CA Pau, 2e ch. sect. 1, 17 janvier 2022, n° 20/01508
PAU
Arrêt
Confirmation
PARTIES
Demandeur :
Ducom 87 (SCI)
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
M. Darracq
Conseillers :
M. Magnon, M. Gracia
EXPOSÉ DES FAITS ET PROCÉDURE :
Par acte notarié du 28 mars 2008, la SCI Ducom 87 a donné à bail commercial à la société X un ensemble immobilier situé <adresse>.
Par jugement du 28 novembre 2014, le tribunal de commerce de Mont-de-Marsan a ouvert une procédure de redressement judiciaire à l'égard de la société X, désignant Maître L. en qualité d'administrateur judiciaire et Maître Z en qualité de mandataire judiciaire. Cette procédure a été convertie en liquidation judiciaire par jugement du 27 mai 2016, de ce même tribunal, qui a autorisé la poursuite d'activité jusqu'au 24 juin 2016 et désigné Maître Z en qualité de liquidateur judiciaire.
Par jugement du 24 juin 2016, le tribunal de commerce de Mont-de-Marsan a ordonné la cession totale de l’entreprise X, conformément au périmètre de l'offre, et le transfert, en application de l'article L. 642-7 du code de commerce, au profit de la SARL Y, de tous les contrats de crédit-bail, de location, de fournitures de biens et services, nécessaires au maintien de l'activité de l'ensemble cédé, au cessionnaire.
Toutefois, le bail commercial ne figure pas dans la liste des contrats inclus dans l'offre du repreneur.
La société Y a quitté le local loué par la société X le 23 décembre 2016 et a remis les clefs au mandataire liquidateur le 16 janvier 2017.
Par acte du 26 septembre 2017, la SCI Ducom a fait assigner devant le tribunal de grande instance de Mont-de-Marsan, la SARL Y aux fins de voir, sur le fondement de l'article L. 142-1 du code de commerce :
- constater la reprise du bail par la SARL Y lors de la cession ;
- constater la résiliation du bail par le jeu de la clause résolutoire ;
Subsidiairement, prononcer la résiliation du bail pour manquement à son obligation de payer le loyer ;
- condamner la SARL Y à lui verser les sommes suivantes :
- 39 085,94 euros au titre des loyers impayés ;
- 30 000 euros de dommages et intérêts ;
- 3000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile outre les dépens en ce compris le coût du commandement de payer.
Par acte du 06 décembre 2018, la SARL Y a fait assigner Maître H. Sylvain successeur de Maître Jean Marc L., administrateur judiciaire de la SARL X, et Maître Z, en qualité de liquidateur judiciaire de la SARL X aux fins de voir :
- accueillir l'intervention forcée de Maître H. Sylvain, successeur de Maître Jean Marc L., administrateur judiciaire de la SARL X et Maître Z, en qualité de liquidateur judiciaire de la SARL X ;
- dire et juger que la procédure introduite par la SCI Ducom 87 n° de RG 17/107 sera opposable à Me H. Sylvain successeur de Me Jean Marc L., administrateur judiciaire de la SARL X et Me Z en qualité de liquidateur judiciaire de la SARL X ;
- dire et juger que les opérations d'expertise à intervenir seront rendues communes et opposables à Me H. Sylvain successeur de Me Jean-Marc L., administrateur judiciaire de la SARL X et Me Z, en qualité de liquidateur judiciaire de la SARL X ;
- statuer ce que de droit sur les dépens.
Par ordonnance du 26 mars 2019, le juge de la mise en état a ordonné la jonction des deux affaires.
Par jugement du 12 février 2020, le tribunal judiciaire de Mont-de-Marsan a :
- débouté la SCI Ducom de l'ensemble de ses demandes ;
- condamné la SCI Ducom à verser à la SARL Y la somme de 2000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;
- condamné la SCI Ducom aux dépens.
Par déclaration en date du 15 juillet 2020, la SCI Ducom 87 a relevé appel de ce jugement.
La clôture est intervenue le 13 octobre 2021.
Au-delà de ce qui sera repris pour les besoins de la discussion et faisant application en l'espèce des dispositions de l'article 455 du code de procédure civile, la cour entend se référer pour l'exposé plus ample des moyens et prétentions des parties aux dernières de leurs écritures visées ci-dessous.
PRÉTENTIONS ET MOYENS DES PARTIES :
Vu les conclusions notifiées le 23 septembre 2021 par la société SCI Ducom 87 qui demande de :
Vu l'article L145-1 du Code de Commerce
Déclarer la SCI Ducom recevable et bien fondée en son action
En conséquence
A titre principal réformer le jugement rendu par le Tribunal Judiciaire de Mont-de-Marsan le 12 février 2020 ;
- constater la reprise du bail existant entre la SCI Ducom et la Société X par la SARL J.P P. Industrie ;
- constater la résiliation du contrat par le jeu de la clause résolutoire insérée dans ledit bail.
A titre subsidiaire
- constater l'existence d'un contrat de bail verbal entre SCI Ducom et la SARL Y à compter du 25 juin 2016 ;
- prononcer la résiliation du contrat de bail existant entre la SCI Ducom et la SARL Y du fait du manquement de cette dernière à son obligation de payer le loyer.
En tout état de cause,
- condamner la SARL Y à verser à la SCI Ducom la somme de 39.085,94€ au titre des loyers et taxes impayés, outre les intérêts à compter du commandement de payer en date du 23 juin 2017 outre l'indemnité forfaitaire de 10 % l'an.
- condamner la SARL Y à verser à la SCI Ducom la somme de 30.000€ tous préjudices confondus ;
- condamner la SARL Y à payer à la SCI Ducom la somme de 3.000 € au titre de l'article 700 du Code de Procédure Civile.
- condamner la SARL Y aux entiers dépens de première instance et d'appel, en ce compris le coût du commandement de payer signifier le 23 juin 2017.
Vu les conclusions notifiées le 06 janvier 2021 par la SARL Y qui demande de :
Vu le jugement du Tribunal Judiciaire de Mont-de-Marsan en date du 12 février 2020
- le confirmer dans l'intégralité de ses dispositions.
En conséquence,
- débouter la SCI Ducom de l'ensemble de ses demandes fins et conclusions
Si par impossible la Cour devait entrer en voie de condamnation à l'encontre de la SARL Y.
- dire et juger que SELAS G. et Associés et Me H., es qualités, seront condamnés à relever et garantir de toutes condamnations principales comme accessoires la SARL Y ;
- En tout état de cause :
- condamner la SCI Ducom 87 à verser la SARL Y la somme de 3 500 € au titre de l'article 700 du CPC ainsi qu'aux entiers dépens dont distraction au profit de Me L. avocat.
Me Sylvain H., à qui la déclaration d'appel et les conclusions de l'appelant ont été signifiées le 14 septembre 2020 et le 12 octobre 2020, n'a pas constitué avocat.
La SELAS G. et associés, à qui la déclaration d'appel et les conclusions de l'appelant ont été signifiées le 15 septembre 2020 et le 12 octobre 2020, n'a pas constitué avocat.
Motivation jugement
La déclaration d'appel ayant été signifiée à Me Sylvain H. par acte d'huissier remis à domicile à une personne non habilitée à le recevoir, l'arrêt sera rendu par défaut, en application de l'article 473 du Coe de procédure civile.
Au soutien de son appel, la société SCI Ducom 87 soutient que le bail commercial s'est poursuivi au-delà du jugement arrêtant le plan de cession, sur la base de la théorie de l'apparence ; qu'un avenant au bail commercial a été signé le 20 février 2015 avec effet rétroactif au 1er janvier 2015, pour tenir compte de la réduction de la surface des locaux loués ; qu'elle a continué à facturer les loyers à la SARL X, conformément au bail commercial, loyers qui lui ont été versés jusqu'en novembre 2016.
Elle ajoute que la SARL X a été placée en liquidation judiciaire sans que la SCI Ducom 87 ne participe aux différentes opérations et sans qu'elle ne soit informée du devenir du bail commercial la liant à la SARL X, de sorte qu'elle ne pouvait pas demander au juge-commissaire de prononcer la résiliation du bail, comme l'a retenu le premier juge, puisqu'elle n'avait pas connaissance de la non reprise de ce bail, persuadée au contraire que celui-ci se poursuivait conformément à l'avenant signé en 2015.
Elle considère qu'en l'absence de notification de la liquidation, de la cession et de la non reprise du bail, en payant les factures de loyer fondées sur le bail commercial initial adressées par le bailleur, entre sa prise de jouissance des locaux et son départ, la SARL Y a, de facto, continué et repris le bail commercial.
A titre subsidiaire, elle soutient qu'un bail verbal s'est formé entre la SARL Y et elle-même, à compter du 25 juin 2016, le bail étant un contrat consensuel pouvant être conclu aussi bien par écrit que verbalement, dès lors qu'il y a accord des parties sur la chose et sur le prix, la preuve de ce bail pouvant être rapportée dès lors qu'il y a occupation des lieux et paiement des loyers.
Elle considère que tel est le cas en l'espèce, la SARL Y s'étant maintenue dans les locaux, ayant acquitté les loyers et exploité le fonds de commerce qu'elle venait de reprendre, et la concluante ne s'étant pas opposée à cette occupation et ayant accepté le paiement des loyers. Elle estime que l'intention de la Société Yde conclure un bail verbal se déduit de l'acquittement du loyer en contrepartie de son occupation du local. A cet égard, elle souligne que les factures des loyers afférents à la période d'occupation par la société Y mentionnaient « suivant avenant au bail commercial 3/6/9 ».
Elle sollicite en conséquence le règlement des loyers échus demeurés impayés, jusqu'à la date effective de remise des clefs entre ses mains en juillet 2017, le bail étant résilié à compter du 23 juillet 2017, soit à l'expiration du délai d'un mois du commandement de payer délivrer au visa de la clause résolutoire, à la SARL Y, le 23 juin 2017.
Elle sollicite également l'indemnisation du préjudice distinct du paiement des loyers, à savoir 10 000,00 euros au titre des réparations que nécessite les locaux et le coût d'enlèvement des meubles laissés par la société Y, outre 20 000,00 euros de perte locative, compte tenu du départ précipité de la société Y ayant empêché le bailleur de relouer les locaux à un prix plus avantageux, et ce pendant plusieurs mois.
La société Y s'oppose à cette analyse, aux motifs notamment qu'elle n'a jamais repris le bail de la SARL X, celui-ci étant exclu de la liste des contrats qu'elle se proposait de reprendre dans son offre. Le jugement a entériné son offre et l'acte de cession du fonds de commerce, établi en exécution du jugement, mentionne expressément que le droit au bail des locaux où le fonds est exploité n'est pas repris par le cessionnaire.
Elle ajoute que la cession du bail doit faire l'objet d'une mention particulière, alors qu'au titre des éléments cédés, le bail n'est pas mentionné.
Sur l'existence d'un bail verbal postérieur à son entrée en jouissance du fonds de commerce cédé, l'intimé fait valoir que la cession de ce fonds n'a été finalisée qu'au début du mois de décembre 2016, six mois étant nécessaires entre le jugement du tribunal et la régularisation de l'acte de cession, de sorte qu'entre temps, l'administrateur judiciaire a formalisé un acte d'entrée en jouissance de l'entreprise le 1er juillet 2016, le fonds étant donné en jouissance ainsi que le matériel le garnissant «dans l'état où il se trouve au 1er juillet 2016». C'est sur la base de cet acte que la concluante a réglé chaque mois une indemnité d'occupation correspondant au montant du loyer et ce jusqu'en décembre 2016. A la signature de l'acte de cession, les locaux ont été quittés et elle a ensuite remis les clefs à Maître Z, mandataire liquidateur du preneur à bail, seule habilité à les recevoir, par courrier du 16 janvier 2017.
Elle souligne que l'appelant a fait fi du courriel qui lui a été adressé par le conseil du repreneur (le 12 décembre 2016) l'informant du départ du cessionnaire le 26 décembre 2016.
Elle ajoute que l'état des lieux établi à la demande de la société Ducom, de manière non contradictoire et près de 7 mois après le départ de la concluante, ne lui est pas opposable, d'autant qu'aucun état des lieux n'a été établi, lors de l'entrée en jouissance, le 1er juillet 2016, les clefs lui ayant été remises par l'ancien dirigeant de l'entreprise cédée.
En droit, selon l'article L. 642-2 du code de commerce, l'offre de reprise doit être écrite et comporter la désignation précise des biens, droits et contrats inclus dans l'offre. En vertu de l'article L. 642-7 du code de commerce, le tribunal détermine les contrats de crédit-bail, de location ou de fourniture de biens ou services nécessaires au maintien de l'activité au vu des observations des co-contractants du débiteur transmises au liquidateur ou à l'administrateur lorsqu'il a été désigné.
Le jugement qui arrête le plan emporte cession de ces contrats même lorsque la cession est précédée de la location gérance prévue à l'article L. 642-13.
Le co-contractant dont le contrat n'a pas fait l'objet de la cession prévue par le deuxième alinéa peut demander au juge-commissaire qu'il en prononce la résiliation si la poursuite de son exécution n'en est pas demandée par le liquidateur.
Il résulte de ces dispositions que le jugement arrêtant le plan de cession n'emporte pas cession du bail commercial si celui-ci ne figure pas expressément sur la liste des contrats cédés.
Or, en l'espèce, le bail commercial ne figure pas parmi les contrats inclus dans le périmètre de l'offre de reprise, telle que le tribunal de commerce l'a retenue, dans le dispositif du jugement ordonnant la cession de l'entreprise X.
L'acte de cession établi entre l'administrateur judiciaire et le cessionnaire, en présence du liquidateur judiciaire et en exécution du jugement ordonnant la cession, exclut ainsi expressément la reprise du bail.
Dès lors, comme l'a retenu exactement le premier juge, en l'absence de mention expresse du contrat de bail dans le jugement arrêtant le plan de cession, ce bail commercial n'a pas été transféré à la SARL J. P. P. Industrie, cessionnaire.
En outre, le jugement arrêtant le plan de cession n'entrainant pas la résiliation automatique du bail commercial, il appartenait à la SCI Ducom 87 de saisir le juge-commissaire pour qu'il en prononce la résiliation en application de l'article L. 642-7 dernier alinéa du code de commerce, ou de poursuivre la résiliation du bail pour défaut de paiement des loyers échus postérieurement à la liquidation, en application de l'article L. 641-12 3° du code de commerce, également en saisissant le juge-commissaire.
Ne l'ayant pas fait, la société SCI Ducom 87 n'est pas fondée à se prévaloir de son ignorance d'un jugement de liquidation judiciaire pourtant régulièrement publié, pour, invoquant la théorie de l'apparence, soutenir le transfert au repreneur des obligations afférentes au bail commercial, alors que ce contrat n'était pas inclus dans le périmètre de l'offre de reprise retenue par le tribunal de commerce.
Sur l'existence d'un bail verbal, la SARL Y n'a réglé les loyers que jusqu'à la cession effective du fonds de commerce régularisé par acte des 28/11 et 05/12/2016, acquittant en dernier lieu le loyer de décembre 2016, comme l'indique l'extrait de sa comptabilité versé aux débats.
Ce simple paiement des termes du loyer entre le jugement arrêtant le plan de cession et la cession effective ne saurait justifier l'accord du bailleur et de l'occupant sur un bail verbal alors même que l'acte de cession établi en décembre 2016, comme les courriers adressés par la suite à Me Z, démontrent qu'il n'a jamais été dans l'intention de la SARL Y de se raviser et de reprendre à son compte le bail commercial.
De plus, la seule entrée en jouissance du fonds cédé, aux termes d'une convention passée avec l'administrateur judiciaire, impliquant la remise des clefs des locaux où le fonds était jusque-là exploité, dans l'attente de la régularisation de l'acte de cession, n'établit pas la volonté du cessionnaire de se maintenir dans les locaux objets du bail au-delà de la régularisation de l'acte de cession, alors que le fonds de commerce ne pouvait être transféré dans d'autres locaux, avant cet acte.
En conséquence, la SCI Ducom 87 n’établit pas l'accord des parties pour conclure verbalement un bail commercial et ne démontre pas l'existence d'un tel bail.
Elle doit en conséquence être déboutée de l'ensemble de ses demandes.
Le jugement est dès lors confirmé.
Compte tenu de cette décision, l'appel en garantie de la SELAS G. et Associés et de Maître H., ès qualités, est sans objet et n'a pas à être examiné, d'autant que les conclusions de l'intimée n'ont pas été signifiées à l'administrateur judiciaire et au mandataire liquidateur de la SARL X, non constitués.
Sur les demandes annexes :
Compte tenu de l'issue du litige, la SCI Ducom 87 supportera la charge des dépens de l'entière procédure, dont distraction au bénéfice de Maître L., avocat, de ceux des dépens dont elle a fait l'avance sans recevoir provision.
Au regard des circonstances de la cause et de la position respective des parties, l'équité justifie de condamner la SCI Ducom 87 au paiement d'une somme de 1000,00 euros au titre des frais non compris dans les dépens d'appel et de confirmer le jugement en ce qu'il a alloué à la SARL Y une somme de 2000,00 euros, en application de l'article 700 du code de procédure civile.
PAR CES MOTIFS
La cour,
Statuant par arrêt mis à disposition au greffe, rendu par défaut et en dernier ressort,
Confirme le jugement,
Y ajoutant,
Condamne la SCI Ducom 87 aux dépens d'appel dont distraction au bénéfice de Maître L., avocat, de ceux des dépens dont elle a fait l'avance sans recevoir provision,
Vu l'article 700 du code de procédure civile,
Condamne la SCI Ducom 87 à payer à la SARL Y une somme de 1 000 euros au titre des frais non compris dans les dépens d'appel.