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Décisions

CA Saint-Denis de la Réunion, ch. com., 7 mars 2011, n° 10/02444

SAINT-DENIS DE LA RÉUNION

Arrêt

Confirmation

PARTIES

Demandeur :

Holdar (Sté)

Défendeur :

Castel Glacier Saint Pierre (EURL), Badat (ès qual.), Coppola

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Froment

Conseillers :

M. Pony, M. Carrue

Avocats :

Selarl Gangate & Associés, Me Akhoun, SCP Caviglioli Baron Fourquie, Me Meng Hime

TGI Saint Pierre, du 23 nov. 2010, n° 09…

23 novembre 2010

La société CASTEL GLACIER ST PIERRE exploite une activité de restauration/glacier/salon de thé en ville de St-Pierre, dont l'unique local d'exploitation est situé <adresse>.

Par jugement du 19 mai 2009, le Tribunal de Grande Instance de Saint Pierre de St-Pierre a ouvert une procédure de sauvegarde à l'égard de la SARL CASTEL GLACIER SAINT PIERRE.

Maître Houssen BADAT a été désigné en qualité de mandataire judiciaire.

La SCP CAVIGLIOLI-BARON-FOURQUIE, représentée par Maître Jean BARON, a ensuite été désignée en qualité d'Administrateur Judiciaire avec mission d'assistance par Jugement en date du 7 juillet 2009.

La procédure de sauvegarde a été convertie en procédure de redressement judiciaire par jugement du 24 août 2010.

La situation de l'entreprise ne permettant pas d'envisager à la fin de la période d'observation la présentation d'un plan d'apurement du passif, seule la cession de l'entreprise restait envisageable.

La période d'observation a ainsi été prolongée, afin de permettre à l'administrateur judiciaire de mettre en oeuvre une procédure permettant la recherche de repreneurs.

Sur les cinq candidats qui se sont faits connaître, un seul, M. COPPOLA, a offert de reprendre le fonds de commerce de l’EURL CASTEL GLACIER Saint Pierre. Lors de l'examen de l'offre, seule la bailleresse, la SA HOLDAR a émis un avis défavorable, arguant des loyers impayés en période de sauvegarde ; elle avait déclaré une créance de 21 129 € au titre des loyers antérieurs à l'ouverture de la procédure et 18 526€ après.

Par jugement en date du 23/11/10, dont appel, le tribunal de grande instance de Saint Pierre a retenu l'offre de M COPPOLA et homologué le plan de cession dans les termes suivants ;

- Retient l'offre de reprise présentée par M. Gérardo COPPOLA ;

• Ordonne la cession du fonds de commerce de l'EURL CASTEL GLACIER SAINT PIERRE au bénéfice de M. Gérardo COPPOLA ou toute personne morale qu'il se substituera ;

• Dit que cette cession concerne l'ensemble des éléments d'actif immobilisé, corporels et incorporels, relatifs à ce fonds de commerce, qui sont repris en l'état;

• Fixe le prix de cession à 90 000 € HT outre charges afférentes, les frais et honoraires, notamment de rédaction d'actes et droits de mutation étant à la charge de M. COPPOLA ou toute personne morale qu'il se substituera ;

• Dit que ce prix sera payé comptant le jour de la prise de jouissance ;

• Dit que cette cession entraînera la reprise de six salariés, dont les contrats de travail sont transférés au repreneur en application des dispositions de l'article L 1224-1 du code du travail, avec, pour ces salariés, la reprise des congés payés acquis avant la cession ;

• Dit que les contrats suivants, nécessaires au maintien de l'activité, seront poursuivis par M COPPOLA ou toute personne morale qu'il se substituera :

* contrat de bail commercial portant sur un local d'environ 154 m² de surface commerciale ainsi qu'une réserve de 60 m2 <adresse>, le bailleur étant la société HOLDAR (RSC Saint Denis n° 328 451 026 ), étant précisé que M. COPPOLA a indiqué à l'audience connaître les stipulations de ce bail, et le reprendre en son état actuel, étant rappelé que le contrat a été consenti pour une durée de neuf années entières et consécutives du 15 janvier 2007 au 15 janvier 2016, et que le loyer mensuel est de 5 600 € ;

* contrat EDF de fourniture d'électricité ;

* contrats Orange et France Télécom portant sur les lignes téléphoniques fixes et mobiles et sur la liaison internet ;

*contrat d'assurance portant sur le local et la réserve situés <adresse> souscrit auprès de la société Joly Assurances ;

- Rappelle que la présente décision emporte cession de ces contrats, conformément aux dispositions de l'article L 624-7 du code de code de commerce ;

- Constate que les dispositions de l'article L 642-12 du code de commerce ne peuvent recevoir application pour le prêt n° 90014164193 d'un montant de 460 000 € consenti par le Crédit Agricole à l'EURL CASTEL GL. SAINT PIERRE, en l'absence d'inscription de nantissement de fonds de commerce au profit du Crédit Agricole ;

- Dit en conséquence que le cessionnaire n'est pas tenu à la poursuite de ce contrat de prêt et au remboursement des échéances restant dues ;

- Fixe au 1er décembre 2010 la date d'entrée en jouissance de M. Gérardo COPPOLA ou de la personne morale qu'il se substituera ;

- Dit que, pendant une durée de deux ans, les actifs repris ne pourront faire l'objet d'une aliénation sans autorisation du tribunal ;

- Dit que la SCP CAVIGLIOLI-BARON-FOURQUlE, administrateur judiciaire en fonction, passera tous les actes nécessaires à la réalisation de la cession ;

- Autorise la SCP CAVIGLIOLI-BARON-FOURQUIE, administrateur judiciaire en fonction à procéder au licenciement des cinq salariés non repris par M. COPOLLA, à savoir un serveur, un plongeur, un cuisinier, un glacier, un pâtissier conformément aux dispositions de l'art 631-17 du code de commerce Rappelle que le présent jugement est exécutoire de plein droit ;

- Ordonne l'emploi des dépens en frais : privilégiés de procédure collective,

La SA HOLDAR a relevé appel limité de cette décision suivant déclaration au greffe en date du 3/12/2010 en ce que cette décision a autorisé la cession du bail commercial. Elle a déposé une requête en vue d'être autorisée d'assigner à jour fixe le 13/12/10, qui a fait l'objet d'un rejet, puis sur requête, une ordonnance a été rendue par le premier président rétractant la première ordonnance et faisant droit à cette demande.

Dans ses dernières écritures du 28/1/2011, la SA HOLDAR conclut à l'infirmation du jugement déféré en ce qu'il a dit se poursuivre le contrat commercial portant sur un local d'environ 154 m² de surface commerciale ainsi qu'une réserve de 60m² situé <adresse> et rappelé que la décision emporte cession de ce contrat conformément aux dispositions de l'art L 624-7 du code de commerce ;

Qu’il soit jugé qu'il n'y a pas lieu à poursuivre ce contrat, qu'à tout le moins, il soit sursis à statuer dans l'attente du jugement du tribunal de grande instance de St Pierre devant intervenir, relatif à une action de la SA HOLDAR contre l'EURL CASTEL GLACIER SAINT PIERRE à l'effet d'obtenir la résiliation du bail pour défaut de paiement des loyers ;

Qu’en tout état de cause, l'EURL CASTEL GLACIER SAINT PIERRE et M COPPOLA soient condamnés solidairement à lui payer la somme de 2000€ sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile et aux entiers dépens.

La requête pour assigner à jour fixe a été présentée dans les délais.

Le moyen de nullité de la déclaration d'appel pour défaut d'indication de l'organe social doit être présenté in limine litis, s'agissant d'un vice de forme et avec la démonstration d'un grief, conditions que ne remplit pas le demandeur à la nullité.

Il n'y a pas qu'un seul local qui est donné en location mais deux.

Le principe d'ordre public de l'arrêt des poursuites et de l'interruption de l'instance en cours est inopposable dans la mesure où la demande de résiliation engagée devant le tribunal n'entre pas dans les prévisions de l'art L622-21 du code de commerce, s'agissant non pas d'une action en résolution pour défaut de paiement d'une somme d'argent mais d'une demande en résolution pour non-respect des clauses relatives à la destination du bail et à la nature de l'activité exercée.

M COPPOLA Gérard a conclu le 25/1/11. Il soutient que l'appel est irrecevable et mal fondé. In limine litis, il affirme que la requête aux fins d'assigner à jour fixe est irrecevable parce que présentée au-delà du délai de 8 jours, que la SA HOLDAR est irrecevable à défaut d'intérêt à agir, pas de droit né et actuel, elle ne se prévaut que d'un intérêt éventuel puisque la SA HOLDAR se prévaut d'une procédure en cours tendant à obtenir la résiliation du bail, il conclut que le jugement soit confirmé en qu'il a homologué le plan de cession, que soit constatée l'existence de deux baux commerciaux au jour de l'ouverture de la procédure collective du 24/08/10 et du plan de cession du 3/11/10, que la SA HOLDAR soit condamnée à lui payer 3000€ sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile et aux dépens.

Au jour de la cession les baux ne sont pas résiliés.

La SA HOLDAR ne justifie pas avoir mis en demeure l'administrateur pour lui demander de prendre position sur la poursuite du contrat en cours.

La SCP CAVIGLIOLI-BARON-FOURQUIE, représentée par Maître Jean BARON dans ses écritures du 10/1/11 a conclu que soit constatée la nullité de la déclaration d'appel qui ne précise pas l'organe social représentant la personne morale, qu'il soit jugé que le contrat de bail est nécessaire à l'exploitation du fonds de commerce et au maintien de l'activité, que le jugement soit confirmé et que la SA HOLDAR soit déboutéE de l'intégralité de ses demandes et que la SA HOLDAR soit condamnée à lui payer 3000€ sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile. L'acte d'appel ne désigne par l'organe qui représente la SA HOLDAR n'indiquant que le représentant légal , domicilié au siège et donnant un siège social inexact

Au fond, en application de l'art L 642-7 du code de commerce, la transmission forcée des contrats est une condition essentielle de la cession de l'entreprise, l'agrément des cocontractants n'est pas requis, le tribunal doit seulement recueillir leurs observations, que le représentant de la SA HOLDAR a donné son avis, a été convoqué et entendu à l'audience, que le contrat doit être en cours au moment où le tribunal se prononce. Il importe qu'aucune décision passée en force jugée n'ait été prononcée.

La procédure a été communiquée au parquet général qui en a pris connaissance le 21/01/2011.

Il convient de se référer aux écritures des parties pour un plus ample exposé des faits et de leurs moyens respectifs.

SUR CE LA COUR,

1) Sur le non-respect de la procédure à jour fixe, au visa des articles R661-6 du code de commerce, 919 du code de procédure civile ;

Attendu qu'il est soutenu que la première requête a été présentée au premier président le 13 décembre alors que l'appel étant du 3/12/09, le délai de 8 jours expirait le 11/12, mais attendu que le délai de 8 jours expirant le samedi 11/12/12, le délai pour présenter une requête était reporté au 13/12 par application de l'art 642 du code de procédure civile en sorte que la requête était recevable, étant observé que l'ordonnance qui a rejeté cette requête a été rétractée par son auteur,

2)Sur le moyen de nullité de la déclaration d'appel pour défaut d'indication de l'organe social dans la déclaration d'appel, il est constant qu'il doit être présenté in limine litis, s'agissant d'un vice de forme et avec la démonstration d'un grief, conditions qui ne sont remplies par les demandeurs à la nullité ; que le moyen sera écarté,

3)Attendu qu'il n'y a pas qu'un seul local qui était donné en location mais deux, que le local cédé d'environ 154 m² de surface commerciale et 60m² de réserves à l'arrière au rez-de- chaussée, <adresse>, est visé dans le bail du 22/11/06,

4) Attendu qu'il est soutenu par la société HOLDAR que le principe d'ordre public de l'arrêt des poursuites et de l'interruption de l'instance en cours lui est inopposable dans la mesure où la demande de résiliation engagée devant le tribunal n'entre pas dans les prévisions de l'art L 622-21 du code de commerce, s'agissant non pas d'une action en résolution pour défaut de paiement d'une somme d'argent mais d'une demande en résolution pour non-respect des clauses relatives à la destination du bail et à la nature de l'activité exercée, mais attendu qu'en réalité, la procédure en cours a été engagée à l'initiative de l'EURL CASTEL GLACIER Saint Pierre qui a demandé l'annulation du commandement de payer délivré par la SA HOLDAR,

que cette dernière avait fait délivrer ce commandement à l' EURL CASTEL GLACIER Saint Pierre pour sanctionner le non-paiement des loyers,

Que la discussion a porté sur la nature des charges que la bailleresse pouvait réclamer à la l' EURL CASTEL GLACIER Saint Pierre, que c'est dans le cadre de cette instance que, fort oportunément, la SA HOLDAR a soutenu reconventionnellement que l' EURL CASTEL GLACIER Saint Pierre ne respectait pas l'affectation des lieux et qu'elle troublait la tranquillité des autres habitants,

que par jugement du 24/09/10, le tribunal de grande instance de st Pierre a fait injonction à la demanderesse « de se prononcer sur le moyen invoqué par son bailleur selon lequel des manquements à des obligations de faire auraient été commis par elle et les dispositions de l'art L622-21 du code de commerce ne feraient pas obstacle à la résiliation du bail sur ce fondement » ,

qu' il en résulte que l'action initiale était relative à la résiliation du bail pour non-paiement des loyers d'une part et que d'autre part et surtout, au jour où le tribunal s'est prononcé sur la cession du fonds de commerce, le bail litigieux était toujours en cours, aucune décision définitive de résiliation n'avait été rendue en sorte que la transmission forcée du contrat en application de l'article 642-7 du code de commerce était possible ;

Attendu que la transmission forcée des contrats est une condition essentielle de la cession de l'entreprise et l'agrément des cocontractants n'est pas requis, que le tribunal doit seulement recueillir leurs observations, que le représentant de la SA HOLDAR a donné son avis et a été convoqué et entendu à l'audience,

Que la cession de ce bail est indispensable à la cession du fonds de commerce; qu'en effet, sans contestation possible, ce contrat est nécessaire au maintien et à la poursuite de l'activité,

Que de plus, la cession autorisée apparaît tout à fait opportune, que M COPPOLA Gérard a une expérience dans le secteur d'activité concernée, qu'il offre la somme de 90 000€ + 6000€, la liquidation judiciaire qui serait l'autre solution ne permettrait pas de désintéresser les créanciers dans ces conditions,

que cette solution permet de conserver l'emploi de 6 des 11 salariés, que la reprise du contrat de bail conditionne la reprise de l'activité économique, que la reprise du contrat est explicite, qu'il n'y a pas deux baux, que les contrats nécessaires au maintien de l'activité ont été précisés,

Qu'il convient dans la limite de l'appel de confirmer la décision déférée qui a homologué le plan de cession du fonds de commerce de l'eurl Castel Glacier Saint Pierre à M COPPOLA ou toute personne morale qu'il se substituera ,

Qu’il n'y a pas lieu de surseoir à statuer,

Attendu qu'au regard de l'économie de l'affaire, chaque partie supportera les frais irrépétibles par elle engagés,

PAR CES MOTIFS

Statuant publiquement, par arrêt contradictoire, après en avoir délibéré, conformément à la loi,

Déclare l'appel limité de la société HOLDAR recevable,

Dit n'y avoir lieu à surseoir à statuer,

Confirme le jugement en ce qu'il a ordonné la cession du fonds de commerce au profit de M COPPOLA Gerardo et en particulier que le contrat suivant, nécessaire au maintien de l'activité, sera poursuivi par M COPPOLA ou toute personne morale qu'il se substituera :

- contrat de bail commercial portant sur un local d'environ 154 m² de surface commerciale ainsi qu'une réserve de 60 m2 situé <adresse>, le bailleur étant la société HOLDAR (RSC Saint Denis n° 328 451 026 ), étant précisé que M. COPPOLA a indiqué à l'audience connaître les stipulations de ce bail, et le reprendre en son état actuel, étant rappelé que le contrat a été consenti pour une durée de neuf années entières et consécutives du 15 janvier 2007 au 15 janvier 2016, et que le loyer mensuel est de 5 600€ ;

Déboute les parties de leurs autres demandes et notamment sur le fondement de l'article 700 du nouveau code de procédure civile ;

Condamne la société HOLDAR aux entiers dépens d'appel.