Cass. 3e civ., 4 mars 1987, n° 84-17.195
COUR DE CASSATION
Arrêt
Cassation
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
M. Monégier du Sorbier
Rapporteur :
M. Petit
Avocat général :
M. de Saint-Blancard
Avocats :
Me Choucroy, Me Bouthors, SCP Lesourd et Baudin
Sur le premier moyen :
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Paris, 2 octobre 1984), que M. Y... est propriétaire d'un immeuble dans lequel il a donné en location à la société Singer des locaux commerciaux situés au rez-de-chaussée et un appartement situé au premier étage et à Mme X... un appartement situé au deuxième étage ; qu'au mois de juillet 1980 un important dégât des eaux ayant pris naissance dans l'appartement de cette dernière a endommagé l'ensemble des locaux ; que la société Singer a assigné en dommages et intérêts M. Y... et ses assureurs, Mme X... et ses assureurs ; que M. Y... a appelé en garantie Mme X... et la compagnie d'assurances de celle-ci, la Compagnie Abeille-Paix ;
Attendu que M. Y... fait grief à l'arrêt d'avoir jugé que sa responsabilité contractuelle pouvait être engagée à l'égard du locataire commerçant alors, selon le moyen, " qu'il avait fait valoir que, en application de l'article 10 des clauses du bail, il avait expressément déclaré que, conformément aux termes de l'article 1725 du Code civil, il ne garantissait pas les troubles de jouissance qui pourraient être apportés à la preneuse par des tiers, et que celle-ci devait faire son affaire personnelle de toute assurance sur ce point ; qu'en jugeant pourtant que le propriétaire devait garantir le trouble de jouissance commercial causé par une colocataire tiers à la preneuse, sans opposer aucune réfutation au moyen tiré de l'application de l'article 10 du bail, la cour d'appel a entaché sa décision d'un défaut de réponse aux conclusions et violé l'article 455 du nouveau Code de procédure civile " ;
Mais attendu que, les colocataires n'étant pas des tiers au sens de l'article 1725 du Code civil, la cour d'appel qui, par motifs propres et adoptés a répondu aux conclusions en retenant que le bail n'excluait la responsabilité du bailleur qu'en cas de dommages causés à ses locataires par des tiers, c'est-à-dire par toute autre personne qu'un locataire, a légalement justifié sa décision de ce chef ;
Sur le troisième moyen :
Attendu que M. Y... fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir dit que son assureur ne devait pas garantie alors, selon le moyen, que le contrat d'assurances souscrit par le propriétaire couvrait non seulement les dommages matériels résultant des dégâts des eaux mais encore la privation de jouissance, le recours des locataires et d'une manière générale la responsabilité civile ; qu'en se bornant à déclarer adopter les motifs des premiers juges en ce qui concerne la mise hors de cause de l'assureur du propriétaire, alors que le tribunal avait fondé sa décision sur le seul motif que la garantie de l'assureur de la colocataire était retenue pour le tout, sans justifier en quoi l'assurance du propriétaire, qui concernait les troubles de jouissance, le recours des locataires et la responsabilité civile, aurait pu ne pas couvrir le préjudice laissé à la charge du propriétaire, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision, au regard de l'article 1134 du Code civil " ;
Mais attendu que, la police " propriétaire " souscrite par M. Y... auprès de la compagnie AGP ne couvrant que les dommages matériels causés à son immeuble, et la garantie " recours des locataires " étant limitée aux seuls cas où ce recours est fondé sur l'article 1721 du Code civil, c'est-à-dire sur le vice de la chose louée et sur la responsabilité délictuelle du propriétaire, la cour d'appel, qui a exactement relevé que la garantie promise par la compagnie AGP ne s'étendait pas au préjudice commercial subi par un locataire et qui a par ailleurs condamné Mme X... et la compagnie Abeille-Paix, assureur de cette locataire, à indemniser M. Y... pour les dommages matériels causés à l'immeuble, a légalement justifié sa décision mettant hors de cause la compagnie AGP ;
Mais sur le deuxième moyen :
Vu l'article 1134 du Code civil ;
Attendu que pour limiter à la somme de 92 230,47 francs la garantie que Mme X... et sa compagnie d'assurances doivent apporter à M. Y... pour la réparation du préjudice subi par la société Singer, la cour d'appel énonce que la garantie souscrite par Mme X... auprès de son propre assureur ne s'étend pas au préjudice commercial subi par un colocataire de l'immeuble ;
Attendu qu'en statuant ainsi sans préciser la clause du contrat d'assurance sur laquelle elle fonde cette simple affirmation, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision ;
PAR CES MOTIFS :
CASSE ET ANNULE mais seulement en ce qu'il a dit que la compagnie Abeille-Paix devra garantir M. Y... du montant de la condamnation mise à sa charge à hauteur de la somme de 92 230,47 francs, l'arrêt rendu le 2 octobre 1984 entre les parties, par la cour d'appel de Paris ; remet, en conséquence, quant à ce, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Reims.