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Décisions

CA Aix-en-Provence, 1re ch. c, 20 mars 2014, n° 13/09969

AIX-EN-PROVENCE

Arrêt

Confirmation

PARTIES

Demandeur :

La Renardière (SCI), Les Renards (SARL)

Défendeur :

Syndicat des copropriétaires de la copropriété

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Kerraudren

Conseillers :

Mme Bourrel, M. Fournier

Avocats :

Me Daval-Guedj, Me Brice, Me Concas

TGI Nice, du 30 avr. 2013, n° 13/00702

30 avril 2013

EXPOSE DU LITIGE

Le syndicat de la copropriété 'Les Jardins du Boréon' (le syndicat) a assigné la SCI La Renardière, propriétaire de plusieurs lots à usage commercial, et la Sarl Les Renards, locataire de ces lots, devant le juge des référés du tribunal de grande instance de Nice pour les voir condamner in solidum à faire cesser sous astreinte l'organisation de soirées au sein de l'immeuble, et à lui verser une provision au titre de la réparation d'une porte d'entrée et une autre provision au titre d'un préjudice de jouissance.

Une ordonnance du 30 avril 2013 a :

- condamné in solidum la SCI La Renardière et la Sarl Les Renards à cesser d'organiser des soirées au sein de l'immeuble Les Jardins du Boréon ainsi que toute activité génératrice de nuisances sonores, contraires au règlement de la copropriété,

- dit que cette condamnation est assortie d'une astreinte provisoire de 1.500 euros par infraction constatée, qui commencerait de courir à compter de la signification de l'ordonnance et pendant une durée maximale de six mois,

- rejeté la demande de provision à hauteur de 634,93 euros (au titre de la réparation de la porte d'entrée),

- condamné in solidum la SCI La Renardière et la Sarl Les Renards à verser au syndicat des copropriétaires Les Jardins du Boréon la somme de 3.000 euros à titre de provision en réparation du préjudice de jouissance subi par la copropriété,

- condamné in solidum la SCI La Renardière et la Sarl Les Renards aux dépens et à payer au syndicat des copropriétaires Les Jardins du Boréon la somme de 1.500 euros sur le fondement des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile.

La SCI La Renardière et la Sarl Les Renards ont relevé appel de cette ordonnance par déclaration du 15 mai 2013.

Dans des conclusions du 5 février 2014, la SCI La Renardière et la Sarl Les Renards font valoir que le prétendu trouble sonore n'est pas manifestement illicite dès lors que parmi les copropriétaires qui se sont plaints, un seul demeure sur place, qu'aucune preuve d'un tel trouble n'est rapportée par la seule production d'un constat d'huissier, qui s'en est tenu à des perceptions subjectives, sans utiliser aucun matériel à l'effet de mesurer l'intensité du bruit, ni indiquer que la musique diffusée dépassait le seuil de tolérance imposé par la réglementation.

Elles exposent encore que, postérieurement au prononcé de l'ordonnance, un technicien a été mandaté pour réaliser une étude d'impact et de contrôle d'un limiteur de son, lequel empêche la diffusion de musique au-delà du seuil autorisé de 85 Db, qu'un certificat de conformité leur a été délivré, et qu'un huissier a constaté le 31 janvier 2014 l'absence de nuisances sonores.

Elles concluent au débouté du syndicat et à sa condamnation aux dépens et au paiement d'une indemnité sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile.

Dans des écritures du 12 février 2014, le syndicat conclut à la confirmation de l'ordonnance sauf en ce qu'elle l'a débouté de sa demande en paiement d'une provision de 634,93 euros au titre de la porte d'entrée.

Il demande la condamnation in solidum des appelantes au paiement de cette somme à titre de provision et porte sa demande d'astreinte à 2.000 euros par infraction constatée à compter de la signification de l'arrêt à intervenir.

Il demande la condamnation des appelantes aux dépens et à lui payer une indemnité sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile.

Il fait valoir qu'il fonde son action sur les clauses du règlement de copropriété, de sorte que l'argumentation des appelantes au sujet de l'environnement de l'immeuble ou encore du respect des normes acoustiques est indifférente à la solution du litige, qu'il démontre la violation desdites clauses, que les agissements ont perduré après le prononcé de l'ordonnance, qu'il a déposé une plainte en ce qui concerne la dégradation de la porte d'entrée et que la locataire a reconnu les faits.

MOTIFS

1) Aux termes du règlement de copropriété, et notamment de ses articles 5 et 7, sachant que par arrêté préfectoral du 3 novembre 2003 la résidence 'Les Jardins du Boréon' a été rayée de la liste des résidences de tourisme, ce qui a eu pour effet de rendre applicable à compter de cette date ledit article 5 : 'Les copropriétaires ou occupants devront veiller à ce que la sécurité et la tranquillité des autres personnes occupant l'immeuble ne soient compromises ou troublées à aucun moment par leur fait, celui de leurs ayants droit, des personnes de leur famille, de leurs invités, de leurs clients, des gens à leur service ou de leur animaux' (article 5) et 'Les occupants, quels qu'ils soient, des locaux privatifs, ne pourront porter en rien atteinte à la tranquillité des autres copropriétaires. L'usage de tous appareils audio-visuels, etc ...est autorisé, sous réserve de l'observation des règlements de ville ou de police, et sous réserve également que le bruit en résultant ne constitue pas une gêne anormale pour les voisins. Tout bruit, tapage nocturne et diurne, de quelque nature que ce soit, susceptible de troubler la tranquillité des occupants, est formellement interdit, alors même qu'il aurait lieu à l'intérieur des appartements et autres locaux' (article 7).

Il est amplement établi en l'espèce, par des constats d'huissier et de très nombreuses plaintes de copropriétaires, dont certains, même s'ils n'habitaient pas eux-mêmes dans la résidence, avaient été alertés par les occupants de leurs appartements, que l'organisation les samedis soirs, dans les locaux exploités par la locataire, de spectacles et évènements musicaux a généré un bruit excessif perceptible dans de nombreux logements et également dans des parties communes de la résidence, tout au long de l'année 2013, et même après le prononcé de l'ordonnance appelée (encore en octobre 2013).

De telles nuisances, indépendamment de toute notion de dépassement d'un seuil légal de tolérance sonore, constituent une violation des clauses précitées du règlement intérieur, et par suite un trouble manifestement illicite, que le syndicat est fondé à demander à voir cesser.

La justification en tout dernier lieu par les appelantes de la mise en place en janvier 2014 d'un 'limiteur de niveau sonore' à 85 db ne permet pas, sans autre élément objectif (ce que n'est pas le constat d'huissier établi le 31 janvier 2014 en la seule présence de Madame Renard, gérante de la locataire appelante) propre à vérifier la disparition de toute nuisance sonore nocturne, susceptible de troubler la tranquillité des occupants des logements voisins, de retenir que le risque de réitération desdites nuisances a disparu.

Dans ces conditions, et compte tenu de la résistance manifestée jusqu'à présent par les appelantes, l'ordonnance doit être confirmée en ce qu'elle a condamné in solidum les sociétés appelantes à cesser d'organiser des soirées au sein de l'immeuble ainsi que toute activité génératrice de nuisances sonores, contraires au règlement de copropriété, sous astreinte de 1.500 euros par infraction constatée, et il y a lieu de porter le montant de l'astreinte à 2.000 euros par infraction constatée à compter de la signification du présent arrêt pendant une durée maximale de six mois à compter de cette signification.

L'ordonnance doit être également confirmée en ce qu'elle a condamné les appelantes in solidum au paiement d'une provision à valoir sur l'indemnisation d'un préjudice de jouissance d'un montant de 3.000 euros.

3) Il est versé au débat, au sujet de la prise en charge du coût de réfection de la porte d'entrée de la résidence, un courriel de Madame Renard du 30 janvier 2013, libellé comme suit :

'J'ai bien reçu votre mail d'hier au sujet de l'effraction [...]

... Mr Jolivet m'avait déjà sollicité le 21/01 par mail à ce sujet-là j'avais donc déjà recu le devis en pièce joint je suis consciente du degré d’urgence de la situation et vous rassure sur le faite que nous nous occupons de ce sujet réellement et rapidement ...'.

Il en résulte, implicitement mais sans équivoque, que Madame Renard, qui faisait référence à un devis pour la mise en place et la sécurisation d'une sortie de secours, ne contestait pas que l'effraction avait été commise à l'occasion d'une manifestation qu'elle avait organisée.

Dans ces conditions, et sachant encore que les sociétés appelantes n'ont pas argumenté en défense à ce sujet, la demande du syndicat en paiement à titre provisionnel de la somme de 634,93 euros représentant le coût de la réparation de la porte d'entrée de la résidence, est non sérieusement contestable et il convient d'y faire droit.

4) Les sociétés appelantes supportent les dépens de première instance et les dépens d'appel.

Il est équitable d'allouer au syndicat une somme de 1.500 euros sur le fondement en première instance de l'article 700 du Code de procédure civile, et une somme de 1.500 euros sur le même fondement en appel.

Il suit de l'ensemble de ce qui précède que l'ordonnance doit être confirmée sauf en ce qu'elle a rejeté la demande de provision du syndicat des copropriétaires Les Jardins du Boréon à hauteur de 634,93 euros.

PAR CES MOTIFS

La cour,

Confirme l'ordonnance sauf en ce qu'elle a rejeté la demande de provision du syndicat des copropriétaires Les Jardins du Boréon à hauteur de 634,93 euros,

Statuant à nouveau du chef de la disposition infirmée et y ajoutant,

Porte l'astreinte dont est assortie l'interdiction faite à la SCI La Renardière et la Sarl Les Renards de cesser l'organisation de soirées au sein de l'immeuble ainsi que toute activité génératrice de nuisances sonores, contraires au règlement de copropriété, à 2.000 euros par infraction constatée pendant un délai de six mois à compter de la signification du présent arrêt,

Condamne in solidum la SCI La Renardière et la Sarl Les Renards à payer au syndicat des copropriétaires de l'immeuble 'Les Jardins du Boréon' à titre provisionnel la somme de 634,93 euros,

Dit que la SCI La Renardière et la Sarl Les Renards supportent in solidum les dépens de l'appel,

Les condamne in solidum à payer au syndicat des copropriétaires de l'immeuble 'Les Jardins du Boréon' la somme de 1.500 euros sur le fondement en appel de l'article 700 du Code de procédure civile.