ARCEP, 3 novembre 2015, n° 2015-1265-RDPI
ARCEP
se prononçant sur une demande de règlement de différend opposant, d’une part, la société Free Mobile et, d’autre part, la société SFR
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
M. Soriano
Membre :
Mme Benhamou, Mme Denis, M. Stern
L’Autorité de régulation des communications électroniques et des postes (ci-après « l’Autorité »),
Vu la directive 2002/21/CE du Parlement européen et du Conseil du 7 mars 2002 modifiée relative à un cadre réglementaire commun pour les réseaux et services de communications électroniques (directive « cadre ») ;
Vu la directive 2002/19/CE du Parlement européen et du Conseil en date du 7 mars 2002 modifiée relative à l’accès aux réseaux de communications électroniques et aux ressources associées, ainsi qu’à leur interconnexion (directive « accès ») ;
Vu le code des postes et des communications électroniques (ci-après « CPCE »), notamment ses articles L. 32, L. 32-1, L. 36-8 et D. 98-6-1 ;
Vu l’arrêté du 18 juillet 2001 autorisant la Société française du radiotéléphone (SFR) à établir et exploiter un réseau radioélectrique de troisième génération ouvert au public et à fournir le service téléphonique au public ;
Vu la décision n° 2014-0471 de l’Autorité en date du 15 avril 2014 portant adoption du règlement intérieur ;
Vu l’avis relatif aux modalités et conditions d’attribution des autorisations pour l’introduction en France métropolitaine des systèmes mobiles de troisième génération, publié le 29 décembre 2001 au Journal officiel ;
Vu la demande de règlement de différend, enregistrée à l’Autorité le 11 mai 2015, présentée par la société Free Mobile, société par actions simplifiée, immatriculée au registre du commerce et des sociétés de Paris sous le numéro 499 247 138, dont le siège social se situe au 16 rue de la Ville l’Evêque, 75008 Paris, représentée par son directeur règlementaire ;
La société Free Mobile (ci-après Free Mobile) demande à l’Autorité d’enjoindre à la société SFR (ci- après SFR) :
« 1. de reprendre sous quinze jours la production des commandes en cours d’exécution, et de livrer les APD, devis travaux et mises à disposition de sites avec un rythme et une qualité similaire à ceux que nous connaissions sur les six derniers mois de 2014 ;
2. de transmettre sous un mois à Free Mobile un avenant au contrat actuel, à tarifs inchangés, et :
a. définissant un calendrier engageant de production pour les […] sites commandés en 2013 et les […]sites commandés en septembre 2014, avec un rythme de production des livrables intermédiaires et des sites qui ne soit pas inférieur au rythme constaté au deuxième semestre 2014 (sous réserve que le taux d’abandon de commandes du fait de Free Mobile ne soit pas significativement différent, toutes choses égales par ailleurs, à celui de 2014)
b. par lequel SFR s’engage à poursuivre l’exécution du contrat dans le futur dans la continuité de 2014 : stabilité du taux d’échec des sites du fait de SFR, stabilité des hauteurs HBA proposées par SFR à Free Mobile (pour des configurations de site similaires), stabilité du contenu des livrables (études et travaux), stabilité du montant des devis travaux (pour des travaux similaires), respect des délais contractuels, notamment pour les études et travaux, dispositif de pilotage et de reporting inchangé.
3. de transmettre sous un mois à Free Mobile un deuxième avenant au contrat, acceptant formellement les […]sites commandés en novembre 2014, s’engageant à les produire dans les mêmes conditions opérationnelles (rythme, taux d’échec, hauteurs, montant des travaux, livrables) que les sites déjà commandés, et aux conditions tarifaires modificatives proposées par Free Mobile, en réponse à la demande de SFR, qui sont :
‐ Visites Techniques […]
‐ APD et devis travaux : […]
‐ Mise à jour VT et APD : […];
‐ Peines et soins sur travaux : […]% avec un minimum de […] et un maximum de […] par site
‐ Loyers : grille définie au contrat minorée de […]% ».
Sur la compétence de l’Autorité et la recevabilité des demandes, Free Mobile soutient, d’une part, que l’Autorité est compétente pour connaître du différend et, d’autre part, que le différend est formalisé pour chacune de ses demandes.
Sur le fond, Free Mobile soutient que ses demandes sont justifiées, dans la mesure où l’accès aux pylônes des autres opérateurs de réseaux mobiles est indispensable pour son propre déploiement, compte tenu notamment de ses obligations de couverture et en particulier du jalon correspondant à une couverture de 90% de la population fixé à janvier 2018. A cet égard, Free Mobile fait valoir que SFR détient près de 25% du nombre total de pylônes en France métropolitaine, que le contrat Tango, conclu avec SFR en 2013 a eu un impact important sur son déploiement par la mise à disposition à son profit de sites de SFR, et que son ralentissement fin 2014 compromet ses objectifs de déploiement.
Elle soutient, en outre, que le rythme d’implantation de ses équipements sur les pylônes de SFR doit être maintenu dans le cadre de l’exécution du contrat Tango. Elle rappelle à cet égard les obligations pesant sur SFR en vertu de l’arrêté du 18 juillet 2001 l’autorisant à établir et à exploiter un réseau 3G et de l’article D. 98-6-1 du CPCE, à savoir, d’une part, l’« obligation générale de partage des sites à la charge des opérateurs » et, d’autre part, « l’obligation particulière d’accès sur les sites 2G réutilisés pour le déploiement de la 3G à la charge de SFR » vis-à-vis de Free Mobile.
Free Mobile soutient que ses demandes sont raisonnables :
- tout d’abord, au regard de l’obligation particulière imposée à SFR de l’accueillir sur ses pylônes, telle que rappelée ci-avant ;
- ensuite, au regard des pratiques du marché, le niveau de production demandé à SFR étant « moitié moindre » que celui d’une tower company dont c’est l’activité principale ;
- en outre, au regard du rythme de production dans le cadre du contrat Tango, tel qu’il a été constaté au deuxième semestre 2014.
Dès lors, Free Mobile considère que, puisque le rachat de SFR par Numericable n’a modifié ni l’obligation d’accès à la charge de SFR, ni le Contrat Tango, ni les conditions d’accès aux sites SFR, sa demande de maintien du rythme de livraison de l’accès aux sites selon l’objectif initial de […] sites par an fixé par SFR est légitime et justifiée.
Free Mobile souligne, par ailleurs, que l’équilibre économique du contrat est « extrêmement favorable et rémunérateur pour SFR » et ajoute, enfin, que SFR ne peut mettre en avant l’existence de contraintes opérationnelles propres pour remettre en cause l’exécution du contrat Tango.
Vu les courriers en date du 13 mai 2015, par lesquels le chef d’unité de la direction des affaires juridiques de l’Autorité a transmis aux parties le calendrier prévisionnel de dépôt des mémoires et a désigné les rapporteurs ;
Vu les observations en défense enregistrées à l’Autorité le 12 juin 2015, présentées par la société SFR, société anonyme, immatriculée au registre du commerce et des sociétés de Paris sous le numéro 343 059 564, dont le siège social se situe 1 square Béla Bartók, 75015 Paris, représentée par son directeur général ;
SFR demande à l’Autorité, « pour l’ensemble des motifs [qu’elle détaille], de se déclarer incompétente pour connaître du litige ; déclarer la demande irrecevable dans son ensemble ; à défaut, la rejeter au fond ».
Sur la compétence de l’Autorité, SFR soutient que l’Autorité ne peut être saisie qu’en cas de refus d’accès et que le contrat Tango ne relève pas de « l’accès » au sens réglementaire du terme dès lors que les prestations qui en résultent sont des prestations commerciales similaires à celle d’une Tower Company. SFR soutient que le contrat Tango conclu entre SFR et Free Mobile « n’est pas un substitut du Protocole du 30 novembre 2010 » signé entre les parties. Elle fait valoir que c’est en effet par le Protocole de 2010, sur la base duquel Free Mobile peut, à tout moment, formuler des demandes de partage sur l’ensemble des pylônes, que SFR répond à ses obligations réglementaires.
SFR soutient par ailleurs que les demandes de Free Mobile sont irrecevables. Dès lors qu’elle a fait droit, dans le cadre du Protocole de 2010, aux demandes de Free Mobile, aucun refus, échec ou désaccord ne peut être constaté selon SFR. Par ailleurs, elle reproche à Free Mobile de ne pas avoir respecté son obligation contractuelle de conciliation préalable.
Sur le fond, SFR soutient, tout d’abord, que Free Mobile ne démontre pas le caractère indispensable de ses demandes. SFR affirme en particulier que Free Mobile n’apporte pas le moindre commencement de preuve d’une quelconque impossibilité de solliciter les autres offreurs de sites pylônes pour démontrer qu’il lui est indispensable de bénéficier des pylônes de SFR. SFR soutient également que Free Mobile peut, à tout moment, formuler des demandes de partage sur l’ensemble des pylônes SFR, dans le cadre du Protocole du 30 novembre 2010.
SFR soutient, ensuite, que les demandes de Free Mobile ne sont pas raisonnables. Selon SFR, la demande tendant à la poursuite de l’exécution du contrat Tango est sans objet puisque le contrat est en cours. S’agissant de la demande de Free Mobile tendant à imposer un rythme annuel de production de […]sites pylônes, SFR considère qu’elle n’est pas raisonnable, dans la mesure où les parties ont volontairement contracté sans rythme de production contraignant. En outre, selon elle, le rythme de production dépend de paramètres que SFR ne peut anticiper, qui sont indépendants de sa volonté. Ainsi SFR souligne « [qu’elle] peut bien fournir ses meilleurs efforts quant au rythme de production, elle n’en reste pas moins dépendante du bon vouloir de Free Mobile », notamment eu égard au nombre de sites pylônes abandonnés par cette dernière.
SFR rappelle que la seule clause qui prévoit un rythme de production relève d’une clause contractuelle à laquelle est associée une prime de déploiement. Selon SFR, il ne s’agit donc pas d’une obligation contractuelle, mais d’une incitation assortie d’une rémunération si l’objectif fixé est atteint. Ainsi selon SFR, elle était parfaitement libre de renoncer à cette prime ou de déployer tous les moyens utiles pour en obtenir le versement.
En ce qui concerne la commande de novembre 2014 relative à […] sites supplémentaires, SFR soutient qu’elle a accepté de traiter cette commande dans le cadre du protocole de 2010 mais qu’elle se trouve dans l’impossibilité technique d’exécuter cette prestation dans le cadre du contrat Tango. A titre subsidiaire, si l’Autorité devait faire droit à la demande de Free Mobile, SFR demande à ce qu’elle rejette la demande de modification tarifaire de Free Mobile pour cette commande.
Vu la décision n°2015-0739-RDPI en date du 17 juin 2015 par laquelle l’Autorité a décidé de proroger le délai dans lequel la formation de règlement des différends, de poursuite et d’instruction doit se prononcer sur le différend ;
Vu les courriers en date du 01 juillet 2015 par lesquels le chef d’unité de la direction des affaires juridiques a transmis un questionnaire aux parties ;
Vu les observations en réplique présentées par Free Mobile et enregistrées à l’Autorité le 3 juillet 2015, par lesquelles elle persiste dans ses conclusions et moyens ;
Sur la compétence et la recevabilité, Free Mobile indique que le contrat Tango est bien un contrat d’accès, et que sa demande est recevable dès lors qu’elle a invité SFR à discuter des conditions de reprise du contrat Tango, de la production de l’ensemble des sites selon le rythme constaté au second semestre 2014, de l’acceptation de la commande de novembre 2014 et de la sécurisation des conditions de production de l’ensemble des sites.
Selon Free Mobile, il est indiscutable que les parties n’ont pu s’entendre sur la révision du contrat Tango, et il qu’il y a, dès lors, bien eu échec des discussions, permettant de saisir l’Autorité en règlement de différend. Pour Free mobile, l’existence du protocole de 2010 n’empêche pas de constater un échec des négociations sur le contrat Tango. Elle ajoute que sa demande ne relève pas du périmètre de la procédure de conciliation prévue par le contrat Tango.
Sur le fond, Free Mobile soutient que le respect de l’obligation d’accès concerne l’ensemble des sites 2G réutilisés par SFR pour faire de la 3G. Elle ajoute que l’appréciation de l’effectivité de l’obligation relève de l’Autorité qui doit vérifier, in concreto, si SFR permet bien à Free Mobile d’accéder à ses pylônes. Or, selon Free Mobile, pour garantir un accès effectif aux sites de SFR, il convient de modifier le contrat Tango pour prévoir une obligation de rythme de production. S’agissant du Protocole de 2010, Free Mobile soutient qu’il est inadapté pour permettre un accès en masse aux sites de SFR et qu’il impose à Free Mobile de réaliser les prestations connexes d’ingénierie alors même que Free Mobile ne dispose d’aucun élément ou information sur la construction du pylône, ses fondations, ses contraintes. En revanche, le contrat Tango est un contrat adapté à l’accès en masse aux sites de SFR.
Free Mobile ajoute que le rythme de production qu’elle demande est raisonnable et cohérent avec ce que SFR a elle-même proposé à la signature du contrat Tango, puis de nouveau à l’automne 2014. Free Mobile fait valoir que la mise en avant d’autres projets prioritaires par SFR, et notamment sa propre obligation de déploiement, ne justifie pas un refus d’accès à ses pylônes. Enfin, Free Mobile soutient que SFR est en capacité de s’engager sur un rythme de production, le contrat étant très largement rémunérateur pour SFR. Selon Free Mobile, l’équilibre économique de Tango repose principalement sur les loyers annuels qui seront versés par Free Mobile, tandis que les abandons de sites par Free Mobile sont compensés par les commandes de sites supplémentaires. En outre, elle ajoute que SFR peut facilement anticiper la production, la majorité des abandons de sites par Free Mobile ayant lieu tôt dans le processus de production.
Au soutien de ses demandes, Free Mobile présente le fonctionnement et le rythme de production des sites pylônes dans le cadre du contrat Tango par la production d’une analyse temporelle des flux de production. Elle souligne notamment que le projet, alors qu’il était entré dans une phase industrielle pour les études d’avant-projet détaillé et les devis au second semestre 2014, a connu un coup d’arrêt au premier trimestre 2015.
Vu les réponses au questionnaire des sociétés Free Mobile et SFR, enregistrées à l’Autorité le 20 juillet 2015 ;
Vu les deuxièmes observations en défense, présentées par SFR et enregistrées à l’Autorité le 27 juillet 2015, par lesquelles elle persiste dans ses conclusions et moyens ;
Sur le fond, SFR soutient qu’en droit comme en équité, les demandes de Free Mobile ne sont ni justifiées ni raisonnables. Elle ajoute qu’elle n’est pas un acteur essentiel de la fourniture de points hauts en France et rappelle qu’elle respecte pleinement ses obligations règlementaires, dans le cadre du protocole de 2010, ce dernier étant adapté aux demandes de Free Mobile. Quant à l’exécution du contrat Tango, SFR souligne qu’elle se poursuit selon un rythme normal et raisonnable.
Par ailleurs, SFR soutient que Free Mobile fait une présentation tronquée et mensongère de l’exécution du contrat Tango dès lors, d’une part, que les primes de déploiement étaient un élément structurant de l’exécution du contrat Tango et, d’autre part, que le taux d’abandons de sites pylônes par Free Mobile n’a cessé d’augmenter.
En outre, SFR souligne que Free Mobile s’est montrée incapable de respecter les délais contractuels de validation des éléments qu’elle lui transmettait. Au soutien de son analyse, SFR fournit des éléments chiffrés.
Vu les courriers en date du 5 août 2015 par lesquels le chef d’unité de la direction des affaires juridiques a transmis un second questionnaire aux parties ;
Vu les réponses au second questionnaire des sociétés Free Mobile et SFR, enregistrées à l’Autorité le 7 septembre 2015 ;
Vu les courriers en date du 7 septembre 2015, par lesquels les sociétés Free Mobile et SFR ont été invitées à participer à une audience devant la formation de règlement des différends, de poursuite et d’instruction de l’Autorité le 7 octobre 2015, et informées que la clôture d’instruction de la présente affaire était fixée au 24 septembre 2015 ;
Vu les troisièmes observations en défense de SFR, enregistrées par l’Autorité le 24 septembre 2015, par lesquelles elle persiste dans ses conclusions et moyens ;
Sur le fond, SFR souligne qu’elle n’a pas à combler les retards de couverture dont Free Mobile est seule responsable alors qu’elle a accès et a toujours eu accès à la quasi-totalité des pylônes de SFR dans le cadre du Protocole de 2010, et à près de la moitié des pylônes de SFR dans le cadre du contrat Tango en cours d’exécution.
SFR rappelle, en outre, qu’elle n’a aucune obligation de réaliser l’ensemble des démarches permettant à Free Mobile d’installer ses équipements sur ses pylônes. Pour SFR, lui imposer, dans le cadre du contrat Tango et donc dans le cadre de prestations « clefs en main », un rythme de livraison de […] sites annuels, ainsi que le traitement de la commande de novembre 2014, suivie d’une éventuelle commande de […] sites en 2016, serait déraisonnable et injustifié.
Enfin, SFR souligne qu’au regard du taux d’abandon de sites par Free Mobile et des délais décisionnels de cette dernière, il était impossible pour SFR de maintenir des pylônes en attente ou de réserver des emplacements en vue d’une hypothétique décision d’implantation. SFR affirme qu’elle n’a « jamais opéré une quelconque priorité pour ses projets internes mais, sans commande ferme de Free Mobile, a poursuivi ses propres travaux ce qui a conduit à un certain nombre de mises en attente pour certains pylônes ».
Vu les autres pièces du dossier ;
Après avoir entendu le mercredi 7 octobre 2015, lors de l'audience devant la formation de règlement des différends, de poursuite et d’instruction de l’Autorité, composée de M. Sébastien Soriano, président, Mmes Françoise Benhamou et Marie-Laure Denis et M. et Jacques Stern, membres de l’Autorité, et en la présence de M. Benoît Loutrel, directeur général de l’Autorité, M. Minghua Michel Rao et Mme Agate Rossetti, rapporteurs, de M. Maxime Forest, M. Maxence Laumonier, Mme Gaëlle Nguyen, M. Julien Renard, M. Rémi Stefanini, Mme Elisabeth Suel et M. Aurélien Vicenzutti, agents de l’Autorité, et des représentants de la société Free Mobile et de la société SFR :
‐ le rapport de Mme Agate Rossetti, présentant les conclusions et les moyens des parties ;
‐ les observations des représentants de la société Free Mobile ;
‐ les observations des représentants de la société SFR ;
Sur la publicité de l’audience
L'article 14 du règlement intérieur susvisé prévoit que « l'audience est publique, sauf demande conjointe de toutes les parties. Si cette demande n'est pas conjointe, la formation de règlement des différends, de poursuite et d’instruction de l'Autorité en délibère ».
La société SFR a demandé, par courrier électronique du 1er octobre 2015, à ce que l’audience ne soit pas publique. Par courrier électronique du même jour, la société Free Mobile a indiqué ne pas s’opposer à la publicité de l’audience. Lors de l’audience, la société Free Mobile a accepté que l’audience ne soit pas publique. En conséquence, cette dernière s’est tenue à huis clos.
La formation de règlement des différends, de poursuite et d’instruction de l’Autorité (composée de M. Sébastien Soriano, président, Mme Françoise Benhamou, Mme Marie-Laure Denis et M. Jacques Stern, membres de l’Autorité), en ayant délibéré le 3 novembre 2015 en la seule présence de ses membres, adopte la présente décision.
1 Contexte
1.1 Présentation des parties
Le marché mobile métropolitain compte quatre opérateurs de réseau mobile, également présents sur le marché fixe : Orange, SFR, Bouygues Telecom et Free Mobile. Orange, SFR et Bouygues Telecom ont débuté leur activité mobile dans les années 1990. Free Mobile a débuté ses activités commerciales sur le marché mobile au début de l’année 2012, après avoir été autorisé, par décision de l’ARCEP n° 2010-0043 du 12 janvier 2010 à établir et exploiter un réseau mobile de troisième génération (3G) ouvert au public. Tous les quatre commercialisent, à ce jour, des services 2G, 3G et 4G. Le marché compte également quelques dizaines d’opérateurs virtuels (« MVNO »), qui s’appuient chacun sur le réseau d’un ou plusieurs opérateurs de réseau mobile pour fournir des services mobiles sur le marché de détail.
La société Free Mobile est une filiale du groupe Iliad. Au 31 mars 2015, elle compte 10,5 millions d’abonnés mobiles. La société Free, également filiale du groupe Iliad, est un opérateur de gros et de détail présent sur les marchés du haut et du très haut débit fixe. Au 31 mars 2015, la société Free comptait 5,9 millions d’abonnés haut et très haut débit fixe, dont plus de 700 000 abonnés au très haut débit1.
La société SFR est une filiale du groupe Numericable-SFR. La société SFR est un opérateur de gros et de détail, présent sur les marchés mobiles et du haut et du très haut débit fixe. Au 31 mars 2015, la société SFR disposait d’un parc de clients mobiles de 22,5 millions de clients dont 12,9 millions de clients mobiles forfait résidentiels, ainsi que d’un parc d’abonnés fixes de 6,5 millions de clients, dont 1,6 millions abonnés au très haut débit2.
1.2 Les déploiements
Les quatre opérateurs de réseaux mobiles investissent dans leurs réseaux de manière continue pour accompagner la demande des utilisateurs et participer activement au jeu concurrentiel. SFR, Orange et Bouygues Telecom ont commencé à déployer leur réseau 2G dans les années 1990, puis leur réseau 3G dans les années 2000 et, enfin, leur réseau 4G à compter des années 2010. Si l’on peut considérer que ces opérateurs, dits « historiques », ont achevé l’essentiel de leurs déploiements 2G et 3G affichant une couverture de la population de plus de 99% et 97%3 respectivement dans ces deux technologies4, ils continuent néanmoins de déployer activement leur réseau 4G.
En tant que dernier entrant, et ne disposant pas de fréquences 2G, Free Mobile doit, afin de participer au jeu concurrentiel face aux opérateurs historiques, déployer ses réseaux 3G/4G à un rythme soutenu, et doit notamment respecter les obligations de déploiement définies par ses autorisations d’utilisation des fréquences, contrôlées par l’ARCEP. Concernant la 3G, l’opérateur est tenu, en vertu de ses obligations de déploiement, de couvrir par son réseau propre :
- 27% de la population métropolitaine au 12 janvier 2012 (cette échéance a été respectée) ;
- 75% de la population métropolitaine au 12 janvier 2015 (cette échéance a été respectée) ;
- 90% de la population métropolitaine au 12 janvier 2018.
Le déploiement des réseaux mobiles de Free Mobile consiste pour la majeure partie, à l’installation d’antennes sur des « points hauts », aussi appelés « sites » : des pylônes, des toits d’immeubles, des châteaux d’eau etc. A la fin de l’année 2014, Free Mobile disposait d’un réseau de 4 745 sites (saisine p. 21), contre environ 21 600 pour Orange, 17 500 pour SFR et 14 400 pour Bouygues Telecom (source : ARCEP). En vue d’atteindre la prochaine échéance fixée à janvier 2018 dans son autorisation 3G et réduire l’écart vis-à-vis des opérateurs historiques, Free Mobile doit poursuivre ses déploiements. A long terme, l’opérateur indique envisager un réseau cible de […] sites (saisine p. 22).
Les sites sont un élément essentiel du réseau mobile des opérateurs, et ils peuvent être de plusieurs types, comme détaillé ci-après.
1.3 Les sites des opérateurs mobiles
Pour fournir leurs services, les opérateurs de réseaux déploient des sites qui assurent la couverture du territoire.
Sur les sites (aussi appelés « sites radioélectriques ») sont installées des stations de bases (qui comportent des éléments actifs permettant de générer les ondes radioélectriques), qui sont elles-mêmes reliées aux antennes. Ces antennes sont fixées sur des infrastructures passives (ou supports), qui sont établies sur un terrain au sol ou une surface en hauteur, le tout constituant un site.
Le territoire métropolitain compte environ 40 000 sites (étant précisé qu’un même site peut accueillir plusieurs opérateurs). Il existe une grande diversité de sites : les principaux types sont les toits-terrasses (où les supports sont fi és sur les toits ou structures faîtières de bâtiments), les pylônes (où le support est directement le pylône fixé au sol), et les châteaux d’eau (où les supports sont fixés sur le château d’eau).
Différents vendeurs proposent des sites, parmi lesquels on trouve principalement :
- les TowerCo, spécialisées dans l’accueil d’équipements radioélectriques sur pylônes, à l’instar de TDF ou FPS Towers ;
- les opérateurs de réseau mobile eux-mêmes, qui construisent des pylônes pour leurs besoins, et peuvent être amenés à les partager avec d’autres opérateurs de réseau ;
- des syndicats des eaux, pour les emplacements sur châteaux d’eau ;
- des particuliers ou des sociétés immobilières, notamment pour les toits-terrasses ;
- les collectivités territoriales et leurs groupements, notamment dans le cadre du « programme de résorption des zones blanches», par lequel elles mettent à disposition des opérateurs des sites pour améliorer la couverture5.
Les opérateurs peuvent donc déployer leurs équipements sur des pylônes ou sur d’autres types de supports (toits-terrasses, châteaux d’eau, etc.), et, parmi les pylônes, soit sur des pylônes d’opérateurs soit sur des pylônes appartenant à d’autres acteurs (TowerCo, acteurs tiers, etc.). A ce jour, les réseaux des opérateurs mobiles, y compris Free Mobile, comportent une proportion sensiblement équivalente de pylônes dans leur parc de sites mobiles, comprise entre 53% et 57% des sites.
Ces pylônes peuvent, pour l’essentiel, se répartir en trois grandes catégories :
- les pylônes d’opérateurs
o Les pylônes utilisés par les opérateurs historiques sont dans la majorité des cas (entre 54% et 63%) leur propriété, et ils ont été construits au fur et à mesure de leurs déploiements depuis leur entrée sur le marché mobile, hormis pour Bouygues Telecom, qui a cédé une grande partie de son parc de pylônes à TDF en 2002 et à FPS en 2012. En revanche, Free Mobile n’est propriétaire que de moins de 10% des pylônes accueillant ses sites mobiles.
o Les pylônes des opérateurs peuvent aussi être partagés, et un opérateur propriétaire peut ainsi proposer un emplacement sur son pylône à un opérateur accueilli, pour qu’il puisse installer ses équipements. Dans ce cas, l’opérateur accueilli s’acquitte d’un loyer ou d’une redevance à l’opérateur accueillant. Cette configuration représente actuellement 10% à 15% du parc de pylônes des opérateurs, tous opérateurs confondus.
- les pylônes de TowerCo
Les TowerCo fournissent une grande partie des emplacements sur pylônes restants, soit 15 à 20% du parc de sites pylônes de SFR et Orange. Concernant Free Mobile, moins souvent installé sur des pylônes d’opérateurs (les siens ou ceux des autres opérateurs), les sites pylônes des TowerCo représentent 75% de ses sites pylônes.
- les acteurs tiers
Enfin, comme mentionné plus haut, le reste des pylônes proviennent d’acteurs tiers, qui représentent une faible proportion (moins de 10%) des emplacements sur pylônes des opérateurs.
Free Mobile, dans l’objectif de déploiement de son réseau cible de […] sites, indique vouloir poursuivre son déploiement sur des sites pylônes appartenant à ses concurrents et, in fine, que la part de ses équipements sur des pylônes d’opérateurs de réseau mobile (que ce soit sur les siens propres ou sur ceux d’un autre opérateur) soit comparable à celle des autres opérateurs. En particulier, l’opérateur indique que « le nombre de sites restants à construire sur des sites de tower company est relativement faible »6, et qu’il a donc besoin d’accéder à des pylônes détenus par d’autres opérateurs.
1.4 Les contrats d’accès aux sites
Le partage de sites (ie le partage d’infrastructures passives) participe du déploiement des réseaux mobiles et est encouragé par le cadre réglementaire (voir infra, partie 3.1). A l’heure actuelle, 31% des sites (hors sites du programme de résorption des zones blanches)7 sont partagés et accueillent plusieurs opérateurs de réseaux mobiles.
Les opérateurs ont établi entre eux des contrats encadrant le partage de sites. Les développements ci- dessous se concentrent sur les contrats entre SFR et Free Mobile, qui ont signé deux contrats, afin de permettre à Free Mobile d’installer ses équipements sur les sites pylônes de SFR.
1.4.1 Le Protocole de 2010
Le contrat « Protocole d’accord » (ci-après « Protocole de 2010 »), signé entre les parties le 30 novembre 2010 est un contrat cadre de partage de sites qui vise une mise à disposition réciproque d’emplacements sur les sites pylônes existants ou en cours de création, par l’une ou l’autre des parties. Comme l’indique le contrat en son préambule, « pour les besoins respectifs de l’exploitation de leurs services, les opérateurs ont et doivent procéder à l’installation de stations radioélectriques sur des sites équipés de pylônes. Les Parties ont trouvé un intérêt à se rapprocher pour fixer par le présent protocole les conditions et les modalités de mise à disposition d’emplacements sur les stations de télécommunication existantes ou en cours de création de l’un ou l’autre des opérateurs ». Ainsi, le Protocole de 2010 permet aussi bien à Free Mobile de colocaliser ses équipements sur les sites pylônes de SFR que l’inverse.
Dans le cadre de ce Protocole de 2010, l’opérateur accueilli (SFR ou Free Mobile) peut formuler une demande de partage de site pylône à l’opérateur accueillant qui fournit à l’opérateur demandeur une réponse de principe sur la faisabilité de l’occupation du site concerné. Les demandes de l’opérateur accueilli se font site par site, sans coordination nationale.
Les parties ont indiqué, dans le cadre de l’instruction, qu’il revient ensuite à l’opérateur accueilli d’engager toutes les démarches préparatoires nécessaires à l’implantation de ses équipements. En cas de travaux d’aménagement du pylône, c’est l’opérateur accueilli qui contacte les prestataires dont les coordonnées sont fournies par l’opérateur accueillant. L’opérateur accueilli est également chargé de l’éventuelle négociation avec le bailleur du terrain sur lequel se trouve le site avant de pouvoir installer ses équipements au sol, comme la station de base.
Le Protocole de 2010 a donné lieu à « […] baux de cohabitation » de Free Mobile sur les sites SFR8 en cinq ans d’existence.
1.4.2 Le contrat Tango
Le contrat d’hébergement sur site pylône pour station mobile signé entre les parties le 8 novembre 2013 (ci-après « contrat Tango ») est un contrat de partage de sites pylônes asymétrique dans lequel SFR fournit une prestation à Free Mobile lui permettant d’accéder à un grand nombre de sites.
Le contrat Tango vient ainsi « définir les termes et conditions selon lesquels SFR fournit à FREE MOBILE le Service Hébergement qui lui est nécessaire à l’exploitation de son réseau radioélectrique et en vertu duquel SFR fournit un accès à FREE MOBILE à ses Sites afin que cette dernière puisse y installer ses propres équipements »9 (article 3 « Objet » du contrat Tango).
Dans ce cadre contractuel, Free Mobile émet une expression de besoin pour un nombre important de sites simultanément (par exemple plusieurs centaines) au sein d’une liste fournie par SFR, et l’exécution du projet est suivie et coordonnée au niveau national par le biais de réunions hebdomadaires entre les parties.
Pour les commandes acceptées par SFR, cette dernière prend en charge, contre rémunération, la réalisation des études techniques ainsi que la maîtrise d’œuvre des travaux, par le biais de ses sous- traitants. SFR, lorsqu’elle n’est pas propriétaire du terrain, assure également les éventuelles renégociations de baux et entreprend les démarches pour l’obtention des éventuelles autorisations permettant l’installation des équipements au sol de Free Mobile.
Le contrat Tango porte sur une commande initiale de […] sites pylônes, augmentée de […] sites pylônes dès la signature du contrat (commande appelée par les parties et ci-après « Tango 1 »), puis de […] sites pylônes en septembre 2014 (commande appelée par les parties et ci-après « Tango 2 »). Une commande de […] sites pylônes en novembre 2014 (appelée par les parties et ci-après « Tango 3 »), fait également l’objet du présent différend.
Le contrat Tango est exécuté depuis novembre 2013, avec un début des livraisons de sites pylônes par SFR en juin 2014, et a donné lieu, à la date du 25 septembre 2015, à la livraison de […] sites pylônes10, dont […] à la fin 2014.
2 Sur la compétence de l’Autorité et la recevabilité des demandes
2.1 Sur la compétence de l’Autorité
Free Mobile a saisi la formation RDPI de l’Autorité de demandes relatives au contrat Tango et portant sur :
- la reprise de la production des commandes Tango 1 et 2 avec un rythme et une qualité similaire à ceux constatés au second semestre de 2014,
- la transmission d’un avenant (1) définissant un calendrier engageant de production des sites relevant des commandes Tango 1 et 2, qui ne soit pas inférieur au rythme de production constaté au second semestre de 2014, (2) par lequel SFR s’engage à assurer une stabilité des conditions de production des sites et (3) sans modifications tarifaires,
- la transmission d’un avenant acceptant la commande Tango 3, dans les mêmes conditions de production des sites et selon le même rythme que celui constaté au second semestre 2014, et aux conditions tarifaires demandées par Free Mobile.
SFR soutient que les demandes de Free Mobile, qui portent sur le contrat Tango, sont « irrecevables » dans leur ensemble, dès lors que « [c]e contrat commercial ad hoc n’a pas été conclu afin de permettre à Free Mobile de fournir des services de communications électroniques au sens de
« l’accès » prévu par le CPCE, mais afin de lui permettre de s’épargner des contraintes propres à chaque opérateur de réseaux qui souhaiterait installer des équipements radioélectrique sur un pylône »11.
SFR fait valoir que le Protocole signé entre les parties en novembre 2010, et toujours en vigueur, permet en revanche à Free Mobile de demander un accès, au sens des dispositions réglementaires applicables, à l’ensemble des sites ou pylônes utilisés par SFR pour y installer ses équipements en vue de fournir des services de communications électroniques. A cet égard, SFR souligne qu’elle a accepté de traiter la commande Tango 3 de […] sites pylônes dans le cadre du Protocole de 2010 et qu’elle n’a, dès lors, pas refusé l’accès à ses sites à Free Mobile.
Sur le fondement des dispositions du I de l’article L. 36-8 du CPCE, l’Autorité peut être saisie pour se prononcer sur un différend « en cas de refus d’accès ou d’interconnexion, d’échec des négociations commerciales ou de désaccord sur la conclusion ou l’exécution d’une convention d’interconnexion ou d’accès à un réseau de communications électroniques (…). Sa décision est motivée et précise les conditions équitables, d’ordre technique et financier, dans lesquelles l’interconnexion ou l’accès doivent être assurés ».
L’accès est défini au 8° de l’article L. 32 du CPCE comme « toute mise à disposition de moyens, matériels ou logiciels, ou de services, en vue de permettre au bénéficiaire de fournir des services de communications électroniques (…) ». Le 2° du même article définit le réseau de communications électroniques comme « toute installation ou tout ensemble d’installations de transport ou de diffusion ainsi que, le cas échéant, les autres moyens assurant l’acheminement de communications électroniques (…) » et le 19° définit les ressources associées comme « les infrastructures physiques et les autres ressources associées à un réseau de communications électroniques ou à un service de communications électroniques, qui concourent ou peuvent concourir à la fourniture de services via ce réseau ou ce service. Sont notamment considérés comme des ressources associées les bâtiments ou accès aux bâtiments, le câblage des bâtiments, les antennes, tours et autres constructions de soutènement, les gaines, conduites, pylônes, trous de visite et boîtiers. »
En l’espèce, l’objet du contrat Tango, sur lequel porte l’ensemble des demandes de Free Mobile, est de définir « les termes et conditions selon lesquels SFR fournit à FREE MOBILE le Service Hébergement qui lui est nécessaire à l’exploitation de son réseau radioélectrique et en vertu duquel SFR fourni[t] un accès à FREE MOBILE et à ses Sites afin que cette dernière puisse y installer ses propres Equipements » (article 3 du contrat Tango).
Les demandes de Free Mobile étant relatives à l’acceptation d’une commande d’accès et à un contrat d’accès aux sites pylônes dont SFR est propriétaire, destiné à permettre à Free Mobile d’installer ses équipements pour l’exploitation de son propre réseau radioélectrique, elles entrent dans le champ de compétence de l’ARCEP sur le fondement de l’article L. 36-8 du CPCE. La circonstance que les parties auraient par ailleurs conclu entre elles un autre contrat d’accès à leurs sites pylônes ne saurait faire obstacle à la compétence de l’Autorité pour connaître des demandes de l’opérateur portant spécifiquement sur le contrat Tango.
Par ailleurs, les demandes de Free Mobile étant relatives aux délais de traitement des commandes et aux modalités techniques et tarifaires de la prestation d’accès, elles portent sur des éléments nécessaires et indissociablement liés à la prestation d’accès, objet du contrat litigieux.
L’Autorité est ainsi compétente pour se prononcer sur l’ensemble des demandes dont elle est saisie par Free Mobile.
2.2 Sur l’échec des négociations
SFR soutient, tout d’abord, que la condition tenant à l’échec des négociations n’est pas remplie, faute pour Free Mobile d’avoir recherché, préalablement à la saisine de l’ARCEP, une solution amiable dans le cadre de la procédure de conciliation prévue par le contrat Tango. SFR considère ainsi que la clause de conciliation est un préalable obligatoire à la saisine de l’Autorité.
L’article 20 du contrat Tango prévoit :
« En cas de difficulté ou de litige notamment sur l’interprétation ou l’application d’une ou plusieurs clauses du présent Contrat ou, de l’un de ses avenants, les Parties s’engagent préalablement à toute action en justice ou préalablement à toute résiliation du présent Contrat, à rechercher une solution amiable dans le cadre de la procédure de conciliation définie ci-après.
La procédure de conciliation sera mise en œuvre par l’une ou l’autre des Parties en notifiant à l’autre, par lettre recommandée avec accusé de réception, sa volonté de recourir à cette procédure. A compter de la date d’accusé de réception de la notification, les Parties disposeront d’un délai
maximum de 45 jours calendaires pour se réunir autant que nécessaire afin d’examiner le désaccord et rechercher, en toute bonne foi, une solution amiable. » (soulignements ajoutés).
L’article 22 « Attribution de compétence – Loi » du contrat Tango prévoit quant à lui :
« En cas de litige et après une tentative de conciliation amiable dans les conditions visées à l’article 20 ci-dessus, la compétence expresse est attribuée au Tribunal de Commerce de Paris, nonobstant la pluralité de défendeurs ou appel en garantie pour les procédures d’urgence ou les procédures conservatoires, en référé ou par requête » (soulignements ajoutés).
Il ressort de ces stipulations que la procédure de conciliation amiable est une procédure préalable à la saisine du juge du contrat, expressément désigné par les parties comme étant le Tribunal de Commerce de Paris.
Or, l’ARCEP statuant en matière de régulation, « n’est pas une juridiction », mais une autorité administrative indépendante12. Elle est « investie par la loi du pouvoir de régler les différends opposant les opérateurs de communications électroniques (…), que cette mission peut l’amener à imposer aux opérateurs relevant de son autorité des prescriptions et des injonctions ayant une incidence sur la conclusion, le contenu ou l’exécution de leurs conventions et ainsi à restreindre, pour des motifs d’ordre public économique, le principe de la liberté contractuelle dont ils bénéficient »13.
Les stipulations du contrat Tango qui prévoient une conciliation amiable préalable à la saisine du juge sont donc inapplicables en l’espèce.
Il n’y a, par suite, pas lieu d’apprécier la recevabilité des demandes de Free Mobile au regard de la clause invoquée par SFR.
SFR soutient, ensuite, que les demandes de Free Mobile relatives à la reprise de la production des commandes Tango 1 et Tango 2 et à l’acceptation de la commande Tango 3 sont irrecevables à défaut d’échec des négociations dès lors que :
- s’agissant des commandes Tango 1 et 2, le contrat Tango est toujours en cours d’exécution entre les parties,
- s’agissant de la commande Tango 3, elle a fait l’objet d’une acceptation par SFR, dans le cadre du Protocole de 2010.
Dans le cadre de l’appréciation de la recevabilité du différend dont elle est saisie, il revient à l’Autorité de s’assurer que la condition tenant à l’échec des négociations prévue à l’article L. 36-8 du CPCE est remplie, et ce, au regard des échanges intervenus entre les parties avant sa saisine.
En l’espèce, Free Mobile a, par courrier adressé à SFR le 5 février 2015, constaté la dégradation des conditions d’exécution du contrat et, depuis la fin de l’année 2014, un « très net ralentissement de la production », mettant SFR en demeure, d’une part de reprendre la production « à un rythme et une qualité similaire à ceux que nous connaissions jusqu’au rachat de SFR » et, d’autre part, de proposer « sous 15 jours un avenant reprenant la trame d’avenant en annexe, actant l’acceptation des commandes de novembre de 2014 et sécurisant les conditions de production de l’ensemble des sites ».
La trame d’avenant proposée par Free Mobile comporte un planning de production pour l’ensemble des sites pylônes commandés depuis 2013, avec un engagement de la part de SFR de livrer à Free Mobile […] sites pour fin 2015 et […] sites pour fin 2016, une nouvelle grille tarifaire et une demande d’engagement à une stabilité des conditions de mise en œuvre du contrat Tango.
En réponse à ce courrier, SFR a adressé à Free Mobile un courrier en date du 12 février 2015 dans lequel elle indique notamment que l’équilibre économique du contrat est « rompu » et qu’elle a proposé à Free Mobile « d’abandonner le principe des primes et de les remplacer partiellement par une hausse [de certains tarifs du contrat] ». La proposition de Free Mobile n’est pas jugée satisfaisante par SFR qui indique également avoir une capacité de production contrainte par ses propres objectifs de déploiement imposant un « aménagement » du contrat pour que la commande Tango 3 puisse être intégrée dans le contrat Tango.
SFR joint à son courrier une contreproposition d’avenant au contrat Tango portant en particulier sur une nouvelle grille tarifaire et, sur un « planning indicatif de production ».
Par courrier en date du 12 mars 2015, Free Mobile refuse les modifications tarifaires proposées par SFR et met en demeure cette dernière de reprendre sans délai la production avec un rythme et une qualité similaires à ceux constatés au 2e semestre 2014 et de transmettre sous 15 jours un avenant au contrat Tango, « définissant un calendrier engageant à un rythme qui ne sera pas inférieur à celui du 2e semestre de 2014 » et acceptant la commande de Tango 3.
En réponse, SFR adresse à Free Mobile un courrier en date du 26 mars 2015 dans lequel elle indique qu’elle comprend « [du dernier courrier de Free Mobile que celle-ci ne souhaite pas] poursuivre les négociations […] entamées ni donner suite aux actions fortes que nous vous avions proposées lors de notre réunion du 8 décembre dernier ». SFR rappelle en outre à Free Mobile « qu’il est toujours loisible de [la] solliciter pour l’hébergement de[s] équipements au travers de l’offre de colocation issue du protocole du 30 novembre 2010 » et informe Free Mobile ne pas vouloir déférer à ses mises en demeure.
Il résulte de cette dernière réponse que SFR a opposé un refus à l’ensemble des demandes de Free Mobile, objet du présent litige.
Compte tenu de l’ensemble des échanges intervenus entre les parties et rappelés ci-avant, l’Autorité considère que l’échec des négociations sur les demandes de la société Free Mobile est avéré.
3 Sur les demandes de la société Free Mobile
L’appréciation des demandes de Free Mobile, qui portent sur les conditions d’accès aux sites pylônes de SFR, impose, tout d’abord, de rappeler les dispositions réglementaires applicables à cet accès (partie 3.1).
Les demandes de Free Mobile seront, ensuite, examinées successivement selon la grille d’analyse suivante :
- demande d’acceptation de la commande de novembre 2014 dans le cadre du contrat Tango (partie 3.2) ;
- demande d’un rythme de production contraignant pour SFR et d’une reprise de la production selon ce rythme (partie 3.3) ;
- demandes concernant la stabilité des conditions de production des sites (partie 3.4) ;
- demandes concernant les conditions tarifaires applicables (partie 3.5).
3.1 Cadre juridique applicable
SFR est titulaire d'une autorisation d’utilisation de fréquences 3G, délivrée en 2001 à l’issue de l’appel à candidatures lancé en août 2000 pour l’attribution d’autorisations 3G en France métropolitaine14.
Le texte d’appel à candidature précisait les conditions d’utilisation des fréquences qui seraient attribuées à l’issue de la procédure, parmi lesquelles des obligations relatives au partage de sites (ie le partage d’infrastructures passives) en vue d’assurer « le respect de l’équité des conditions concurrentielles » et au regard de « considérations liées à la protection de l’environnement » et à la promotion de l’investissement efficace.
Ces obligations sont inscrites dans l’arrêté du 18 juillet 2001 portant autorisation 3G de SFR. Elles sont de deux niveaux.
D’une part, l’arrêté du 18 juillet 2001 impose à SFR une obligation générale de partage des sites vis- à-vis de tous les autres opérateurs 3G. Elle est destinée à favoriser une utilisation partagée de l’ensemble des sites existants et à garantir que l’opérateur veille, lorsqu’il décide d’établir un nouveau site, à rendre possible l’accueil ultérieur des infrastructures d’autres opérateurs 3G.
L’autorisation 3G de SFR prévoit ainsi que « L'opérateur s'efforce de partager les sites avec les autres utilisateurs de ces sites. […] Lorsque l'opérateur envisage d'établir un site ou un pylône, il doit à la fois :
- privilégier toute solution de partage avec un site ou un pylône existant ;
- veiller à ce que les solutions d'établissement de chacun des sites ou pylônes rendent possible, sur ces mêmes sites et sous réserve de compatibilité technique, l'accueil ultérieur d'infrastructures d'autres opérateurs 3G ;
- répondre aux demandes raisonnables de partage de ses sites ou pylônes émanant d'autres opérateurs 3G. ».
Le décret n° 2006-268 du 7 mars 2006 relatif aux conditions d’établissement et d’exploitation des réseaux et à la fourniture de services de radiocommunications mobiles a introduit à l’article D. 98-6-1 du CPCE des dispositions identiques, en étendant leur champ d’application à tous les opérateurs de réseaux et à toutes les technologies de réseaux utilisées (obligation dite « symétrique »).
L’article D. 98-6-1 du CPCE prévoit ainsi :
« Règles portant sur la protection de la santé et de l’environnement.
« […]
II. - L'opérateur fait en sorte, dans la mesure du possible, de partager les sites radioélectriques avec les autres utilisateurs de ces sites.
Lorsque l'opérateur envisage d'établir un site ou un pylône et sous réserve de faisabilité technique, il doit à la fois :
- privilégier toute solution de partage avec un site ou un pylône existant ;
- veiller à ce que les conditions d'établissement de chacun des sites ou pylônes rendent possible, sur ces mêmes sites et sous réserve de compatibilité technique, l'accueil ultérieur d'infrastructures d'autres opérateurs ;
- répondre aux demandes raisonnables de partage de ses sites ou pylônes émanant d'autres opérateurs. ».
D’autre part, l’autorisation 3G de SFR comporte une obligation qui s’impose spécifiquement vis-à- vis du dernier entrant (Free Mobile) (obligation dite « asymétrique »)15. Elle vise à « équilibrer les conditions concurrentielles entre opérateurs 3G » en permettant à un opérateur 3G ne disposant pas d’une autorisation 2G de disposer des mêmes chances que ses concurrents pour accéder à un nombre de sites suffisant et être ainsi en mesure de répondre à ses obligations en matière de déploiement16.
Ainsi, aux termes du chapitre V de l’arrêté du 18 juillet 2001 autorisant SFR à établir et exploiter un réseau 3G : « (…) Dès lors que l'opérateur dispose d'une autorisation GSM et qu'il utilise pour ses besoins propres l'un des sites ou pylônes établi dans le cadre de cette autorisation GSM pour y implanter des équipements constitutifs de son réseau 3G, il doit permettre à un opérateur 3G ne disposant pas d'une autorisation GSM d'accéder, dans des conditions équivalentes, à ce site sous réserve de faisabilité technique ou à un autre de ses sites ou pylônes pour y implanter ses équipements 3G.».
La décision n° 2010-0043 du 12 janvier 2010 autorisant Free Mobile à utiliser des fréquences pour établir et exploiter un réseau de 3e génération (dite « quatrième licence 3G ») reprend ces éléments relatifs à l’accès aux sites, en précisant, dans ses motifs, que :
« Des dispositions visant à permettre à un opérateur 3G ne disposant pas d’une autorisation GSM de disposer des mêmes chances que ses concurrents pour accéder à un nombre de sites suffisant et répondre ainsi à ses obligations en matière de couverture ont ainsi été introduites dans les autorisations GSM. Dans ce but, il est demandé à chaque opérateur 3G disposant d’une autorisation GSM de permettre à Free Mobile d’accéder à l’un de ses sites, à chaque fois qu’il réutilise, pour son propre compte, l’un de ses sites pour y co-localiser ses équipements 3G.
Enfin, sur un plan opérationnel, l’ARCEP considère qu’il convient d’encourager les discussions entre opérateurs mobiles afin de définir des conditions de partages équilibrées […] Ces propositions devront permettre à un opérateur 3G ne disposant pas d’une autorisation GSM d’accéder à des sites de caractéristiques équivalentes (nature du site (pylône ou terrasse), localisation, hauteur, etc…) à celles des sites que l’opérateur 3G disposant d’une autorisation GSM réutilisera pour ses besoins propres ».
L’Autorité indique, en outre, dans la décision susmentionnée, que « Free Mobile doit avoir accès aux informations nécessaires lui permettant d’intégrer suffisamment à l’avance cette possibilité dans l’élaboration opérationnelle de son plan de déploiement ».
Dans le cadre du contentieux sur la quatrième licence 3G délivrée à Free Mobile, le Conseil d’Etat a considéré, dans sa décision du 12 octobre 201017 que « (…) les droits ainsi accordés au nouvel entrant, qui ont été inscrits dans les autorisations 3G délivrées aux opérateurs existants et qui ouvrent droit à une rémunération par le nouvel opérateur, avaient pour objet de compenser les avantages concurrentiels dont disposaient les trois opérateurs existants vis-à-vis d'un nouvel entrant compte tenu des réseaux mobiles qu'ils avaient déjà pu constituer et des positions ainsi acquises sur le marché de la téléphonie mobile […] » et, par suite, étaient « nécessaires au rétablissement de la concurrence entre le nouvel opérateur et ceux déjà présents sur le marché ; (…) » (soulignements ajoutés).
Il ressort de ces dispositions que Free Mobile, en vertu de l’obligation générale prévue par l’article
D. 98-6-1 du CPCE, doit notamment privilégier pour son déploiement toute solution de partage avec un site pylône existant.
Quant à SFR, l’opérateur doit notamment, en vertu des dispositions précitées, et depuis la délivrance de son autorisation 3G en 2001 faire en sorte, dans la mesure du possible et ce, pour l’ensemble de ses sites, de partager les sites radioélectriques avec les autres utilisateurs de ces sites.
SFR doit notamment veiller à ce que ses sites permettent, sous réserve de faisabilité technique, l’accueil ultérieur d’infrastructures d’autres opérateurs. De plus, elle doit faire droit aux demandes raisonnables de partage de sites d’autres opérateurs.
En outre, l’obligation spécifique relative aux sites 2G utilisés par SFR pour son déploiement 3G et auxquels SFR doit donner accès à Free Mobile, dans des conditions équivalentes, vise à donner à Free Mobile les mêmes chances qu’à ses concurrents pour le déploiement de son réseau 3G.
Il résulte ainsi du cadre réglementaire que SFR doit assurer à Free Mobile un accès effectif et diligent aux sites pylônes, objet du présent litige.
L’application du cadre réglementaire rappelé ci-avant n’est ainsi nullement conditionnée par une démonstration du caractère indispensable de l’accès aux sites pylônes de la part de Free Mobile, contrairement à ce que soutient SFR. La circonstance que Free Mobile disposerait d’autres alternatives pour réaliser ses déploiements 3G ne saurait, en outre, permettre à SFR de s’exonérer de ses obligations.
Enfin, l’Autorité doit trancher le différend dont elle est saisie en équité, en fonction des objectifs de la régulation en matière de communications électroniques définis par l'article L. 32-1 du CPCE, en se fondant, au-delà de la situation particulière de chacune des parties, sur des considérations touchant à l'ordre public économique18. A cet égard, dans le cadre du présent litige, il revient à l’Autorité de tenir compte notamment des objectifs relatifs à « l’exercice au bénéfice des utilisateurs d’une concurrence effective et loyale entre les [opérateurs] », à un
« niveau élevé de protection de l’environnement et de la santé » et à « l’aménagement et l’intérêt des territoires et la diversité de la concurrence dans les territoires ».
3.2 sur la demande d’acceptation de la commande de novembre 2014 dans le cadre du contrat Tango
Free Mobile demande à l’ARCEP d’enjoindre à SFR de lui transmettre un avenant au contrat Tango, acceptant la commande passée en novembre 2014 pour accéder à […] sites pylônes supplémentaires (« Tango 3 »).
En premier lieu, SFR soutient que la demande de Free Mobile n’est pas fondée dans la mesure où SFR a accepté la demande d’accès à ces sites dans le cadre du protocole de 2010, lequel « répond parfaitement aux obligations réglementaires d’accès aux sites pylônes de SFR »19.
De son côté, Free Mobile considère que s’il existe effectivement des différences entre les deux contrats, tous deux sont des contrats d’accès aux pylônes de SFR20. Pour Free Mobile, le Protocole de 2010 « ne constitue pas une alternative sérieuse pour accéder aux pylônes de SFR », dès lors qu’il revient à Free Mobile de réaliser les prestations d’ingénierie alors qu’elle ne dispose « d’aucun élément ou information sur la construction du pylône, ses fondations, ses contraintes, etc. » et que le Protocole de 2010 « ne comprend aucune incitation à répondre à toute demande d’accès à un site existant ».
L’accès de Free Mobile aux sites de SFR est en effet aujourd’hui rendu possible par deux contrats distincts, le Protocole de 2010 et le contrat Tango, présentés ci-avant en partie 1.4.
A cet égard, il ressort de l’instruction que ces contrats diffèrent – ce que ne contestent pas les parties – principalement par le périmètre des prestations fournies par SFR.
SFR présente ainsi le contrat Tango comme permettant à Free Mobile « de bénéficier de prestations supplémentaires de la part de SFR pour l’installation de ses équipements 3G sur les pylônes de SFR (…) et notamment :
• les négociations, contrats et loyers avec le bailleur ;
• la réalisation du dossier complet d’études techniques (hauteur d’antennes, études de charges, expertise, devis et durée des travaux, …) ;
• les éventuelles demandes administratives (permis, DP, …) ;
• le suivi les travaux du maître d’œuvre ;
• les prestations d’énergie. »21.
SFR soutient que les démarches « [que Free Mobile] doit entreprendre dans le cadre du Protocole de 2010 sont équivalentes à celles déployées par SFR pour l’installation de nouvelles antennes tout en bénéficiant de tous les éléments techniques nécessaires »22, et que les prestations fournies dans le cadre du contrat Tango vont bien au-delà de son obligation d’accès à l’égard de Free Mobile.
Free Mobile considère que le protocole de 2010, qui est plus adapté à une mise à disposition « réciproque et symétrique » de sites pylônes entre opérateurs historiques23, est « inadapté » à ses besoins, pour les raisons rappelées ci-dessus. En revanche et selon Free Mobile, le contrat Tango répond à l’obligation de SFR de l’accueillir sur ses sites pylônes qui implique que l’opérateur historique « réalise l’ensemble des démarches (pose des bras de maintien des antennes, renfort éventuel de pylône, si besoin négociation avec le bailleur) pour rendre cet accueil possible »24.
Free Mobile indique en outre que « le contrat de 2010 ne purge pas l’obligation de SFR, et que seul le contrat Tango permet de répondre à l’obligation d’accueil prévue par sa licence » et, enfin, « qu’un opérateur se trouvant dans des conditions similaires à celles de SFR a signé avec elle un contrat de type Tango et que ce contrat signé avec cet autre opérateur est venu remplacer intégralement le contrat type 2010 qui préexistait »25.
En effet, le déploiement d’un nouvel équipement 3G sur un pylône exige que soit réalisée une étude technique préalable en relation avec le propriétaire du pylône, afin d’évaluer l’intérêt du site d’un point de vue radio, de vérifier la faisabilité technique de l’implantation de l’équipement 3G et de préparer d’éventuels travaux d’adaptation, en réalisant les devis correspondants, le cas échéant, auprès de maîtres d’œuvre sous-traitants.
Il convient de souligner qu’en s’appuyant sur son propre parc de sites pylônes 2G, SFR a pu bénéficier de conditions de déploiements 3G efficientes, compte tenu notamment :
- des informations dont elle disposait sur les caractéristiques techniques de ses sites et sur les contraintes éventuelles qui pourraient peser sur ces derniers (en lien notamment avec d’éventuels futurs projets d’installation d’équipements appartenant au propriétaire du pylône ou à des tiers),
- des relations privilégiées qu’elle a pu établir avec les prestataires intervenus sur ses sites (pylônistes, maîtres d’œuvre) et, le cas échéant, les bailleurs des terrains sur lesquels ils sont installés.
Il ressort de l’instruction que SFR a d’ailleurs largement privilégié l’utilisation de ses pylônes 2G pour y déployer la 3G26 : l’analyse des éléments transmis par SFR dans le cadre de l’instruction montre que cette dernière a pu déployer, sur ses pylônes 2G, entre […] et […] équipements 3G par an, respectivement, en 2010 et 2011.
Dans le cadre du Protocole de 2010, il revient à Free Mobile, à compter de l’accord de principe de SFR, d’engager toutes les démarches préparatoires nécessaires à l’implantation de ses équipements et de réaliser le dossier complet d’études dans un délai de […] mois pour un site pylône considéré. Free Mobile prend ainsi en charge les visites du site et les études techniques (détermination des hauteurs d’antennes, études sur la charge des pylônes, expertise, devis des travaux). Il revient ensuite à SFR, dans un délai de […] mois, de valider, refuser, ou demander des modifications au dossier technique transmis par Free Mobile, comprenant le devis et la durée prévisionnelle des travaux. Le rôle de SFR consiste donc principalement à mettre en relation Free Mobile avec les prestataires.
Free Mobile n’ayant pas la maîtrise des projets en cours sur les pylônes, le Protocole de 2010 apparaît, au regard des éléments présentés ci-avant, pouvoir être source de ralentissements et d’inefficacité pour Free Mobile dans le cadre de l’accès aux sites de SFR.
A l’inverse, dans le cadre du contrat Tango, SFR prend en charge, contre rémunération, la constitution du dossier des études techniques à mener pour l’installation des équipements de Free Mobile, le calendrier des travaux et les éventuelles demandes administratives.
L’Autorité estime que le pilotage des prestations d’ingénierie requises pour le déploiement d’un équipement 3G, et des renégociations avec les bailleurs éventuels pour obtenir leur accord en vue de réaliser les travaux et, si besoin, de faire évoluer les conditions des baux, est ainsi plus efficace s’il est réalisé par le propriétaire du pylône. D’ailleurs, SFR a bénéficié de ces effets d’efficacité pour le déploiement de son propre réseau 3G. L’Autorité estime donc, au regard des obligations réglementaires de SFR et des objectifs de l’article L. 32-1 du CPCE, que SFR doit faire bénéficier à Free Mobile des mêmes effets d’efficacité.
De plus, il ressort de l’instruction que le comité de pilotage prévu par le contrat Tango permet un suivi centralisé et coordonné, adapté à des demandes groupées de Free Mobile. Le contrat Tango permet en effet de procéder à des commandes groupées de sites qui seront ensuite gérées par le Comité de pilotage auquel il revient de suivre l’exécution « du projet dans son ensemble », d’analyser « les faits marquants survenus au cours du mois écoulé », les sites faisant « l’objet de difficultés » et « les éventuelles intentions de commande de Sites supplémentaires de Free Mobile »27.
Il permet ainsi un échange régulier entre les parties en vue de résoudre les éventuelles difficultés techniques rencontrées, et à Free Mobile d’avoir une visibilité d’ensemble sur son déploiement.
Quant au Protocole de 2010, il a été conclu entre les parties, « pour les besoins respectifs de l’exploitation de leurs services »28 et porte sur des commandes « au fil de l’eau ». Aucun comité de pilotage n’est prévu. L’opérateur accueilli (en l’espèce Free Mobile) peut formuler une demande de partage de site pylône à l’opérateur accueillant, qui dans un délai de […] jours calendaires s’engage à étudier la demande de partage sur le site donné et à fournir à l’opérateur demandeur une réponse de principe sur la faisabilité de l’occupation du site concerné, chaque demande étant « étudiée indépendamment des autres demandes, relatives à d’autres sites, qui seraient éventuellement déjà en cours d’instruction […] »29. Les demandes de partage de sites formulées par Free Mobile sont ainsi traitées site par site par SFR, sans coordination au niveau national, ce qui ne permet pas une gestion efficiente des demandes de Free Mobile.
Or, l’Autorité estime justifié que Free Mobile puisse, comme les opérateurs historiques lorsqu’ils ont déployé la 3G, déployer son réseau en mettant en œuvre une stratégie globale de déploiement, et non en prenant des décisions d’implantation des équipements mobiles site à site, indépendantes les unes des autres. La gestion des demandes d’accès dans le cadre du contrat Tango permet de gérer de manière simultanée les demandes de Free Mobile. Free Mobile bénéficie ainsi de prévisions fiables de production de la part de SFR afin de conduire efficacement son processus de déploiements 3G.
En outre, le pilotage centralisé prévu par le contrat Tango facilite pour SFR la coordination des différents projets qui peuvent exister sur les pylônes, tels que l’accueil de Free Mobile, mais également celui d’autres opérateurs et les projets propres de SFR (comme par exemple, son déploiement 4G ou sa mutualisation de réseaux avec Bouygues Telecom).
Ainsi, il résulte de l’analyse des contrats exposée ci-avant que le contrat Tango permet un gain d’efficacité dans la mise à disposition des sites pylônes de SFR à Free Mobile, dès lors (i) que SFR dispose de la connaissance de ses propres projets, de la maîtrise des contraintes techniques sur ses sites pylônes et peut échanger directement et en tant que besoin, avec ses prestataires habituels, et ii) qu’un pilotage centralisé des déploiements de Free Mobile est organisé, ce qui apparaît nécessaire pour que Free Mobile, en tant que dernier entrant, puisse déployer rapidement un réseau national, en particulier pour respecter ses obligations de déploiements, tout en étant par ailleurs tenue de privilégier les solutions de partage de sites existants.
En second lieu, SFR fait valoir qu’elle se trouvait « dans l’impossibilité technique de traiter la dernière commande ». SFR fait état d’un contexte particulier et justifie ce refus par divers éléments notamment « l’impossibilité de réclamer la prime de déploiement30 » malgré les « actions fortes » qu’elle avait engagées en 2014 et, enfin, la situation de SFR qui doit également faire face « à des contraintes internes de déploiement de son réseau 4G avec une échéance cruciale en janvier 2017 et, externes, pour la mise en œuvre du contrat de mutualisation avec Bouygues Telecom ».31
L’Autorité considère que ces arguments ne sont pas de nature à justifier son refus d’accepter la commande de Free Mobile Tango 3 dans le cadre du contrat Tango. En effet, ni l’absence de versement d’une prime à laquelle SFR pouvait espérer, ni la prise en compte d’actions menées par SFR pour améliorer l’exécution du contrat Tango, pas plus que les projets et contraintes propres à SFR ne peuvent faire obstacle au respect par cette dernière de son obligation de partage, telle que rappelé par l’Autorité dans la partie 3.1 de la présente décision.
En outre, l’Autorité relève que SFR a envisagé, un temps, une éventuelle acceptation de la commande Tango 3 puisqu’elle indique à Free Mobile dans son courrier du 12 février 2015 « Si d’aventure nous devions intégrer ces sites dans le périmètre du Contrat Tango, le déploiement ne pourrait s’effectuer qu’après un aménagement dudit Contrat » et a joint une contreproposition d’avenant en ce sens32.
Au surplus, les commandes Tango 1 et 2 étant exécutées dans le cadre du contrat Tango, il apparaît plus efficace que la commande Tango 3 le soit également.
En conclusion, et au regard des éléments exposés ci-avant, les prestations fournies par SFR à Free Mobile dans le cadre du contrat Tango apparaissent plus adaptées que celles fournies dans le cadre du Protocole de 2010 pour assurer à Free Mobile un accès effectif et diligent aux sites pylônes de SFR dans le respect des obligations règlementaires imposées à cette dernière.
Compte tenu de ce qui précède, et au regard des objectifs de l’article L. 32-1 du CPCE comme des obligations réglementaires qui s’imposent SFR, l’Autorité estime qu’il est équitable que SFR propose à Free Mobile un avenant au contrat Tango acceptant la commande de novembre 2014 portant sur l’accès à […] sites supplémentaires.
Les conditions de l’exécution de cette commande sont précisées en parties 3.3, 3.4 et 3.5.
3.3 Sur la demande d’un rythme de production engageant
Free Mobile demande à l’ARCEP d’enjoindre à SFR, d’une part, de reprendre, sous 15 jours, la production des commandes en cours d’exécution selon un rythme similaire à celui constaté au second semestre de 2014 et, d’autre part, de lui transmettre, dans un délai d’un mois, un avenant au contrat Tango par lequel SFR s’engage sur le même rythme de production pour les commandes Tango 1, 2 et 3.
SFR soutient que ces demandes ne sont ni justifiées, ni raisonnables. Elle fait notamment valoir que « l’exécution du contrat Tango s’est (…) poursuivie entre les parties sans ralentissement notoire »33 et que « les parties ont décidé d’un commun accord de ne pas fixer de rythme de production contraignant et de prendre en compte les capacités de production de SFR dans le cadre de ce contrat. Une telle volonté commune ne rend pas pour autant le contrat « aléatoire ». »34.
3.3.1 Sur le principe d’un calendrier contraignant de production des sites
Il ressort de l’instruction que l’exécution du contrat Tango s’est dégradée depuis fin 2014.
Au cours du processus de traitement des commandes, une étape importante est la remise de l’APD (avant-projet détaillé) et du devis, à partir desquels Free Mobile peut confirmer sa commande d’accès au site pylône. SFR réalise alors l’aménagement du site pylône puis livre l’infrastructure à Free Mobile (« mise à disposition »).
Les chiffres fournis par SFR35 montrent que, au cours du deuxième semestre 2014, les moyennes mensuelles de production étaient de […] livraisons d’APD, […] livraisons de devis et[…] livraisons d’infrastructures par SFR, alors qu’au cours du premier semestre 2015, les moyennes mensuelles étaient de […] livraisons d’APD, […] livraisons de devis et […] livraisons d’infrastructures par SFR. La dégradation des conditions de production s’est d’ailleurs poursuivie en 2015 puisque le rythme de mise à disposition d’infrastructures est passé à […] sites par mois entre juillet et septembre 2015.
Dans le cadre de l’instruction, y compris lors de l’Audience du 7 octobre 2015, les parties ont échangé de nombreux éléments chiffrés et arguments tendant à commenter leurs comportements mutuels.
A titre d’illustration, au premier trimestre 2015, Free Mobile note que « l’événement clef est l’arrêt quasi-total de livraison des APD et surtout des devis. Moins de […] dossiers complets (APD et devis) ont été produits sur le trimestre, alors que […] avaient été produits au semestre précédent. ».
SFR explique ces chiffres par la circonstance que Free Mobile n’aurait pas « commandé les APD qui permettent ensuite d’établir les devis », notant également qu’au 30 juin 2015, sur la commande Tango 2, « Free Mobile n’a commandé que […] APD alors que SFR lui a indiqué, par un email du 7 mai 2015, […] que […] sites étaient disponibles à la commande d’APD »36.
Free Mobile reconnaît avoir « arrêté de commander les études détaillées : cela n’aurait aucun sens, car les APD et devis continuent à être produits au compte-goutte, au rythme d’une dizaine par mois. L’encours de production de presque […] devis ne sera écoulé à ce rythme que fin 2018. »37.
Il ressort en effet de l’instruction que le comportement de Free Mobile (en particulier le fait qu’elle n’ait pas passé toutes les commandes d’études possibles) ne suffit pas à expliquer le rythme très réduit auquel la production se poursuit en 2015.
Nonobstant la part de responsabilité incombant à chacune des parties, il ressort également de l’instruction38 que les difficultés d’exécution du contrat ont conduit, depuis fin 2014, à un rythme ralenti, aléatoire et imprévisible de production de sites.
Ainsi, au rythme constaté de production des sites entre février et juin 2015, il faudrait presque huit ans pour que les APD et devis soient entièrement fournis par SFR à Free Mobile, ce qui reviendrait à rendre sans portée utile les obligations réglementaires de SFR de donner un accès effectif à ses sites à Free Mobile.
L’Autorité estime en outre que l’introduction d’un calendrier contraignant de mise à disposition des sites pylônes faisant l’objet des commandes Tango 1, 2 et 3 peut concourir à remédier aux difficultés rencontrées dans l’exécution du contrat Tango.
Par ailleurs, les arguments avancés par SFR s’agissant des « réalités opérationnelles très contraignantes pour un opérateur dont le métier n’est pas celui d’une Tower Company »39, et de la circonstance que SFR « n’est pas le seul maître des rythmes de déploiement qui dépendent en grande partie de Free Mobile »40, ne sont pas de nature à faire obstacle à la détermination d’un tel calendrier contraignant dès lors que sont pris en compte, en équité et de manière proportionnée, les capacités de production de SFR, notamment au regard des aléas pouvant lui être extérieur, les abandons de sites de la part de Free Mobile et le respect par ce dernier des délais contractuels comme précisé en partie 3.3.2.
Dès lors, afin d’assurer l’accès effectif par Free Mobile aux sites pylônes de SFR conformément au cadre règlementaire applicable, et dans la mesure où aucun élément objectif ne s’y oppose, il est justifié que SFR transmette à Free Mobile un avenant au contrat Tango définissant un calendrier contraignant de mise à disposition de sites pylônes, dans les conditions précisées ci- après.
3.3.2 Sur l’appréciation du rythme de mise à disposition des sites pylônes par SFR
Les demandes formulées par Free Mobile portent sur un rythme de production « qui ne soit pas inférieur au rythme constaté au deuxième semestre 2014 ». Il ressort de l’instruction que ce rythme de production est entendu comme un rythme moyen de […] sites livrés par an, ce que ne conteste pas SFR.
SFR soutient en revanche que le rythme demandé par Free Mobile n’est ni justifié, ni raisonnable, dès lors notamment que le contrat Tango se poursuit à « un rythme normal et raisonnable »41, et que le rythme observé en 2014 dépendait d’actions fortes mises en œuvre par SFR qui étaient motivées par l’obtention de la prime de déploiement.
L’Autorité s’attache dans la présente partie à apprécier le rythme et les échéances de mise à disposition des sites pylônes à Free Mobile permettant, dans le cadre d’un calendrier contraignant, d’assurer l’effectivité de l’accès fourni par SFR.
3.3.2.1 Les propositions d’avenant échangées entre les parties
Le rythme et les échéances de mise à disposition des sites sur lesquels il est justifié que SFR s’engage, dans le cadre du calendrier contraignant qu’il proposera à Free Mobile, sont à apprécier au regard des besoins de Free Mobile et des capacités de production de SFR.
Le contrat Tango a donné lieu à la mise à disposition, par SFR, des premiers sites pylônes en juin 2014. Le nombre de sites pylônes mis à disposition de Free Mobile s’élevait à […] fin 2014 (correspondant à un rythme moyen de […] livraisons par an, tenu sur le second semestre 2014). Le rythme s’est ralenti en 2015 ([…] par an en moyenne au premier semestre 2015), aboutissant à […] sites mis à disposition de Free Mobile fin juin 201542. Les derniers chiffres transmis par les parties font état de […] sites pylônes mis à disposition fin septembre 201543.
Concernant la poursuite du traitement des commandes, les propositions d’avenant au contrat Tango échangées entre les parties dans le cadre de leurs négociations fournissent des indications utiles et pertinentes sur les besoins de Free Mobile et les capacités opérationnelles de SFR.
Les parties ont en effet échangé en février 2015 des propositions d’avenant au contrat Tango pour définir de nouvelles conditions d’exécution, et prenant en compte la commande Tango 344. Chacune des parties a ainsi proposé un calendrier de production, que seule Free Mobile souhaitait rendre « engageant », et prévoyant la livraison fin 2016 de […] sites issus des commandes Tango 1, 2, et Tango 3 (incluant les sites déjà livrés à date).
La livraison de […] sites fin 2016 est présentée comme « un objectif partagé » entre les parties dans leurs propositions d’avenants.
Ce volume de sites à livrer par SFR a été calculé par les parties en appliquant au volume des trois commandes de Free Mobile ([…] sites correspondant aux commandes Tango 1, 2 et 3) un « taux de chute » prévisionnel d’environ […]%, entre l’expression de besoin (à savoir le nombre de sites faisant l’objet d’une commande groupée par Free Mobile) et la mise à disposition effective des sites45. Ce taux de chute prévisionnel a été déterminé par les parties pour tenir compte des abandons de commandes du fait de Free Mobile et des abandons de sites à l’initiative de SFR.
Ces calendriers de production échangés entre les parties sont reproduits ci-après :
Proposition Free Mobile
Cette proposition correspond à un rythme de livraison de […] sites en 2015 et […] sites en 2016, soit un rythme moyen de […] sites par an sur la période 2015-2016.
Proposition SFR
Cette proposition correspond à un rythme de livraison de […] sites en 2015 et […] sites en 2016, soit le même rythme moyen de […] sites par an sur la période 2015-2016.
L’Autorité constate que les calendriers échangés par les parties sont très proches, nonobstant le fait que Free Mobile ait demandé un calendrier « engageant » alors que SFR n’a proposé qu’un calendrier indicatif de livraison.
La proposition de SFR peut ainsi être un indicateur pertinent pour apprécier le rythme de mise à disposition de sites pylônes qu’il serait justifié de retenir, au regard de la capacité de l’opérateur à soutenir un tel rythme. Il peut en effet être considéré que SFR, en tant qu’opérateur professionnel averti, a proposé, de bonne foi, un calendrier de production indicatif à Free Mobile le 12 février 2015, en s’assurant disposer des capacités opérationnelles suffisantes pour traiter les commandes selon ce calendrier. De plus, cette proposition est proche de celle de Free Mobile.
3.3.2.2 Les capacités de production de SFR
Il convient de souligner que, en 2014, les parties avaient mis en place un dispositif incitatif favorisant la production d’un nombre élevé de sites par SFR. Une prime a en effet été prévue entre les parties ; elle portait sur le versement d’un montant minimum de […]€ fin 2014 et de […]€ fin 2015, soit un total minimum de […]€ HT, conditionné à la mise à disposition par SFR de […] sites en 2014 et à […] sites en 2015, soit une mise à disposition selon un rythme moyen de […] sites par an en 2014 et en 2015, et pouvant atteindre près de […] sites sur la seule année 2015.
SFR indique qu’elle « avait tout intérêt à atteindre les volumes de la clause incitative pour pouvoir percevoir la rémunération afférente »46 et qu’elle « était parfaitement libre de renoncer à cette prime, ou au contraire, de déployer tous les moyens utiles pour en obtenir le versement »47 et a justement choisi de mettre en œuvre des « actions fortes » en vue d’obtenir cette prime.
SFR précise que « début septembre 2014, […] elle a fait le constat que l’application du taux d’abandon de Free Mobile sur le volume de sites initial ne permettrait pas d’atteindre le seuil de […] sites à fin 2015 pour permettre le versement de la prime de déploiement. Après échange avec Free Mobile, il a été décidé de relancer une vague de nouvelles visites techniques. »48. Ainsi, SFR a proposé lors du comité de pilotage du 3 novembre 201449 une nouvelle liste de […] sites dont Free Mobile a ensuite extrait les […] sites correspondant à la commande Tango 3. SFR, en septembre 2014, espérait donc toucher la prime contractuelle en livrant […] sites à fin 2015. Dans la mesure où, en septembre 2014, SFR n’avait mis à disposition que […] sites, cela montre que SFR espérait disposer des capacités opérationnelles pour livrer plus de […] sites entre septembre 2014 et décembre 2015, soit à un rythme moyen d’environ […] sites par an.
Ces éléments résultant de propositions librement formulées par SFR donnent une indication sur ses capacités opérationnelles, en terme de rythme production pour la mise à disposition des sites pylônes dans le cadre du contrat Tango.
Dans le même sens, l’Autorité note, à titre illustratif, que le contrat Tango prévoit que « les parties mettront les moyens nécessaires et feront leurs meilleurs efforts pour que les visites techniques soient planifiées au rythme de […] visites […], jusqu’à épuisement des Sites ayant fait l’objet d’Expressions de Besoins »50. En prenant en compte un tel rythme, les délais contractuels précédemment mentionnés et un taux de chute prévisionnel de […]%, une application stricte du contrat Tango permettrait, en théorie, à SFR de mettre à disposition de Free Mobile de […] à […] sites environ par an. Il s’agissait d’un niveau librement déterminé par les parties.
Au surplus, et comme indiqué précédemment, SFR avait déployé entre […] et […] équipements 3G par an, respectivement, en 2010 et 2011, sur ses pylônes 2G.
Pourtant, SFR a avancé un certain nombre de justifications, tendant à souligner que sa capacité opérationnelle était limitée.
SFR a indiqué en particulier être mobilisée par ses projets internes. D’une part, SFR met en œuvre l’accord de mutualisation qu’elle a établi en janvier 2014 avec Bouygues Telecom, […]51. D’autre part, SFR déploie des équipements 4G, notamment pour atteindre son obligation de couverture de 40% de la population de la zone de déploiement prioritaire à l’horizon de janvier 2017 ; cette obligation est prévue par son autorisation d’utilisation de fréquences en bande 800 MHz depuis janvier 201252.
Tout en reconnaissant la réalité de ces projets et des contraintes qu’ils peuvent occasionner, l’Autorité rappelle que SFR ne peut s’en prévaloir aujourd’hui pour s’exonérer de ses obligations réglementaires, établies depuis 2001 dans son autorisation d’utilisation des fréquences 3G.
Il revient ainsi à SFR, opérateur professionnel averti, de concevoir et de coordonner ses projets tout en permettant à Free Mobile un accès effectif et diligent aux sites pylônes du premier.
3.3.2.3 Les volumes de sites à produire au regard des trois commandes
Au vu de l’ensemble des éléments présentés ci-avant, l’Autorité considère que, dans le cadre du présent règlement de différend, il est justifié et équitable que SFR s’engage sur un calendrier basé sur un rythme de mise à disposition des sites pylônes proche de celui proposé dans le cadre des négociations, et tenant compte du même objectif de mise à disposition de sites que celui qui a fait l’objet des échanges d’avenants entre les parties (soit […] sites, par application du taux de chute prévisionnel d’environ […]%).
Néanmoins, afin de permettre aux parties de remobiliser leurs moyens et poursuivre la production des sites pylônes conformément à ce calendrier, et de tenir compte du caractère désormais contraignant du calendrier, il peut être envisagé d’introduire, dans le calendrier proposé par SFR dans son courrier du 12 février 2015, une marge supplémentaire de près de deux mois.
En décalant le calendrier de SFR (tel que présenté en partie 3.3.2.1) de manière à appliquer le rythme de production proposé par SFR à compter de la date de la présente décision, et en ajoutant une telle marge, l’Autorité estime justifié et équitable que, dans le cadre du contrat Tango et pour les commandes Tango 1, 2 et 3, le calendrier contraignant de mise à disposition des sites comporte, a minima, les échéances suivantes :
o […] sites au 31 mars 2016,
o […] sites au 30 septembre 2016,
o […] sites au 31 mars 2017,
o […] sites au 30 septembre 2017.
Le calendrier ci-avant inclut les sites déjà livrés par SFR dans le cadre des commandes Tango 1 et 2.
Un tel calendrier de mise à disposition des sites pylônes de SFR à Free Mobile est sans préjudice d’un meilleur accord que les parties pourraient être amenées à trouver qui, sans modifier de manière substantielle ce calendrier, procèderait aux adaptations que les parties jugeraient utiles sur le rythme et les échéances.
En outre, comme le relève SFR, il convient, en équité, de prendre en compte les aléas extérieurs et les abandons de sites de la part de Free Mobile qui peuvent survenir dans le cadre de l’exécution des prestations de mise à disposition des sites pylônes de SFR à Free Mobile.
Ainsi, le calendrier s’entend sous réserve que les abandons de sites par Free Mobile ainsi que les abandons causés par des difficultés extérieures à la volonté de SFR, dûment et objectivement justifiées, ne dépassent pas les prévisions des parties.
En effet, les volumes de sites précités résultent de l’application du taux de chute d’environ […]%, tel qu’il ressort des échanges entre les parties, sur le volume des sites commandés par Free Mobile (Tango 1, 2 et 3). Ce taux donne une indication à l’Autorité, mais il n’est qu’une estimation et pourrait être amené à varier, à l’avenir, au regard du comportement des parties dans le cadre de l’exécution du contrat Tango53.
D’une part, s’agissant des abandons de sites par Free Mobile, l’Autorité note que Free Mobile demande elle-même à bénéficier d’un calendrier de production engageant « sous réserve que le taux d’abandon de commandes du fait de Free Mobile ne soit pas significativement différent, toutes choses égales par ailleurs, à celui de 2014 » (demande 2 a. de Free Mobile).
D’autre part, s’agissant des aléas rencontrés dans le cadre de la production des sites pylônes, SFR indique qu’il convient de tenir compte « [d]es négociations complexes avec les bailleurs, [d]es audits techniques des pylônes […], [d]es délais d’instruction par les autorités administratives concernées, [d]es sollicitations des nombreux sous-traitants et de leurs propres contraintes […], [d]es réalisations des travaux dans des contextes de voisinage parfois sensibles, [de] la fourniture d’alimentation en électricité »54. SFR a également indiqué lors de l’audience devant la formation RDPI que les « pylônistes » dans leur ensemble étaient très chargés en cette fin d’année 2015.
L’Autorité estime que SFR étant tenue de permettre un accès effectif à Free Mobile, ces abandons de sites pylônes, en raison de difficultés rencontrées par SFR, doivent être limités à des situations où des difficultés extérieures empêchent la mise à disposition du site pylône. Ces difficultés doivent être indépendantes de la volonté de SFR, qui doit justifier qu’elles ne peuvent pas raisonnablement être surmontées. Les cas prévus à l’article 5.5 du contrat Tango peuvent apparaître pertinents à cet effet.
Inversement, si les abandons sont inférieurs aux prévisions des parties, SFR devra poursuivre la production en vue de traiter l’intégralité des sites pylônes faisant l’objet des commandes Tango 1, 2 et 3, dans le respect du cadre réglementaire exposé en partie 3.1.
L’Autorité estime, en outre, que le respect par SFR du rythme de mise à disposition de sites pylônes est dépendant du respect par Free Mobile des délais contractuels applicables en cours de processus. De trop grands retards de Free Mobile entraîneront ainsi nécessairement l’impossibilité pour SFR de respecter des échéances de production. L’Autorité note que Free Mobile, dans le cadre de l’instruction55 et lors de l’audience devant la formation RDPI, a indiqué être disposée à respecter les délais contractuels qui lui incombent.
Dans le cas où Free Mobile ne respecterait pas ses délais contractuels sur un site, SFR apparaîtrait fondée à livrer ce site en retard par rapport au calendrier contraignant.
Enfin, l’Autorité considère qu’une modification du rythme de production peut demander, d’une part, une remobilisation des moyens des parties, d’autre part, une phase de négociation pour déterminer les nouvelles conditions contractuelles encadrant cette mise à disposition. Pour permettre ces ajustements, l’Autorité estime qu’il est justifié de laisser à SFR un délai de deux mois pour proposer un avenant au contrat définissant le calendrier contraignant de mise à disposition des sites pylônes, ce délai étant également pris en compte pour calculer ce calendrier. Afin que les négociations se déroulent dans de bonnes conditions entre les parties, SFR initiera ces dernières, par l’envoi d’un projet d’avenant initial dans un délai raisonnable de 15 jours.
En outre, les obligations prévues par la présente décision tendent à permettre l’accès effectif de Free Mobile aux sites pylônes de SFR dans un calendrier contraignant, lequel prévoit des étapes intermédiaires donnant à Free Mobile une prévisibilité sur les volumes et les dates. Dès lors, la demande relative à un rythme de production à très court terme n’apparaît pas utile pour permettre à Free Mobile l’accès effectif aux sites pylônes de SFR.
Pour l’ensemble de ces raisons, et compte tenu de l’obligation pour SFR, en vertu de la présente décision, de proposer à Free Mobile un avenant prévoyant un calendrier contraignant, et intégrant une étape intermédiaire à relativement brève échéance, l’Autorité estime que la demande d’une « reprise » de l’exécution du contrat, sous 15 jours, et aux conditions demandées par Free Mobile n’est pas justifiée.
L’introduction d’un calendrier contraignant de mise à disposition des sites pylônes de SFR, correspondant aux commandes Tango 1, 2 et 3, n’exclut pas une modification des tarifs, dans les conditions prévues ci-après (partie 3.5 de la présente décision).
3.4 Sur les demandes relatives à la stabilité des conditions de production des sites
Free Mobile demande la signature d’un avenant par lequel SFR s’engage à poursuivre l’exécution du contrat dans le futur dans la continuité de 2014 en termes de stabilité du taux d’échec des sites du fait de SFR, stabilité des hauteurs HBA proposées par SFR à Free Mobile (pour des configurations de site similaires), stabilité du contenu des livrables (études et travaux), stabilité du montant des devis travaux (pour des travaux similaires), respect des délais contractuels, notamment pour les études et travaux, et dispositif de pilotage et de reporting inchangé.
3.4.1 Sur la stabilité du taux d’échec des sites du fait de SFR
Free Mobile fait valoir que, au regard des abandons de sites pylônes de la part de SFR, constatés au second semestre 2014, il est raisonnable que le taux d’abandon total de sites « du fait de SFR » n’excède pas 10%56.
SFR soutient toutefois et à juste titre qu’elle ne peut s’engager sur un taux d’abandons dès lors que les abandons sont imputables, non à sa volonté, mais « aux bailleurs ou à des obstacles techniques »57.
En outre, le contrat Tango encadre les cas limitatifs conduisant à exclure des sites à mettre à disposition de Free Mobile (article 5.5 du contrat Tango) dont aucun n’est conditionné à une appréciation subjective de SFR :
« 5.5. Sites exclus
Le Service d’Hébergement sera mis en œuvre par SFR au bénéfice de Free Mobile sur les sites décrits en annexe des présentes, étant entendu que sont d’ores et déjà exclus :
· Les sites qui sont dans l’impossibilité d’être intégrés au Service aux conditions du Contrat (sites micros, Femtocell et récepteurs, sites de couverture spécifique entreprise et apparentés, impossibilité juridique…)
· Ceux sur lesquels aucun emplacement n’est disponible
· Ceux dont la mise à disposition à Free Mobile du Service d’Hébergement n’est pas réalisable à des conditions raisonnables
· Ceux sur lesquels SFR n’est pas en mesure de fournir un Service d’Hébergement en raison de contraintes réglementaires ou contractuelles avec un tiers ;
Dans le cas où l’un de ces Sites serait imposé par erreur à SFR à FREE MOBILE, SFR s’engage à rembourser FREE MOBILE de toutes les sommes le cas échéant facturées par SFR relativement à ce site ».
Il résulte de ce qui précède, ainsi qu’au regard de l’obligation d’accès effectif à ses sites pylônes pesant sur SFR et des justifications apportées par Free Mobile, que cette dernière n’établit pas le bien-fondé de sa demande.
3.4.2 Sur la stabilité des hauteurs HBA proposées par SFR à Free Mobile
Le sigle HBA désigne la « Hauteur Base d’Antenne » d’une antenne mobile et représente la hauteur mesurée entre le sol et la base de l’antenne.
SFR indique qu’en 2014, elle a « […] » et qu’ « […] »58. Free Mobile ne conteste pas ces éléments et demande, « à l’instar des sites livrés au S2 2014 » à ce que ses antennes « soient placées sur l’emplacement le plus haut effectivement disponible au moment de l’étude ». Free indique se prémunir ainsi d’une réservation de ces emplacements par SFR pour d’éventuels projets59.
L’Autorité relève que la hauteur des antennes étant une caractéristique importante de l’implantation d’un site, elle fait nécessairement partie des conditions permettant de garantir un accès effectif aux sites de SFR par Free Mobile, dans le respect des obligations règlementaires pesant sur SFR.
Or, il ressort de l’instruction que les hauteurs HBA proposées par SFR sur ses sites pylônes pour l’installation équipements de Free Mobile, n’ont, jusqu’à présent, pas soulevé de difficulté particulière. L’Autorité estime, en outre, que les mesures prises par SFR en 2014, telles que rappelées ci-avant, apparaissent pertinentes pour permettre à Free Mobile d’accéder dans des conditions équivalentes aux sites de SFR. Free Mobile ne démontre d’ailleurs pas le contraire puisqu’elle demande la stabilité des hauteurs HBA proposées par SFR au second semestre 2014.
Par ailleurs, la demande de Free Mobile apparaît insuffisamment étayée, notamment au regard des caractéristiques différentes (en termes de localisation et de contraintes techniques pouvant être rencontrées) des pylônes restant à produire par rapport aux pylônes produits en 2014.
Si l’Autorité estime que la hauteur des emplacements proposés par SFR participe à l’accès effectif de Free Mobile aux sites pylônes de SFR, il résulte néanmoins de ce qui précède et des justifications apportées par Free Mobile que cette dernière n’établit pas le bien-fondé de sa demande.
3.4.3 Sur la stabilité du contenu des livrables (études et travaux)
Le contrat Tango prévoit un certain nombre de livrables qui doivent être remis à Free Mobile par SFR. Comme l’indique Free Mobile dans sa saisine, SFR a fait réaliser des études détaillées par des sous- traitants (plans de type APD, note de calcul de résistance du site) et un devis pour la réalisation des travaux d’aménagement des sites, qui font l’objet d’une validation par Free Mobile, laquelle peut renoncer à commander le site au regard des livrables remis par SFR60.
Dans le cadre de l’instruction, Free Mobile a précisé, s’agissant de sa demande relative aux livrables (CR VT, APD, devis travaux) « dont le contenu et la qualité [doivent rester] similaires à la qualité des livrables produits en 2014 » que cette qualité pouvait être mesurée au nombre d’allers et retours sur ces livrables, celui-ci dépassant rarement deux allers et retours sur l’année 201461.
Or, SFR soutient, de son côté, qu’elle a toujours répondu aux attentes de Free Mobile s’agissant des livrables, notamment en procédant systématiquement aux modifications demandées par Free Mobile62. Ainsi, il ne ressort pas de l’instruction que le contenu des livrables ait été à l’origine de difficultés particulières entre les parties au cours de l’exécution du contrat.
Si l’Autorité estime que le contenu et la qualité des livrables remis par SFR participent à l’accès effectif de Free Mobile aux sites pylônes de SFR, il résulte néanmoins de ce qui précède et des justifications apportées par Free Mobile, que cette dernière n’établit pas le bien-fondé de sa demande.
3.4.4 Sur la stabilité du montant des devis travaux
Le montant des devis travaux est fixé sur « la base d’un devis d’un prestataire reconnu sur le marché avec application d’un coefficient de peines et soins pour SFR de […]% »63 pour les sites considérés dans le cadre du contrat Tango.
Free Mobile demande à ce que SFR s’engage à ce que les montants des devis travaux n’évoluent pas, et reflètent « les […] des travaux permettant l’installation de Free Mobile selon des modalités techniques efficaces [...] »64.
SFR rappelle, ce que ne conteste pas Free Mobile, que chaque fois que cette dernière a émis des réserves et des remarques sur les devis travaux remis par SFR, elle a systématiquement repris les devis, en vue de les faire modifier65.
Il ressort de l’instruction que les montants des devis travaux remis par SFR à Free Mobile n’ont pas suscité de difficulté particulière entre les parties au cours de l’exécution du contrat. L’Autorité relève en outre que les devis sont proposés par SFR, dans des conditions équivalentes à celles dont elle a pu bénéficier lors de ses propres travaux d’installation de la 3G, sur la base du devis d’un prestataire reconnu sur le marché, et qu’il n’est pas établi qu’elle ait une quelconque influence particulière sur le montant du devis.
Dès lors, il résulte de ce qui précède, et au regard de l’obligation d’accès effectif à ses sites pylônes pesant sur SFR, ainsi que des justifications apportées par Free Mobile, que cette dernière n’établit pas le bien-fondé de sa demande.
3.4.5 Sur le respect des délais contractuels
Free Mobile demande à ce que SFR s’engage dans le cadre du contrat Tango à respecter les délais prévus par ce contrat, notamment pour les études et travaux.
Il ressort de l’instruction que si ces délais ont pu être méconnus par l’une ou l’autre des parties dans le cadre de l’exécution de leur contrat, ces dernières n’ont jamais cherché à remettre en cause, entre elles ou devant l’Autorité, les délais prévus contractuellement.
Dès lors la demande de Free Mobile vise à inscrire dans le contrat des délais déjà prévus par ce dernier. Une telle demande n’ayant, dans le cadre de la présente procédure de règlement de différend, aucune portée utile, elle sera rejetée.
3.4.6 Dispositif de pilotage et reporting inchangés
Le contrat Tango prévoit un dispositif de pilotage, qui a pour principales missions d’analyser l’avancement du contrat Tango dans son ensemble, tenir compte des éventuelles commandes de sites pylônes supplémentaires de la part de Free Mobile et discuter des sites pylônes faisant l’objet de difficultés, notamment techniques. Au cours des réunions du comité de pilotage, les parties discutent également du « cadencement des différentes étapes » de la production des sites pylônes, en tenant compte « des capacités de production de SFR »66.
Si l’Autorité estime que le comité de pilotage est un élément essentiel pour permettre à Free Mobile un accès effectif aux sites pylônes de SFR dans le cadre du contrat Tango, il ressort de l’instruction que ce n’est pas le comité de pilotage en lui-même qui a posé des difficultés dans l’exécution du contrat Tango, puisque Free Mobile demande d’ailleurs à ce qu’il demeure « inchangé », mais l’absence d’un calendrier contraignant de production, qui serait suivi par ce comité de pilotage dans sa forme actuelle.
Il résulte de ce qui précède et au regard de l’obligation d’accès effectif à ses sites pylônes pesant sur SFR, ainsi que des justifications apportées par Free Mobile, que cette dernière n’établit pas le bien-fondé de sa demande
3.5 Sur les demandes tarifaires
Free Mobile demande, d’une part, le maintien des tarifs du contrat pour les commandes Tango 1 et 2 et, d’autre part, que de nouveaux niveaux tarifaires s’appliquent à la commande Tango 3.
S’agissant de cette seconde demande, elle associe une hausse (sur les prestations initiales) et une baisse (sur les loyers). Les deux effets se compensent sur la durée, aboutissant à des montants totaux payés par Free Mobile pratiquement inchangés pour l’éventuelle commande Tango 3, par rapport à l’application de la grille tarifaire initiale67.
Or, il apparait justifié et équitable que d’éventuelles évolutions tarifaires puissent intervenir eu égard à la nouvelle contrainte calendaire imposée par la présente décision à la société SFR.
L’Autorité note, à cet égard, que le montant des primes de déploiement peut apparaître comme une indication de la valeur qui pourrait être accordée au caractère contraignant du calendrier pour SFR.
Toutefois, les parties, qui n’ont pas débattu le prix dans l’hypothèse d’un calendrier contraignant, n’ont pas apporté, dans le cadre de l’instruction, d’éléments permettant à l’Autorité de se prononcer sur les niveaux tarifaires qui pourraient être retenus.
L’Autorité estime néanmoins justifié et équitable que les niveaux tarifaires qui seront négociés entre les parties respectent les conditions suivantes.
D’une part, les éventuelles modifications ne devront pas excéder un niveau strictement justifié par la contrainte calendaire pesant désormais sur SFR.
D’autre part, ces éventuelles modifications ne pourront porter que sur les tarifs des prestations de conception et d’aménagement (prestations d’ingénierie initiales), pour lesquelles il est possible de considérer que le calendrier contraignant de mise à disposition de sites imposé à SFR aura un impact sur la réalisation de ces prestations. SFR pourrait en effet être amenée à fournir des efforts accrus, notamment pour maîtriser certains aléas.
En revanche, l’Autorité estime qu’il ne serait pas justifié d’augmenter, sur le fondement de la contrainte calendaire, la rémunération, par des loyers récurrents, des prestations d’hébergement (prévue par l’article 9.3 du contrat Tango). En effet, les contours et les caractéristiques de ces prestations n’apparaissent pas affectés par un calendrier contraignant de mise à dispositions des sites pylônes par SFR, dans la mesure où par définition ce calendrier ne vise que la mise à disposition des sites.
Décide :
Article 1 : La société SFR assure à la société Free Mobile un accès effectif et diligent aux sites de la société SFR.
A cette fin, la société SFR doit, à compter de la notification de la présente décision, transmettre à la société Free Mobile, d’une part, dans un délai de quinze jours, un projet d’avenant initial et, d’autre part, à l’issue d’une négociation menée de bonne foi et au plus tard dans un délai de deux mois, un avenant au contrat dit « Tango », signé le 8 novembre 2013 :
- acceptant la commande de la société de Free Mobile de […] sites de novembre 2014 ;
- permettant, dans le cadre d’un calendrier contraignant et applicable aux commandes de la société Free Mobile de […] sites de novembre 2013, de […] sites de septembre 2014 et de […] sites de novembre 2014, un accès à ces sites dans les conditions prévues à la partie 3.3.2.3 de la présente décision.
Conformément aux conditions prévues par la partie 3.5 de la présente décision, les éventuelles modifications tarifaires par rapport aux tarifs précédemment établis entre les parties dans le cadre du contrat « Tango » ne devront pas excéder un niveau strictement justifié par la contrainte calendaire pesant sur la société SFR en vertu de l’alinéa précédent.
Article 2 : Le surplus des demandes de la société Free Mobile est rejeté.
Article 3 : La directrice des affaires juridiques de l’Autorité de régulation des communications électroniques et des postes est chargée de notifier la présente décision aux sociétés Free Mobile et SFR. Elle sera rendue publique sous réserve des secrets protégés par la loi.
Notes :
1 Communiqué de presse du groupe Iliad du 15 mai 2015, http://www.iliad.fr/finances/2015/CP_150515.pdf
2 Communiqué de presse du groupe Numericable-SFR du 12 mai 2015, http://numericable- sfr.com/sites/default/files/20150512_cp_resultats_t1_2015.pdf
3 Chiffres ARCEP de fin 2013 pour la 2G et fin 2014 pour la 3G (www.arcep.fr/observatoire/suivi-des-reseaux-mobiles).
4 Les opérateurs continuent néanmoins de déployer des sites dans les communes du « programme de résorption des zones blanches ». Voir communiqué de presse du Ministère de l’Economie, de l’Industrie et du Numérique du 21 mai 2015, http://www.arcep.fr/fileadmin/reprise/dossiers/mobile/cp-ministre-economie-numerique-zones-blanches-210515.pdf
5 Ce programme spécifique vise la couverture des communes qui n’étaient couvertes par aucun opérateur. Il a été conçu dès l’origine par le Gouvernement et l’ARCEP en prévoyant un partage des sites entre tous les opérateurs. Ce programme sera exclu des analyses présentées dans la suite de la décision, car les zones concernées ne sont pas représentatives de la dynamique réelle sur la question du partage de sites entre opérateurs mobiles.
6 Saisine de Free Mobile p.22.
7 Au 9 mars 2015, 11 878 sites sont partagés sur un total de 38 628 sites. Source : ARCEP.
8 Premières observations en défense de SFR p.10.
9 Article 3 Objet du contrat Tango, Free Mobile pièce 2.
10 Troisièmes observations en défense de SFR, p.3.
11 Premières observations en défense de SFR, p.24.
12 CA de Paris, 20 mai 2014, n°13/16331 : « Considérant toutefois que l'autorité de la chose jugée n'a lieu qu'à l'égard de ce qui a fait l'objet d'un jugement ; que l’ARCEP, autorité administrative indépendante, n'est pas une juridiction ; qu'en conséquence, les décisions rendues par elle n'ont pas autorité de la chose jugée au sens de l'article 1351 du code civil ».
13 CA de Paris, 26 mai 2009, Neuf Cegetel c/ France Télécom, n° 2008/16665 ; CA de Paris, 23 juin 2011, n°2010-23690 ; Décision n° 2010-1179 du 4 Novembre 2010 se prononçant sur deux demandes de règlement de différend opposant, d’une part, la société France Telecom à la société NC Numericable, d’autre part, la société France Telecom à la société Numericable SAS.
14 Avis relatif aux modalités et conditions d’attribution des autorisations pour l’introduction en France métropolitaine des systèmes mobiles de troisième génération publié le 18 août 2000 au Journal officiel.
15 Cette obligation « asymétrique » s’impose également à Orange et Bouygues Telecom en vertu de leurs autorisations 3G (arrêté du 18 juillet 2001 autorisant la société Orange France à établir et exploiter un réseau radioélectrique de troisième génération ouvert au public et à fournir le service téléphonique au public ; arrêté du 3 décembre 2002 autorisant la société Bouygues Télécom à établir et exploiter un réseau radioélectrique de troisième génération ouvert au public et à fournir le service téléphonique au public).
16 Informations complémentaires relatives à l’appel à candidatures de 2000, site de l’Autorité : http://www.arcep.fr/index.php?id=8070
17 CE, 12 octobre 2010, n° 332393.
18 Comme l’a indiqué la Cour d’appel de Paris dans ses décisions du 24 février 2011 n° 2010/16143 et du 19 janvier 2012 n° 2010-24694.
19 Deuxièmes observations en défense de SFR, p.14.
20 Mémoire en réplique de Free Mobile, p.22.
21 Réponse de SFR au second questionnaire des rapporteurs, Q2.
22 Deuxièmes observations en défense de SFR, p.24.
23 Réponse de Free Mobile au premier questionnaire, Q21 et réponse au second questionnaire des rapporteurs, Q4.
24 Réponse au second questionnaire des rapporteurs, Q4.
25 Réponse de Free Mobile au second questionnaire des rapporteurs, Q4.
26 La société SFR indique « utilise[r] généralement ses sites existants pour déployer de nouveaux équipements en raison d’une multitude de contraintes administratives, environnementales, réglementaires, juridiques ou financières. […] Ce n’est vraiment qu’en l’absence d’autres solutions que SFR déploiera un nouveau pylône. La plupart de ses pylônes 2G ont été utilisés par SFR pour son déploiement 3G » ; Réponse de SFR au premier questionnaire des rapporteurs, Q26 et pièce 20.
27 Article 5.4 du contrat Tango, pièce Free Mobile n°2
28 Préambule du Protocole 2010, pièce SFR n°2.
29 Article 3-1 du Protocole de 2010.
30 Le contrat Tango est assorti de deux primes de déploiement versées à SFR si elle parvient à atteindre des objectifs de mise à disposition de sites à fin 2014 et fin 2015, voir infra.
31 Première observations en défense de SFR, p. 22.
32 Saisine Free Mobile, Pièce n°9.
33 Première observations en défense de SFR p. 20.
34 Premières observations en défense de SFR, p. 32.
35 Calcul des rapporteurs sur la base de la réponse de SFR au premier questionnaire des rapporteurs, Q19.
36 Deuxièmes observations en défense de SFR, pp 10-11.
37 Mémoires en réplique, p.17.
38 Notamment, Free Mobile, pièce 2 de son mémoire en réplique. Free Mobile a fourni une base de données qui a pu faire l’objet d’une analyse de la part des rapporteurs.
39 Première observations en défense, p. 38.
40 Secondes observations en défense, p. 12.
41 Secondes observations en défense de SFR, pp.30 et suiv.
42 Analyse des rapporteurs des données fournies par SFR à la Q9 du premier questionnaire des rapporteurs.
43 Troisièmes observations en défense SFR, p. 3 et audience des parties.
44 Saisine de Free Mobile, pièces 8 et 9.
45 Free Mobile, pièces n° 8 et 9.
46 Réponse de SFR au premier questionnaire des rapporteurs, Q14.
47 Premières observations en défense de SFR, p. 39. 48 Réponse de SFR à la Q6 du 2ème questionnaire. 49 SFR, pièce 5.
50 Article 5.1.2 du contrat Tango, Free mobile pièce n°2.
51 L’accord a été annoncé par communiqué de presse de SFR en date du 31 janvier 2014. Il prévoit que « Bouygues Telecom et SFR vont déployer sur une zone correspondant à 57% de la population […] un nouveau réseau partagé. » http://numericable-sfr.com/presse/communique-de-presse-2014/01312014-1745-bouygues-telecom-sfr-accord-strategique- reseaux-mobiles
52 Décision n° 2012-0039 de l’Autorité de régulation des communications électroniques et des postes en date du 17 janvier 2012 autorisant la Société Française du Radiotéléphone à utiliser des fréquences dans la bande 800 MHz en France métropolitaine pour établir et exploiter un réseau radioélectrique mobile ouvert au public, http://www.arcep.fr/uploads/tx_gsavis/12-0039.pdf
53 En ce sens, voir les premières observations en défense de SFR, p.5.
54 Premières observations en défense de SFR, p. 38.
55 Réponse de Free Mobile au second questionnaire des rapporteurs, Q5 : « SFR doit s’engager à respecter les délais contractuels, à des délais contractuels inchangés, sauf accord express des deux parties. Free Mobile est disposée à respecter les délais lui incombant ».
56 Réponse de Free Mobile au second questionnaire des rapporteurs, Q5.
57 Réponse de SFR au second questionnaire des rapporteurs, Q1.
58 Réponse de SFR au second questionnaire des rapporteurs, Q1.
59 Réponse de Free Mobile au second questionnaire des rapporteurs, Q5.
60 Saisine Free Mobile, p.8.
61 Réponse de Free Mobile au second questionnaire des rapporteurs, Q5.
62 Réponse de SFR au second questionnaire des rapporteurs, Q1.
63 Article 9.1 Prestations d’ingénierie et de travaux du contrat Tango, Free Mobile, pièce 2.
64 Réponse de Free Mobile au second questionnaire des rapporteurs, Q5.
65 Réponse de SFR au second questionnaire des rapporteurs, Q1.
66 Article 5.4 Comité de pilotage du contrat Tango, Free Mobile, pièce 2.