CA Lyon, 12 janvier 2006, n° 05/04877
LYON
Arrêt
Confirmation
PARTIES
Demandeur :
5B Zac (SCI)
Défendeur :
Nanterme (ès qual.), Habitat Protection Service (Sté), Walczak (ès qual.)
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
M. Robert
Conseillers :
M. Santelli, Mme Clozel-Truche
Avoués :
Me de Mauroy, SCP Aguiraud-Nouvellet
Avocats :
Me Grange, Me Chanon
LES FAITS
Par acte authentique du 30 octobre 1990 la SCI 5B a consenti à la SARL ETABLISSEMENT BASSET-BOUVY fabricant de produits en aluminium un bail commercial sur un tènement sis ZAC des ANDRES à BRINDAS.
Ce bail comportait la clause suivante à l'article CESSION-SOUS-LOCATION "Aucun apport ou cession ne pourra être fait s'il est dû des loyers et charges par le preneur".
Ce bail a été renouvelé le 3 mai 2001 pour une durée de 9 ans, à compter du 1er octobre 1999.
Le Tribunal de Commerce de LYON a ouvert le 5 octobre 2004 la procédure de redressement judiciaire de la SARL ETABLISSEMENT BASSET-BOUVY en désignant Maître WALCZAK en qualité de représentant des créanciers et Maître NANTERME en qualité d'administrateur.
La SCI 5 B a déclaré le 27 octobre 2004 une créance de 30.564,12 euros à titre de solde de loyers et de taxe foncière.
Le 24 mai 2005 Maître NANTERME a déposé au greffe le 24 mai 2005 son rapport contenant le bilan économique et social de l'entreprise et un projet de plan de cession ensuite de l'offre reçue de Michel X...
Par jugement du 31 mai 2005 le Tribunal de Commerce de LYON a arrêté le plan de cession de la SARL ETABLISSEMENT BASSET-BOUVY au profit de Michel X..., dirigeant de la société HPS pour le compte d'une SARL MT STRUCTURES à constituer, selon les modalités suivantes:
- prix de cession 10.000 euros
- date d'entrée en jouissance 31 mai 2005
- transfert au profit du cessionnaire des contrats suivants
* contrat de bail
* contrat de leasing BNP LEASE GROUP (tronçonneuse à chaîne)
* contrat de location de l'installation téléphonique
- volet social
* reprise des trois contrats de travail existant au sein de la SARL, avec reprise de la totalité des congés payés acquis au jour de l'entrée en jouissance
* remboursement au prorata temporis de la taxe professionnelle.
Il a enfin désigné Maître NANTERME en qualité de commissaire à l’exécution du plan.
Par déclaration remise au greffe le 11 juillet 2005 la SCI 5B, bailleur, a interjeté appel du jugement arrêtant le plan de cession de la SARL ETABLISSEMENT BASSET-BOUVY.
A la requête de l'avoué de l'appelante l'affaire a fait l'objet d'une fixation à plaider à l'audience du 14 décembre 2005, par ordonnance du 4 octobre 2005 rendue au visa des dispositions de l'article 910 du Nouveau Code de Procédure Civile. LES MOYENS ET LES PRÉTENTIONS DES PARTIES.
Par conclusions déposées le 22 juillet 2005 la SCI 5 B demande à la Cour de
- réformer le jugement arrêtant le plan de cession de la SARL ETABLISSEMENT BASSET-BOUVY en ce que cette décision a décidé de la cession du droit au bail et la reprise du contrat existant avec elle - dire et juger que Michel X... tant à titre personnel qu'en sa qualité de dirigeant de la société HABITAT PROTECTION SERVICE ainsi que toute personne qu'il se serait substitué sont occupants sans droit ni titre
- ordonner leur expulsion immédiate
- condamner Maître NANTERME au paiement de la somme de 1.000 euros en application des dispositions de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile.
L'appelante fait valoir qu'en contravention avec les dispositions de l'article L 621-88 du Code de Commerce elle n'a été ni consultée, ni appelée à l'audience sur les conditions de reprise du bail commercial dans le cadre du plan de cession ;
que le jugement rendu le 31 mai 2005 ne lui été ni notifié ni signifié;
que le Tribunal a autorisé la cession du bail alors que celle-ci ne pouvait être ordonnée en contravention avec les stipulations du bail qui excluait toute cession si des loyers et charges restaient dus par le preneur;
que le Tribunal ne pouvait modifier les dispositions contractuelles; qu'elle est donc recevable à interjeter appel limité aux dispositions du jugement emportant cession du contrat de bail qui lui font grief. Par conclusions signifiées le 13 octobre 2005 Maître NANTERME es qualités de commissaire à l'exécution du plan de cession demande à la Cour de confirmer dans toutes ses dispositions le jugement référé. Il sollicite la condamnation de l'appelante à lui payer la somme de 2.000 euros en application des dispositions de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile.
Il soutient que le principe d'ordre public de cession judiciaire des contrats par application des dispositions de l'article L 621-88 du Code de Commerce conduit à invalider les clauses contractuelles restrictives de la cession, afin de permettre au repreneur d'éviter une désorganisation nuisible au redressement de l'activité cédée ;
que la SCI 5 B bailleur n'avait pas à être entendue, ni appelée alors qu'aucun délai ne lui était imposé par le Tribunal et que les clauses du bail relatives à la restriction de la cession et de la sous location ne pouvaient jouer.
Par conclusions signifiées le 28 octobre 2005 Michel X... , tant à titre personnel qu'en sa qualité de dirigeant de la société HPS demande à la Cour
- à titre principal de déclarer irrecevable l'appel interjeté par la SCI B plus de 10 jours après le prononcé du jugement adoptant le plan de cession de la SARL ETABLISSEMENT BASSET BOUVY
- subsidiairement de confirmer le jugement entrepris notamment en ce qu'il a ordonné la cession du droit au bail et la reprise du contrat de bail avec la SCI 5 B
- en toute hypothèse de condamner l'appelante à lui payer la somme de 2.000 euros en application des dispositions de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile. Michel X... fait observer que
- le bail litigieux était en cours au jour de la date d'ouverture et encore à la date d'arrêté du plan de cession ;
- la clause invoquée par la SCI 5 B , nulle en application des dispositions de l'article L 145-6 du Code de Commerce en cas de cession de gré à gré, est invalide en cas de cession d'un contrat nécessaire au maintien de l'activité
- une telle clause subordonnant la cession judiciaire d'un contrat au paiement d'une créance antérieure serait contraire aux dispositions d'ordre public régissant les procédures collectives.
Par conclusions récapitulatives en réponse signifiées le 28 octobre 2005 à Maître NANTERME et à Michel X... la SCI 5 B reprend ses conclusions déposées le 22 juillet 2005 en ajoutant que l'interprétation de l'article L 621-88 de Maître NANTERME selon laquelle le cocontractant ne devrait être entendu ou appelé que lorsque le Tribunal accorde des délais de paiement est contraire à ce texte et aux dispositions de l'article 105 du décret du 27 décembre 1985 qui imposent à peine de nullité lors de l'examen d'un plan de cession la convocation du cocontractant cédé.
L'appelante ajoute que le jugement rendu en fraude à ses droits lui fait grief alors que le bail conclu avec la société BASSET-BOUVY interdisait la cession en cas d’impayés ; qu'elle est donc recevable à former appel sur les dispositions du jument qui emportent cession du contrat de bail.
Maître WALCZAK représentant des créanciers, cité par l'appelante par exploit du 12 octobre 2005 avec signification des conclusions signifiée par elle le 22 juillet 2005, n'a pas constitué avouer.
L'ordonnance de clôture a été rendue le 25 novembre 2005 ;
La procédure a été communiquée au Ministère Public qui a conclu le 6 décembre 2005 à l'irrecevabilité de l'appel exercé en réalité en qualité de créancier d'arriéré de loyers et non de cocontractant.
SUR CE LA COUR
Sur la recevabilité de l'appel
Attendu que l'article L 623-6 du Code de Commerce autorise le cocontractant dont le contrat a été cédé au cessionnaire en application des dispositions de l'article L 621-88 du Code de Commerce à interjeter appel du jugement qui arrête le plan de cession mais seulement sur la partie du jugement qui emporte cession du contrat;
Que si l'article 157 du décret 85-1388 du 27 décembre 1985 prévoit que le délai d'appel du cocontractant est de 10 jours à compter du prononcé du jugement, ce délai ne peut courir lorsque le cocontractant n'a pas été informé de la date à laquelle serait rendu ce jugement;
Attendu qu'il convient d'observer en l'espèce qu'alors que le cessionnaire sollicitait dans son offre la cession du contrat de bail, le jugement entrepris ne mentionne pas que la SCI 5 B ait été convoquée à l'audience, alors que cette convocation était imposée par les dispositions de l'article L621-88 du Code de Commerce, ni même qu'elle ait été consultée voire seulement avisée par l'administrateur de la date de l’audience ;
Qu’il n'est même pas établi que la SCI 5 B ait été destinataire dans les 48 heures suivant le prononcé du jugement entrepris de l'information prescrite à l'article 157 du décret du 27 décembre 1985;
Que ce jugement n'a pas été signifié antérieurement au 11 juillet 2005 ;
Qu’il s'ensuit qu'est recevable l'appel interjeté le 11 juillet 2005 par la SCI 5 B à l'encontre du jugement rendu par le Tribunal de Commerce de LYON le 31 mai 2005 en ce que cette décision a décidé de la cession du droit au bail et la reprise du contrat existant avec elle;
Au fond
Attendu que la cession de l'entreprise dans le cadre d'une procédure collective prévue par les articles L 621-83 et suivants du Code de commerce est une opération originale et complexe qui a pour but d'assurer le maintien d'activités susceptibles d'exploitation autonome, de tout ou partie des emplois qui y sont attachés et d'apurer le passif ;
que le Tribunal qui retient une offre qui permet de répondre à cet objet, détermine les contrats de crédit-bail , de location ou de fournitures de biens ou services nécessaires au maintien de l'activité et ordonne la cession desdits contrats au profit du cessionnaire aux conditions en vigueur au jour de l'ouverture de la procédure;
Que toutefois se trouvent privées d'effet les clauses contractuelles contraires aux dispositions d'ordre public des règles régissant les procédures collectives ;
Que le bail commercial figure parmi les contrats énumérés à l'article L 621-88 du Code de Commerce ;
Attendu en l'espèce que la clause du bail consenti par la SCI 5B figurant à l'article CESSION -SOUS-LOCATION est ainsi libellée: "Aucun apport ou cession ne pourra être fait s'il est dû des loyers et charges par le preneur";
Qu'une telle clause qui prohibait en raison d'impayés antérieurs la cession du bail commercial des locaux abritant l'activité de la SARL ETABLISSEMENT BASSET-BOUVY, contrat nécessaire au maintien de l'activité, ne pouvait donc recevoir effet à l'occasion de l'examen du plan de cession ;
Qu’il y a donc lieu de
- confirmer le jugement entrepris arrêtant le plan de cession de la SARL ETABLISSEMENT BASSET-BOUVY en ce que cette décision a décidé de la cession au profit du cessionnaire du bail consenti par la SCI 5B
- débouter la SCI 5 B de l'intégralité de sa demande ;
Sur les frais irrépétibles et les dépens
Attendu qu'il n'est pas inéquitable de laisser à la charge des parties les frais irrépétibles exposés dans l’instance ;
qu'il échet de rejeter les demandes respectivement formées en application des dispositions de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile;
Qu’il échet de rejeter les demandes respectivement formées en application des dispositions de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile;
Attendu qu'en raison des circonstances de l'espèce et alors que le bailleur n'a été ni consulté préalablement au dépôt de l'offre ni convoqué devant le Tribunal, il convient de dire que les dépens seront tirés en frais privilégiés de procédure collective ;
PAR CES MOTIFS
Statuant publiquement par arrêt réputé contradictoire et en dernier ressort
Déclare recevable l'appel interjeté par la SCI 5B à l'encontre du jugement rendu le 31 mai 2005 par le Tribunal de Commerce de LYON arrêtant le plan de cession de la société ETABLISSEMENT BASSET-BOUVY en ce que cette décision a décidé de la cession du droit au bail et la reprise du contrat existant avec elle ;
Confirme le jugement entrepris en ce qu'il a décidé de la cession au profit du cessionnaire du bail consenti par la SCI 5 B ;
Y ajoutant
Déboute les parties du surplus de leurs demandes ;
Dit que les dépens seront tirés en frais privilégiés de la procédure de redressement judiciaire et accorde contre elle à Maître LIGIER DE MAUROY, et à la SCP AGUIRAUD-NOUVELLET Avoués le droit de recouvrement direct prévu par l'article 699 du Nouveau Code de Procédure Civile.