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Décisions

CA Paris, Pôle 5 ch. 4, 8 février 2023, n° 20/01756

PARIS

Arrêt

Confirmation

PARTIES

Défendeur :

Domino's Pizza France (SAS), Fra-Ma-Pizz (SAS)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme Dallery

Conseillers :

Mme Brun-Lallemand, Mme Depelley

Avocats :

Me Bonaldi, Me Le Goff, Me Guyonnet, Me Bretzner, Me Richard

T. com. Rennes, du 3 déc. 2019, n° 2016F…

3 décembre 2019

FAITS ET PROCEDURE

Le réseau de restaurants 'Pizza Sprint', détenu jusqu'au 25 janvier 2016 par le groupe 'Pizza Sprint', a pour activité la fabrication et la distribution de pizzas sur le marché de la livraison à domicile ou à emporter.

Le groupe était composé de trois filiales détenues par la société holding Food Court Finances dirigée par M. [J] [D] :

-la société Fra-Ma-Pizz (ci-après 'le franchiseur') qui a exploité des points de vente ou concédé l'exploitation de l'enseigne par la conclusion de contrats de franchise ;

-la société Pizza Center France (ci-après 'le fournisseur') qui était la centrale d'approvisionnement en produits alimentaires et non alimentaires du réseau ;

-la société Somainmag qui avait été constituée pour réaliser l'aménagement des points de vente du réseau et n'est plus en activité.

Le 19 août 2013, la société Peyridis (ci-après 'le franchisé') a conclu un contrat de franchise avec la société Fra-Ma-Pizz en vue d'exploiter un fonds de commerce de restauration rapide sous l'enseigne 'Pizza Sprint' à [Localité 7] ([Localité 7]).

Le 18 décembre 2013, la société franchisée a fait l'objet d'une procédure de liquidation judiciaire et cessé son exploitation ainsi que toute relation avec le franchiseur ; elle n'est pas partie à la présente instance.

M. [O] [N] - ancien gérant et unique associé de la société Peyridis - a été placé sous curatelle renforcée par un jugement du 25 mai 2022, lequel a désigné Mme [T] [G] en qualité de curatrice qui intervient volontairement en cause d'appel.

Par acte extrajudiciaire du 11 mai 2016, puis du 19 septembre 2018, M. [O] [N] a assigné les sociétés Fra-Ma-Pizz, puis la société Domino's Pizza France, devant le tribunal de commerce de Rennes pour demander la nullité du contrat de franchise initialement pour vice du consentement, puis à raison de clauses créant un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties dont la nullité a pour effet de vider le contrat de sa substance et, subsidiairement, pour faire prononcer sa résiliation aux torts exclusifs du franchiseur ; et obtenir les restitutions et indemnisations consécutives.

Ces deux instances ont été jointes.

Par jugement du 03 décembre 2019, le tribunal de commerce de Rennes a :

-Déclaré irrecevables les demandes de Monsieur [O] [N] tendant à :

' Déclarer recevable et bien fondée la demande du Ministre ;

' Y faire droit en tous points ;

' Déclarer recevable et bien fondée l'intervention volontaire principale des concluants ;

' Joindre les instances engagées par les concluants à l'instance enrôlée sous le n°2017 F 00131

-Déclaré irrecevables les demandes de Fra-Ma-Pizz et Domino's Pizza France tendant à :

' Rejeter la demande de jonction de l'instance avec l'instance initiée par le Ministre (RG n°2017 F 00131) ;

' Constater que l'article L.442-6, I, 2° du code de commerce ne saurait fonder un quelconque grief à l'encontre des défenderesses dans la mesure où ce texte n'observe pas le principe de légalité des délits et des peines consacré respectivement par (i) la convention européenne des droits de l'homme et des libertés fondamentales et (ii) par le pacte civil relatif aux droits politiques ;

' Constater l'absence de soumission ou de tentative de soumission au sens de l'article L.442-6, I, 2° du code de commerce ;

' Constater que les demandes fondées non pas avec une clause mais sur une pratique qui aurait été instaurée par la société Fra-Ma-Pizz ne saurait relever de l'article L.442-6, I, 2° du code de commerce ;

' Constater l'absence de déséquilibre significatif au sens de l'article L.442-6, I, 2° du code de commerce.

Et :

-Débouté Monsieur [O] [N] de ses autres demandes ;

-Condamne Monsieur [O] [N] à payer à Fra-Ma-Pizz la somme de 5.000 euros au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ;

-Débouté les parties du surplus de leurs demandes ;

-Condamné Monsieur [O] [N] aux entiers dépens de l'instance ;

-Liquidé les frais de greffe à la somme de 88,92 euros tels que prévu aux articles 695 et 701 du CPC.

Par déclaration reçue au greffe de la Cour le 17 janvier 2020, M. [O] [N] a interjeté appel de ce jugement.

***

Parallèlement, entre 2013 et 2016, la DGCCRF a mené une enquête sur les relations commerciales entre partenaires au sein du réseau 'Pizza Sprint' à l'issue de laquelle plusieurs franchisés ont dénoncé des pratiques susceptibles de constituer des entraves au libre jeu de la concurrence.

La DGCCRF a considéré que les contrats de franchise du réseau 'Pizza Sprint' contenaient des clauses qui, par leur objet ou par leurs effets, limitaient la liberté et l'autonomie commerciale des franchisés de manière telle qu'elles étaient porteuses d'un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties au sens L.442-6, I, 2° du code de commerce dans sa version applicable.

Par actes des 9, 13 et 15 mars 2017, le ministre de l'économie et des finances (ci-après « le Ministre » ou « le Ministre de l'économie ») a assigné les sociétés Fra-Ma-Pizz, Pizza Center France, Domino's Pizza France, Food Court Finance et Somainmag devant le tribunal de commerce de Rennes au visa des anciens articles L442-6, I, 2° et L442-6, I, 1° du code de commerce.

A cette instance sont volontairement intervenues, à titre principal, des sociétés franchisées et leur gérant et à titre accessoire notamment, M. [N].

Ce dernier a sollicité en vain la jonction de l'ensemble des instances devant le tribunal de commerce de Rennes qui a donc statué séparément sur chacune d'elles.

Par jugement du 22 octobre 2019, rendu dans le cadre de l'action du Ministre, le tribunal de commerce de Rennes, s'agissant des clauses litigieuses soumises à son appréciation au visa de l'article L.442-6, I, 2° du code de commerce dans sa version applicable, a notamment :

- prononcé la nullité des clauses relatives à l'intuitu personae,

- prononcé la nullité des clauses relatives aux modalités de résiliation et de cessation.

Par un arrêt du 5 janvier 2022, rendu sur appel du jugement susvisé, la cour d'appel de Paris, pour les contrats de franchise versés aux débats a notamment décidé que :

- seules les clauses intuitu personae et de résiliation dans les contrats antérieurs à 2012 sont annulées ;

- les clauses d'approvisionnement et de stocks minimum ne sont pas annulées mais il a été enjoint aux sociétés Fra-Ma-Pizz, Pizza Center France et Domino's Pizza, au titre d'un déséquilibre significatif, de cesser la pratique consistant à insérer au contrat de franchise une clause de stock minimum couplée à une clause d'approvisionnement formellement non exclusive mais permettant par des règles de contrôle d'imposer de fait un approvisionnement exclusif ou quasi exclusif auprès d'un fournisseur appartenant au même groupe de sociétés que le franchiseur ;

- les clauses d'aménagement initial des points de vente, les clauses de résiliation des contrats postérieurs à 2012 n'ont pas été annulées ni sur le fondement du déséquilibre significatif ni sur le fondement de l'avantage sans contrepartie ;

- les pratiques relatives à la mise en oeuvre du contrôle des points de vente, à la fixation des prix de vente, à la maîtrise des actions promotionnelles, à la facturation de la formation et autres Frais accessoires, n'ont pas été jugées en elles-mêmes comme générant un déséquilibre significatif ou un avantage sans contrepartie.

Le 10 janvier 2022 un pourvoi (n°R2210314) a été formé contre cet arrêt devant la Cour de cassation.

***

Aux termes de ses dernières conclusions, déposées et notifiées le 7 octobre 2022, M. [N] assisté de [T] [V] sa curatrice, demande à la Cour de :

-Déclarer recevable et bien fondée l'appel de Monsieur [N] ;

-Déclarer recevable et bien fondée l'intervention volontaire à la procédure de Madame [T] [G], mandataire judiciaire à la protection des majeurs, agissant en qualité de curatrice de Monsieur [N], suivant jugement du 25 mai 2022 du Tribunal Judiciaire de Limoges ;

Infirmer la décision entreprise en ce qu'elle a :

- Déclaré irrecevables les demandes de M. [N] tendant à :

' Déclarer recevable et bien fondée la demande du Ministre de l'Economie ;

' Y faire droit en tous points ;

' Déclarer recevable et bien fondée l'intervention volontaire principale des concluants ;

' Joindre les instances engagées par les concluants à l'instance enrôlée sous le n° 2017 F 00131

-Constaté la résiliation du contrat de franchise aux torts exclusifs de M. [N] ;

-Débouté M. [N] de ses demandes ;

-Condamné M. [N] à verser à Fra-Ma-Pizz la somme de 5.000 € au titre de l'article 700 CPC

Confirmer la décision entreprise en ce qu'elle a :

-Déclaré irrecevables les demandes de Fra-Ma-Pizz et Domino's Pizza France tendant à :

' Rejeter la demande de jonction de la présente instance avec l'instance initiée par M. le Ministre de l'Economie et des Finances (RG n° 2017 F 00131) ;

' Constater que l'article L 442-6 I 2° du code de commerce ne saurait fonder un quelconque grief à l'encontre des défenderesses dans la mesure où ce texte n'observe pas le principe de légalité des délits et des peines consacré respectivement par (i) la convention européenne des droits de l'homme et des libertés fondamentales et (ii) par le pacte civil relatif aux droits politiques ;

' Constater l'absence de soumission ou de tentative de soumission au sens de l'article

L 442-6 I 2° du code de commerce ;

' Constater que les demandes fondées non pas avec une clause mais sur une pratique qui aurait été instaurée par la société Fra-Ma- Pizz ne sauraient relever de l'article L 442-6 I 2° du code de commerce ;

' Constater l'absence de déséquilibre significatif au sens de l'article L 442-6 I 2° du code de commerce ;

- Débouté les Sociétés Fra-Ma-Pizz et Domino's Pizza France de leurs demandes

Statuant à nouveau, en conséquence :

-Prononcer l'annulation de chacune des clauses affectées d'un déséquilibre significatif, au sens de l'article L442-6 I 2° du code de commerce ;

-Constater que l'annulation de l'ensemble de ces clauses vident les contrats de leur substance et, en conséquence, annuler les contrats de franchise,

-A défaut, prononcer leur résiliation aux torts exclusifs de la Société Fra-Ma-Pizz ;

-Débouter les Sociétés Pizza Center France, Fra-Ma-Pizz, Domino's Pizza France, Food Court Finances et Somainmag de toutes leurs demandes, fins et conclusions ;

En tout état de cause

-Condamner in solidum les Sociétés Fra-Ma-Pizz et Domino's Pizza France à verser à M. [N] les sommes suivantes :

a) Au titre de la perte des apports : 35.885,57 €,

b) Au titre de la perte de revenus : 14.583 €,

c) Au titre des engagements de caution : 77.805,33 €,

d) Au titre du préjudice moral : 40.000 €,

-Ordonner la capitalisation des intérêts au taux légal par années entières conformément à l'article 1343-2 du code civil, à dater de l'assignation ;

-Condamner in solidum les Sociétés Pizza Center France, Fra-Ma-Pizz et Domino's Pizza France à verser à chacun des concluants la somme de 50.000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

-Les condamner in solidum aux dépens, parmi lesquels seront compris l'ensemble des frais d'exécution (y compris les émoluments de l'huissier en application de l'article A444-32 du code de commerce).

Aux termes de leurs dernières conclusions, déposées et notifiées le 24 octobre 2022, les sociétés intimées demandent à la Cour de :

Vu les articles 2, 9, 30 et suivants, 122, 132 et 132 du code de procédure civile,

Vu les articles 1101, 1116, 1134, 1147, 1152, 1178, 1184, 1224, 1304 alinéa 1, 1353 alinéa 1 et 2044 du code civil,

Vu les articles L.110-4, L.511-1 et suivants du code de commerce,

Vu les articles L.442-6, I, 1° et L.442-6, I, 2° et L.442-6, III (ancien) du code de commerce,

Vu la jurisprudence,

Vu les pièces versées aux débats,

-Déclarer les sociétés Domino's Pizza France et Fra-Ma-Pizz recevables et bien fondées en l'ensemble de leurs demandes, fins et prétentions,

-Dire et juger irrecevable et mal fondé l'appel interjeté par Monsieur [O] [N], et en conséquence Débouter Monsieur [O] [N] de l'ensemble de leurs demandes, fins, et prétentions,

-Dire et juger irrecevable et mal fondé l'ensemble des demandes, fins et présentions soutenues par Madame [T] [G], en sa qualité de curatrice de Monsieur [N],

-Débouter Madame [T] [G], mandataire judiciaire à la protection des majeurs, de l'ensemble de leurs demandes, fins, et prétentions,

-Dire et juger opposable l'arrêt à intervenir à Madame [T] [G], mandataire.

Ce faisant :

Infirmer le jugement rendu par le Tribunal de commerce de Rennes le 3 décembre 2019 en ce qu'il a :

' déclaré irrecevables les demandes de Fra-Ma-Pizz et Domino's Pizza France tendant à :

-rejeter la demande de jonction de la présente instance avec l'instance initiée par Mr le Ministre de l'Économie et des Finances (RG n°2017F00131) ;

-constater que l'article L.442-6, I, 2° du code de commerce ne saurait fonder un quelconque grief à l'encontre des défenderesses dans la mesure où ce texte n'observe pas le principe de légalité des délits et des peines consacrées respectivement par (i) la Convention européenne des droits de l'homme et des libertés fondamentales et (ii) par le Pacte civil relatif aux droits politiques ;

-constater l'absence de soumission ou de tentative de soumission au sens de l'article L.442-6, I, 2° du code de commerce ;

-constater que les demandes fondées non pas avec une clause, mais sur une pratique qui aurait été instaurée par la société Fra-Ma-Pizz ne sauraient relever de l'article L.442-6, I, 2° du code de commerce ;

-constater l'absence de déséquilibre significatif au sens de l'article L.442-6, I, 2° du code de commerce ;

' débouté les sociétés Fra-Ma-Pizz et Domino's Pizza France du surplus de leurs demandes, notamment de celles relatives aux fins de non-recevoir, aux incidents soulevés et aux demandes reconventionnelles.

Confirmer le jugement rendu par le Tribunal de commerce de Rennes le 3 décembre 2019

en ce qu'il a :

' déclaré irrecevables les demandes de Monsieur [O] [N] tendant à :

-déclarer recevable et bien fondée la demande du Ministre de l'Économie ;

-y faire droit en tous points ;

-déclarer recevable et bien fondée leur intervention volontaire principale ;

-joindre les instances engagées par eux à l'instance enrôlée sous le n°2017 F 00131 ;

' débouté Monsieur [O] [N] de ses autres demandes, et notamment celles relatives à la résiliation du contrat de franchise conclu avec la société Fra-Ma-Pizz aux torts de la société Fra-Ma-Pizz et aux demandes indemnitaires de Monsieur [O] [N] ;

' condamné Monsieur [O] [N] à verser au titre des dispositions de l'article 700 du CPC

' condamné Monsieur [O] [N] aux entiers dépens de l'instance.

Et, statuant à nouveau

I/ SUR LES INCIDENTS :

(i) Dire et juger que la société Pizza Center France n'est pas partie à la présente instance, de sorte que toute demande formulée à l'encontre de cette entité présente un caractère irrecevable ;

'En conséquence, déclarer irrecevables les demandes formulées à l'encontre la société Pizza Center France,

(ii) Constater que la société Domino's Pizza France n'a pas qualité pour défendre,

'En conséquence, déclarer irrecevables les demandes formulées à l'encontre la société Domino's Pizza France,

(iii) Constater que Monsieur [O] [N] n'a pas intérêt à agir, faute de préjudice direct, personnel et distinct,

'En conséquence, déclarer irrecevables les demandes de Monsieur [O] [N] ;

(i) Constater que Monsieur [O] [N] n'a qualité à agir au titre du contrat de franchise conclu par un tiers à la présente instance (la société Peyridis),

'En conséquence, déclarer irrecevables les demandes concernant le contrat de franchise conclu entre la société Fra-Ma-Pizz et la société Peyridis,

II/ SUR CE, AU FOND :

II. A/ SUR LES DEMANDES DE MONSIEUR [O] [N]

A titre préalable, si par extraordinaire la cour d'appel de céans considérait que la société Domino's Pizza France a qualité pour défendre dans le cadre de la présente instance, il lui est demandé de :

(i) Constater que les conditions de mise en cause de la responsabilité de la société mère pour les faits de sa filiale ne sont pas remplies et que le principe de l'autonomie de la personnalité morale fait, en toute hypothèse, obstacle à la mise en cause de la responsabilité de la société mère et/ou d'une autre société du groupe,

'En conséquence, débouter Monsieur [O] [N] de sa demande de condamnation in solidum à l'encontre de la société Domino's Pizza France,

II. A. 1/ SUR LE REJET DES DEMANDES D'ANNULATION DES CLAUSES SUR LE FONDEMENT DE L'ARTICLE L.442-6, I, 2° DU CODE DE COMMERCE (DÉSÉQUILIBRE SIGNIFICATIF)

a/ À TITRE PRINCIPAL

(i) Constater que l'article L.442-6, I, 2° du code de commerce ne saurait fonder un quelconque grief à l'encontre des concluantes dans la mesure où ce texte n'observe pas le principe de légalité des délits et des peines consacrées respectivement par (i) la Convention europénne de sauvegarde des droits de l'homme et des liberté fondamentales et par (ii) le Pacte civil relatif aux droits politiques,

'En conséquence, débouter Monsieur [O] [N] de ses demandes formulées à ce titre,

b/ À TITRE SUBSIDIAIRE

(i) Constater l'absence de soumission ou de tentative de soumission au sens de l'article L.442-6, I, 2°du code de commerce,

'En conséquence, débouter Monsieur [O] [N] de ses demandes fondées sur L.442-6, I, 2° du code de commerce,

Si la cour d'appel de Paris venait à considérer que la démonstration de l'existence d'une soumission ou tentative de soumission exigée par l'article L.442-6, I, 2° du code de commerce est caractérisée :

(ii) Constater que les demandes de Monsieur [O] [N] fondées non sur une clause mais sur une pratique qui aurait été instaurée par la société Fra-Ma-Pizz ne saurait relever de l'article L.442-6, I, 2° du code de commerce,

(iii) Constater, l'absence de déséquilibre significatif au sens de l'article L.442-6, I, 2° du code de commerce en ce qui concerne :

-la clause d'aménagement des points de vente ;

-la clause d'approvisionnement ;

-la clause sur le stock minimum ;

-la prétendue surfacturation des actions commerciales ;

-la prétendue facturation hors contrat du « forfait marketing », des « frais divers » et des « frais de port et de conditionnement » ;

-les modalités de contrôle des points de vente (contrôles qualité et hygiène, des tests de « client-mystère » et visites des animateurs réseau) ;

-le prétendu défaut de formation continue des franchisés et la prétendue double facturation de la formation initiale ;

-la clause sur la gestion et administration du personnel ;

-la clause sur la gestion et l'administration de l'activité commerciale (outils informatiques) ;

-la clause sur le respect de l'évolution du réseau ;

-la clause sur l'information du franchiseur ;

-la clause de non-concurrence applicable pendant la durée du contrat de franchise ;

-la clause sur l'obligation d'assurances ;

-la clause sur l'obligation de confidentialité et discrétion ;

-la clause de non-concurrence post-contractuelle ;

'En conséquence, débouter Monsieur [O] [N] de l'ensemble de ses demandes fondées sur L.442-6, I, 2° du code de commerce,

II. A. 2/ SUR LE REJET DE LA DEMANDE D'ANNULATION DU CONTRAT DE FRANCHISE

a/ À TITRE PRINCIPAL,

(i) Constater l'impossibilité pour Monsieur [O] [N] de solliciter l'annulation du contrat de franchise conclu avec la société Fra-Ma-Pizz sur le fondement de l'article L.442-6, I, 2° du Code de commerce,

'En conséquence, débouter Monsieur [O] [N] de sa demande d'annulation du contrat de franchise conclu avec la société Fra-Ma-Pizz sur le fondement de l'article L.442-6, I, 2° du code de commerce,

b/ À TITRE SUBSIDIAIRE,

A titre subsidiaire, si par extraordinaire la cour d'appel de céans considérait que Monsieur [O] [N] a la facultéde solliciter l'annulation du contrat de franchise conclu avec la société Fra-Ma-Pizz sur le fondement de l'article L.442-6 du code de commerce :

(i) Constater que la demande d'annulation du contrat de franchise ne saurait uniquement résulter de la nullité de clauses de ce contrat, si nombreuses soient elles, faute pour Monsieur [O] [N] de démontrer que ces clauses ont constitué la volonté impulsive et déterminante du consentement des parties à contracter,

'En conséquence, débouter Monsieur [O] [N] de sa demande d'annulation du contrat de franchise conclu avec la société Fra-Ma-Pizz,

II. A. 3/ SUR LE REJET DE LA DEMANDE DE RÉSILIATION DU CONTRAT DE FRANCHISE

(i) Constater que le contrat de franchise liant la société Peyridis à la société Fra-Ma-Pizz a cessé suite à la liquidation de la société Peyridis le 18 décembre 2013,

(ii) Constater que les griefs fondant la demande de Monsieur [O] [N] de résiliation dudit contrat de franchise conclu avec la société Fra-Ma-Pizz portent sur des faits postérieurs à la cessation dudit contrat,

(iii) Constater l'absence de manquement de la société Fra-Ma-Pizz à ses obligations contractuelles,

'En conséquence, débouter Monsieur [O] [N] de sa demande de résiliation du contrat de franchise conclu avec la société Fra-Ma-Pizz aux torts exclusifs de Fra-Ma-Pizz,

II. A. 4/ À TOUTES FINS UTILES, SUR LE REJET DES DEMANDES DE MONSIEUR [O] [N] SUR LE FONDEMENT DE L'ARTICLE L.442-6, I, 1° DU CODE DE COMMERCE (AVANTAGE SANS CONTREPARTIE)

(i) Constater l'absence d'avantage sans contrepartie au sens de l'article L.442-6, I, 1° du code de commerce,

'En conséquence, débouter Monsieur [O] [N] de l'ensemble de ses demandes fondées sur L.442-6, I, 1° du Code de commerce,

II. A. 5/ SUR LE REJET DES DEMANDES FINANCIÈRES DE MONSIEUR [O] [N]

(i) A titre préalable, dire et juger que Domino's Pizza France est totalement étrangère aux faits qui fondent les griefs formulés par Monsieur [O] [N], de sorte qu'aucune demande de condamnation « in solidum » ne peut être formulée à son encontre,

'En conséquence, rejeter la demande de condamnation in solidum à l'encontre de la société Domino's Pizza France,

En toutes hypothèses :

(ii) Constater que Monsieur [O] [N] ne justifie pas le fondement de ses demandes d'indemnisation (nullité ou résiliation),

(iii) Constater que Monsieur [O] [N] échoue dans la preuve d'une faute de Fra-Ma-Pizz, d'un préjudice et d'un lien de causalité entre la faute invoquée et le préudice allégué,

'En conséquence, rejeter l'ensemble des demandes financières formulées par Monsieur [O] [N],

II. B/ SUR LES DEMANDES RECONVENTIONNELLES DES CONCLUANTES

(i) Constater qu'en intentant la présente procédure, Monsieur [O] [N] a commis un abus manifeste du droit d'ester en justice qui doit être sanctionné,

'En conséquence, condamner Monsieur [O] [N] au paiement de la somme de 100.000 euros à la société Fra-Ma-Pizz au titre de la procédure abusive engagée à leur encontre et de la somme de 3.000 euros au titre d'ne amende civile,

II. C/ EN TOUTE HYPOTHÈSE :

(i) Rejeter l'ensemble des prétentions et demandes de Monsieur [O] [N] non rejetées par le jugement dont il est fait appel du Tribunal de commerce de Rennes 3 décembre 2019 (RG n°2016 F 00197),

(ii) Condamner Monsieur [O] [N] à verser à Fra-Ma-Pizz et DominoS Pizza France la somme de 30.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

(iii) Condamner in solidum Monsieur [O] [N] à supporter les dépens de l'instance dont distraction au profit de la SCP AFG, aux offres de droit.

L'ordonnance de clôture a été rendue le 8 novembre 2022.

La Cour renvoie à la décision entreprise et aux conclusions susvisées pour un exposé détaillé du litige et des prétentions des parties, conformément à l'article 455 du code de procédure civile.

MOTIVATION

I-Sur l'intervention volontaire de Mme [T] [G]

Aux termes de l'article 554 du code de procédure civile, les personnes qui n'ont été ni parties, ni représentées en première instance peuvent intervenir en cause d'appel dès lors qu'elles y ont intérêt.

Il ressort d'un jugement du 25 mai 2022 produit par M. [N] que ce dernier fait l'objet d'une mesure de curatelle renforcée depuis cette date, et que Madame [T] [G] mandataire judiciaire à la protection des majeurs a été désignée en qualité de curatrice avec une mission d'assistance.

L'intervention volontaire en cause d'appel de Mme [T] [G] est donc recevable.

II-Sur la qualité à défendre de la société Domino's Pizza France

Aux termes des articles 31, 32 et 122 du code de procédure civile, le droit d'agir suppose un intérêt légitime au succès ou au rejet d'une prétention, et d'avoir qualité à cette fin lorsque l'action est attitrée par la loi, à peine d'irrecevabilité.

La société Domino's Pizza France fait valoir qu'elle n'a pas qualité pour se défendre face aux demandes d'annulation ou de résiliation du contrat de franchise, et aux demandes indemnitaires subséquentes, de sorte que les prétentions formulées à son encontre sont irrecevables. A ce titre, elle soutient être totalement étrangère aux faits qui fondent les griefs allégués puisqu'elle n'a pas conçu le contrat litigieux, ni participé aux discussions qui ont précédé sa conclusion, ni apposé sa signature sur ce contrat. Elle affirme n'avoir accompli aucune des actions propres à permettre de lui imputer un rôle dans la violation de l'article L.442-6, I, 2° du code de commerce, ni avoir eu un 'rôle actif' direct ou indirect dans les manquements contractuels allégués. Elle rappelle que le principe d'autonomie des personnes morales membres d'un même groupe ne cède que s'il est démontré qu'il n'existe en réalité qu'une seule personne morale et/ou une confusion des patrimoines.

Réponse de la Cour,

Les moyens invoqués par la société Domino's Pizza France au soutien de la fin de non-recevoir qu'elle soulève ne tendent en réalité qu'à critiquer le bien-fondé des prétentions de M. [N], -à savoir si les éléments constitutifs des pratiques restrictives de concurrence au sens de l'article L.442-6 du code de commerce sont établis, et si les manquements contractuels allégués sont caractérisés à leur égard - mais sont inopérants à discuter leur droit d'agir à l'encontre de ces prétentions, c'est-à-dire leur qualité pour se défendre à son action.

Dès lors, la fin de non-recevoir tirée du défaut de qualité à défendre de la société Domino's Pizza France sera rejetée.

Le jugement sera confirmé sur ce point.

III-Sur la demande d'annulation du contrat de franchise

Les sociétés Fra-Ma-Pizz et Domino's Pizza France font grief au jugement entrepris d'avoir jugé recevables les demandes de nullité de stipulations contractuelles sur le fondement de l'article L.442-6, I, 2° du code de commerce et de nullité du contrat de franchise litigieux. Elles font valoir que seule la société Peyridis était partie audit contrat de franchise et que M. [N] qui n'en était que le gérant et unique associé n'a pas qualité à agir pour demander la nullité des clauses et du contrat de franchise.

M. [N] réplique d'une part que les préjudices dont il allègue - perte des apports, perte de rémunération, engagement de caution et préjudice moral - lui sont bien personnels et distincts de ceux de sa société, et qu'il a donc intérêt et qualité à agir pour demander l'annulation du contrat de franchise. D'autre part, il soutient que les franchisés sont parfaitement fondés à solliciter la nullité des clauses et du contrat soumis à un déséquilibre significatif en application de l'article L.442-6 du code de commerce dans sa version applicable au litige.

Réponse de la Cour,

Il ressort des dispositions de l'article L.442-6 III du code de commerce dans sa version applicable au litige que si toute personne justifiant d'un intérêt peut introduire une action sur le fondement des pratiques restrictives visées à cet article, en revanche seule la partie victime d'un déséquilibre significatif peut faire constater la nullité des clauses ou du contrat illicite (Com., 30 septembre 2020, pourvoi n° 18-11.644).

Si M. [N] justifie d'un intérêt à agir sur le fondement des dispositions de l'article L.442-6 précité au regard des préjudices personnels allégués subis au titre d'un déséquilibre significatif dans le cadre du contrat de franchise, en revanche il ne démontre ni même n'explique en quoi il a été une partie victime, personnellement ou en sa qualité de gérant, des clauses ou pratiques restrictives de concurrence invoquées, étant observé que seule la société Peyridis était partie au contrat de franchise.

Il s'ensuit que M. [N] ne démontre pas sa qualité à agir pour demander la nullité des clauses ou du contrat sur le fondement de l'article précité, et partant sa demande est irrecevable.

Le jugement sera infirmé sur ce point.

IV- Sur les demandes au titre des manquements contractuels

M.[N] soutient que les préjudices dont il allègue perte des apports, perte de rémunération, engagement de caution et préjudice moral lui sont bien personnels et distincts de ceux de sa société, contrairement à ce que prétendent les appelantes. Il en déduit qu'il a intérêt et qualité à agir pour demander la résiliation du contrat de franchise et l'indemnisation de ses préjudices.

M. [N] rappelle qu'un tiers au contrat peut subir un préjudice du fait de manquements contractuels et que celui-ci est indemnisable sur le fondement de la responsabilité délictuelle (A.P., 06 octobre 2006, pourvoi n°05-13.255 ; A.P., 13 janvier 2020, pourvoi n°17-19.963). Il soutient que la société Fra-Ma-Pizz a été défaillante dans l'exécution de ses obligations et notamment :

- n'a pas respecté ni garantie l'indépendance des franchisés dans la gestion de leurs activités,

- n'a pas assuré son obligation d'assistance,

- a été défaillante dans la transmission et l'actualisation de son savoir-faire,

- a laissé périr l'enseigne,

- a surfacturé de nombreux frais injustifiés.

Il fait valoir que l'ensemble de ces manquements engage la responsabilité de la société Fra-Ma-Pizz, et sollicite outre de voir prononcer la résiliation du contrat de franchise aux torts exclusifs du franchiseur, le paiement de dommages et intérêts en réparation des préjudices causés par ces fautes. Soutenant que la société Domino's Pizza France a contribué de façon indirecte à la réalisation du dommage, il est sollicité sa condamnation in solidum au paiement des sommes réclamées en réparation des préjudices invoqués.

Les sociétés Fra-Ma-Pizz et Domino's Pizza France répliquent pour l'essentiel que M.

[N] n'a pas intérêt ni qualité à agir pour demander la résiliation du contrat de franchise en ce qu'il n'est pas partie au contrat de franchise, et à considérer que ses demandes indemnitaires soient également fondées sur la responsabilité extracontractuelle, celui-ci ne justifie pas d' un préjudice direct, personnel et distinct de celui de sa société.

Sur le fond, la société Fra-Ma-Pizz conteste l'ensemble des manquements allégués reposant sur des griefs postérieurs à la cessation du contrat et fait valoir qu'elle a respecté ses obligations de franchiseur. La société Domino's Pizza France conteste toute faute de nature à engager sa responsabilité, les relations contractuelles s'étant achevées avant l'opération d'acquisition.

Réponse de la Cour,

La Cour constate que le contrat de franchise litigieux a été conclu entre la société Fra-Ma-Pizz et la société Peyridis le 19 août 2013. Ce contrat a pris fin quelques mois après la cessation d'activité et la mise en liquidation judiciaire de la société Peyridis le 18 décembre 2013.

M. [N], à titre personnel ou en sa qualité de gérant, n'est pas partie au contrat de franchise. Il n'est donc pas fondé à demander la résiliation du contrat pour des manquements à des obligations qui n'ont pas été contractées à son égard par la société Fra-Ma-Pizz. Le jugement sera confirmé en ce qu'il a débouté M. [N] de cette demande.

M. [N] dispose d'un intérêt légitime à demander la réparation de préjudices qu'il allègue avoir subi à la suite de manquements contractuels dans le cadre du contrat de franchise.

Cependant outre le fait que le contrat de franchise n'a duré que quelques mois courant 2013, il s'infère des explications et des pièces produites par M. [N] que l'ensemble des faits allégués pour démontrer l'existence de manquements contractuels sont tous postérieurs à l'opération d'acquisition du 25 janvier 2016, soit plus de deux ans après la cessation du contrat de franchise litigieux à la suite de la mise en liquidation judiciaire de la société Peyridis en date du 18 décembre 2013. Il s'ensuit que M. [N] n'établit pas de manquements contractuels de nature à lui causer un préjudice.

Le jugement sera confirmé en ce qu'il a débouté M. [N] de l'ensemble de ses demandes indemnitaires.

V-Sur la demande d'indemnité pour procédure abusive de la société Fra-Ma-Pizz

Le jugement entrepris sera confirmé en ce qu'il a rejeté les demandes reconventionnelles des sociétés intimées pour procédure abusive et au titre d' une amende civile, dès lors que si M. [N] s'est mépris sur l'étendue de son droit, il n'a pas fait dégénérer en abus son droit à l'exercice de son action en justice ni en première instance ni en appel.

VI-Sur les dépens et l'article 700 du code de procédure civile

Le jugement sera confirmé en ce qu'il a condamné M. [N] aux dépens de première instante et à payer à la société Fra-Ma-Pizz la somme de 5 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

M. [N], succombant en appel, sera condamné aux dépens d'appel.

M. [N] est irrecevable à formuler des demandes au titre des dépens et des frais irréptibles à l'égard de la société Pizza Center France qui n'est pas partie à l'instance.

L'équité commande au regard de la situation économique respective des parties de ne pas faire application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile en appel.

PAR CES MOTIFS

La Cour, statuant publiquement par mise à disposition au greffe, par arrêt contradioctoire.

Déclare l'intervention volontaire de Mme [T] [V], en qualité de curatrice de M. [O] [N], recevable,

Confirme le jugement sauf en ce qu'il a déclaré recevable la demande de M.[N] en annulation de clauses et du contrat franchise et débouté celui-ci de cette demande ;

Statuant à nouveau sur ce chef infirmé et y ajoutant,

Déclare M. [N] irrecevable en sa demande en annulation de clauses et du contrat franchise ;

Déclare M. [N] irrecevable en ses demandes relatives aux dépens et frais irrépétibles en appel à l'égard de la société Pizza Center France qui n'est pas partie à l'instance ;

Condamne M. [N] aux dépens d'appel ;

Dit n'y avoir lieu à l'application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ;

Rejette toute autre demande.