Décisions

Cass. com., 15 février 2023, n° 20-20.600

COUR DE CASSATION

Arrêt

Cassation

PARTIES

Demandeur :

Directeur Général des Finances Publiques

Défendeur :

Louis Vuitton Moët Hennessy (SE), Moët Hennessy International (SAS), P&C International (Sasu), Ufipar (SAS), Delphine (SAS), Eutrope (Sasu), LBD Holding (SA), Moët Hennessy investissements (SA), LVMH Fashion Group Services (Sasu), Primae (SAS), MHCS management (SARL), Moët Hennessy (SAS), Alderande (Sasu), LVMH Hôtel Management (Sasu), Probinvest (SAS), Ufinvest (Sasu), Eupalinos 1850 (Sasu), Toiltech Holding (SAS), Delta (Sasu), Samos 1850 (Sasu), LV Group (SA), Sofpar 116 (SA), LVMH Fashion Group Support (Sasu), LC investissements (Sasu), LVMH investissements (Sasu), Emilio Pucci France (Sasu), LVMH Client Services (Sasu), Thelios France (Sasu), Sofpar 128 (Sasu), Sofpar 127 (Sasu), Flavius investissements (SA), Sofpar 126 (Sasu), Sofpar 125 (Sasu), Fenty (Sasu), Jean Patou (Sasu), 24 Sèvres (Sasu), Cha Ling (SCA), 33 Hoche (SAS), Chrysothémis (Sasu), Rimowa Group Services (Sasu), Rimowa International (Sasu), LVMH Appening (Sasu), Cova France (Sasu), Sofpar 131 (Sasu), Sofpar 132 (Sasu), Sofpar 133 (Sasu), Sofpar 134 (Sasu), Sofpar 136 (Sasu), Sofpar 137 (Sasu), Sofpar 138 (Sasu), Sofpar 139 (Sasu), Sofpar 140 (Sasu), Sofpar 141 (Sasu), Sofpar 142 (Sasu), LVMH services (GIE), Sofidiv (SAS), LVMH Miscellanées (SA), LVMH Métiers d'Art (Sasu), Sofpar 135 (Sasu), Fresh (Sasu), Magasins Louis Vuitton (SNC)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Vigneau

Rapporteur :

Mme Daubigney

Avocat général :

M. Lecaroz

Avocats :

SCP Foussard et Froger, SCP Piwnica et Molinié

Paris, pôle 5 ch. 15, du 9 sept. 2020

9 septembre 2020

Faits et procédure

1. Selon l'ordonnance attaquée, rendue par le premier président d'une cour d'appel (Paris, 9 septembre 2020), le 10 septembre 2019, un juge des libertés et de la détention a, sur le fondement de l'article L. 16 B du livre des procédures fiscales, autorisé des agents de l'administration fiscale à procéder à des visites avec saisies dans des locaux et dépendances situés [Adresse 4] à [Localité 10], [Adresse 6] à [Localité 10], [Adresse 5] à [Localité 10], susceptibles d'être occupées par la société européenne LVMH Louis Vuitton Moët Hennessy, la société de droit belge LVMH Finance Belgique (la société LFB) et/ou toute autre entité du groupe LVMH Louis Vuitton Moët Hennessy, afin de rechercher la preuve de la fraude fiscale de la société LFB au regard de l'impôt sur les sociétés, de la taxe sur le chiffre d'affaires ainsi que des infractions d'achats ou ventes sans factures et d'omissions d'écritures comptables ou de passations d'écritures comptables inexactes ou fictives.

2. Les opérations de visites et de saisies se sont déroulées les 11 et 12 septembre 2019.

3. Les sociétés LVMH, Moët Hennessy International, P&C International, Ufipar, Delphine, Eutrope, LBD Holding, Moët Hennessy investissements, LVMH Fashion Group Services, Primae, MHCS management, Moët Hennessy, Moët Hennessy, venant aux droits de la société Hennessy management, Alderande, LVMH hôtel management, Probinvest, société d'exploitation hôtelière de [Localité 11], Ufinvest, Eupalinos 1850, Toiltech Holding, Delta, Samos 1850, LV Group, société d'exploitation hôtelière cheval blanc [Localité 10], Sofpar 116, LVMH Fashion Group Support, LC investissements, LVMH investissements, Emilio Pucci France, LVMH client services, Thelios France, Sofpar 128, Sofpar 127, Flavius investissements, Sofpar 126, Sofpar 125, Fenty, Jean Patou, 24 Sèvres, Cha ling SCOA, 33 Hoche, Chrysothémis, Rimowa Group Services, [Adresse 9], Rimowa International, LVMH Appening, Cova France, Sofpar 131, Sofpar 132, Sofpar 133, Sofpar 134, Sofpar 136, Sofpar 137, Sofpar 138, Sofpar 139, Sofpar 140, Sofpar 141, LVMH services, Sofidiv, LVMH miscellanées, LVMH métiers d'art, Sofpar 135, société des Magasins Louis Vuitton ont relevé appel de cette autorisation et exercé un recours contre le déroulement des visites.

Sur le premier moyen

Enoncé du moyen

4. L'administration fiscale fait grief à l'ordonnance d'annuler l'ordonnance du 10 septembre 2019 portant autorisation de visites puis les opérations de visites des 11 et 12 septembre 2019, d'ordonner la restitution aux sociétés de l'ensemble des documents saisis et de rejeter toutes autres demandes, alors « que la production d'une note en délibéré après clôture des débats n'est recevable que dans deux cas : si elle a pour objet de répondre à l'avis émis par le ministère public, ou encore si elle est autorisée ou demandée par le juge ; qu'en l'espèce, la société LFB a produit une note en délibéré datée du 30 juin 2020 assortie d'annexes ; qu'en visant cette note en délibéré, et en analysant son contenu au même titre que les conclusions régulièrement déposées par la société LFB, et donc en se fondant sur cette note en délibéré comme constituant une composante des débats, quand il devait déclarer cette note en délibéré irrecevable le juge du second degré a violé l'article 445 du code de procédure civile. »

Réponse de la Cour

5. Il ressort des énonciations de l'arrêt que, pour statuer ainsi qu'il l'a fait, le premier président ne s'est pas fondé sur la note en délibéré litigieuse.

6. Le moyen n'est donc pas fondé.

Mais sur le deuxième moyen

Enoncé du moyen

7. L'administration fiscale fait le même grief à l'arrêt, alors « que pour solliciter une autorisation de visite, l'administration n'a pas à prouver l'existence d'une situation révélant un manquement aux obligations fiscales ; qu'elle est simplement tenue d'apporter des indices permettant de retenir des soupçons de manquements ; qu'en énonçant que l'administration ne démontre pas que la société LFB n'a pas en Belgique les moyens nécessaires pour assurer dans cet État la mission qui lui est confiée, le juge du second degré, qui a fait peser sur l'administration une preuve complète quand seuls des indices de soupçons suffisaient, a violé l'article L. 16 B du livre de procédure fiscale. »

Réponse de la Cour

Vu l'article L. 16 B du livre des procédures fiscales :

8. Il résulte de ce texte que des visites et saisies domiciliaires peuvent être autorisées par l'autorité judiciaire si l'administration fiscale établit qu'il existe des présomptions qu'un contribuable se soustrait à l'établissement ou au paiement des impôts sur le revenu ou sur les bénéfices ou des taxes sur le chiffre d'affaires en se livrant à des achats ou à des ventes sans facture, en utilisant ou en délivrant des factures ou des documents ne se rapportant pas à des opérations réelles ou en omettant sciemment de passer ou de faire passer des écritures ou en passant ou en faisant passer sciemment des écritures inexactes ou fictives dans des documents comptables dont la tenue est imposée par le code général des impôts.

9. Pour infirmer l'ordonnance rendue par le juge des libertés et de la détention, l'ordonnance retient que les moyens attribués à LFB depuis 2009, soit six à sept personnes à temps plein ou cinq à six salariés selon les périodes ainsi que la présence d'une administratrice déléguée, apparaissent suffisants pour effectuer son activité de gestion de trésorerie intra-groupe et en déduit que n'est pas démontré le fait que LFB n'aurait pas les ressources nécessaires en Belgique à la gestion de son activité de centrale de trésorerie du groupe LVMH.

10. En statuant ainsi, alors que l'article L. 16 B du livre des procédures fiscales n'exige que de simples présomptions, en particulier de ce qu'une société étrangère exploite un établissement stable en France ce dont il résulterait qu'elle serait soumise aux obligations fiscales et comptables prévues par le code général des impôts en matière d'impôt sur les bénéfices et/ou de taxes sur le chiffre d'affaires, le premier président, qui a ajouté à la loi une condition qu'elle ne comporte pas, a violé le texte susvisé.

PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres moyens, la Cour :

CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'ordonnance rendue le 9 septembre 2020, entre les parties, par le premier président de la cour d'appel de Paris ;

Remet l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la juridiction du premier président de la cour d'appel de Paris autrement composée.