Cass. soc., 12 juillet 2007, n° 06-40.344
COUR DE CASSATION
Arrêt
Cassation
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
M. Texier
Attendu, selon l'arrêt attaqué, que M. X... a été engagé par la société Gideppe en qualité de reporter photographe le 15 mars 1989 ; qu'un avenant au contrat de travail a été signé le 22 novembre 1993, portant notamment sur la rémunération et sur la cession des droits d'auteur du salarié, puis, le 27 avril 1994, un protocole d'accord ; que le salarié a démissionné le 11 juillet 1998 ; qu'il a saisi la juridiction prud'homale de diverses demandes ;
Sur le premier moyen :
Attendu que le salarié fait grief à l'arrêt de l'avoir débouté de sa demande de requalification de la démission en licenciement et de condamnation de la société à lui payer des sommes à ce titre, alors, selon le moyen :
1 / que la démission du salarié peut être requalifiée en licenciement quand bien même les griefs qu'il fait à son employeur n'auraient pas été formulés au moment de celle-ci ; que la cour d'appel qui, pour refuser de requalifier la démission de M. X... en un licenciement, s'est fondée sur le fait qu'il n'avait pas invoqué de grief à l'encontre de son employeur au moment de sa démission le 11 juillet 1998 sans examiner les griefs invoqués devant elle, a violé les articles L. 122-4 et L. 122-5 du code du travail ;
2 / qu'une démission peut être déclarée équivoque même en l'absence de faute de l'employeur ; que la cour d'appel qui, pour refuser de requalifier la démission en licenciement, s'est bornée à énoncer que les témoignages produits ne traduisaient que les difficultés de la profession de reporter et en a déduit que la démission ne résultait pas des manquements de la société Gideppe, sans rechercher si le départ du salarié n'était pas consécutif au refus de ce dernier d'accepter la modification de ses conditions de travail que lui avait imposée son employeur, spécialement à la fin de l'année 1997, a privé sa décision de base légale au regard des articles L. 122-4 et L. 122-5 du code du travail ;
3 / que le fait pour un salarié d'avoir trouvé un nouvel emploi à la suite de la rupture de son contrat de travail ne caractérise pas sa volonté non équivoque de démissionner ; qu'en se fondant pour refuser de requalifier la démission en licenciement sur le fait que M. X... avait rejoint après la rupture de son contrat de travail une entreprise concurrente de la société Gideppe, ce qui n'était pas de nature à priver sa décision de son caractère équivoque, a violé les articles L. 122-4 et L. 122-5 du code du travail ;
Mais attendu que la cour d'appel a relevé que M. X... avait démissionné le 11 juillet 1998 sans exprimer de grief à l'encontre de son employeur ; qu'elle a décidé, dans l'exercice de son pouvoir souverain d'appréciation des éléments de fait et de preuve, que la contestation de cette rupture plus de quatre ans après, s'appuyant sur des témoignages rédigés en 2003, ne remettait pas en cause la volonté claire et non équivoque du salarié de démissionner ; que le moyen n'est pas fondé ;
Sur le deuxième moyen :
Attendu que le salarié reproche à l'arrêt de l'avoir débouté de sa demande tendant à l'annulation du contrat de cession de ses droits d'auteur et à la modification judiciaire du montant du prix de cession, alors, selon le moyen :
1 / que la cour d'appel qui a refusé d'annuler le contrat de cession des droits d'auteur au motif que la lésion invoquée par M. X... ne justifiait pas l'annulation du contrat de travail incluant cette cession quand ce dernier se fondait sur la lésion pour solliciter la révision judiciaire du prix de cession prévu par l'avenant du 22 novembre 1993, a dénaturé les conclusions d'appel du salarié, méconnaissant ainsi les termes du litige en violation des articles 4 et 5 du nouveau code de procédure civile ;
2 / qu'en vertu des dispositions impératives de l'article L. 131-4 du code de la propriété littéraire et artistique, la cession par l'auteur de ses droits sur son oeuvre doit comporter au profit de l'auteur la participation proportionnelle aux recettes provenant de la vente ou de l'exploitation ; que dès lors, en se fondant, pour écarter le moyen tiré de la nullité du contrat prévoyant la cession définitive par le salarié de ses droits moyennant une rémunération forfaitaire, sur les dispositions du second alinéa de l'article L. 132-6 de ce code autorisant par exception la rémunération forfaitaire de l'auteur lié à l'entreprise d'information par un contrat de travail, ce qui n'est plus la situation de l'ancien salarié dont le contrat a été rompu, et qui recouvre dès lors son droit à une rémunération proportionnelle, la cour d'appel a violé les dispositions impératives précitées ;
3 / que M. X... faisait valoir dans ses conclusions que la convention de cession des droits d'auteur ne pouvait concerner que les photographies réalisées au jour de la conclusion de cette convention soit entre le 15 mars 1990 et le 27 avril 1994, de sorte que le prix forfaitaire fixé ne pouvait rémunérer les droits portant sur les photographies réalisées et exploitées postérieurement à cette date ; que la cour d'appel qui a écarté la demande en annulation de la convention de cession des droits d'auteur de M. X... au motif que la rémunération forfaitaire était licite et que les oeuvres pouvaient être exploitées après la fin du contrat de travail sans répondre aux conclusions par lesquelles le salarié se prévalant de l'irrégularité de la cession pour les oeuvres futures, faisait valoir à juste titre que la rémunération forfaitaire ne pouvait porter que sur les oeuvres réalisées au jour de la cession, a ainsi violé l'article 455 du nouveau code de procédure civile ;
Mais attendu que la cour d'appel a relevé, d'une part, que la transaction du 27 avril 1994 avait eu pour objet de prendre en considération la période antérieure à sa signature et, d'autre part, qu'aux termes du 2ème alinéa de l'article L. 131-4 du code de la propriété intellectuelle et de l'article L. 132-6 de ce code, la rémunération de l'auteur d'oeuvres de l'esprit publiées dans les journaux peut être fixée forfaitairement ; qu'elle a pu en déduire sans encourir les griefs du moyen, que M. X... ne pouvait invoquer une lésion, aucune disposition légale ne prévoyant la nullité du contrat de travail pour ce motif, et que l'employeur pouvait choisir le moment de la publication des clichés (même si celle-ci était postérieure à la rupture du contrat de travail) ; que le moyen n'est pas fondé ;
Mais sur le troisième moyen :
Vu l'article L. 121-1 du code de la propriété intellectuelle ;
Attendu que, pour débouter le salarié de sa demande de dommages-intérêts en réparation du préjudice subi du fait de la violation de son droit moral d'auteur, l'arrêt retient que M. X... n'ayant jamais fait connaître à la société cette exigence, dont elle a indiqué prendre acte le 1er septembre 2005, aucune condamnation ne saurait intervenir en l'absence d'usage démontré prescrivant la mention du photographe sur les clichés accompagnant la presse d'actualité ;
Qu'en statuant ainsi, alors que l'omission de mentionner le nom de l'auteur d'une photographie sur un cliché publié et l'apposition du nom d'une société sur la photographie sans le consentement de l'auteur constitue une violation de son droit moral qui lui cause nécessairement un préjudice, la cour d'appel a violé le texte susvisé ;
PAR CES MOTIFS :
CASSE ET ANNULE, mais seulement en ses dispositions ayant débouté M. X... de ses demandes de dommages-intérêts en réparation du préjudice subi du fait de la violation de son droit moral d'auteur, l'arrêt rendu le 10 novembre 2005, entre les parties, par la cour d'appel de Paris ; remet, en conséquence, sur ce point, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Paris, autrement composée.