CA Paris, Pôle 5 ch. 4, 8 février 2023, n° 20/01706
PARIS
Arrêt
Infirmation
PARTIES
Demandeur :
Pizz Ag (EURL), Domino's Pizza France (SAS)
Défendeur :
Pizza Center France (SAS), Domino's Pizza France (SAS), Fra-Ma-Pizz (SAS)
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
Mme Dallery
Conseillers :
Mme Brun-Lallemand, Mme Depelley
Avocats :
Me Bonaldi, Me Le Goff, Me Guyonnet
FAITS ET PROCEDURE
Le réseau de restaurants Pizza Sprint, détenu jusqu'au 25 janvier 2016 par le groupe Pizza Sprint, a pour activité la fabrication et la distribution de pizzas sur le marché de la livraison à domicile ou à emporter.
Le groupe était composé de trois filiales détenues par la société holding Food Court Finances dirigée par M. [I] [P] :
-la société Fra-Ma-Pizz (ci-après « le franchiseur ») qui a exploité des points de vente ou concédé l'exploitation de l'enseigne par la conclusion de contrats de franchise ;
-la société Pizza Center France (ci-après « le fournisseur ») qui était la centrale d'approvisionnement en produits alimentaires et non alimentaires du réseau ;
-la société Somainmag qui avait été constituée pour réaliser l'aménagement des points de vente du réseau et n'est plus en activité.
Le 9 mai 2014, la société Pizz AG (ci-après 'le franchisé') a conclu un contrat de franchise avec la société Fra-Ma-Pizz en vue d'exploiter un fonds de commerce de restauration rapide sous l'enseigne « Pizza Sprint » à [Localité 7] ([Localité 7]).
M. [W] [B] est le gérant de cette société.
Le 26 janvier 2016, la société Domino's Pizza France (ci-après « la société Domino's Pizza »), exploitant dans le même secteur le premier réseau de franchise français en nombre de points de vente, s'est portée acquéreur auprès de la société Food Court Finance de 100% des titres composant le capital social des sociétés Fra-Ma-Pizz et Pizza Center France, à l'exclusion de la société Somainmag.
A la suite de cette cession de contrôle, certains franchisés ont accepté de conclure de nouveaux contrats de franchises et d'exploiter sous l'enseigne « Domino's Pizza », d'autres ont préféré demeurer au sein du réseau « Pizza Sprint » comme la société Pizz AG malgré les relations tendues avec le franchiseur.
Le 6 septembre 2017, à la suite de plusieurs mises en demeure faites à son franchisé d'avoir à se conformer à ses obligations contractuelles d'accueil de visites des animateurs du réseau et d'approvisionnement, le franchiseur a résilié le contrat de franchise.
Les relations entre les parties ont définitivement pris fin à compter de cette date.
Par acte extrajudiciaire du 11 mai 2016, puis du 19 septembre 2018, la société Pizz AG et M. [W] [B] ont assigné les sociétés Fra-Ma-Pizz et Pizza Center France, puis la société Domino's Pizza France, devant le tribunal de commerce de Rennes pour demander la nullité du contrat de franchise « initialement pour vice du consentement, puis à raison de clauses créant un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties dont la nullité aurait pour effet de vider le contrat de sa substance » et, subsidiairement, pour faire prononcer sa résiliation aux torts exclusifs du franchiseur et obtenir les restitutions et indemnisations consécutives.
Ces instances ont été jointes.
Par jugement du 3 décembre 2019, le tribunal de commerce de Rennes a :
-Déclaré irrecevables les demandes de la société Pizz AG et de Monsieur [W] [B] tendant à :
« Déclarer recevable et bien fondée la demande du Ministre ;
Y faire droit en tous points ;
Déclarer recevable et bien fondée l'intervention volontaire principale des concluants ;
Joindre les instances engagées par les concluants à l'instance enrôlée sous le n°2017 F 00131
Annuler ou résilier le Contrat de Franchise aux torts de Pizza Center France ;
- Déclaré irrecevables les demandes de Fra-Ma-Pizz, Domino's Pizza France et Pizza Center France tendant à :
Rejeter la demande de jonction de la présente instance avec l'instance initiée par le Ministre (RG n°2017 F 00131) ;
Constater que l'article L.442-6, I, 2° du Code de commerce ne saurait fonder un quelconque grief à l'encontre des défenderesses dans la mesure où ce texte n'observe pas le principe de légalité des délits et des peines consacré respectivement par (i) la convention européenne des droits de l'homme et des libertés fondamentales et (ii) par le pacte civil relatif aux droits politiques ;
Constater l'absence de soumission ou de tentative de soumission au sens de l'article L.442-6, I, 2° du Code de commerce ;
Constater que les demandes fondées non pas avec une clause mais sur une pratique qui aurait été instaurée par la société Fra-Ma-Pizz ne saurait relever de l'article L.442-6, I, 2° du Code de commerce ;
Constater l'absence de déséquilibre significatif au sens de l'article L.442-6, I, 2° du Code de commerce.
Et :
- Constaté la résiliation du contrat de franchise aux torts exclusifs de Pizz AG et Monsieur [W] [B] ;
Et aussi :
- Condamné Fra-Ma-Pizz et Domino's Pizza France à rembourser in solidum à la société Pizz AG les redevances de franchise versées au titre des mois de janvier 2017 à août 2017 ;
En outre :
- Ordonné la capitalisation des intérêts au taux légal par années entières conformément à l'article 1343-2 du Code civil ;
- Condamné in solidum Fra-Ma-Pizz et Domino's Pizza France aux entiers dépens de l'instance, parmi lesquels sont compris l'ensemble des frais d'exécution (y compris les émoluments de l'huissier en application de l'article A444-32 du Code de commerce) ;
Enfin :
- Débouté les parties du surplus de leurs demandes, et notamment de celles relatives à l'exécution provisoire ;
-Liquidé les frais de greffe à la somme de 133,40 euros tels que prévu aux articles 695 et 701 du CPC.
Par déclaration reçue au greffe de la Cour le 16 janvier 2020, la société Pizz AG et M. [W] [B] ont interjeté appel de ce jugement.
Parallèlement, entre 2013 et 2016, la DGCCRF a mené une enquête sur les relations commerciales entre partenaires au sein du réseau « Pizza Sprint » à l'issue de laquelle plusieurs franchisés ont dénoncé des pratiques susceptibles de constituer des entraves au libre jeu de la concurrence.
La DGCCRF a considéré que les contrats de franchise du réseau « Pizza Sprint » contenaient des clauses qui, par leur objet ou par leurs effets, limitaient la liberté et l'autonomie commerciale des franchisés de manière telle qu'elles étaient porteuses d'un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties au sens L.442-6, I, 2° du code de commerce dans sa version applicable.
Par actes des 9, 13 et 15 mars 2017, le ministre de l'économie et des finances (ci-après « le Ministre » ou « le Ministre de l'économie ») a assigné les sociétés Fra-Ma-Pizz, Pizza Center France, Domino's Pizza France, Food Court Finance et Somainmag devant le tribunal de commerce de Rennes au visa des anciens articles L442-6, I, 2° et L442-6, I, 1° du code de commerce.
A cette instance sont volontairement intervenues, à titre principal, des sociétés franchisées et leur gérant et, à titre accessoire, la société Pizz AG et M. [W] [B].
Ces derniers ont sollicité en vain la jonction de l'ensemble des instances devant le tribunal de commerce de Rennes qui a donc statué séparément sur chacune d'elles.
Par jugement du 22 octobre 2019, rendu dans le cadre de l'action du Ministre, le tribunal de commerce de Rennes, s'agissant des clauses litigieuses soumises à son appréciation au visa de l'article L.442-6, I, 2° du code de commerce dans sa version applicable, a notamment :
prononcé la nullité des clauses relatives à l'intuitu personae,
prononcé la nullité des clauses relatives aux modalités de résiliation et de cessation
Par un arrêt du 5 janvier 2022, rendu sur appel du jugement susvisé, la cour d'appel de Paris,
pour les contrats de franchise versés aux débats, dont le contrat de franchise conclu avec la société Pizz AG, a notamment décidé que :
seules les clauses intuitu personae et de résiliation dans les contrats antérieurs à 2012 sont annulées ;
les clauses d'approvisionnement et de stocks minimum ne sont pas annulées mais il a été enjoint aux sociétés Fra-Ma-Pizz, Pizza Center France et Domino's Pizza, au titre d'un déséquilibre significatif, de cesser la pratique consistant à insérer au contrat de franchise une clause de stock minimum couplée à une clause d'approvisionnement formellement non exclusive mais permettant par des règles de contrôle d'imposer de fait un approvisionnement exclusif ou quasi exclusif auprès d'un fournisseur appartenant au même groupe de sociétés que le franchiseur ;
les clauses d'aménagement initial des points de vente, les clauses de résiliation des contrats postérieurs à 2012 n'ont pas été annulées ni sur le fondement du déséquilibre significatif ni sur le fondement de l'avantage sans contrepartie ;
les pratiques relatives à la mise en oeuvre du contrôle des points de vente, à la fixation des prix de vente, à la maîtrise des actions promotionnelles, à la facturation de la formation et autres Frais accessoires, n'ont pas été jugées en elles-mêmes comme générant un déséquilibre significatif ou un avantage sans contrepartie.
Le 10 janvier 2022 un pourvoi (n°R2210314) a été formé contre cet arrêt devant la Cour de cassation.
Aux termes de leurs dernières conclusions, déposées et notifiées le 7 octobre 2022, la société Pizz AG et M. [B] demandent à la Cour de :
- Déclarer recevable et bien fondée l'appel de la Société Pizz AG et de Monsieur [B] ;
Infirmer la décision entreprise en ce qu'elle a :
- Déclaré irrecevables les demandes de M. [B] et de la Société Pizz AG tendant à :
Déclarer recevable et bien fondée la demande du Ministre de l'Economie ;
Y faire droit en tous points ;
Déclarer recevable et bien fondée l'intervention volontaire principale des concluants ;
Joindre les instances engagées par les concluants à l'instance enrôlée sous le n° 2017 F 00131
Annuler ou résilier le contrat de franchise aux torts de Pizza Center France ;
- Constaté la résiliation du contrat de franchise aux torts exclusifs de Pizz AG et de M. [B]
- Débouté la Société Pizz AG et M. [B] de leurs demandes ;
Confirmer la décision entreprise en ce qu'elle a :
-Déclaré irrecevables les demandes de Fra-Ma-Pizz, Domino's Pizza France et Pizza Center France tendant à :
Rejeter la demande de jonction de la présente instance avec l'instance initiée par M. le Ministre de l'Economie et des Finances (RG n° 2017 F 00131) ;
Constater que l'article L 442-6 I 2° du code de commerce ne saurait fonder un quelconque grief à l'encontre des défenderesses dans la mesure où ce texte n'observe pas le principe de légalité des délits et des peines consacré respectivement par (i) la convention européenne des droits de l'homme et des libertés fondamentales et (ii) par le pacte civil relatif aux droits politiques ;
Constater l'absence de soumission ou de tentative de soumission au sens de l'article L 442-6 I 2° du code de commerce ;
Constater que les demandes fondées non pas avec une clause mais sur une pratique qui aurait été instaurée par la société Fra-Ma-Pizz ne sauraient relever de l'article L 442-6 I 2° du code de commerce ;
Constater l'absence de déséquilibre significatif au sens de l'article L 442-6 I 2° du code de commerce ;
- Débouté les Sociétés Fra-Ma-Pizz, Domino's Pizza et Pizza Center France de leurs demandes
Statuant à nouveau, en conséquence :
- Prononcer l'annulation de chacune des clauses affectées d'un déséquilibre significatif, au sens de l'article L442-6 I 2° du Code de commerce ;
- Constater que l'annulation de l'ensemble de ces clauses vident les contrats de leur substance et, en conséquence, annuler les contrats de franchise,
- A défaut, prononcer leur résiliation aux torts exclusifs de la Société Fra-Ma-Pizz ;
- Débouter les sociétés Pizza Center France, Fra-Ma-Pizz, Domino's Pizza France, Food Court Finances et Somainmag de toutes leurs demandes, fins et conclusions ;
En tout état de cause
1°) Concernant la Société Pizz AG
a) Au titre de la restitution du droit d'entrée
-Condamner in solidum les sociétés Fra-Ma-Pizz et Domino's Pizza France à lui verser la somme de 10.000 €,
b) Au titre de la restitution des redevances
-Condamner in solidum les sociétés Fra-Ma-Pizz et Domino's Pizza France à lui verser la somme de 26.611,97 €,
c) Au titre de pertes de marge sur les approvisionnements
-Condamner in solidum les Sociétés Pizza Center France, Fra-Ma-Pizz et Domino's Pizza France à lui verser la somme de 59.695,98 €,
d) Au titre des prestations de marketing
-Condamner in solidum les sociétés Fra-Ma-Pizz et Domino's Pizza France à lui verser les sommes de 6 900 €,
e) Au titre de la perte de la valeur du fonds
-Condamner in solidum les sociétés Fra-Ma-Pizz et Domino's Pizza France à lui verser la somme de 189.750 €, ou, subsidiairement, de 65 432 €
2°) Concernant M. [B]
a) Au titre de la perte des apports
-Condamner in solidum les sociétés Fra-Ma-Pizz et Domino's Pizza France à lui verser la somme de 37 805 €,
b) Au titre de la perte de revenus
- Condamner in solidum les sociétés Fra-Ma-Pizz et Domino's Pizza France à lui verser la somme de 58 856 €,
c) Au titre du préjudice moral
-Condamner in solidum les sociétés Fra-Ma-Pizz et Domino's Pizza France à lui verser la somme de 30 000 €,
-Ordonner la capitalisation des intérêts au taux légal par années entières conformément à l'article 1343-2 du Code civil, à dater de l'assignation ;
-Condamner in solidum les Sociétés Pizza Center France, Fra-Ma-Pizz et Domino's Pizza France à verser à chacun des concluants la somme de 50.000 € au titre de l'article 700 du Code de procédure civile ;
-Les condamner in solidum aux dépens, parmi lesquels seront compris l'ensemble des frais d'exécution (y compris les émoluments de l'huissier en application de l'article A444-32 du Code de commerce).
Aux termes de leurs dernières conclusions, déposées et notifiées le 24 octobre 2022, les Sociétés Fra-Ma-Pizz, Pizza Center France et Domino's Pizza France demandent à la Cour de :
Vu les articles 2, 9, 30 et suivants, 122, 132 et 132 du Code de procédure civile,
Vu les articles 1101, 1116, 1134, 1147, 1152, 1178, 1184, 1224, 1304 alinéa 1, 1353 alinéa 1 et 2044 du Code civil,
Vu les articles L.110-4, L.511-1 et suivants du Code de commerce,
Vu les articles L.442-6, I, 1° et L.442-6, I, 2° et L.442-6, III (ancien) du Code de commerce,
Vu la jurisprudence,
Vu les pièces versées aux débats,
- Déclarer les sociétés Domino's Pizza France, Fra-Ma-Pizz et Pizza Center France recevables et bien fondées en l'ensemble de leurs demandes, fins et prétentions ;
- Dire et juger irrecevable et mal fondé l'appel interjeté par la société Pizz AG et Monsieur [W] [B], et en conséquence débouter la société Pizz AG et Monsieur [W] [B], de l'ensemble de leurs demandes, fins, et prétentions ;
Ce faisant :
- Infirmer le jugement rendu par le Tribunal de commerce de Rennes le 3 décembre 2019 en ce qu'il a :
déclaré irrecevables les demandes de Fra-Ma-Pizz, Domino's Pizza France et Pizza
Center France tendant à :
- rejeter la demande de jonction de la présente instance avec l'instance initiée par Mr le Ministre de l'Economie et des Finances (RG n°2017 F 00131) ;
- constater que l'article L.442-6, I, 2° du Code de commerce ne saurait fonder un quelconque grief à l'encontre des défenderesses dans la mesure où ce texte n'observe pas le principe de légalité des délits et des peines consacré respectivement par (i) la Convention européenne des droits de l'homme et des libertés fondamentales et (ii) par le Pacte civil relatif aux droits politiques ;
- constater l'absence de soumission ou de tentative de soumission au sens de l'article L.442-6, I, 2° du Code de commerce ;
- constater que les demandes fondées non pas avec une clause, mais sur une pratique qui aurait été instaurée par la société Fra-Ma-Pizz ne sauraient relever de l'article L.442-6, I, 2° du Code de Commerce ;
- constater l'absence de déséquilibre significatif au sens de l'article L.442-6, I, 2° du Code de Commerce ;
et
condamné in solidum Fra-Ma-Pizz et Domino's Pizza France à rembourser in solidum à la société Pizz AG les redevances versées au titre des mois de janvier 2017 à août 2017 ;
En outre :
ordonné la capitalisation des intérêts au taux légal par années entières conformément à l'article 1343-2 du Code civil ;
condamné in solidum Fra-Ma-Pizz et Domino's Pizza France aux entiers dépens de l'instance, parmi lesquels seront compris l'ensemble des frais d'exécution (y compris les émoluments de l'huissier en application de l'article A444-32 du Code de commerce) ;
enfin :
débouté les sociétés Fra-Ma-Pizz, Domino's Pizza France et Pizza Center France du surplus de leurs demandes, notamment de celles relatives aux fins de non-recevoir, aux incidents soulevés, aux demandes reconventionnelles, ainsi qu'au titre de l'article 700 du CPC et aux dépens.
-Confirmer le jugement rendu par le Tribunal de commerce de Rennes le 3 décembre 2019 en ce qu'il a :
déclaré irrecevables les demandes de la société Pizz AG et Monsieur [W] [B] tendant à:
- déclarer recevable et bien fondée la demande du Ministre de l'Economie ;
- y faire droit en tous points ;
- déclarer recevable et bien fondée leur intervention volontaire principale ;
- joindre les instances engagées par eux à l'instance enrôlée sous le n°2017 F 00131 ;
-annuler ou résilier le contrat de franchise aux torts de Pizza Center France ;
débouté la société Pizz AG et Monsieur [W] [B] du surplus de leurs demandes.
Et, statuant à nouveau :
I/ SUR LES INCIDENTS :
(i) Constater que la société Domino's Pizza France n'a pas qualité pour défendre ;
(ii) Constater que la société Pizza Center France n'a pas qualité pour défendre ;
En conséquence, déclarer irrecevables les demandes formulées à l'encontre des sociétés Domino's Pizza France et Pizza Center France ;
(iii) Constater que Monsieur [W] [B] n'a pas intérêt à agir, faute de préjudice direct, personnel et distinct ;
En conséquence, déclarer irrecevables les demandes de Monsieur [W] [B] ;
II/ SUR CE, AU FOND :
II. A/ SUR LES DEMANDES DES FRANCHISÉS
A titre préalable, si par extraordinaire la cour d'appel de céans considérait que les sociétés Domino's Pizza France et Pizza Center France ont qualité pour défendre dans le cadre de la présente instance, il lui est demandé de :
(i) Constater que les conditions de mise en cause de la responsabilité de la société mère pour les faits de sa filiale ne sont pas remplies et que le principe de l'autonomie de la personnalité morale fait, en toute hypothèse, obstacle à la mise en cause de la responsabilité de la société mère et/ou d'une autre société du groupe ;
En conséquence, débouter les franchisés de leur demande de condamnation in solidum à l'encontre des sociéé Domino's Pizza France et Pizza Center France ;
II. A. 1/ SUR LE REJET DES DEMANDES D'ANNULATION DES CLAUSES SUR LE FONDEMENT DE L'ARTICLE L.442-6, I, 2° DU CODE DE COMMERCE (DÉSÉQUILIBRE SIGNIFICATIF)
a/ À titre principal
(i) Constater que l'article L.442-6, I, 2° du code de commerce ne saurait fonder un quelconque grief à l'encontre des concluantes dans la mesure où ce texte n'observe pas le principe de légalité des délits et des peines consacré respectivement par (i) la Convention europénne de sauvegarde des droits de l'homme et des liberté fondamentales et par (ii) le Pacte civil relatif aux droits politiques ;
En conséquence, débouter les franchisés de leurs demandes formulées à ce titre ;
b/ À titre subsidiaire
(i) Constater l'absence de soumission ou de tentative de soumission au sens de l'article L.442-6, I, 2° du code de commerce ;
'En conséquence, débouter les franchisés de leurs demandes fondées sur L.442-6, I, 2° du Code de commerce ;
Si la cour d'appel de Paris venait à considérer que la démonstration de l'existence d'une soumission ou tentative de soumission exigée par l'article L.442-6, I, 2° du Code de commerce est caractérisée :
(ii) Constater que les demandes des franchisés fondées non sur une clause mais sur une pratique qui aurait été instaurée par la société Fra-Ma-Pizz ne sauraient relever de l'article L.442-6, I, 2° du Code de commerce ;
(iii) Constater, l'absence de déséquilibre significatif au sens de l'article L.442-6, I, 2° du code de commerce en ce qui concerne :
- la clause d'aménagement des points de vente ;
- la clause d'approvisionnement ;
- la clause sur le stock minimum ;
- la prétendue surfacturation des actions commerciales ;
- la prétendue facturation hors contrat du « forfait marketing », des « frais divers » et des « frais de port et de conditionnement » ;
- les modalités de contrôle des points de vente (contrôles qualité et hygiène, des tests de « client-mystère » et visites des animateurs réseau) ;
- le prétendu défaut de formation continue des franchisés et la prétendue double facturation de la formation initiale ;
- la clause sur la gestion et administration du personnel ;
- la clause sur la gestion et l'administration de l'activité commerciale (outils informatiques) ;
- la clause sur le respect de l'évolution du réseau ;
- la clause sur l'information du franchiseur ;
- la clause de non-concurrence applicable pendant la durée du contrat de franchise ;
- la clause sur l'obligation d'assurances ;
- la clause sur l'obligation de confidentialité et discrétion ;
- la clause de non-concurrence post-contractuelle ;
En conséquence, débouter les franchisé de l'ensemble de leurs demandes fondées sur L.442-6, I, 2° du Code de commerce ;
II. A. 2/ SUR LE REJET DE LA DEMANDE D'ANNULATION DU CONTRAT DE FRANCHISE
a/ À titre principal
(i) Constater l'impossibilité pour la société Pizz AG de solliciter l'annulation du contrat de franchise conclu avec la société Fra-Ma-Pizz sur le fondement de l'article L.442-6, I, 2° du Code de commerce ;
En conséquence, débouter la société Pizz AG de sa demande d'annulation du contrat de franchise conclu avec la société Fra-Ma-Pizz sur le fondement de l'rticle L.442-6, I, 2° du Code de commerce ;
b/ À Titre subsidiaire,
A titre subsidiaire, si par extraordinaire la cour d'appel de céans considérait que la société Pizz AG à la faculté de solliciter l'annulation du contrat de franchise conclu avec la société Fra-Ma-Pizz sur le fondement de l'article L.442-6 du Code de commerce :
(i) Constater que la demande d'annulation du contrat de franchise ne saurait uniquement résulter de la nullité de clauses de ce contrat, si nombreuses soient elles, faute pour la société Pizz AG de démontrer que ces clauses ont constitué la volonté impulsive et déterminante du consentement des parties à contracter ;
En conséquence, débouter la société Pizz AG de sa demande d'annulation du contrat de franchise conclu avec la société Fra-Ma-Pizz ;
II. A. 3/ SUR LE REJET DE LA DEMANDE DE RÉSILIATION DU CONTRAT DE FRANCHISE
(i) Constater l'absence de manquement de la société Fra-Ma-Pizz dans le cadre de la transmission du savoir-faire et l'absence de disparition du savoir-faire Pizza Sprint ;
(ii) Constater l'absence de manquement de la société Fra-Ma-Pizz à ses obligations contractuelles
En conséquence, débouter la société Pizz AG de sa demande de résiliation du contrat de franchise conclu avec la société Fra-Ma-Pizz aux torts exclusifs de Fra-Ma-Pizz ;
II. A. 4/ À TOUTES FINS UTILES SUR LE REJET DES DEMANDES DES FRANCHISÉS SUR LE FONDEMENT DE L'ARTICLE L.442-6, I, 1° DU CODE DE COMMERCE (AVANTAGE SANS CONTREPARTIE)
(i) Constater l'absence d'avantage sans contrepartie au sens de l'article L.442-6, I, 1° du code de commerce ;
En conséquence, débouter les franchisés de l'ensemble de leurs demandes fondées sur L.442-6, I, 1° du Code de commerce ;
II. A. 5/ SUR LE REJET DES DEMANDES FINANCIÈRES DES FRANCHISÉS
(i) A titre préalable, dire et juger que Domino's Pizza France est totalement étrangère aux faits qui fondent les griefs formulées par la société franchisée et son gérant, de sorte qu'aucune demande de condamnation « in solidum » ne peut être formulée à son encontre ;
En conséquence, rejeter la demande de condamnation in solidum à l'encontre de la société Domino's Pizza France ;
Dans l'hypothèse extraordinaire où la cour d'appel de céans prononcerait l'annulation du contrat de franchise, il lui est demandé de :
(ii) considérer que les sommes dues par Fra-Ma-Pizz au titre de la restitution en nature se compensent totalement avec les sommes dues par la société Pizz AG au titre de la restitution par équivalent ;
En conséquence, prononcer la compensation entre les sommes que Fra-Ma-Pizz et la société Pizz AG pourraient se devoir en exécution de l'arrêt à intervenir ;
Dans l'hypothèse extraordinaire où la cour d'appel de céans prononcerait la résiliation du contrat de franchise aux torts de Fra-Ma-Pizz, il lui est demandé de :
(iii) considérer que la résiliation ne procède que pour l'avenir, c'est-à-dire pour la période postérieure à la date de résiliation du contrat de franchise ;
En conséquence, débouter la société Pizz AG de sa demande de remboursement des sommes versées antérieurement à la date de résiliation du Contrat de Franchise ;
En toutes hypothèses :
(iv) Constater que la société Pizz AG et Monsieur [W] [B] ne justifient pas le fondement de leurs demandes d'indemnisation (nullité ou résiliation) ;
(v) Constater que la société Pizz AG et Monsieur [W] [B] échouent dans la preuve d'une faute de Fra-Ma-Pizz, d'un préjudice et d'un lien de causalité entre la faute invoquée et le préjudice allégué ;
En conséquence, rejeter l'ensemble des demandes financières formulées par la société Pizz AG et Monsieur [W] [B] ;
II. B/ SUR LES DEMANDES RECONVENTIONNELLES DES CONCLUANTES
(i) Constater la résiliation du contrat de franchise conclus entre Fra-Ma-Pizz et la société
Pizz AG aux torts exclusifs de la société Pizz AG ;
En conséquence, condamner la société Pizz AG au paiement de la somme de 52.797 euros à la société Fra-Ma-Pizz au titre de la résiliation fautive du contrat de franchise ;
(ii) Constater qu'en intentant la présente procédure, la société Pizz AG et Monsieur [W] [B] ont commis un abus manifeste du droit d'ester en justice qui doit être sanctionné ;
En conséquence, condamner in solidum la société Pizz AG et Monsieur [W] [B] au paiement de la somme de 100 000 euros aux sociétés Fra-Ma-Pizz et Pizza Center France au titre de la procédure abusive engagée à leur encontre et de la somme de 3 000 euros au titre d'une amende civile ;
II. C/ EN TOUTE HYPOTHÈSE :
(i) Rejeter l'ensemble des prétentions et demandes des franchisés non rejetées par le jugement dont il est fait appel du Tribunal de commerce de Rennes 31 janvier 2020 (RG n°2016 F 00212)
(ii) Condamner in solidum la société Pizz AG et Monsieur [W] [B] à verser à Fra-Ma-Pizz, Pizza Center France et DominoS Pizza France la somme de 30.000 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile ;
(iii) Condamner in solidum la société Pizz AG et Monsieur [W] [B] à supporter les dépens de l'instance, dont distraction au profit de la SCP AFG, aux offres de droit.
L'ordonnance de clôture a été rendue le 8 novembre 2022.
La Cour renvoie à la décision entreprise et aux conclusions susvisées pour un exposé détaillé du litige et des prétentions des parties, conformément à l'article 455 du code de procédure civile.
MOTIVATION
I- Sur la qualité à défendre des sociétés Domino's Pizza France et Pizza Center France
Les sociétés Pizza Center France et Domino's Pizza, au visa des articles 32 et 122 du code de procédure civile, font valoir qu'elles n'ont pas qualité pour se défendre face aux demandes d'annulation ou de résiliation du contrat de franchise et des demandes indemnitaires subséquentes, en sorte que les prétentions formulées à leur encontre sont irrecevables. Elles soutiennent qu'elle sont totalement étrangères aux faits qui fondent les griefs des franchisés, puisqu'elles n'ont pas conçu les contrats litigieux, ni participé aux discussions qui ont précédé leur conclusion, ni apposé leur signature sur ces contrats et qu'elles n'ont accompli aucune des actions propres à permettre de leur imputer un rôle dans la violation de l'article L.442-6, I, 2° du code de commerce, ni même avoir eu un 'rôle actif' directement ou indirectement aux manquements contractuels allégués. Elles rappellent que le principe d'autonomie des personnes morales membres d'un même groupe ne cède que s'il est démontré qu'il n'existe en réalité qu'une seule personne morale et/ou une confusion des patrimoines.
Réponse de la Cour,
Selon l'article 32 du code de procédure civile, est irrecevable toute prétention émise par ou contre une personne dépourvue du droit d'agir.
Les sociétés Domino's Pizza et Pizza Center France ne soulèvent aucun moyen relatif à leur droit d'agir à l'encontre des prétentions émises par les franchisés à leur égard sur le fondement d'une part des dispositions de l'article L.442-6 du code de commerce interdisant certaines pratiques restrictives ou d'autre part d'une responsabilité dans les manquements contractuels invoqués, c'est-à- dire à leur qualité à se défendre à une telle action.
En effet les moyens invoqués par les Domino's Pizza et Pizza Center France ne tendent en réalité qu'à critiquer le bien-fondé des prétentions des franchisés, à savoir si les éléments constitutifs des pratiques restrictives alléguées ou des manquements contractuels invoqués sont caractérisés à leur égard.
Dès lors, la fin de non-recevoir tirée de leur défaut de qualité à défendre des sociétés Domino's Pizza et Pizza Center France sera rejetée.
Le jugement sera confirmé sur ce point sauf en ce qu'il a déclaré irrecevables la demande de la société franchisée et de son gérant en ce qu'elles tendent à annuler ou résilier le contrat de franchise aux torts de Pizza Center France.
II-sur la demande d'annulation du contrat de franchise
La société franchisée a été déboutée de sa demande d'annulation du contrat de franchise par le tribunal de commerce qui, se référant à sa décision rendue dans l'instance initiée par le Ministre de l'économie, a considéré que la nullité des seules clauses relatives à l'intuitu personae et aux modalités de résiliation et cession du contrat au titre du déséquilibre significatif ne permet pas de vider de sa substance le contrat.
Au titre de leur appel incident, la société franchisée et son gérant demandent l'infirmation du jugement sur ce point et sollicitent de la Cour aux termes du dispositif de leurs dernières conclusions de :
Prononcer l'annulation de chacune des clauses affectées d'un déséquilibre significatif au sens de l'article L.442-6, I, 2° du code de commerce
Constater que l'annulation de l'ensemble de ces clauses vident les contrats de leur substance et, en conséquence, annuler les contrats de franchise,
Ils font valoir pour l'essentiel d'une part que l'impossibilité pratique pour eux de fixer librement leurs prix de vente justifie le prononcé de la nullité du contrat de franchise (point 87 des conclusions) et d'autre part qu'un grand nombre de clauses du contrat de franchise doivent être annulées sur le fondement du déséquilibre significatif ou de l'avantage sans contrepartie et que l'annulation de toutes ces clauses vidant le contrat de sa substance, celui-ci doit être annulé (point 199 et suivants).
A cet effet, il est soutenu que sont nulles les clauses suivantes du contrat :
la clause d'intuitu personae,
la clause de résiliation et la clause relative à la cessation du contrat de franchise, ' la clause relative à l'aménagement du point de vente des franchisés,
la clause d'approvisionnement exclusif,
la clause imposant de détenir un stock minimum,
la mise en oeuvre du contrôle des points de vente,
la fixation des prix de vente et la maîtrise des actions promotionnelles par Fra-Ma-Pizz,
les facturations de frais accessoires non justifiées.
En réplique, les sociétés Fra-Ma-Pizz, Pizza Center France et Domino's Pizza relèvent d'abord que l'article L.442-6, I , 2° sur lequel la société franchisée fonde sa demande de nullité de contrat offre uniquement la possibilité pour un plaideur d'obtenir l'annulation des clauses générant un déséquilibre significatif et non l'annulation mécanique de l'intégralité du contrat.
Sur le fond, elles font essentiellement valoir que les conditions d'application de l'article L.442-6, I 2° précité ne sont pas réunies pour les clauses et pratiques litigieuses, d'une part l'élément de soumission n'est pas démontré dans le cadre du contrat de franchise et d'autre part aucun déséquilibre significatif n'est démontré dans les droits et obligations des parties pour aucune des clauses ou pratiques litigieuses. Elles soutiennent que les conditions d'application de l'article L.442-6, I, 1° ne sont pas davantage remplies. Elles ajoutent qu'en toute hypothèse, il n'est pas démontré que les clauses litigieuses aient été essentielles et déterminantes du consentement de la société cocontractante au contrat de franchise.
Réponse de la Cour
D'une part, la partie victime d'un déséquilibre significatif, au sens de l'article L. 442-6, I, 2° du code de commerce dans sa version applicable au litige, est fondée à faire prononcer la nullité de la clause du contrat qui crée ce déséquilibre, s'agissant d'une clause illicite qui méconnaît les dispositions d'ordre public de ce texte (Com., 30 septembre 2020, pourvoi n° 18-11.644).
Il est précisé sur la légalité contestée de ce texte par les sociétés Fra-Ma-Pizz, Pizza Center et Domino's Pizza qu' il résulte de la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l'Homme que le principe de légalité des délits et des peines consacré par les articles 7 de la CEDH et 15 du pacte de New York implique que les infractions et les peines qui les répriment doivent être clairement définies par la loi, au sens d'accessibilité et de prévisibilité (arrêts de la Cour EDH G.I.E.M. S.R.L. et autres c. Italie, § 242 ; Cantoni c.France, § 29 ; Kafkaris c. Chypre, § 140 ; Del Ri'o Prada c. Espagne, § 91 ou Perinc'ek c.Suisse, § 134). S'agissant de la prévisibilité, le justiciable doit pouvoir savoir, à partir du libellé de la disposition pertinente, au besoin à l'aide de l'interprétation qui en est donnée par les tribunaux et le cas échéant après avoir recouru à des avocats, les actes et omissions qui peuvent engager sa responsabilité pénale et la peine qu'il peut encourir de ce chef (arrêts de la Cour EDH Cantoni c. France, § 29 ; Kafkaris c. Chypre, § 140 ; Del Ri'o Prada c. Espagne, § 79). Au regard de cette jurisprudence et de celle des juridictions françaises concernant les conditions d'application des dispositions de l'article L.442-6, I, 2° du code de commerce, les sociétés intimées ne démontrent pas en quoi ce texte serait contraire au principe de légalité des délits et des peines.
D'autre part, la nullité d'une clause d'un contrat n'entraîne la nullité du contrat lui-même que si la clause illicite a été dans l'intention des parties une condition essentielle de leur accord de volonté et que sa suppression aurait pour effet de bouleverser l'économie du contrat.
Dans l'instance opposant le Ministre de l'économie aux sociétés Fra-Ma-Pizz, Pizza Center et Domino's Pizza, et à laquelle sont volontairement intervenus la société Pizz AG et M. [B], par un arrêt du 5 janvier 2022, la cour d'appel de Paris, pour les contrats de franchise versés aux débats, dont celui signé par la société Pizz AG, a notamment décidé sur le fondement des dispositions de l'article L.442-6, I, 1° et 2° que :
seules les clauses intuitu personae et de résiliation dans les contrats antérieurs à 2012 sont annulées ;
les clauses d'approvisionnement et de stocks minimum ne sont pas annulées mais il a été enjoint aux sociétés Fra-Ma-Pizz, Pizza Center France et Domino's Pizza, au titre d'un déséquilibre significatif, de cesser la pratique consistant à insérer au contrat de franchise une clause de stock minimum couplée à une clause d'approvisionnement formellement non exclusive mais permettant par des règles de contrôle d'imposer de fait un approvisionnement exclusif ou quasi exclusif auprès d'un fournisseur appartenant au même groupe de sociétés que le franchiseur ;
les clauses d'aménagement initial des points de vente, les clauses de résiliation des contrats postérieurs à 2012 n'ont pas été annulées ni sur le fondement du déséquilibre significatif ni sur le fondement de l'avantage sans contrepartie ;
les pratiques relatives à la mise en oeuvre du contrôle des points de vente, à la fixation des prix de vente, à la maîtrise des actions promotionnelles, à la facturation de la formation et autres frais accessoires, n'ont pas été jugées en elles-mêmes comme générant un déséquilibre significatif ou un avantage sans contrepartie.
Cette décision du 5 janvier 2022, à laquelle les parties font référence dans leurs écritures, fait l'objet d'un pourvoi en cassation, mais dans l'attente elle bénéficie de l'autorité de la chose jugée qui s'impose, dans la présente instance, à la validité des mêmes clauses, dans le même contrat de franchise opposant les mêmes parties, autres que le Ministre, sur le fondement de pratiques restrictives de concurrence.
En toute hypothèse, ni les sociétés Fra-Ma-Pizz, Pizza Center et Domino's Pizza, ni la société Pizz AG ne font état de faits ou de moyens de droit au soutien de leurs prétentions relatives à la validité des clauses ou en défense différents de ceux invoqués dans l'instance ayant donné lieu à l'arrêt du 5 janvier 2022 et sur lesquels la Cour ne pourrait porter une appréciation différente
Seule la clause intuitu personae du contrat de franchise conclu après 2012 a été annulée et la société Pizz AG ne démontre pas en quoi cette clause était essentielle au contrat de franchise ou que sa suppression était de nature à bouleverser l'économie du contrat.
La société Pizz AG sera déboutée de sa demande d'annulation du contrat de franchise.
Le jugement sera confirmé sur ce point.
III- Sur la résiliation du contrat de franchise
Constatant que la société Pizz AG ne se fournissait pas auprès du fournisseur référencé et ce, sans avoir jamais soumis de fiche technique afin de vérifier la conformité des produits au réseau Pizza Sprint, la société Fra-Ma-PIzz a, par lettres des 25 août 2016 et 6 février 2017 mis en demeure la société Pizz AG de se soumettre à son obligation d'approvisionnement telle que prévue à l'article 10.2 du contrat de franchise.
En outre, constatant que la société Pzz AG avait refusé les visites d'assistance au sein du point de vente, la société Fra-Ma-Pizz a mis en demeure la société Pizz AG par lettres des 24 juin 2016 et 13 février 2017.
Par lettre du 6 septembre 2017, la société Fra-Ma-Pizz, constatant que la société Pizz AG ne s'était pas conformée aux mises en demeure, et en particulier à l'obligation d'approvisionnement, a notifié à celle-ci la résiliation du contrat de franchise avec effet immédiat et lui a réclamé en application de l'article 19 du contrat de franchise la somme de 55 717 euros à titre d'indemnité.
Le conseil de la société Pizz AG, par courrier du 12 septembre 2017 adressé à la société Fra-Ma-Pizz lui a fait savoir que le non-respect de la clause d'approvisionnement était en lien direct et immédiat avec les prix excessifs pratiqués par la société Pizza Center France, fournisseur retenu par Fra-Ma-Pizz. Il est précisé que pour exercer normalement son activité la société Pizz AG a été contrainte de s'approvisionner ailleurs sauf concernant les produits spécifiques Pizza Sprint. Il est ajouté que la clause invoquée par le franchiseur constitue un déséquilibre significatif au sens de l'article L. 442-6, 2° du code de commerce.
Dans la présente instance, la société Pizz AG et M. [B] demandent à la Cour de prononcer la résiliation du contrat de franchise aux torts exclusifs de la société Fra-Ma-Pizz.
Ils font principalement valoir que le réseau Pizza Sprint fonctionnait avec une centrale d'achat la société Pizza Center exerçant sous l'enseigne Logis Pizza, conçue au seul profit du groupe franchiseur au détriment du franchisé. Ils expliquent que le nom et l'existence de cette centrale d'achat ne figurait ni dans le DIP ni dans le contrat de franchise dans lequel il était seulement indiqué que le franchiseur sélectionnait chaque année des listes de produits et de fournisseurs. Ils relèvent qu'en réalité, seule Logis Pizza était retenue et que le franchisé de fait était tenu de s'approvisionner auprès de cette société, au travers de divers contrôles ou menaces de résiliation du contrat de la part du franchiseur. Or, ils soutiennent que cette centrale d'achat fonctionnait 'à l'envers', en ce que au lieu de permettre au franchisé de bénéficier d'économies d'échelle liées au groupement des achats, il était au contraire contraint de s'approvisionner à des prix 40% supérieurs au niveau du marché, remettant en cause la rentabilité du point de vente. Ils font observer que cette pratique confinait à la fraude concernant le pâton, indispensable à la fabrication des pizzas.
La société Pizz AG et M. [B] font encore valoir qu'à la suite de l'acquisition de l'ensemble des titres composant le capital social des sociétés Fra-Ma-Pizz et Pizza Center par la société Domino's Pizza France le 26 janvier 2016, l'intention de cette dernière était à court terme la conversion du réseau Pizza Sprint à l'enseigne Domino's Pizza. Selon le franchisé, bien que l'annonce ait été faite de la poursuite des contrats de franchise pour ceux qui ne souhaitaient pas rejoindre le réseau concurrent Domino's Pizza, la stratégie n'en demeurait pas moins de faire disparaître le réseau Pizza Sprint. Ils relèvent à cet effet un nombre restreint d'animateurs de réseau sans expérience suffisante, l'absence de plan marketing ou de projet de développement de la communication sur les réseaux sociaux, un savoir-faire ne faisant plus l'objet d'une actualisation, à savoir l'évolution du site internet, la diversification des modes de distribution ou la mise au point de nouvelles recettes, confinant à sa disparition. Ils observent que le franchiseur ne s'est plus employé à développer son réseau et que celui-ci est passé de janvier 2016 à juillet 2018 de 89 magasins à 9. Ils ajoutent qu'ils ont rencontré des difficultés logistiques à la suite de la reprise de la centrale d'achat par la société Transgourmet et qu'ils n'ont plus bénéficié de l'assistance du franchiseur. Ils en déduisent que le franchiseur a ainsi manqué à ses obligations contractuelles de nature à justifier la résiliation du contrat à ses torts exclusifs et à engager sa responsabilité.
Les sociétés Fra-Ma-Pizz, Pizza Center France et Domino's Pizza demandent la confirmation du jugement en ce qu'il a prononcé la résiliation du contrat de franchise aux torts de la société Pizz AG et demandent sa condamnation à lui payer la somme de 52 797 euros à titre d'indemnité.
Sur l'obligation d'approvisionnement, elles soutiennent pour l'essentiel que l'article 10.2 du contrat de franchise prévoit que la société franchisée a la possibilité de s'approvisionner auprès des fournisseurs de son choix, sous réserve :
- que les produits répondent à un certain nombre de critères (qualité, traçabilité, conservation et stockage, composition identique à celle visée dans la bible, le transport à une température dirigées, normes de sécurité...)
- que le franchisé adresse au franchiseur, avant toute commande, une fiche technique du produit ainsi que les conditions de vente applicables et de recueillir l'accord du franchiseur,
La société Fra-Ma-Pizz relève, qu'eu égard aux commandes effectuées par la société Pizz AG auprès du fournisseur référencé au sein du réseau, il est apparu que cette dernière s'approvisionnait auprès de fournisseurs non référencés sans toutefois respecter les conditions de l'article précité, notamment d'obtenir l'accord du franchiseur afin de lui permettre de vérifier la conformité des produits aux critères essentiels de la franchise. Par ailleurs, elle relève que le franchisé a refusé les visites d'assistance permettant de vérifier que le concept du réseau est bien respecté. La société Fra-Ma-Pizz en déduit que la société Pizz AG a gravement manqué à ses obligations et que le contrat a été régulièrement résilié à ses torts exclusifs.
Les sociétés Fra-Ma-Pizz et Pizza Center font en outre valoir qu'il ne pèse aucune obligation d'approvisionnement exclusif sur la société franchisée auprès des fournisseurs référencés par le franchiseur. Elles précisent que la clause d'approvisionnement du contrat de franchise offre la possibilité au franchisé, s'il le souhaite de s'approvisionner auprès de fournisseur extérieur sous réserve de respecter la procédure contractuellement fixée, faculté que le franchisé a fait le choix de ne pas mettre en oeuvre pendant de nombreuses années. D'autre part, elles soutiennent que les prix pratiqués par Pizza Center France étaient cohérents au regard des prix du marché sans pratique de marge excessive et qu'il n'est versé aux débats aucun élément de nature à prouver l'existence de prix supérieurs pratiqués par Pizza Center France ou Transgourmet, outre que, pour qu'une telle comparaison soit possible, il conviendrait de comparer des produits précisément identifiés et qui seraient réellement comparables. Elles précisent qu'il a bien existé une recette de pâton spécifique fourni à titre exclusif par grain d'Orgel à Fra-Ma-Pizz jusqu'à l'année 2017.
Sur les manquements reprochés au franchiseur par la société Pizz AG, la société Fra-Ma-Pizz réplique pour l'essentiel que le franchiseur a bien respecté ses obligations contractuelles jusqu'à la cessation des contrats de franchise, à savoir l'obligation de formation continue, l'obligation de marketing/communication par diverses campagnes de publicités, l'obligation d'assistance telle que l'organisation de comité de pilotage, la possibilité de commander en ligne et le maintien de l'usage de l'enseigne et des signes distinctifs. Le franchiseur soutient que le savoir-faire n'a pas disparu, qu'il a toujours été transmis et que le nombre de points de vente composant le réseau de franchise est indifférent au savoir-faire. En revanche il est soutenu que le franchiseur n'est pas tenu à une obligation d'actualisation du savoir-faire ni de maintenir l'importance du réseau. Il est en outre insisté sur le fait qu'aucun changement d'enseigne n'a été imposé aux franchisés, que les conversions constatées se sont toujours faites sur la base du volontariat.
La société Domino's Pizza France conteste toute faute de nature à engager sa responsabilité, et en particulier les griefs relatifs à l'opération d'acquisition. Elle fait notamment valoir qu'elle est totalement étrangère aux faits qui fondent les griefs de la société franchisée et de son gérant et met en avant le principe de l'autonomie des personnes morales.
Réponse de la Cour,
sur l'obligation d'approvisionnement
Le contrat de franchise signé le 9 mai 2014 stipule au titre de l'approvisionnement que :
10 APPROVISIONNEMENT
10.1 Stock
Le Franchisé s'engage à détenir en permanence un stock minimum d'encours de fabrication correspondant à une semaine d'exploitation et à une valeur comprise entre 3.000 et 5.000 euros HT selon l'évaluation du Franchiseur.
10.2 Produits, petit matériel et matériel
Le Franchiseur sélectionne, chaque année, des listes de produits (matières premières, petit matériel et matériel) correspondant aux normes de qualité et de traçabilité du réseau, décrites dans la bible et il référence les fournisseurs correspondants. Le Franchisé s'engage à s'approvisionner conformément à cette liste de produits et de fournisseurs.
Toutefois, le Franchisé est libre de s'approvisionner auprès des fournisseurs de son choix, des lors que les produits répondent à l'ensemble des critères définis dans la bible et notamment aux critères suivants :
- les caractéristiques de qualité et de traçabilité fixées, -
- les caractéristiques de conservation et de stockage,
- les compositions qui doivent être strictement identiques à celles visées dans la Bible
- le transport des produits sous température dirigée,
- Les normes de sécurité du matériel pour les personnes utilisatrices
Avant toute commande de produit non référencées, le Franchisé s'engage à adresser au Franchiseur une fiche technique du produit ainsi que les conditions de vente applicables et à recueillir l'accord écrit du Franchiseur.
La Cour relève que la clause d'approvisionnement telle que rédigée ne prévoit pas un approvisionnement exclusif. Il est organisé une sélection de produit par le franchiseur suivant des normes de qualité et de traçabilité définies dans la 'bible' que le franchisé s'engage à respecter soit en s'approvisionnant chez 'les' fournisseurs référencés par le franchiseur, soit auprès du fournisseur choisi par le franchisé à condition de respecter les critères définis dans la bible, et de communiquer une fiche technique au franchiseur.
Outre le fait que la clause d'approvisionnement insérée au contrat ne prévoit pas expressément un approvisionnement exclusif, il y a lieu de rappeler que le DIP ne contenait pas non plus d'information particulière sur l'organisation de l'approvisionnement, ni sur l'existence de la société Pizza Center France. Il n'apparaît pas que le candidat à la franchise disposait de la Bible avant la signature du contrat de franchise.
Or, il ressort des éléments versés aux débats par la société franchisée, notamment :
- des auditions par la DGCCRF de franchisés (pièce PC n°50),
- des auditions du responsable opérationnel de la société Pizza Center France (pièce DGCCRF n°23 visée dans les conclusions point n° 17 et extraits repris dans l'arrêt du 5 janvier 2022 versé aux débats pièce n° 131)
- des échanges de courriels au sein du réseau entre franchisés et franchiseur (pièce PC n°3,19,20,25)
- et des rapports de visite des animateurs cités par la société Fra-Ma-Pizz dans ses conclusions (points 196 et suivants, pièces PC 3.1 à 3.7) que contrairement à ce que laissait présager la rédaction de la clause d'approvisionnement, en pratique, la société Pizza Center France était non seulement le seul fournisseur référencé par le franchiseur mais également que les franchisés devaient s'approvisionner exclusivement ou quasi-exclusivement auprès de ce fournisseur qui était en lien direct avec le franchiseur pour appartenir au même groupe,
que l'exclusivité de l'approvisionnement n'était pas un libre choix de la part du franchisé mais le résultat d'une forte pression, de la part du franchiseur, notamment M. [P], et mise en oeuvre par un contrôle étroit des animateurs de réseau chargés principalement de cette mission et aux visites desquelles la société Pizz AG ne s'est pas conformée,
que l'approvisionnement théoriquement « libre » auprès de fournisseurs autres que Logis Pizza, se heurtait en réalité à des critères dissuasifs pour les franchisés, à savoir des fiches techniques des produits achetés et conditions de vente applicables à transmettre pour validation préalable du franchiseur et quasiment jamais obtenue ainsi que des contrôles visuels des animateurs réseau et des alertes informatiques en cas d'absence de commande par Logis Pizza, tels que mis en oeuvre pour la société Pizz AG.
Il n'est en outre pas démontré de la part de la société Fra-Ma-Pizz que les produits sélectionnés par le fournisseur Pizza Center, notamment les produits alimentaires destinés à la confection des pizzas, avaient une spécificité au regard du savoir-faire Pizza Sprint ou répondaient à des critères de qualité ou de sécurité particuliers. Ainsi, il ressort des pièces versées aux débats par le franchisé (pièces PC n° 25,26, 27, 98,99, 101) que le pâton, indispensable pour la fabrication de pizza, ne pouvait être acheté ailleurs que chez Logis Pizza au motif d'une recette spécifique dont la réalité et l'utilité pour le savoir-faire du réseau n'ont pas été concrètement démontrés par les sociétés Fra-Ma-Pizz et Pizza Center France (pièces PC n°3.14).
La société franchisée établit également (pièces PC n°22 et 23) qu'elle était astreinte de faire une commande minimum de 20 colis par 'famille de produits' secs/surgelés et que si des commandes n'étaient pas suffisantes le franchisé était relancé par Logis Pizza. Par ailleurs, il n'est pas sérieusement contesté par la société Pizza Center, qu'elle était la seule bénéficiaire des remises commerciales négociées sur la base d'engagements de volume d'achat et de mise en avant des produits.
De plus, les tableaux comparatifs de prix établis par les franchisés (pièces PC n°26, 74 à 80, 102, et pièces société Pizz AG n°19 et 20) et de ratios de marges (pièce PC n°24- enquête DGCCRF) mettent en évidence que :
- les marges (opérationnelle, brute et nette) réalisées par la société Pizza Center sur les produits vendus au réseau Pizza Sprint étaient substantiellement supérieures à celles réalisées par d'autres entreprises intervenant dans le même secteur d'activité,
- des prix, notamment des produits alimentaires pour la confection des pizzas tels que le pâton, plus élevés sur toute la période 2015 à octobre 2017, que ceux pratiqués par d'autres acteurs équivalents sur le marché ou Transgourmet à compter de mai 2018,
Enfin, il ressort des pièces versées aux débats par le franchisé, qu'il était soumis par la tête de réseau, d'une part à une très forte incitation à suivre une politique tarifaire de vente unique dans le réseau (pièces PC n°28 , n°29 à 40, 104 et 105,) d'autre part à l'utilisation d'un système informatique ne permettant pas aisément d'établir lui-même ses prix (article 6.2.4 du contrat de franchise, pièce PC n° 41 et 50 du franchisé), contraignant davantage la gestion commerciale de son point de vente.
Certes les sociétés Fra-Ma-Pizz et Pizza Center France produisent des études et relevés de prix (pièce PC n°10, 3.11 et 3.12) démontrant que les pièces produites par le franchisé ne permettent pas d'établir des prix pratiqués par Logis Pizza supérieurs de 30% à 40 % à celui du marché. Néanmoins, il ressort des éléments du débat que la stratégie d'approvisionnement exclusif ou quasi-exclusif auprès de Logis Pizza menée par la tête de réseau permettait de générer une rentabilité certaine de la société Pizza Center, filiale du groupe Pizza Sprint, sans pour autant qu'il soit sérieusement démontré que cette politique produise un avantage concurrentiel pour les franchisés en terme de prix d'achat ou soit nécessaire à la préservation de l'identité et la réputation du réseau.
L'ensemble de ces éléments, non seulement a été jugé par la Cour de céans dans son arrêt du 5 janvier 2022 comme caractérisant une pratique restrictive de concurrence créant un déséquilibre significatif entre les droits du franchiseur et les obligations du franchisés, mais en outre dans la présente situation de la société Pizz AG constitue aussi une exécution déloyale de l'obligation d'approvisionnement, et ce de concert avec la société Pizza Center France.
Dans ces conditions, le refus de la société Pizz AG de s'approvisionner exclusivement auprès de la société Pizza Center France pour les produits autres que ceux spécifiques au réseau, ne peut s'analyser en un manquement contractuel justifiant la résiliation du contrat de franchise à ses torts.
sur les griefs du franchisé tirés du non-respect par le franchiseur des obligations relatives à la transmission et actualisation du savoir-faire, l'assistance et le maintien de l'importance du réseau
Comme l'expose le franchiseur lui-même dans ses conclusions (points 153 et suivants), la franchise répond à un schéma économique particulier. Elle repose sur un savoir-faire, développé par les investissements du franchiseur et dont il est proposé la réitération à des partenaires indépendants-les franchisés- avec lesquels il va collaborer pour créer un réseau de franchise. Par la conclusion du contrat de franchise permettant la transmission du savoir-faire du franchiseur, son assistance, et l'utilisation de son enseigne à laquelle est déjà attachée une clientèle, le franchisé va bénéficier d'un avantage concurrentiel.
En l'espèce, la Cour constate que dans le préambule du contrat signé par la société Pizz AG, il est expressément rappelé que le franchiseur a mis au point un savoir-faire et une méthode spécifique de fabrication, de commercialisation, de distribution et de livraison de pizzas à domicile expérimentée avec succès depuis 1992 et que le franchisé a conclu le contrat, convaincu de l'originalité et de l'intérêt de ce savoir-faire et de l'expérience du franchiseur. Il est précisé que le contrat a pour objet de permettre au franchisé d'exploiter le savoir-faire Pizza Sprint, de distribuer les produits et services du savoir-faire et d'en arborer tous les signes distinctifs, dont la marque Pizza Sprint, dans le cadre d'un système de franchise. L'article 6.1 stipule que le franchiseur a mis au point un savoir-faire portant notamment sur ' une méthodologie d'exploitation incluant des méthodes de publicité, de promotion, de commercialisation, en vue d'un service compétitif de qualité auprès de la clientèle'. Ainsi le franchiseur s'est engagé à assurer une formation non seulement initiale mais aussi continue (article 7.2 ) par l'organisation de formations internes régulières portant sur les méthodes commerciales et marketing nouveaux produits. En contrepartie de l'accès au réseau, et de la mise à disposition de savoir-faire et de l'assistance apportée par le franchiseur, le franchisé doit s'acquitter d'un droit d'entrée et des redevances mensuelles (article 7).
Le franchiseur s'est en outre expressément engagé à faire évoluer la franchise. En effet l'article 5.3 au titre des signes distinctifs stipule que :
'Le Franchisé s'oblige à respecter l'image du Réseau Pizza Sprint, notamment à utiliser, à l'exclusion de tous autres, les codes couleurs du Franchiseur et les tenues du personnel.
A cet égard, et compte tenu de l'obligation que s'impose le Franchiseur de faire évoluer la Franchise, le Franchisé s'engage à se conformer aux directives et instructions qui seront nécessaires à cette évolution, et notamment à modifier la présentation et le graphisme des signes distinctifs et /ou les conditions d'exercice de son activité'.
Il s'ensuit que par la signature de ce contrat et le paiement des redevances, le franchisé entend bien bénéficier pour son activité d'un avantage concurrentiel tiré du savoir-faire et de l'expérience du franchiseur ainsi que de la notoriété du réseau. Aussi, tant le savoir-faire que la notoriété du réseau, sont des moyens mis au service de la constitution et de la préservation de cet avantage concurrentiel. Il appartient donc au franchiseur d'actualiser ce savoir-faire aux évolutions du secteur d'activité considéré et de prendre les mesures nécessaires pour s'assurer de l'image et de la notoriété du réseau.
Or, à la suite de l'acquisition par la société Domino's France des titres composant le capital social des sociétés Fra-Ma-Pizz et Pizza Center France, la Cour relève les éléments suivants :
Au moment de cette acquisition en janvier 2016, le projet à très court terme était la conversion du réseau Pizza Sprint à l'enseigne Domino's Pizza (pièces franchisé PC n°61,63,64). Aux termes du contrat de franchise, le franchiseur Pizza Sprint n'avait aucune obligation d'information du franchisé qui n'avait effectivement pas été mis au courant de ce projet de cession et des conséquences sur le devenir du réseau, alors même que le contrat de franchise de la société Pizz AG signé pour une durée de 10 années ne devait se terminer qu'en 2024. Le franchisé a été mis devant le fait accompli lors d'un séminaire du 13 octobre 2015 qui ne comportait pas cette information à l'ordre du jour (pièce franchisé PC n° 58 - invitation au séminaire du 13 octobre 2015). Alors que le franchisé n'avait aucune information juridique et financière concrètes sur le devenir de son contrat de franchise Pizza Sprint et de son activité (pièce franchisé PC n°50), la conversion de l'enseigne était confirmée pour février 2016 par un courrier de M. [P] le 23 octobre 2015, en ces termes :
Il s'agit désormais de travailler ensemble à tourner la page Pizza Sprint (...) Des dates précises vont maintenant rythmer le passage à la nouvelle enseigne Domino's (...) Enfin, au mois de février 2016, l'ensemble des points de vente en propre Pizza Sprint basculeront sous enseigne Domino's Pizza. Ces points de vente deviendront alors vos centres de formation en support supplémentaire à l'académie Domino's Pizza située à [Localité 6].
Le site AC Franchise, dans son article consacré à la franchise Pizza Sprint indiquait (PC franchisé n°63) :
La franchise Pizza Sprint, née en 1998,'est'une'enseigne'de'pizza'en'livraison'et'à emporterqui'a connu un développement'conséquent.'De'3'restaurants'Pizza'Sprint'en'
1998,'le'réseau'est passé'à'90'points'de'vente'Pizza'Sprint'en'2015.
L'enseigne'a'été'rachetée'par'Domino's'Pizza'fin'2015'et les points de vente passeront sous enseigne'Domino's'pour'la'plupart.'Le'5'février'2016,'l'enseigne'nous'a'écrit'"L'enseigne'PizzaSprint'ne'développe'plus'son'réseau,'car'en'effet'elle'fusionne'et'est'absorbée'par'Domino's'Pizza". C'est donc auprès de Domino's'Pizza'que'vous'pouvez candidater'désormais.'
Le site Pizza Sprint renvoyait les internautes vers le site Domino's Pizza (PC franchisé n°64).
Au motif avancé de conditions financières peu attractives au sein du réseau Domino's Pizza, un certain nombre de franchisé Pizza Sprint, dont la société Pizz AG, n'ont pas souhaité la conversion de leur enseigne et exigé la poursuite de leur contrat de franchise Pizza Sprint en cours. Du fait de ce rachat, les clauses contractuelles ne permettaient pas non plus aux franchisés de résilier par anticipation leur contrat sans pénalité et ils étaient tenus à une obligation de non-concurrence post-contractuelle.
La poursuite de la société franchiseur Fra-Ma-Pizz a finalement été confirmée en mars 2016 avec la présentation d'un nouvel organigramme et interlocuteur à la suite des inquiétudes manifestées par les franchisés n'ayant pas souhaité rejoindre le réseau Domino's Pizza.
Certes, la société Fra-Ma-Pizz produit aux débats divers documents (pièces PC, 4.9 à 4.29, 5.1 à 5.34) attestant du maintien d'une présence opérationnelle minimum du franchiseur pour assurer :
- des audits de performance, des examens annuels des chiffres du réseau, et la communication au réseau de ces analyses (notamment PC n°5.2, 5.7, 5.8),
- des synthèses des visites des clients mystères (PC n°5.3, 5.9, 5.16, 5.31),
- la préparation et tenue régulière de comité de pilotage Copil (PC n° 5.11, 5.12, 5.18), - de la tenue d'un site internet et de l'animation d'une page facebook (PC n°4.10, 4.11, 4.21)
En revanche, la Cour constate, notamment à la lecture des bilans annuels (notamment PC n°5.18,5.32) et des comptes-rendus de Copil, que sur la période 2016 à 2020 :
- les actions marketing se sont limitées chaque année à des campagnes nationales de Pizzas spéciales suivant le même dispositif d'action (guide campagne PC n°4.9 et suivantes) et de format publicitaire standard (affiche en magasin, e-mailing, une page facebook et site WEB)
- une newsletter en 2018,
- en quatre années, il est noté l'organisation de trois jeux et loterie, d'un menu spécial coupe du monde et d'un partenariat « planète sauvage » ou « spectacle Roméo et Juliette »,
- d'un programme de fidélisation de commande en ligne,
- aucune évolution de la carte, seul le bilan de 2018 faisant état de « l'intégration d'une nouvelle bouteille d'eau gazeuse »,
- l'animation sur les réseaux sociaux s'est limitée à un site internet et une page Facebook,
Au titre de la formation continue, il n'est présenté aucun plan de formation régulière tel que prévu au contrat de franchise. Il est justifié d'une formation « logiciel Talc » en 2017 (PC n° 5.13) et d'un couriel évoquant l'accueil au sein d'un magasin en 2018 d'une personne pour une formation "accueil client et prise de commande Talc (pièce PC n°5.27).
La société franchisée fait observer, sans être sérieusement contredite, que le site internet Pizza Sprint n'a pas évolué depuis 2015, que le franchiseur n'a pas cherché à faire évoluer ses méthodes commerciales pour rester compétitif, tels que des plans de communication sur les réseaux sociaux, le développement d'une application pour passer des commandes en ligne sur un téléphone, le renouvellement des produits et des recettes, ou toute autre adaptation aux nouvelles attentes de la clientèle depuis 2016, et ce en comparaison de ce qui a été développé sous l'enseigne Domino's Pizza (PC n°110).
A compter de 2018, les franchisés ont rencontré des difficultés pour l'assistance commerciale et technique de la part du franchiseur (PC n°69, n°123 et 124,). Le réseau n'était plus référencé courant 2020 (PC n°123).
Enfin, il n'est pas contesté que le réseau Pizza Sprint qui comptait 89 magasins en 2016, a été réduit à 35 magasins en 2017. Si le franchiseur fait état de ce que le franchisé a continué à exploiter, jusqu'à la cessation du contrat en 2017, son magasin sous l'enseigne et les signes distinctifs Pizza Sprint, force est de constater que ces signes de ralliements de la clientèle ne pouvaient avoir qu'un impact commercial réduit au regard de la notoriété déclinante du réseau dès l'année 2016.
Il ressort de l'ensemble de ces constatations, qu'à compter de l'année 2016, le franchiseur a manqué à ses obligations contractuelles en ne fournissant plus d'effort d'actualisation de son savoir-faire, en ne respectant pas son obligation de formation et d'assistance sur les méthodes commerciales et marketing nouveaux produits, et en contribuant à la dégradation de la notoriété du réseau.
Dès lors, ces manquements, s'ajoutant à l'exécution fautive de l'obligation d'approvisionnement de la part de la société Fra-Ma-Pizz, sont de nature à justifier que la résiliation du contrat de franchise intervenue le 6 septembre 2017 à l'initiative de la société Fra-Ma-Pizz soit constatée à aux torts exclusifs de cette dernière.
Le jugement sera infirmé sur ce point.
Sur la responsabilité de la société Domino's Pizza France :
Dans sa documentation financière semestrielle pour la période allant jusqu'au 1er janvier 2017 (pièce franchisé PC n°65), la société Domino's Pizza annonçait que la fin de la conversion du réseau Pizza Sprint était attendue à la fin de l'année fiscale 2017, soit le 30 juin 2017. Dans le rapport de gestion au président DPF 2018 (Pièce franchisé PC n°109), il est indiqué : Au titre de l'exercice en cours qui sera clos le 30 juin 2019, nous prévoyons de continuer notre progression tant en nombre de points de vente qu'en chiffre d'affaires par magasin. Nous prévoyons également de continuer la conversion des magasins sous enseigne Pizza Sprint sous l'enseigne Domino's Pizza. Il ressort du rapport du commissaire aux comptes sur les comptes DPF 2018 (pièce franchisé PC n°92) que la majeure partie des activités des sociétés Fra-Ma-Pizz et Pizza Center France a été transférée à la société Domino's Pizza France après leur acquisition.
Aussi, de part sa propre stratégie de développement, la société Domino's Pizza France a contribué aux manquements contractuels de la société franchiseur Fra-Ma-Pizz et des préjudices en découlant à compter de 2016.
Ces agissements sont de nature à engager la responsabilité extra-contractuelle de la société Domino's Pizza France qui sera condamnée in solidum avec la société Fra-Ma-Pizz à la réparation de ces préjudices.
Le jugement sera confirmé sur ce point.
IV- Sur la demande d'indemnité de résiliation de la société Fra-Ma-Pizz
La résiliation du contrat de franchise étant intervenue aux torts de la société Fra-Ma-Pizz, celle-ci sera déboutée de sa demande d'indemnité de résiliation.
Le jugement sera confirmé en ce qu'il a débouté la société Fra-Ma-Pizz de sa demande de ce chef.
V- Sur les demandes indemnitaires de la société Pizz AG
1- sur la demande au titre de la restitution du droit d'entrée
La société franchisée réclame la somme de 10 000 euros au titre du remboursement du droit d'entrée.
L'annulation du contrat de franchise n'ayant pas été prononcée, et aucun manquement n'ayant été retenu au titre de l'accès proprement dit au réseau ni au titre de l'assistance ou formation initiale, la société franchisée sera déboutée de cette demande et le jugement confirmé sur ce point.
2- Sur la demande au titre des redevances
Au titre de l'article 17.2 du contrat de franchise, en contrepartie de la mise à disposition du savoir-faire et de l'assistance apportée par le franchiseur pendant toute l'exécution du contrat, le franchisé était tenu au versement d'une redevance hors taxes de 5% de son chiffre d'affaires HT.
La société franchisée demande la condamnation in solidum de la société Fra-Ma-Pizz et Domino's Pizza France à lui payer la somme de 25 611,97 euros au titre de la restitution des redevances versées depuis le début du contrat de franchise, à savoir 5% du chiffres d'affaires HT (512 239,34 euros) de mai 2014 à août 2017.
L'annulation du contrat de franchise n'a pas été prononcée, en sorte que la société franchisée ne peut demander la restitution de l'intégralité des redevances payées.
En revanche, il a été relevé des manquements contractuels de la société Fra-Ma-Pizz ayant conduit au non-respect partiel des obligations du franchiseur en contrepartie desquelles la société franchisée a versé des redevances à compter du 1er janvier 2016.
La Cour évalue le préjudice en résultant à 50% du montant des redevances versées depuis janvier 2016 et jusqu'à la fin du contrat en août 2017.
Pour justifier des redevances versées, la société Pizz AG se borne à produire les comptes annuels de 2014-2015. En comparaison du chiffres d'affaires HT réalisé sur les exercices 2016 à 2018, la Cour estime un préjudice de 5 000 euros, calculé sur la base d'un chiffre d'affaires de 200 000 euros HT sur la période en cause.
La société Fra-Ma-Pizz sera condamnée à restituer la somme de 5 000 euros à la société Pizz AG au titre des redevances.
La société Pizz AG sera déboutée du surplus de sa demande à ce titre et de sa demande de condamnation in solidum de la société Domino's Pizza qui n'a pas perçu ces redevances
Le jugement sera infirmé sur ces points.
3- sur le préjudice de pertes de marge sur les approvisionnements
Au motif d'une sur-marge pratiquée de 40% du prix du marché, la société Pizz AG réclame la somme de 59 695,98 euros euros, représentant 40% du prix de ses achats (149 239,97 euros) auprès de la société Pizza Center depuis le début du contrat de franchise. Elle fait valoir que cette pratique de sur-marge résulte du comportement de la société Fra-Ma-Pizz et a été comptablement perçue par la société Pizza Center et Fra-Ma-Pizz, en sorte que ces sociétés doivent être condamnées in solidum à réparer son préjudice.
La société Fra-Ma-Pizz soutient pour l'essentiel que, outre le fait que les manquements allégués au titre de l'obligation d'approvisionnement ne sont pas démontrés, les pièces de la société franchisée ne permettent pas non plus d'établir que la société Pizza Center France aurait pratiqué une sur-facturation de l'ordre de 30 à 40 % par rapport aux concurrents et sur des produits substituables.
Réponse de la Cour,
Des motifs qui précédent, il ressort que de concert, la société Pizza Center France en sa qualité de société fournisseur du franchisé et la société Fra-Ma-Pizza en sa qualité de franchiseur ont engagé leur responsabilité contractuelle dans la mise en oeuvre de la clause d'approvisionnement du contrat de franchise de manière déloyale et source d'un déséquilibre significatif, et ce au préjudice de la société franchisée.
Il n'est effectivement pas démontré par la société franchisée une sur-facturation à proportion de 40% des prix du marché.
Au vu des éléments soumis aux débats (notamment Pièce franchisé PC n° 26), la Cour évalue le préjudice subi au titre de ces pratiques à 15 % des achats effectués par le franchisé auprès de la société Pizza Center France.
Cependant les pièces versées aux débats par le franchisé (Pièce n°10) sont insuffisantes pour chiffrer le montant de ses achats auprès de la société Pizza Center France, d'autant plus que celui-ci ne s'est approvisionné que pour les produits spécifiques auprès de Logis Pizza.
Dès lors, la société Pizz AG sera déboutée de sa demande de ce chef.
Le jugement sera confirmé sur ce point.
4- Sur la demande au titre des prestations marketing
La société franchisée fait valoir qu'une somme de 150 euros par mois était facturée au titre d'un pack marketing, alors que la prestation était incluse dans le contrat de franchise de base, soit l'équivalent de 6900 euros sur la durée du contrat
Elle demande la condamnation in solidum des sociétés Fra-Ma-Pizz et Domino's Pizza France à lui payer ces sommes.
Toutefois la société franchisée ne produit aux débats aucun élément permettant de mettre en évidence que le paiement de ce forfait marketing ne correspondait à aucune prestation.
La société franchisée sera déboutée de sa demande et le jugement sera confirmé sur ce point.
5-Sur la demande au titre de la perte de la valeur du fonds
La société franchisée fait valoir qu'en l'absence de contrat de franchise, le fonds de commerce perd toute sa valeur. Elle sollicite la condamnation in solidum des sociétés Fra-Ma-Pizz et Domino's Pizza France à une indemnisation égale au ratio de valorisation appliqué lors de l'acquisition du réseau Pizza Sprint par Domino's Pizza France soit 115% de son chiffre d'affaires réalisé en 2017 et, subsidiairement, égale au ratio pratiqué lors de cessions individuelles de fonds de commerce au sein du réseau Pizza Sprint soit 87% du chiffre d'affaires annuel moyen.
La société Pizz AG réclame une indemnisation à titre principal de 189 750 euros, soit l'équivalent de 115% de son chiffre d'affaires réalisé au cours de l'exercice 2016 (165 000 x 115%).
Subsidiairement, la société Pizz AG fait valoir que son fonds de commerce est désormais évalué comme commerce indépendant sans valorisation de l'appartenance à un réseau. Elle ajoute d'une part que les données de l'administration fiscale évaluent la valeur d'un fonds de commerce de pizzeria entre 50 et 100 % du chiffre d'affaires et que d'autre part lorsque le réseau existait les cessions de fonds étaient réalisées sur une base de 87% du chiffre d'affaires. Or, elle relève qu'elle a difficilement obtenu une promesse d'achat de son fonds de commerce pour la somme de 66 000 euros, alors que la valorisation espérée du fonds était de 87% du chiffre d'affaires annuel sur les trois derniers exercices de 2018 à 2021 (151 072 euros), soit la somme de 131 432 euros. Elle demande subsidiairement l'indemnisation de la différence à hauteur de 65 432 euros.
En réplique, les sociétés Fra-Ma-Pizz et Domino's Pizza France rappellent les principes de réparation intégrale du préjudice et de répartition de la charge de la preuve, et prétendent que les sociétés franchisées ne démontrent pas l'existence d'une perte de valeur de leur fonds, ni n'apportent d'éléments probants au soutien de leur évaluation de cette perte de valeur. Elles soutiennent que leur préjudice n'est certain ni pour les sociétés qui n'ont pas cédé leur fonds - puisque la perte de valeur n'est alors pas acquise -, ni pour celles qui l'ont cédé - puisque le prix obtenu est alors cohérent avec leur valeur intrinsèque. En toute hypothèse, elles entendent produire un document démontrant que les praticiens considèrent que le prix de cession d'un fonds de commerce de restauration rapide dans le secteur de pizzas peut être évalué en appliquant au chiffre d'affaires de la société concernée un coefficient multiplicateur compris entre 40 et 80%.
Elles précisent qu'en toute hypothèse aucun lien de causalité ne saurait être établi entre une faute imputable au franchiseur et une hypothétique perte de valeur de ces fonds.
Réponse de la Cour,
La valorisation du fonds de commerce à hauteur de 115% du chiffre d'affaires est dépourvue de pertinence.
La Cour relève que la société Pizz AG produit au débat un mandat de vente pour la somme 66 000 soit 44% de la moyenne des chiffres d'affaires de ses exercices 2018 à 2021 (151 072 euros). Il ressort des pièces du débat que la société Pizz AG, après la résiliation du contrat en septembre 2017, a poursuivi une activité de vente de pizza sur place ou à emporter sous une enseigne indépendante Domy's Pizza.
Du fait de la résiliation du contrat de franchise, le fonds est évalué comme un commerce indépendant et ne bénéficie plus de la valorisation résultant de l'appartenance à un réseau de franchise.
A partir des fourchettes de valeurs de commerce de pizzeria données par les parties (pièces franchisé PC n° 129 et 130, pièce n°6 du franchiseur), la Cour retient un minimum de valorisation à 65 % du chiffre d'affaires annuel moyen des trois dernières activités du fonds (151 072 x0,65), soit une perte de valeur de 32 196,80 euros (98 196,8 -66 000).
Dès lors, les sociétés Fra-Ma-Pizz et Domino's Pizza France seront condamnées in solidum à payer à la société Pizz AG la somme de 32 196,80 euros à titre de dommages-intérêts.
Le jugement sera infirmé sur ce point.
V-Sur les demandes indemnitaires de M. [B]
1-Sur la demande de M. [B] au titre de pertes des apports
M. [B] expose avoir réalisé des apports à hauteur de 37 805 euros et que ceux-ci sont perdus.
Il réclame la condamnation in solidum des sociétés Fra-Ma-Pizz et Domino's Pizza France à l'indemniser de ce préjudice.
Comme le relèvent à juste titre les sociétés Fra-Ma-Pizz et Domino's Pizza France, M. [B] ne justifie ni du montant de ses apports ni de leur perte. Il sera débouté de sa demande de ce chef de préjudice.
Le jugement sera confirmé sur ce point.
2- Sur la demande de M. [B] au titre de pertes de revenus
M. [B] expose qu'avant de devenir franchisé, il était salarié dans un magasin Pizza Sprint et perçevait un salaire brut moyen mensuel de 2000 euros. Il constate que son activité dans le cadre du contrat de franchise lui a procuré un revenu moindre. Il évalue une baisse cumulée de revenu à 58 856 euros de 2015 à 2020 en comparaison de son revenu perçu dans le cadre de son activité salariée avant 2015.
Comme le relèvent à juste titre les sociétés Fra-Ma-Pizz et Domino's Pizza France, il n'est pas possible de soutenir l'existence d'une 'perte de revenu' sans point de référence pertinent pour établir la comparaison. En effet, il n'est pas pertinent de comparer un revenu perçu en qualité de salarié sur une année, avec la rémunération que s'est versée M. [B] sur plus de 5 années d'activité en qualité de gérant de société.
M. [B] sera débouté de sa demande de ce chef et le jugement sera confirmé sur ce point.
3-Sur la demande au titre du préjudice moral de M. [B]
M. [B], en sa qualité de gérant de la société Pizz AG, expose que les multiples difficultés rencontrées au cours de l'exécution du contrat, l'orientation autoritaire de M. [P], son absence de loyauté à l'égard des franchisés, le mépris manifesté à son égard, le temps passé à tenter en vain d'obtenir des réponses sur l'évolution de son activité, l'importance des conséquences sa situation personnelle et professionnelle, lui ont causé à titre personnel un préjudice moral à hauteur de 30 000 euros.
Les difficultés récurrentes auxquelles a été confronté M. [B], en particulier sur l'approvisionnement de son magasin et la résiliation de son contrat, ont été de nature à lui causer un préjudice moral qu'il y a lieu d'évaluer à la somme de 20 000 euros.
Les sociétés Fra-Ma-Pizz et Domino's Pizza seront condamnées in solidum à verser à M. [B] la somme de 20 000 euros au titre de son préjudice moral.
Le jugement sera infirmé sur ce chef de préjudice.
VI- Sur la demande de capitalisation des intérêts
Le jugement sera confirmé en ce qu'il a ordonné la capitalisation des intérêts conformément à l'article 1343-2 du code civil.
VII- Sur les demandes au titre d'une procédure abusive
Compte tenu du sens de la décision rendue, les sociétés Fra-Ma-Pizz, Pizza Center France et Domino's Pizza France seront déboutées de leur demande de dommages-intérêts pour procédure abusive et de voir prononcer une amende civile au titre d'un abus d'ester en justice.
Le jugement sera confirmé sur ce point.
VIII- Sur les dépens et l'article 700 du code de procédure civile
Le jugement sera confirmé en ce qu'il a condamné in solidum les sociétés Fra-Ma-Pizz et Domino's Pizza France aux dépens de première instance, mais infirmé en ce qu'il a débouté M. [B] et la société Pizz AG de leur demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
Les sociétés Fra-Ma-Pizz, Pizza Center France et Domino's Pizza France, succombant en leur appel, seront condamnées aux dépens d'appel.
En application de l'article 700 du code de procédure civile, les sociétés Fra-Ma-Pizz, Pizza Center France et Domino's Pizza France seront déboutées de leurs demandes et condamnées in solidum à payer à la société Pizz AG et M. [B] la somme de 15 000 euros chacun.
PAR CES MOTIFS
La Cour, statuant publiquement par mise à disposition au greffe, par arrêt contradictoire,
Infirme le jugement en ce qu'il a :
-déclaré irrecevables les demandes de la société Pizz AG en ce qu'elles tendent à annuler ou résilier le contrat de franchise aux torts de Pizza Center France,
- constaté la résiliation du contrat de franchise aux torts exclusifs de Pizz AG et M. [B],
- condamné Fra-Ma-Pizz et Domino's Pizza à rembourser in solidum à la société Pizz AG les redevances versées au titre des mois de janvier 2017 à août 2017,
- débouté la société Pizz AG de sa demande au titre de la perte de valeur de son fonds,
- débouté M. [B] de sa demande au titre de son préjudice moral,
- débouté la société Pizz AG et M. [B] de leur demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
Le confirme pour le surplus,
Statuant à nouveau sur ces chefs infirmés et y ajoutant,
Déclare recevables les prétentions formulées par la société Pizz AG à l'encontre des sociétés Domino's Pizza France et Pizza Center France,
Constate que la résiliation du contrat de franchise intervenue le 6 septembre 2017 est aux torts exclusifs de la société Fra-Ma-Pizz,
Condamne la société Fra-Ma-Pizz à restituer à la société Pizz AG la somme de 5000 euros au titre des redevances pour les années 2016 à août 2017,
Condamne les sociétés Fra-Ma-Pizz et Domino's Pizza France in solidum à payer à la société Pizz AG la somme de 32 196,80 euros au titre de la perte de valeur du fonds,
Condamne les sociétés Fra-Ma-Pizz et Domino's Pizza France in solidum à payer à M. [B] la somme de 20 000 euros au titre de son préjudice moral,
Condamne les sociétés Fra-Ma-Pizz, Pizza Center et Domino's Pizza France in solidum aux dépens d'appel,
Condamne les sociétés Fra-Ma-Pizz, Pizza Center et Domino's Pizza France in solidum à payer à la société Pizz AG et à M. [B] la somme de 15 000 euros chacun au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
Rejette toute autre demande.