Cass. com., 20 février 2019, n° 16-24.580
COUR DE CASSATION
Arrêt
Cassation
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
Mme Mouillard
Avocats :
Me Haas, SCP Baraduc, Duhamel et Rameix
Sur le moyen unique pris en sa seconde branche :
Vu les articles L. 237-12 et L. 225-254 du code de commerce ;
Attendu que l'action en responsabilité contre le liquidateur amiable se prescrit par trois ans à compter du fait dommageable ou, s'il a été dissimulé, de sa révélation ; que lorsque la créance contre la société liquidée n'est établie que postérieurement à cette date, le délai de prescription de l'action engagée par le créancier contre le liquidateur amiable de cette société au titre des fautes qu'il aurait commises dans l'exercice de ses fonctions commence à courir le jour où les droits du créancier ont été reconnus par une décision de justice passée en force de chose jugée, au sens de l'article 500 du code de procédure civile ;
Attendu, selon l'arrêt attaqué, qu'après avoir démissionné de ses fonctions d'agent général d'assurances de la société Préservatrice foncière, aux droits de laquelle est venue la société AGF IART (la société AGF), la société R... D... assurances (la société PMA), ayant pour gérant M. D..., a perçu une partie de l'indemnité prévue au contrat en contrepartie d'une interdiction de rétablissement temporaire ; que soutenant que la société PMA avait poursuivi indirectement ses activités après sa démission, la société AGF a suspendu le paiement du solde de l'indemnité puis l'a assignée le 19 juillet 2004 en remboursement du montant de l'indemnité versée ; que le 18 juillet 2005, l'assemblée générale de la société PMA a décidé sa liquidation amiable et désigné M. D... en qualité de liquidateur ; qu'après qu'un jugement du 3 mai 2006 eut retenu la responsabilité pour faute de cette société envers la société AGF, l'assemblée générale de la société PMA, convoquée le 4 mai 2006 par M. D..., ès qualités, a décidé de distribuer des dividendes ; que, par un arrêt du 12 janvier 2009, devenu irrévocable, la société PMA a été condamnée à restituer à la société AGF une partie de l'indemnité compensatrice qu'elle avait perçue ; que la société PMA ayant été mise en liquidation judiciaire le 5 octobre 2011, la société Allianz, venant aux droits de la société AGF, a déclaré sa créance ; que soutenant que M. D... avait commis, en sa qualité de liquidateur amiable, diverses fautes à l'origine du non-paiement de sa créance par la société PMA, la société Allianz l'a assigné, le 30 août 2012, en réparation de son préjudice ; que M. D... a opposé la fin de non-recevoir tirée de la prescription triennale applicable à l'action en responsabilité du liquidateur amiable ;
Attendu que pour déclarer non prescrite l'action de la société Allianz et condamner M. D... à lui payer une certaine somme à titre de dommages-intérêts, l'arrêt énonce qu'en application des articles L. 237-12 et L. 225-254 du code de commerce, le délai de prescription de l'action en responsabilité dirigée contre le liquidateur amiable est de trois ans à compter du fait dommageable ou, s'il a été dissimulé, de sa révélation ; qu'il retient que le délai de prescription ne peut toutefois courir qu'à compter du jour où les droits de la victime du fait dommageable imputé à ce liquidateur ont été définitivement reconnus par une décision de justice ; que relevant que l'action en responsabilité introduite par la société Allianz avait donné lieu à un jugement puis à un arrêt de la cour d'appel le 12 janvier 2009 et, à titre d'épilogue, au rejet, le 1er juillet 2010, du pourvoi contre cet arrêt, il en déduit que l'action introduite, le 30 août 2012, par la société Allianz n'est pas prescrite ;
Qu'en statuant ainsi, alors que, dans l'hypothèse où la prescription ne court que du jour où les droits de la victime du fait dommageable imputé au liquidateur ont été reconnus par une décision de justice, le point de départ de la prescription est le jour où ces droits ont été reconnus par une décision passée en force de chose jugée, au sens de l'article 500 du code de procédure civile, la cour d'appel a violé les textes susvisés ;
PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu d'examiner le premier grief :
CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 8 juillet 2016, entre les parties, par la cour d'appel de Paris ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Paris, autrement composée.