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Décisions

Cass. com., 27 février 2007, n° 03-12.363

COUR DE CASSATION

Arrêt

Cassation

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Tricot

Rapporteur :

Mme Graff

Avocats :

Me Odent, SCP Bouzidi et Bouhanna, SCP Richard, SCP Vuitton

Aix-en-Provence, du 3 déc. 2002

3 décembre 2002

Attendu, selon l'arrêt déféré rectifié, que par actes des 18 mai 1989 et 9 février 1993, la caisse régionale de crédit agricole mutuel Alpes Provence (la caisse) a consenti à la société Somes (la société) deux prêts garantis par les cautionnements solidaires de MM.X... et Y... et, en outre, pour le premier, par un nantissement sur le fonds de commerce de la société ; que la société a été mise en redressement judiciaire le 1er juillet 1994 et un plan de cession arrêté, M. de Z... étant désigné en qualité d'administrateur judiciaire puis de commissaire à l'exécution du plan ; que la caisse ayant assigné les cautions en exécution de leurs engagements, celles-ci ont appelé en garantie la société Semacs, venue aux droits du cessionnaire de la société Somes, et M. de Z..., en qualité de commissaire à l'exécution du plan de la société Somes ;

Sur le premier moyen :

Attendu que MM.X... et Y... reprochent à l'arrêt d'avoir rejeté l'action en responsabilité qu'ils avaient exercée à l'encontre de la caisse et de les avoir condamnés à payer à cette dernière la somme de 214 927,91 euros, alors, selon le moyen, que l'établissement de crédit octroyant un prêt à une entreprise dont la situation financière est irrémédiablement compromise commet une faute de nature à engager sa responsabilité ; qu'en considérant qu'il n'était nullement établi que la société Somes se trouvait dans une situation irrémédiablement compromise au moment de l'ouverture de crédit, ni que la caisse en était informée, sans rechercher, comme elle y était invitée, s'il ne résultait pas de l'acceptation par la société Somes du réaménagement de sa dette à l'égard de la caisse non seulement que sa situation financière était irrémédiablement compromise, mais en outre que l'établissement de crédit en avait connaissance, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1382 du code civil ;

Mais attendu qu'ayant relevé qu'il n'était nullement établi que la société Somes se trouvait en février 1993 dans une situation compromise ni, à plus forte raison, que la caisse en était informée, cet établissement ayant d'ailleurs été réglé des échéances exigibles jusqu'au 1er juillet 1994, jour de l'ouverture du redressement judiciaire, la cour d'appel, qui a ainsi effectué la recherche prétendument omise, en faisant ressortir que la situation de la société débitrice n'était pas irrémédiablement compromise au jour du réaménagement allégué du prêt proposé par la caisse en 1991, a légalement justifié sa décision ; que le moyen n'est pas fondé ;

Sur les troisième et quatrième moyens, réunis :

Attendu que MM.X... et Y... reprochent encore à l'arrêt d'avoir rejeté leur demande en garantie formulée en qualité de cautions à l'encontre de la société Semacs pour la somme de 49 842,84 euros correspondant au prêt de 600 000 francs et pour la somme de 165 085,07 euros correspondant au prêt en devises d'un montant de 421 940,93 écus, octroyés par la caisse à la société Somes respectivement par actes du 9 février 1993 et du 18 mai 1989, alors, selon le moyen :

1° / qu'un plan de cession emportant la reprise de contrats de crédit confère au cessionnaire la qualité de débiteur principal ; qu'en l'espèce, le plan de cession de la société Somes arrêté le 15 mars 1996 au profit de la société Financière Le Colombier, aux droits de laquelle se trouve la société Semacs, prévoyait la reprise par le cessionnaire du contrat n° 417490010 correspondant au prêt d'un montant de 600 000 francs octroyé par la caisse à la société Somes par acte du 9 février 1993, et pour lequel MM.X... et Y... s'étaient portés cautions ; qu'en considérant que MM.X... et Y... ne pouvaient exercer, en leurs qualité de cautions, de recours avant paiement, au motif que la société Semacs n'aurait pas la qualité de débiteur principal, la cour d'appel a violé l'article 2032 du code civil, ensemble l'article 86 de la loi du 25 janvier 1985, devenu l'article L. 621-88 du code de commerce ;

2° / que la cession d'un bien nanti dans le cadre d'un plan de cession emporte l'obligation pour le cessionnaire d'acquitter, en sa qualité de débiteur principal, les échéances restant dues à compter du transfert de propriété du prêt consenti à l'entreprise cédée pour lui permettre le financement de ce bien ; qu'en l'espèce, le fonds de commerce nanti, qui a été cédé à la société Financière Le Colombier, aux droits de laquelle se trouve la société Semacs, à l'occasion du plan de cession arrêté le 15 mars 1996, a été financé à l'aide du prêt en devises souscrit par acte du 18 mai 1989 auprès de la caisse, et pour lequel MM.X... et Y... s'étaient portés cautions ; qu'en considérant que MM.X... et Y... ne pouvaient exercer, en leur qualité de cautions, de recours avant paiement, au motif que la société Semacs n'aurait pas la qualité de débiteur principal, la cour d'appel a violé l'article 2032 du code civil, ensemble de l'article 93 de la loi du 25 janvier 1985 devenu l'article L. 621-96 du code de commerce ;

3° / que les paiements effectués par le débiteur principal sont réputés affectés prioritairement au règlement du principal de la dette dans les rapports entre la caution et l'établissement de crédit ayant manqué à l'obligation d'information ; qu'en l'espèce, la cession du fonds de commerce nanti a investi la société Semacs, aux termes de l'article 93 de la loi du 25 janvier 1985, devenu l'article L. 621-96 du code de commerce, de la qualité de débiteur des échéances restant à payer du prêt en devises souscrit par acte du 18 mai 1989 ; qu'en considérant que le paiement effectué le 19 février 2002 par la société Semacs entre les mains de la caisse ne pouvait être affecté au paiement de cette dette, la cour d'appel a violé l'article L. 313-22 du code monétaire et financier, ensemble l'article 93 de la loi du 25 janvier 1985, devenu l'article L. 621-96 du code de commerce ;

Mais attendu qu'après avoir relevé que les cautions étaient poursuivies au titre de contrats de prêts ayant donné lieu à la remise intégrale des fonds prêtés antérieurement à l'ouverture de la procédure collective du débiteur principal, et dès lors que la cession des contrats et celle du matériel nanti par le jugement arrêtant le plan n'entraînaient pas novation de l'obligation, l'arrêt retient que les cautions ne peuvent agir avant paiement, sur le fondement de l'article 2032 du code civil, devenu l'article 2309 du même code, qu'à l'encontre du débiteur par elles cautionné et non contre le cessionnnaire, codébiteur de celui-ci ; que par ces seuls motifs, la cour d'appel a légalement justifié sa décision ; que le moyen n'est pas fondé ;

Et sur le cinquième moyen :

Attendu que MM.X... et Y... reprochent enfin à l'arrêt d'avoir écarté l'action en responsabilité qu'ils avaient intentée à l'encontre de M. de Z..., en sa qualité de commissaire à l'exécution du plan de cession de la société, et de les avoir condamnés au paiement de la somme de 214 927,91 euros, alors, selon le moyen, que le commissaire à l'exécution du plan de cession est tenu de saisir le tribunal d'une demande en résolution du plan en cas d'inexécution par le cessionnaire de ses obligations ; qu'en l'espèce, la société Semacs, qui vient aux droits du cessionnaire, n'a pas respecté le plan de cession en s'abstenant de régler les différentes échéances inhérentes aux crédits dont elle est devenue débitrice à l'occasion de la cession, ce qui est à l'origine de l'action en paiement préjudiciable exercée à leur encontre en leur qualité de cautions ; qu'en écartant la responsabilité de M. de Z..., ès qualités, la cour d'appel a violé l'article 1382 du code civil, ensemble l'article L. 621-82 du code de commerce ; Mais attendu que le moyen, qui met en cause la responsabilité personnelle de M. de Z..., n'est pas recevable, dès lors que celui-ci ne figure dans l'instance qu'en sa qualité de commissaire à l'exécution du plan de la société ;

Mais sur le deuxième moyen :

Vu l'article L. 313-22 du code monétaire et financier ;

Attendu que l'article 114 de la loi du 25 juin 1999, qui a pour objet de déroger aux règles d'imputation des paiements au bénéfice des seules cautions, a introduit des dispositions nouvelles qui ne sont pas applicables aux situations consommées avant la date de son entrée en vigueur ; qu'il en résulte que les paiements effectués par le débiteur après la date d'entrée en vigueur de la loi s'imputent sur le principal de la dette ;

Attendu que pour condamner MM.X... et Y... à payer solidairement à la caisse une somme de 214 927,91 euros, l'arrêt, après avoir relevé qu'il n'est pas contesté que la caisse n'a jamais satisfait à l'obligation d'information à laquelle elle était tenue envers MM.X... et Y... en application de l'article L. 313-22 du code monétaire et financier, retient que les dispositions de la loi du 25 juin 1999 ne s'appliquent qu'aux paiements effectués à compter du 1er juillet 1999, date d'entrée en vigueur de la loi précitée, et relève que la règle d'imputation préférentielle des paiements sur le principal est, au cas particulier, sans portée, dès lors qu'aucun paiement n'est intervenu au titre du prêt de 600 000 francs et du prêt en devises postérieurement au 1er juillet 1999 ;

Attendu qu'en statuant ainsi, après avoir constaté qu'une somme de 126 722,41 francs, versée en exécution du plan de cession par la société Semacs le 19 février 2002, avait néanmoins été imputée au règlement du retard dû sur les intérêts du prêt en devises, la cour d'appel n'a pas tiré les conséquences légales de ses constatations et a violé le texte susvisé ;

PAR CES MOTIFS :

CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il a condamné MM.X... et Y... à payer solidairement au Crédit agricole une somme de 214 927,91 euros, l'arrêt rendu le 3 décembre 2002, entre les parties, par la cour d'appel d'Aix-en-Provence ; remet, en conséquence, sur ce point, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel d'Aix-en-Provence, autrement composée.