volontaire à l'instance,

Dire et juger qu'il existe un lien suffisant entre les prétentions de la société [Localité 6] LAVAGE et les prétentions soulevées par la société [Localité 2] LAVAGE dans le cadre de l'instance principale enrôlée sous le numéro 11/00218.

En conséquence,

Confirmer le jugement en ce qu'il a déclaré recevable l'intervention volontaire de la société [Localité 6] LAVAGE.

Sur les obligations post-contractuelles :

A titre principal,

- Confirmer le jugement déféré en ce qu'il a dit et jugé la clause interdisant l'usage des couleurs blanche et bleue sans limite de durée aux anciens franchisés du réseau ELEPHANT BLEU réputée non écrite.

En conséquence,

- Ordonner à la société HYPROMAT de restituer à la société [Localité 6] LAVAGE toutes sommes payées à titre d'astreinte en vertu de l'arrêt à venir de la Cour d'appel de DOUAI.

A titre subsidiaire,

- Dire et juger que la société [Localité 6] LAVAGE n'a pas contrevenu à son obligation de modifier l'aspect extérieur de la station en y apposant des fanions et des drapeaux.

En tout état de cause,

- Condamner la société HYPROMAT à rembourser à la société [Localité 6] LAVAGE la somme de 5.000 € qu'elle a versée au titre de l'astreinte liquidée par l'arrêt de la Cour d'Appel de Douai du 6 juin 2013 ;

- Condamner la société HYPROMAT à rembourser à la société [Localité 6] LAVAGE la somme de 3.000 € qu'elle a versée au titre de la provision sur l'indemnité contractuelle prononcée par l'ordonnance de référé du 20 octobre 2009 ;

- Condamner la société HYPROMAT à rembourser à la société [Localité 6] LAVAGE la somme de 3.600 € qu'elle a versée au titre des frais irrépétibles ;

- Condamner la société HYPROMAT à payer à la société [Localité 6] LAVAGE la somme de 15.000 € en réparation des travaux superflus qu'elle a été contrainte de réaliser.

- Condamner la société HYPROMAT à payer à la société [Localité 6] LAVAGE la somme de 8.000 € au titre de l'article 700 du CPC ; ainsi qu'aux dépens.

L'ordonnance de clôture a été rendue le 7 décembre 2022.

La Cour renvoie à la décision entreprise et aux conclusions susvisées pour un exposé détaillé du litige et des prétentions des parties, conformément à l'article 455 du code de procédure civile.

MOTIVATION

Sur la recevabilité de l'intervention volontaire de M. [K] déclarant venir aux droits de la société [Localité 6] Lavage

La société Hypromat relève que M. [Z] [H] [K] est désormais intervenant volontaire en lieu et place de la société [Localité 6] lavage de laquelle il prétend venir aux droits alors qu'aucune explication ni pièce n'est produite, de sorte que cette intervention est irrecevable.

M. [Z] [H] [K] réplique que la question de la recevabilité de l'intervention volontaire de la société [Localité 6] Lavage dont il vient aux droits a été définitivement tranchée par les décisions de première instance et d'appel, de sorte qu'elle ne fait plus débat.

Réponse de la Cour,

La société [Localité 6] Lavage est intervenue volontairement devant le tribunal de commerce qui a déclaré recevable cette intervention volontaire confirmée par l'arrêt du 1er juillet 2020 de la Cour de céans et non censuré par la Cour de cassation. La recevabilité de l'intervention volontaire de la société [Localité 6] Lavage est effectivement définitivement jugée.

Comme le souligne la société Hypromat, ce n'est pas la recevabilité de l'intervention de la société [Localité 6] Lavage qui est contestée dans la présente instance sur renvoi, mais la recevabilité de l'intervention volontaire de M. [Z] [H] [K] déclarant venir aux droits de la société [Localité 6] Lavage et formulant des demandes en son nom propre.

M. [Z] [H] [K], « exploitant en nom propre », ne produit aucune pièce aux débats, pas même un extrait Kbis de la société [Localité 6] Lavage, pour justifier venir aux droits de celle-ci et formuler dans la présente instance d'appel après renvoi des demandes de condamnation de la société Hypromat à lui restituer diverses sommes payées à titre d'astreinte et de provision par la société [Localité 6] Lavage.

Dès lors l'intervention volontaire de M. [Z] [H] [K], qui n'était pas partie à la première instance et qui ne justifie pas d'un intérêt dans la présente instance après renvoi, est irrecevable en application des dispositions de l'article 554 du code de procédure civile.

Dans ces conditions, la société [Localité 6] Lavage ne formule pas de moyens nouveaux ni de prétentions nouvelles après renvoi. Elle est donc réputée en application de l'article 631 du code de procédure civile, s'en tenir aux moyens et prétentions qu'elle avait soumis à la Cour dans ses dernières écritures déposées et notifiées le 3 mai 2018.

Sur la recevabilité de la demande indemnitaire de la société [Localité 2] Lavage

La société [Localité 2] Lavage soutient avoir été contrainte de modifier l'aspect extérieur de son centre de lavage par deux décisions de justice antérieures en application de l'article 14 du contrat de franchise, alors que cette clause est nulle, de sorte que ces travaux superflus lui causent un préjudice qu'elle évalue à la somme de 15.000 € au paiement de laquelle elle demande que la société Hypromat soit condamnée.

Réponse de la Cour,

La Cour de céans dans l'arrêt du 1er juillet 2020 a approuvé le jugement d'avoir retenu que la société franchisée [Localité 2] Lavage qui devait, dès le 19 juin 2008, cesser immédiatement toute utilisation de la marque Hypromat Eléphant Bleu a maintenu les signes distinctifs de la franchise, à savoir le logo et le nom « éléphant bleu » plus de 10 mois après la fin du contrat, de sorte que la clientèle du centre de lavage, habituée à trouver une station de ce réseau à cet endroit, pouvait être induite en erreur. Dès lors la Cour dans le dispositif de son arrêt n'a pas réformé le jugement en ce qu'il avait débouté la société [Localité 2] Lavage de sa demande en réparation des travaux engagés.

La Cour de cassation n'a pas censuré l'arrêt du 1er juillet 2020 de ce chef de dispositif, en sorte que la demande de la société [Localité 2] Lavage de voire condamner la société Hypromat à lui payer la somme de 15 000 euros en réparation des travaux superflus qu'elle a été contrainte de réaliser est irrecevable en ce qu'elle a été définitivement déboutée de cette demande.

Sur la demande relative à la validité de l'obligation post-contractuelle

La société Hypromat soutient que l'article 14 du contrat de franchise n'est pas une clause de non-concurrence ou de non-rétablissement, mais une obligation de modifier les couleurs de la franchise en fin de contrat, et organisant ainsi les conséquences naturelles d'une sortie du contrat de franchise en aménageant un délai en faveur de l'ancien franchisé pour enlever les signes de ralliement d'un réseau auquel il n'appartient plus et qu'il peut parfaitement concurrencer sous d'autres couleurs et sans contrefaire ses marques protégées. La société Hypromat ajoute qu'il ne s'agit pas d'une obligation perpétuelle mais d'une obligation ponctuelle de faire, que la validité d'une telle stipulation a plusieurs fois été admise par la jurisprudence et l'ADLC à laquelle a été soumis le contrat de franchise « Eléphant bleu ». Selon elle, une telle interdiction n'empêche pas l'ancien franchisé de s'affilier à un autre réseau car ces couleurs ne sont utilisées par aucune autre franchise de centres de lavage rapide de véhicules, qu'en toute hypothèse l'ancien franchisé ne démontre pas avoir été victime d'une telle entrave à sa ré-affiliation, et qu'enfin l'article 5.3 D du règlement européen n°330/2010 sur les accords verticaux invoqué par l'ancien franchisé à l'appui de sa demande est inopérant puisqu'il traite d'interdiction d'exercice direct ou indirect d'une activité concurrente à l'issue d'une relation contractuelle, ce qui n'est pas le cas en l'espèce, de sorte que l'obligation post-contractuelle stipulée est parfaitement valable.

La société [Localité 2] Lavage réplique que la clause litigieuse lui interdit l'usage des couleurs bleu et blanc sur la devanture de leur centre de lavage sans aucune limitation de durée, de sorte qu'elle constitue un engagement perpétuel qui doit être annulé en vertu du principe général de prohibition de tels engagements. Elle ajoute qu'une telle interdiction générale de l'usage de la combinaison des couleurs bleu et blanc, sur laquelle elle n'a pas de droit privatif, est largement disproportionnée à l'objectif poursuivi de se prémunir d'un risque de confusion dans l'esprit du consommateur après la sortie du réseau du franchisé, de sorte qu'une telle obligation est sans cause et est donc dépourvue d'effet aux termes de l'article 1131 du code civil. Elle relève par ailleurs que les couleurs bleu et blanc constituent des éléments d'identification usuels pour toute activité de lavage, qu'en interdire l'usage à l'ancien franchisé revient à lui interdire de se ré-affilier à un réseau utilisant le même code couleur, que ceci constitue une entrave à l'exercice de son activité, que de surcroit cette interdiction n'est pas limitée à 1 an, de sorte qu'elle est nulle aux termes de l'article 5.3 D du règlement européen n°330/2010 sur les accords verticaux.

Enfin, la société [Localité 2] lavage fait valoir que si la Cour devait considérer la clause valide, sa portée devrait être strictement limitée à l'obligation de repeindre le centre dans des couleurs différentes de celles qui identifient la franchise « Éléphant Bleu », et ne devrait pas être interprétée comme interdisant tout usage sur tout support d'une combinaison de blanc et de bleu par l'ancien franchisé, au visa des articles 1162 et 1163 du code civil.

La société [Localité 6] Lavage dans ses dernières conclusions prises dans l'instance d'appel, développe les mêmes moyens que la société [Localité 2] Lavage.

Réponse de la Cour,

Le litige tel qu'introduit par la société [Localité 2] Lavage devant le tribunal de commerce, puis sur intervention volontaire de la société [Localité 6] Lavage, a certes pour objet de voir prononcer la nullité ou le réputé non-écrit de la clause litigieuse mais dans le but d'obtenir la condamnation de la société Hypromat à leur verser des sommes en réparation des travaux superflus qu'elles ont été contraintes de réaliser pour modifier l'aspect extérieur de leur centre de lavage dans les six mois de la fin du contrat de franchise et pour la société [Localité 6] Lavage la restitution de l'astreinte et provision versées dans la procédures en référé relative à la mise en oeuvre de cette obligation.

Il n'est pas démontré que cette clause figure dans tous les contrats de franchise Hypromat France, et qu'elle est susceptible d'affecter la totalité du territoire français, partie substantielle du marché de l'Union Européenne. Pour autant, la non-application du règlement n°330/2010 de la commission du 20 avril 2010 relatif à l'exemption de certaines catégories d'accords verticaux et de pratiques concertées ne change pas les critères d'appréciation de la clause en droit national, qui sont identiques à ceux du règlement, lequel fournit un guide d'analyse utile.

En l'état des éléments du litige et des pièces versées aux débats, il n'est pas justifié en quoi la clause litigieuse, en ce qu'elle met à la charge des sociétés [Localité 2] et [Localité 6] Lavage une obligation ponctuelle à la fin du contrat de franchise de ne plus utiliser les couleurs bleu et blanc et de faire repeindre leur centre de lavage dans d'autres couleurs dans les six mois à compter de la cessation des contrats, constituerait pour elles une obligation perpétuelle et une atteinte disproportionnée au principe de la liberté d'entreprendre au regard des intérêts légitimes du franchiseur d'obtenir ainsi la dépose de l'enseigne à la fin du contrat.

Aussi, les sociétés [Localité 2] Lavage et [Localité 6] Lavage seront déboutées de leur demande en nullité ou réputé non-écrite de la clause litigieuse et le jugement sera infirmé de ce chef.

Sur les demandes de restitution et indemnitaires de la société [Localité 6] Lavage

La société Hypromat fait valoir qu'il ressort des constats d'huissier et des décisions rendues dans le cadre de la procédure en référé, notamment l'arrêt de la Cour d'appel de Douai du 6 juin 2013, que la société [Localité 6] Lavage avait après la fin du contrat de franchise conservé les couleurs et signes de ralliement de la franchise Eléphant bleu et qu'elle n'avait ensuite procédé que très partiellement à son obligation de modifier l'aspect de sa station de lavage.

La société [Localité 6] Lavage soutient avoir été contrainte de modifier l'aspect extérieur de son centre de lavage par deux décisions de justice antérieures en application de l'article 14 du contrat de franchise, alors que cette clause est nulle et que les modifications qu'elle avait spontanément entreprises à la suite de la rupture du contrat étaient largement de nature à exclure tout risque de confusion avec les centres exploités par le réseau.

Réponse de la Cour,

La clause litigieuse n'ayant pas été annulée ni été réputée non écrite et la société [Localité 6] Lavage ne justifiant pas avoir déposé l'enseigne « Eléphant bleu » ni supprimé tout signe distinctif de la franchise dans le délai de six mois à compter de la cessation du contrat, celle-ci sera déboutée de ses demandes de restitution des sommes de 3 000 euros versées à titre de provision sur indemnité contractuelle, de 5 000 euros versée au titre de l'astreinte ainsi que de 15 000 euros en réparation des travaux dits superflus.

Le jugement sera confirmé sur ces points.

Sur les demandes au titre d'une procédure abusive de la société Hypromat France

La société Hypromat soutient que l'intervention volontaire de la société [Localité 6] n'avait pour finalité que de se soustraire à l'exécution des décisions l'enjoignant de modifier l'aspect extérieur de son centre de lavage et le condamnant à payer une somme au titre de l'astreinte liquidée, que le juge de l'exécution à nouveau saisi par la société Hypromat a dès lors sursis à statuer dans l'attente de la décision au fond, de sorte que cette intervention est abusive et doit donner lieu à une indemnisation de 20.000€. Elle réclame également dans le dispositif de ses conclusions une somme de 20 000 euros à l'encontre de la société [Localité 2] Lavage.

Si les sociétés [Localité 2] Lavage et [Localité 6] Lavage se sont méprises dans l'étendue de leur droit, elles n’ont pas fait dégénérer en abus leur droit à l'exercice de leur action en justice et intervention volontaire.

La société Hypromat sera déboutée de ses demandes au titre d'une procédure abusive.

Sur les dépens et l'article 700 du code de procédure civile en appel

Les sociétés [Localité 2] Lavage et [Localité 6] Lavage, parties succombantes, seront condamnées in solidum aux dépens d'appel.

En application de l'article 700 du code de procédure civile, les sociétés [Localité 2] Lavage et [Localité 6] Lavage seront déboutées de leur demande et condamnées in solidum à payer à la société Hypromat la somme de 5 000 euros.

PAR CES MOTIFS

La cour, statuant publiquement par mise à disposition au greffe, par arrêt contradictoire,

Vu l'arrêt de la Chambre commerciale, financière et économique de la Cour de cassation du 16 février 2022 pourvoi n° 20-20.429 ;

La Cour statuant dans la limite de sa saisine ;

Déclare irrecevable l'intervention volontaire de M. [Z] [H] [K] ;

Déclare irrecevable la demande de la société [Localité 2] Lavage en condamnation de la société Hypromat France à lui payer la somme de 15 000 euros en réparation de travaux superflus ;

Infirme le jugement mais seulement en ce qu'il a dit que la clause du contrat de franchise de la société Hypromat France, obligeant le franchisé à ne plus utiliser les couleurs bleu et blanc et à faire repeindre son centre dans d'autres couleurs que bleu et blanc dans les 6 mois à compter de la cessation du contrat, figurant à l'article 14 du contrat de franchise, est réputée non écrite ;

Confirme le jugement pour le surplus ;

Statuant de nouveau de ce chef infirmé et y ajoutant,

Rejette la demande de voir juger non-écrite la clause prohibant sans limite de durée l'utilisation des couleurs blanc et bleu ;

Déboute la société Hypromat de ses demandes au titre d'une procédure abusive ;

Condamne in solidum les sociétés [Localité 2] Lavage et [Localité 6] Lavage aux dépens d'appel ;

Condamne in solidum les sociétés [Localité 2] Lavage et [Localité 6] Lavage à payer à la société Hypromat France la somme de 5 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

Rejette toute autre demande.