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Décisions

CA Paris, 16e ch. B, 22 février 2007, n° 06/00147

PARIS

Arrêt

Confirmation

PARTIES

Demandeur :

Africa Exotique (SARL)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Bouly de Lesdain

Conseillers :

M. Lannuzel, M. Zavaro

Avoués :

SCP Autier, SCP Bernabe - Chardin - Cheviller, Me Buret

Avocats :

Me Bosque, Me Barbier-Audouze, Me Gravisse

TGI Bobigny, du 16 nov. 2005, n° 2004/09…

16 novembre 2005

Prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du nouveau code de procédure civile

Signé par M. Michel ZAVARO, Président de chambre, M. Renaud BOULY de LESDAIN, Président, étant empêché, et par Mlle Carole TREJAUT, Greffier, à laquelle la minute du présent arrêt a été remise par le magistrat signataire.

Exposé des faits

Monsieur Patrick G., propriétaire de locaux à usage commercial, ... en a loué un le 1er mars 2001 à la société AFRICA EXOTIQUE et l'autre à la société 3P. Les deux locataires exploitent dans les lieux des magasins d'alimentation générale.

La copropriété dont ces deux commerces dépendent a assigné Monsieur G. et ses deux locataires pour faire prononcer la résiliation des baux et l'expulsion des sociétés occupantes en raison des nuisances causées par leur activité commerciale et le comportement de leur clientèle.

Par jugement du 16 novembre 2005, le tribunal de grande instance de BOBIGNY a prononcé la résiliation des baux consentis aux deux sociétés et a condamné Monsieur G. à payer à la copropriété la somme de 5.000 € à titre de dommages-intérêts.

La société AFRICA EXOTIQUE a relevé appel de ce jugement. Elle conclut à l'infirmation du jugement déféré, au rejet du syndicat des copropriétaires des fins de ses demandes et subsidiairement à son débouté. Elle demande 5.000 € en application des dispositions de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile.

Monsieur G. a relevé appel incident. Il sollicite l'infirmation du jugement déféré, la radiation de l'hypothèque judiciaire prise par la copropriété sur les lots lui appartenant et 3.000 € en application des dispositions de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile.

Motifs

Le syndicat des copropriétaires sollicite la confirmation du jugement déféré et 1.200 € en application des dispositions de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile.

SUR CE, LA COUR :

Monsieur G. a loué ses locaux fin 2000, début 2001. La copropriété se plaint de ce que l'exploitation des fonds de commerce des locataires de Monsieur G. génère depuis lors des nuisances caractérisées par l'odeur des produits alimentaires souvent corrompus, vendus dans les boutiques, la vente de boissons alcoolisées jusqu'à des heures très avancées de la nuit amenant les clients à stationner devant les boutiques ou dans la cour de l'immeuble pour consommer bruyamment ce qu'elles ont acheté; elle se plaint encore des cris, des injures, des graffitis de la clientèle qui n'hésiterait pas à uriner sur les trottoirs et les murs.

Le règlement de copropriété stipule que les locaux du rez de chaussée pourront être utilisés à usage de magasins commerciaux à condition que cet usage n'apporte pas une gêne exceptionnelle du fait de bruits ou d'odeurs d'un caractère anormal par rapport à la destination de l'immeuble; il ajoute que les copropriétaires et occupants devront veiller à ce que la tranquillité de l'immeuble ne soit à aucun moment troublée par leur fait, celui des personnes, de leur famille, de leurs invités ou des gens à leur service et qu'ils ne pourront en conséquence faire ou laisser faire aucun bruit anormal, aucun travail de quelque genre que ce soit qui serait de nature à nuire à la solidité de l'immeuble ou à leurs voisins par le bruit, l'odeur, les vibrations ou autrement. Il précise encore que les baux et engagements de location devront imposer aux locataires, à peine de résiliation de leurs contrats, l'obligation de respecter ces stipulations et que les copropriétaires resteront personnellement garants et responsables de l'exécution de ces obligations.

En l'état de ce règlement de copropriété déclarant chaque copropriétaire responsable des agissements répréhensibles de ses locataires, le syndicat des copropriétaires a, en cas de carence du copropriétaire bailleur, le droit d'exercer l'action en résiliation du bail dès lors que le locataire contrevient aux obligations découlant de celui-ci et que ses agissements qui causent un préjudice aux autres copropriétaires sont en outre contraires au règlement de copropriété.

La copropriété est donc recevable en son action oblique.

Pour justifier du bien-fondé de son action, la copropriété produit les plaintes circonstanciées d'occupants de l'immeuble, une pétition signée par de nombreuses personnes habitant le quartier, les mises en demeure adressées à Monsieur G. par les syndics successifs, les mains courantes rédigées par la police municipale d'AULNAY- SOUS-BOIS, les arrêtés pris les 1er juillet 2003 et 26 mai 2004 pour interdire aux deux exploitants la vente de boissons alcoolisées de 20.00 heures à < 06.00 heures jusqu'au mois de septembre.

Il en résulte que l'activité commerciale des deux sociétés génèrent des troubles anormaux caractérisés d'une part par des odeurs nauséabondes dues à un défaut d'hygiène et à la conservation d'aliments avariés (main courante du 14 mars 2003) et d'autre part par le regroupement d'individus consommant bruyamment sur la voie publique l'alcool acheté chez les locataires de Monsieur G.. Les procès-verbaux établis le 12 mai 2004 montrent que les arrêtés d'interdiction de vente d'alcool à compter de 20.00 heures n'ont pas suffi à mettre durablement un terme à la consommation d'alcool devant les épiceries.

Face à cette situation, Monsieur G. s'est contenté de transmettre à ses locataires les plaintes de la copropriété en indiquant en septembre 2001 qu'il était bien conscient de ces nuisances et qu'il rencontrait des difficultés à se faire entendre.

Ces considérations démontrent l'importance du trouble résultant par les locataires de la violation du règlement de la copropriété et l'insuffisance de la réaction du propriétaire. Le jugement déféré est donc justifié nonobstant les considérations que le premier juge a inutilement développées sur la compatibilité du communautarisme avec ces normes d'habitation.

Dispositif

PAR CES MOTIFS

Confirme le jugement déféré ;

Condamne Monsieur G. et la société AFRICA EXOTIQUE aux dépens distraits au profit des avoués en la cause ainsi qu'au payement par chacun de 1200 € en application des dispositions de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile.