Cass. crim., 23 janvier 2008, n° 07-82.356
COUR DE CASSATION
Arrêt
Rejet
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
M. Dulin
Rapporteur :
Mme Labrousse
Avocat :
Me Ricard
Sur le moyen unique de cassation, pris de la violation des articles 6 et 7 de la Convention européenne des droits de l'homme, des articles 121-3, 121-4, 121-5 et 432-14 du code pénal, 591 et 593 du code de procédure pénale, violation des droits de la défense, insuffisance et défaut de motifs, manque de base légale ;
"en ce que l'arrêt attaqué a déclaré Daniel X... coupable du délit de tentative d'atteinte à la liberté d'accès et à l'égalité des candidats dans les marchés publics commis par une demande de modification des conclusions d'un rapport d'analyse établi par un bureau d'études, quant à la présentation d'une société classée comme mieux disante et l'a condamné à une peine de 15 000 euros ;
"aux motifs, d'une part, que selon les termes du premier rapport d'analyse établie par la société Sergie, à qui avait été confiée une mission d'assistance à la maîtrise d'ouvrage par la ville de Vitrolles, et à qui avait été délégué le soin d'analyser les offres économiquement les plus avantageuses pour le marché public relatif à l'exploitation des installations de chauffage des bâtiments communaux, la société Idex est arrivée en première position avec 56 points tandis que la société Elyo a été classée en deuxième position avec 54 points ; que, toutefois, le paragraphe 7 de ce rapport relatif au classement des offres, après avoir rappelé la manière dont étaient déterminés les coefficients des deux critères définis dans le règlement de consultation valeur technique de l'offre et moyens techniques mis en oeuvre (12) et prix des prestations (8) -, mentionnait qu'au regard de ces deux critères, le classement chiffré faisait ressortir la société Idex comme la mieux disante, tout en appelant l'attention de la commission d'attribution sur le fait que le nombre de points d'écart entre la société Idex et la société Elyo était très faible, que la classification retenue conduisait à la sélection de l'entreprise présentant l'offre la plus chère et que l'écart de prix entre les trois offres était extrêmement ténu à savoir 35 812,04 euros représentant 5% du marché ; que la décision finale d'attribution de marchés appartenait à la personne responsable du marché après avis de la commission d'appel d'offres ; que Daniel X..., en sa qualité de directeur du patrimoine bâti de la ville de Vitrolles, a pris l'initiative de demander à la société Sergie de modifier les conclusions de son rapport pour présenter la société Elyo à égalité avec la société Idex tandis qu'elle ne pouvait pas y prétendre au terme de l'analyse et du classement établi en fonction des différents critères définis dans le règlement de la consultation ; que la modification sollicitée n'était pas purement rédactionnelle comme le prétend le directeur mais changeait la portée des conclusions du rapport d'analyse provisoire, puisqu'ainsi aucune des deux sociétés concourant utilement n'était plus proposée comme ayant fait la meilleure offre ; qu'en conséquence, Daniel X... a voulu procurer un avantage injustifié à la société Elyo, consistant à la mettre à égalité avec la société la mieux disante au terme de l'analyse et par là-même en position d'être désignée par la commission d'appel d'offres ;
"aux motifs, d'autre part, que la mauvaise foi de Daniel X... est caractérisée par sa manière de procéder consistant à demander la modification de conclusions du rapport à M. Y... dont il a tout de suite compris qu'il n'était pas l'auteur du rapport celui-ci étant en vacances - et ignorait tout du dossier ; que, dans ces conditions, le prévenu ne saurait se prévaloir du fait que cette modification a été librement acceptée par la société Sergie ; qu'elle résulte également du fait qu'il a agi à l'insu de la personne responsable du marché qui présidait la commission d'appel d'offres, alors qu'en sa qualité de représentant de l'administration municipale intéressée à l'exécution de ce marché, Daniel X... pouvait légitimement établir une note administrative ou s'exprimer oralement lors de la commission d'appel d'offres, à laquelle il a assisté même s'il n'avait pas droit de vote, pour donner son avis sur le mérite légal des deux offres, en soulignant les notes très proches obtenues par les deux offres et le moindre coût de la société Elyo, de sorte qu'il ne peut prétendre par son action occulte avoir voulu agir dans le but d'assurer l'égalité des candidats dans les marchés publics ;
"alors, d'une part, que le délit de tentative d'atteinte à la liberté d'accès et à l'égalité des candidats dans les marchés publics suppose que l'avantage injustifié sollicité, ait été procuré par un acte contraire aux dispositions législatives et réglementaires ayant pour objet de garantir l'égalité des candidats, lesquelles doivent impérativement être précisées ; que, dans l'hypothèse d'une atteinte à l'égalité des candidats dans un marché public, prétendument commise par le directeur du patrimoine bâti d'une commune, qui a demandé que les conclusions du rapport d'analyse des offres des candidats à un marché public, établi par un bureau d'études spécialement habilité à cet effet, soient explicitées quant aux points forts de chacune des deux sociétés, quant au différentiel de points relevés et quant aux critères choisis par le règlement figurant dans la consultation, l'initiative de cette demande ne caractérise pas une atteinte à l'égalité des candidats, dans la mesure où elle ne contrevient à aucune disposition législative ou réglementaire prévue par les dispositions du code des marchés publics ; qu'en s'abstenant de viser les dispositions susvisées prétendument violées, la cour d'appel n'a pas légalement justifié sa décision au regard du principe de la légalité énoncé à l'article 7 de la Convention européenne des droits de l'homme ;
"alors, d'autre part, que le prévenu faisait valoir dans ses conclusions (pages 6,7, 8 et 9), que la seconde rédaction du rapport n'avait aucunement modifié l'analyse des offres effectuée par le bureau d'études, lequel avait déjà attiré l'attention de la commission d'appel d'offres sur le fait que la classification retenue - valeur technique de l'offre et moyens techniques mis en oeuvre (12) et prix des prestations (8) -, conduisait à la sélection de la société Idex présentant l'offre la plus chère, tandis que l'écart de prix de 5% était en faveur de l'offre de la société Elyo, mais avait seulement explicité les points forts de chacune des deux sociétés, tout en maintenant les appréciations initiales ; qu'il demandait donc que soit pris en compte le fait que seule la présentation des deux sociétés avait été modifiée dans la seconde version du rapport, sans que l'appréciation et l'analyse initiale des deux offres aient fait l'objet d'une quelconque altération et ajoutait que dans ces conditions, il n'y avait eu aucune entrave à l'égalité des candidats dans le marché public relatif à l'exploitation des installations de chauffage des bâtiments communaux de la ville de Vitrolles ; qu'ainsi c'est à tort que la cour d'appel s'est bornée à affirmer que Daniel X... a voulu procurer un avantage injustifié à la société Elyo, consistant à la mettre à égalité avec la société mieux-disante Idex, précédemment classée, sans répondre aux conclusions du prévenu qui invoquait des éléments objectifs, démontrant que le sens du rapport n'avait pas été modifié et qu'il n'y avait eu aucun tentative d'avantage indu ;
"alors, enfin, que selon les dispositions combinées de l'article 6-2 de la Convention européenne des droits de l'homme qui prévoit que toute personne accusée d'une infraction est présumée innocente jusqu'à ce que sa cause ait été légalement établie et de l'article 121-3 du code pénal qui énonce qu'il n'y point de crime ou de délit sans intention de le commettre, nul ne peut être déclaré coupable du délit prévu à l'article 432-14 du code pénal du seul fait de l'accomplissement d'un acte contraire aux dispositions législatives ou réglementaires ayant pour objet de garantir la liberté d'accès et l'égalité des candidats dans les marchés publics, présumé avoir été accompli en connaissance de cause ; qu'en se bornant à déclarer que, par ses agissements occultes, le prévenu ne pouvait avoir agi de bonne foi dans le but de favoriser l'égalité des candidats dans les marchés publics, les juges d'appel, n'ayant pas caractérisé l'élément intentionnel, n'ont pas légalement justifié leur décision" ;
Attendu que les énonciations de l'arrêt attaqué mettent la Cour de cassation en mesure de s'assurer que la cour d'appel a, sans insuffisance ni contradiction, répondu aux chefs péremptoires des conclusions dont elle était saisie et caractérisé en tous ses éléments, tant matériels qu'intentionnel, le délit dont elle a déclaré le prévenu coupable, et a ainsi justifié l'allocation, au profit de la partie civile, de l'indemnité propre à réparer le préjudice en découlant ;
D'où il suit que le moyen, qui se borne à remettre en question l'appréciation souveraine, par les juges du fond, des faits et circonstances de la cause, ainsi que des éléments de preuve contradictoirement débattus, ne saurait être admis ;
Et attendu que l'arrêt est régulier en la forme ;
REJETTE le pourvoi.