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Décisions

ARCEP, 18 décembre 2014, n° 2014-1547-RDPI

ARCEP

se prononçant sur une demande de règlement de différend opposant les sociétés Orange SA et Free Mobile

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Silicani

Membre :

Mme Benhamou, Mme Denis

Avocats :

Maître Jaunet, Maître Le Provost

ARCEP n° 2014-1547-RDPI

17 décembre 2014

L’Autorité   de   régulation   des   communications   électroniques   et   des   postes   (ci-après « l’Autorité »),

Vu la directive 2002/19/CE du Parlement européen et du Conseil en date du 7 mars 2002 modifiée relative à l’accès aux réseaux de communications électroniques et aux ressources associées, ainsi qu’à leur interconnexion (directive « accès ») ;

Vu la directive 2002/21/CE du Parlement européen et du Conseil du 7 mars 2002 modifiée relative à un cadre réglementaire commun pour les réseaux et services de communications électroniques (directive « cadre ») ;

Vu le code des postes et des communications électroniques (ci-après « CPCE »), notamment ses articles L. 36-8 et R. 11-1 ;

Vu la décision n° 05-1085 de l’Autorité de régulation des communications électroniques et des postes en date du 15 décembre 2005 modifiée fixant l'utilisation des catégories de numéros du plan national de numérotation ;

Vu la décision n° 2007-0213 de l’Autorité de régulation des communications électroniques et des postes en date du 16 avril 2007 portant sur les obligations imposées aux opérateurs qui contrôlent l'accès à l'utilisateur final pour l'acheminement des communications à destination des services à valeur ajoutée ;

Vu l'arrêté du ministre en charge des communications électroniques en date du 24 avril 2007 homologuant la décision n° 2007-0213 de l'Autorité susvisée ;

Vu le règlement intérieur de l'Autorité adopté par la décision n° 2014-0471 en date du 15 avril 2014 ;

Vu la recommandation de l’Autorité de régulation des communications électroniques et des postes de mars 2014 relative au marché de gros de l’interconnexion SVA

Vu la demande de règlement de différend, enregistrée à l’Autorité le 29 septembre 2014, présentée par la société Colt Technology Services, société par actions simplifiée, immatriculée au registre du commerce et des sociétés de Nanterre sous le numéro 402 628 838, dont le siège social se situe au 23-27 rue Pierre Valette, 92 240 MALAKOFF,

représentée par Magenta – Société d’Avocats, agissant par Maîtres Vincent Jaunet et Amélie Le Provost ;

La société Colt demande à l’Autorité de :

« A - Constater la formalisation du différend sur l'ensemble des demandes présentées par COLT ;

B - Enjoindre à ORANGE, dans un délai d'un mois à compter de la notification de la décision de règlement à intervenir, de :

B.1.  A titre principal, appliquer, dans le cadre de sa nouvelle offre d'interconnexion SVA, les taux de commissionnement maxima suivants:

tranche de numéro 081 : Taux de commissionnement maximal de 2% ;

tranche de numéro 082 : Taux de commissionnement maximal de 4% ;

tranche de numéro 089 : Taux de commissionnement maximal de 8% ;

B.2.  A titre subsidiaire, dans l'hypothèse où l'ARCEP ne ferait pas droit à la demande B.1 de COLT (quod non), appliquer, dans le cadre de sa nouvelle offre d'interconnexion SVA, les Taux de commissionnement que l'ARCEP estimera raisonnables.

B. 3. Appliquer, dans le cadre de sa nouvelle offre d'interconnexion SVA, un tarif pour la prestation de départ d'appel depuis sa boucle locale mobile à destination des numéros gratuits de 2 centimes d'euros par minute.

B.4. Supprimer dans sa nouvelle offre d'interconnexion SVA toute facturation d'une prestation de départ d'appel depuis ses boucles locales fixes et mobiles s'agissant des appels à destination des numéros banalisés ».

Sur la compétence et la recevabilité des demandes, Colt soutient :

- que l’Autorité est compétente en application du I de l’article L. 36-8 du CPCE ;

- que l’échec des négociations est formalisé pour chacune de ses demandes.

Sur le fond, s’agissant de l’offre d’Orange relative aux numéros à tarification majorée, dont la présentation synthétique a été publiée le 16 mai 2014, Colt soutient que le doublement des taux de commissionnement appliqués par Orange aura des effets très négatifs sur le marché des SVA et sur Colt en tant qu’opérateur d’arrivée. Elle ajoute que le doublement des taux de commissionnement d’Orange n’est pas raisonnable au regard des coûts encourus par les différents acteurs de la chaîne de valeur. Enfin, elle estime que les taux de commissionnement d’Orange sont déraisonnables au regard de son apport à la création de valeur.

Colt estime que les taux maxima de commissionnement qu’elle demande sont raisonnables car, premièrement, ils permettent un partage équitable des revenus, et partant, de la valeur, entre l’opérateur de départ, d’une part, et Colt et l’éditeur, d’autre part, deuxièmement, ils garantissent en toute hypothèse à Orange la couverture de ses coûts, ainsi qu’une marge tout à fait substantielle, troisièmement, ils correspondent aux taux que Colt pratique elle-même lorsqu’elle se trouve en situation d’opérateur de départ et enfin, quatrièmement, ils permettront le développement du marché SVA, qui est l’un des objectifs de la réforme SVA, alors que des taux élevés conduiront à sa contraction rapide.

En ce qui concerne les conditions proposées par Orange relatives aux numéros à tarification gratuite en date du 16 mai 2014, Colt soutient que le niveau du départ d’appel SVA mobile pour les appels à destination des numéros gratuits nuit au développement de ce marché et que le niveau de départ SVA mobile pour les appels à destination des numéros gratuits est déraisonnable.

En ce qui concerne les conditions proposées par Orange relatives aux numéros à tarification banalisée en date du 16 mai 2014, Colt soutient que l’instauration d’un départ d’appel SVA pour les appels à destination des numéros à tarification banalisée nuit au développement de ce marché. Colt considère, par ailleurs, que l’instauration d’un départ d’appel SVA pour les appels à destination des numéros à tarification banalisée est injustifiée et déraisonnable, dès lors que les coûts liés à l’acheminement de l’appel sont déjà recouvrés sur le marché de détail par l’opérateur de départ.

Vu le courrier en date du 1er octobre 2014, par lequel la directrice des affaires juridiques de l’Autorité a transmis aux parties le calendrier prévisionnel de dépôt des mémoires et a désigné les rapporteurs ;

Vu les observations en défense enregistrées à l’Autorité le 20 octobre 2014, présentées par la société Orange, société anonyme, immatriculée au registre du commerce et des sociétés de Paris sous le numéro 380 129 866, dont le siège social se situe au 78, rue Olivier de Serres, 75505 Paris Cedex 15, représentée par son Directeur de la Réglementation, Monsieur Eric Debroeck ;

La société Orange demande à l’Autorité :

- « à titre principal, de déclarer irrecevable la saisine déposée par COLT le 29 septembre 2014 enregistrée sous le n° 5/36-8/14;

- à titre subsidiaire, de rejeter l'ensemble des demandes de COLT au  titre  de  cette  saisine ».

Sur la  recevabilité des  demandes, Orange soutient, en premier lieu, que les demandes  B.1,

B.3  et B.4 de Colt sont irrecevables en raison de l’absence d’échec des négociations. Orange estime que Colt « n'a pas accompli les diligences normales permettant d'espérer raisonnablement la tenue/l'ouverture de négociations commerciales avec ORANGE ». Orange considère qu’il n’y a pas eu de « négociations effectives » portant sur des demandes motivées de la part de Colt.

Orange  soutient, en second lieu, que  la  demande  B. 2  de  Colt est  irrecevable  puisque Colt « n'établit pas (i) avoir formalisé cette demande subsidiaire auprès d'ORANGE, (ii) avoir mené avec ORANGE des « réelles négociations» portant sur cette demande (iii) qui ont abouti à un échec avant la présente Saisine ».

Sur le fond, s’agissant des demandes relatives à la fixation des taux de commissionnement pour les numéros à tarification majorée, Orange soutient en premier lieu que le raisonnement de Colt est basé sur des arguments et des scénarii incohérents avec les évolutions prévues concernant la mise en œuvre de la réforme SVA. Pour Orange, les scenarii présentés par Colt ne prennent pas en compte les évolutions structurantes du marché prévues par la réforme SVA, profitables au développement de tous les acteurs de la chaîne de valeur. D’une part, les éditeurs vont devoir choisir des nouveaux tarifs, ce que n’envisage pas Colt dans ses scenarii, d’autre part, les éditeurs vont être amenés à choisir les tarifs leur permettant d’évaluer les reversements qui seront ensuite partagés entre les acteurs. Selon Orange, il est raisonnable de considérer que les éditeurs vont choisir, dans cette liste, des tarifs qui leur permettront de réévaluer les reversements qu'ils devront négocier avec leur opérateur d'arrivée et, qu'ainsi, la hausse du prix payé par les clients finals appelants pour la partie service sera partagée entre tous les acteurs de la chaîne de valeur. Enfin, la réforme SVA va notamment permettre une meilleure compréhension pour les consommateurs ainsi qu’une augmentation des appels au départ des mobiles.

Orange soutient en deuxième lieu que l’augmentation des taux de commissionnement des opérateurs de départ est prévue par l’ARCEP qui a indiqué dans sa décision n° 2014-0661 que la réforme SVA constitue une opportunité pour les opérateurs de départ qui souhaiteraient entamer des négociations avec les opérateurs d’arrivée pour réévaluer leurs taux de commissionnement, et que les opérateurs d’arrivée répercuteront ensuite cette hausse du niveau de commissionnement à leurs clients éditeurs.

Orange soutient en troisième lieu que les taux de commissionnement de son offre publiée le 16 mai 2014 sont raisonnables car conformes à la recommandation SVA de l’ARCEP sur le marché de gros de l’interconnexion SVA (mars 2014) et que l’augmentation des taux de commissionnement d’Orange est supportable pour la chaîne SVA.

En quatrième lieu, Orange soutient que ses taux de commissionnement sont équitables, Orange apportant, en tant qu’opérateur de départ, une part essentielle de la valeur créée pour les SVA, notamment par la valeur de sa base de clients, par la garantie des reversements et par son action en matière de contrôle de la déontologie.

Enfin, Orange soutient que la demande de Colt n’est ni raisonnable ni équitable, au regard des pratiques du marché.

S’agissant de la demande de Colt relative à l’application par Orange d’un tarif pour la prestation de départ d'appel depuis sa boucle locale mobile à destination des numéros gratuits de 2 c€/min (demande B.3), Orange soutient qu’en s’appuyant sur la recommandation SVA de l’ARCEP, à savoir que le tarif n’excède pas le double des coûts complets d'un opérateur générique efficace mobile compris en 1 c€/min et 1,5 c€/min, le tarif de 3 c€/min d’Orange  est conforme au cadre réglementaire et ne peut donc être qualifié de déraisonnable.

S’agissant de la demande de Colt visant à supprimer dans l’offre d’Orange toute facturation d'une prestation de départ d'appel depuis ses boucles locales fixes et mobiles s'agissant des appels à destination des numéros à tarification banalisée (demande B.4), Orange soutient que la facturation de 0.3 c€ / min pour la boucle locale fixe et de 1 c€ / min pour la boucle locale mobile est raisonnable et qu’elle ne compromet pas le développement de services vers des numéros à tarification banalisée. Orange ajoute que l’offre d’interconnexion SVA d’Orange vers ces numéros est cohérente avec les tarifs des autres offres, les éditeurs disposant d’offres alternatives (offres basées sur des numéros à tarification gratuite ou sur des numéros fixes non géographiques en 09) et qu’elle s’inscrit dans le principe du partage de la valeur incrémentale créée par ce type de numéros.

Vu les courriers en date du 28 octobre 2014 par lesquels la directrice des affaires juridiques de l’Autorité a transmis un questionnaire aux parties ;

Vu le mémoire en réplique, présenté pour la société Colt et enregistré à l’Autorité le 31 octobre 2014 par lequel la société Colt maintient ses demandes principales et sa demande subsidiaire.

Sur la recevabilité des demandes principales B.1, B.3 et B.4, Colt soutient qu’Orange a refusé de s’inscrire dans le cadre de négociations de bonne foi par une « attitude dilatoire et obstructive ». Colt estime qu’Orange, qui a retardé ses réponses aux demandes de Colt et qui  a opposé un refus de principe à ses demandes, ne peut prétendre n’avoir pas été mise en mesure de discuter des demandes de Colt. Colt estime, par ailleurs, avoir formulé à Orange des demandes précises, motivées et quantifiées.

Sur la recevabilité de la demande subsidiaire B.2, Colt soutient que cette demande visant à inviter l’ARCEP, si elle ne faisait pas droit à la demande principale B.1, à trancher le différend en fixant les taux de commissionnement que l’Autorité estimera raisonnables est recevable ; l’Arcep disposant d’un pouvoir d’appréciation sur les conditions techniques et tarifaires portant sur la demande.

Sur le fond, sur la demande relative aux numéros à tarification majorée (demande B.1), Colt considère que la thèse d’Orange selon laquelle les futurs tarifs de détail des éditeurs ne pourront évoluer qu’à la hausse et que, malgré cette hausse, le marché pourra néanmoins se développer, n’est étayée par aucun élément probant. Colt considère que les hausses tarifaires pratiquées par Orange ne peuvent être absorbées ni par les opérateurs d’arrivée, ni par les éditeurs, notamment si certains éditeurs font le choix de conserver des tarifs de détail inchangés ou de choisir d’autres tarifs de substitution plus proches du tarif initial. Colt indique proposer des modélisations sur la base d’un chiffre d’affaires associé aux SVA inchangé et  sur la base des tarifs de substitution les plus proches des tarifs actuels, pour démontrer que les taux de commissionnement proposés par Orange placent les éditeurs et les opérateurs d’arrivée dans une situation économique non viable. Selon Colt, l’augmentation des taux de commissionnement d’Orange sera nécessairement répercutée sur l’utilisateur final, avec le risque d’un effondrement du marché de détail des SVA. Colt soutient que la demande de SVA est sensible aux tarifs appliqués et qu’elle ne partage pas l’opinion d’Orange sur la hausse du trafic à la suite de la réforme SVA. Colt soutient ensuite que les taux de commissionnement d’Orange conduisent à un partage inéquitable de la valeur. Pour Colt, Orange n’est  notamment pas en mesure de justifier la hausse de ses taux de commissionnement par la mise en place de la réforme et accapare, en outre, une part inéquitable de la valeur.

Sur la demande relative aux numéros à tarification gratuite (demande B.3), Colt maintient sa demande relative à la fixation d’un niveau de départ d’appel au départ de la boucle locale mobile d’Orange à 2 c€ par minute, à savoir le double de la valeur basse des coûts complets mentionnées par l’ARCEP dans sa recommandation SVA. Colt considère qu’Orange, en choisissant d’appliquer un tarif de départ de 3 c€ par minute sans justification, s’écarte de manière excessive des coûts complets encourus, viole le cadre réglementaire applicable et ne tient pas compte de la baisse tendancielle des coûts de départ d’appel, en raison notamment des gains d’efficacité des opérateurs.

Sur la demande relative aux numéros à tarification banalisée (demande B.4), Colt conteste les tarifs de départ d’appel SVA d’Orange pour les numéros banalisés, considérant qu’Orange n’apporte pas d’éléments justifiant la valeur incrémentale apportée par la création de ce type de numéro et qu’elle ne présente la règle de partage de cette valeur sur laquelle elle s’est fondée pour fixer ses tarifs. S’agissant du choix d’Orange d’un niveau de tarif intermédiaire entre celui du départ d’appel vers les numéros à tarification gratuite et celui des offres de gros pour les numéros non géographiques en 09, Colt considère que ces deux catégories d’offre ne constituent pas des alternatives pour les éditeurs et les utilisateurs finals.

Vu les courriers en date du 7 novembre 2014 par lesquels la directrice des affaires juridiques de l’Autorité a transmis un second questionnaire aux parties ;

Vu les réponses au premier questionnaire des sociétés Colt et Orange, enregistrées à l’Autorité le 13 novembre 2014 ;

Vu le mémoire en duplique, présenté par la société Orange et enregistré à l’Autorité le 18 novembre 2014, par lesquelles elle persiste dans ses conclusions et moyens.

Sur la recevabilité, Orange ne conteste pas que les demandes B.1, B.3 et B.4 de Colt sont précises mais considère que Colt n’a jamais présenté de demandes motivées à Orange, alors que cette dernière lui en faisait la demande. Orange estime donc que Colt n’a pas accompli les diligences normales permettant d’espérer la tenue de négociations commerciales avec Orange. S’agissant de la demande subsidiaire B.2. de Colt, Orange maintient que Colt n’a jamais formalisé cette demande, ni jamais mené avec Orange des négociations sur cette demande ayant abouti à un échec ou à un refus.

Sur le fond, s’agissant de la demande B.1, Orange maintient que l’évolution des taux de commissionnement d’Orange est raisonnable et que la réforme SVA apportera des améliorations très significatives, portées par les opérateurs de départ, dont bénéficieront tant les éditeurs que les consommateurs. Orange estime en particulier que Colt et ses clients éditeurs évaluent mal les conséquences de l’évolution des taux de commissionnement et démontrent une méconnaissance de l’offre d’interconnexion publiée par Orange le 16 mai 2014, en s’appuyant notamment sur des exemples de tarifs de substitution qui ne sont pas incompatibles avec l’offre d’Orange. Orange indique qu’elle ne considère pas que les futurs tarifs ne pourront évoluer qu’à la hausse mais estime que les éditeurs pourront facturer leurs services aux tarifs les plus adaptés, que certains services verront leurs tarifs augmenter pour l’utilisateur final tandis que d’autres baisseront et que les éditeurs pourront faire évoluer la tarification de leurs services dans le temps. Orange maintient, par ailleurs, que l’évolution de ses taux de commissionnement ne provoquera pas la disparition du marché des SVA. En particulier, Orange soutient que l’intérêt des consommateurs pour les SVA reste d’actualité, notamment en raison de services de substitution imparfaits et d’une sensibilité aux prix des clients appelants des services considérée comme très relative. Enfin, Orange maintient que l’évolution de ses taux de commissionnement est justifiée et équitable, tant par l’apport de nouvelles fonctionnalités que par le fait que la réforme SVA est l’occasion d’ajuster la rémunération des opérateurs de départ, afin que le partage de la valeur entre les acteurs SVA soit plus équitable.

Sur le fond et s’agissant des demandes B.3 et B.4, Orange maintient que le montant facturé pour les appels depuis la boucle locale mobile d’Orange vers numéros à tarification gratuite et que la facturation d’un montant pour les appels depuis les boucles locales mobiles et fixes d’Orange vers les numéros à tarification banalisée sont raisonnables.

Vu les réponses au second questionnaire des sociétés Colt et Orange, enregistrées à l’Autorité le 20 novembre 2014 ;

Vu les observations complémentaires présentées pour la société Colt et enregistrées à l’Autorité le 25 novembre 2014 par lesquelles la société Colt maintient ses demandes principales et sa demande subsidiaire.

Vu les observations complémentaires présentées pour la société Orange et enregistrées à l’Autorité le 28 novembre 2014 par lesquelles la société Orange persiste dans ses conclusions.

Vu les autres pièces du dossier,

Après avoir entendu le 10 décembre 2014, lors de l'audience devant la formation de règlement des différends, de poursuite et d’instruction de l’Autorité, composée de M. Jean-Ludovic Silicani, président, Mme Françoise Benhamou, Mme Marie-Laure Denis, membres de l’Autorité, et en la seule présence des agents des services de l’Autorité et des représentants des parties :

- le rapport de Nicolas Desmons, Yann Guthmann et Agate Rossetti, rapporteurs, présentant les conclusions et les moyens des parties ;

- les observations des représentants de la société Colt ;

- les observations des représentants de la société Orange ;

Sur la publicité de l’audience

L'article 14 du règlement intérieur susvisé prévoit : « l'audience est publique, sauf demande conjointe de toutes les parties. Si cette demande n'est pas conjointe, la formation de  règlement des différends, de poursuite et d’instruction de l'Autorité en délibère ».

Les sociétés Colt et Orange ont indiqué lors de l’audience ne pas s’opposer à ce qu’elle soit publique.

En conséquence, l’audience a été publique.

La formation de règlement des différends, de poursuite et d’instruction de l’Autorité (composée de M. Jean-Ludovic Silicani, président, Mme Françoise Benhamou, Mme Marie- Laure Denis, membres de l’Autorité), en ayant délibéré le 18 décembre 2014 en la seule présence de ses membres, adopte la présente décision.

1. Contexte

1.1. Description du marché SVA

 Le marché des services à valeur ajoutée téléphoniques (ci-après « SVA ») regroupe l’ensemble des prestations de service délivrées par voie téléphonique à partir d’un numéro spécial1 ou d’un numéro court 2 tels que définis dans le plan national de numérotation 3 . Différents types de services peuvent être proposés par l’intermédiaire de ces numéros, notamment :

- des informations génériques indépendantes de l’identité de l’appelant telles que des prévisions météorologiques, des renseignements téléphoniques ou encore des petites annonces vocales ;

- des informations personnalisées en fonction de l’identité de l’appelant telles que l’assistance client, la vente à distance ou encore l’accès à des services administratifs ;

- la fourniture de services de solutions « machine to machine », notamment dans le domaine de la télésurveillance et de la monétique.

À ce jour, deux modèles économiques coexistent :

- le modèle « libre-appel » qui permet aux éditeurs d’être appelés gratuitement au départ d’un téléphone fixe et au prix d’une communication décomptée du forfait au départ d’un téléphone mobile ;

- le modèle « surtaxé » qui permet aux éditeurs de facturer leur service à l’utilisateur final appelant via la facture de son opérateur de service téléphonique, selon des tarifs fixés par l’éditeur.

1.2. Marché en baisse de 49 % en valeur et 38 % en volume depuis 2007

 En 2013, le marché des SVA vocaux (hors renseignements téléphoniques) représente un chiffre d’affaires de 1,1 milliard d’euros pour un volume de 7,8 milliards de minutes4. Orienté à la baisse depuis plusieurs années, le marché a perdu en 6 ans 49% de sa valeur en termes de chiffre d’affaires et 38% du volume de minutes annuelles.

Cette tendance s’explique par le mécontentement des utilisateurs finaux lié, d’une part, à une tarification opaque et, d’autre part, à l’affaiblissement du contrôle déontologique qui ne permet pas de lutter efficacement contre les pratiques déloyales et les usages considérés comme abusifs.

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1.3. Évolution de la tarification de détail

 En juillet 2012, l’ARCEP a adopté la décision n° 2012-08565 afin de réformer la tarification de détail applicable aux numéros courts et spéciaux6 (ci-après « réforme SVA »), en vue de rétablir la confiance des consommateurs et de mettre en place les conditions permettant d’enrayer le déclin observé de ces services, en améliorant la lisibilité de la tarification et en prévenant certains usages abusifs (notamment les appels à rebond et certains services de mise en relation).

Cette décision impose en particulier :

- une évolution généralisée du modèle de tarification de détail des numéros spéciaux et courts à tarification majorée au profit du modèle « C+S », quelle que soit la nature du réseau de départ ; ce modèle dissocie explicitement le prix (« S ») du service délivré par l'éditeur et celui (« C ») de la communication téléphonique délivrée par opérateur de service téléphonique de l’utilisateur final appelant, dont le tarif doit être identique à celui des appels vers les numéros fixes géographiques et non géographiques ;

- la gratuité au départ des mobiles des appels vers les numéros spéciaux et courts actuellement gratuits au départ des fixes7 ;

- la création d’une catégorie de numéros spéciaux à tarification banalisée facturée à l’appelant à un tarif identique à celui des appels vers les numéros fixes géographiques et non géographiques.

L’entrée en vigueur de la réforme SVA a été reportée au 1er octobre 2015 par la décision n° 2014-0661 en date du 10 juin 2014.

1.4. La chaîne de valeur des services à valeur ajoutée

 La réforme SVA, en ce qu’elle fait évoluer les modèles économiques, nécessite une adaptation des stipulations contractuelles liant les acteurs de la chaîne de valeur qui peut être représentée schématiquement de la façon suivante.

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- Opérateur de départ : il s’agit de l’opérateur choisi par l’utilisateur final appelant pour émettre ses communications ; il contrôle les conditions dans lesquelles l’utilisateur final appelant accède au réseau téléphonique. Les modalités de fourniture de ce service et la facturation correspondante sont définies contractuellement. Concrètement, il peut s’agir de l’opérateur de boucle locale raccordant le client directement sur son réseau (opérateur de boucle locale fixe ou mobile, opérateur dégroupeur) ou de l’opérateur de boucle locale virtuel (opérateur MVNO8 ou de VGAST9).

- Opérateur d’arrivée : il s’agit de l’opérateur choisi par l’éditeur de service pour recevoir les appels à destination de son ou ses numéros courts ou spéciaux, émis par l’ensemble des utilisateurs finals appelants ; il contrôle les conditions dans lesquelles l’éditeur de service peut être joint via un numéro court ou spécial. Ces opérateurs d’arrivée sont les exploitants des numéros courts et spéciaux.

- Opérateur de collecte : il s’agit de l’opérateur auquel l’opérateur d’arrivée peut faire  appel, lorsqu’il n’est pas interconnecté à l’ensemble des opérateurs de départ, pour s’assurer que l’ensemble des utilisateurs aient accès aux numéros qu’il exploite.

1.5. Présentation des parties

Le présent règlement de différend oppose la société Colt en tant qu’opérateur d’arrivée et de collecte à Orange en tant qu’opérateur de départ fixe et mobile. Colt indique se positionner comme « le […], en termes de chiffre d’affaires brut »10. Colt précise qu’elle est également opérateur de boucle locale fixe. Orange considère toutefois que Colt n’est pas représentative des opérateurs de boucle locale, ajoutant que « la part du trafic de Colt est extrêmement faible comparativement à celui des autres opérateurs de boucle locale »11.

Orange est à la fois le plus important opérateur de départ et d’arrivée. La part des appels au départ des boucles locales fixe et mobile d’Orange sur le total des appels vers les services proposés par les éditeurs clients de Colt représente près de […]% en 201312.

Le règlement de différend porte sur les conditions d’accès et de reversement applicables aux numéros spéciaux et courts exploités par Colt dont la tarification correspond aux tarifications gratuite (numéros de la forme 0800 à 0805, 10YT, 30PQ et 31PQ), banalisée (0806 à 0809,10YT et 32PQ à 39PQ) ou majorée (081, 082, 089, 10YT et 32PQ à 39PQ) telles que définies dans le plan national de numérotation téléphonique figurant à l’annexe de la décision n° 05-1085 modifiée de l’ARCEP.

2. Sur la recevabilité des demandes

2.1. Sur la recevabilité des demandes principales de Colt (demandes B.1, B.3 et B.4)

Orange estime que les demandes principales de Colt ne sont pas recevables en l’absence d’échec des négociations. Orange soutient en effet que Colt n'a pas présenté de demandes précises et motivées dans le cadre des négociations, et plus généralement qu’elle n’a pas « accompli les diligences normales permettant d'espérer raisonnablement la tenue/l'ouverture de négociations commerciales avec Orange ».

A la suite d’échanges oraux aux mois d’avril et juin 2014 et faisant suite à la publication de la présentation synthétique de l’offre d’interconnexion SVA d’Orange intervenue le 16 mai 2014, Colt, par courrier en date du 26 juin 2014, a formulé auprès d’Orange de manière précise chacune de ses trois demandes concernant l’offre d’Orange. Colt a notamment exposé pour chacune de ses demandes des critiques précises à l’encontre des conditions proposées par Orange.

Les parties ont par la suite convenu de se réunir le 28 août 2014 afin d’échanger sur les demandes de Colt. Il ressort des minutes de cette réunion, rédigées par Colt et auxquelles Orange a apporté des modifications, que Colt a réitéré à cette occasion chacune de ses demandes en les motivant et qu’Orange a indiqué ne pas entendre faire évoluer les conditions de  son  offre, estimant  que  les  éléments  avancés  par  Colt  ne  remettaient  pas  en cause sa « position ». Orange a en outre demandé « la transmission d’éléments précis, concrets et chiffrés qui permettraient (…) de démontrer que les taux d’Orange posent les prétendus problèmes évoqués par Colt ». En conclusion de la réunion, Colt a indiqué prendre acte de « la position de principe d’Orange selon laquelle ses tarifs (départ d’appel et taux de peines et soins) (i) seraient justifiés et (ii) n’évolueront pas », et a accepté de rencontrer Orange le 10 septembre 2014 pour une « réunion de négociation finale ».

Par courriel du 8 septembre 2014, Orange a demandé à Colt, si « en l’absence d’éléments nouveaux échangés entre nos 2 sociétés », elle souhaitait maintenir la réunion prévue le 10 septembre. Par retour de courriel du 9 septembre 2014, Colt a indiqué que si Orange considérait « qu’aucune évolution [n’était] envisageable sur l’offre de gros d’Orange, comme cela ressort des minutes de [la] dernière réunion, la tenue de cette nouvelle rencontre ne se justifierait pas ». Orange, par courriel du 10 septembre 2014 indique que faute d’éléments concrets de la part de Colt explicitant en quoi les tarifs de l’offre d’Orange seraient déraisonnables, alors qu’Orange la considère « loin d’apparaître particulièrement déraisonnable », elle prend acte de l’ajournement de la réunion mais s’interroge sur « l’empressement de Colt à clore toute discussion avec Orange ».

A la suite de ces échanges, Colt a enfin indiqué dans un courrier en date du 10 septembre 2014 adressé à Orange qu’elle constatait l’échec des négociations. En réponse, Orange a adressé à Colt un courrier en date du 17 septembre 2014 indiquant une nouvelle fois qu’Orange n’a « jamais entendu rompre les discussions avec Colt ».

L’Autorité rappelle que « l’appréciation de la réalité d’un tel échec [des négociations] dépend […] des circonstances propres à chaque affaire »13.

Il résulte de ce qui précède qu’Orange ne peut sérieusement opposer l’absence d’échec des négociations dès lors que tout en rappelant à plusieurs reprises souhaiter discuter avec Colt, elle a néanmoins toujours maintenu que son offre était raisonnable – exigeant de Colt qu’elle démontre en quoi l’offre d’Orange était déraisonnable –, et indiqué que les tarifs de son offre d’interconnexion SVA n’évolueraient pas.

Par ailleurs, il convient de souligner que les demandes de Colt concernant l’offre d’interconnexion d’Orange s’inscrivent dans le contexte particulier de la mise en œuvre de la réforme des SVA prévue par la décision n° 2012-0856 du 17 juillet 2012 modifiant  la décision n° 05-1085 susvisée, qui devait initialement entrer le vigueur le 1er janvier 2015. Néanmoins, à l’approche de cette date, plusieurs acteurs ont fait part de leur inquiétude en raison de l’absence de visibilité donnée par les opérateurs de départ concernant les évolutions de leurs offres pour les numéros SVA et des difficultés découlant de cette absence de visibilité dans les négociations entre les opérateurs d’arrivée et les éditeurs de services.

C’est pourquoi l’Autorité a adopté en mars 2014, à l’issue d’une consultation publique menée du 29 novembre 2013 au 7 janvier 2014, une recommandation relative au marché de gros de l’interconnexion SVA, laquelle préconisait que les opérateurs de départ communiquent aux opérateurs d’arrivée au plus tard le 16 mai 2014 leurs nouvelles offres de commercialisation  et de reversement. En outre, à la suite de la communication par les opérateurs de départ de leurs offres aux opérateurs d’arrivée, l’Autorité a, par la décision n° 2014-0661 du 10 juin 2014, reporté au 1er octobre 2015 l’entrée en vigueur de la réforme  prévue  par  la  décision n° 2012-0856. Ce report était justifié par la nécessité de « permettre aux opérateurs d’arrivée et aux éditeurs de mener à bien les négociations contractuelles induites par la réforme ».

En l’espèce, Colt dans son courrier du 26 juin 2014 indique : « il est vital pour Colt que les termes des contrats à conclure avec les opérateurs de boucle locale soient négociés et arrêtés au plus vite, ceux-ci étant déterminants pour la conclusion des contrats entre Colt et ses clients éditeurs ».

Il résulte de l’ensemble de ce qui précède que, eu égard notamment aux circonstances de l’espèce, l’échec des négociations est établi. Les demandes B.1, B.3 et B.4 de Colt sont par conséquent recevables.

2.2. Sur la recevabilité de la demande subsidiaire de Colt (demande B.2)

 Orange conteste la recevabilité de la demande subsidiaire de Colt tendant à ce que l’ARCEP (demande B.2), si elle ne faisait pas droit à la demande principale B.1, fixe les taux de commissionnement qu’elle estimerait raisonnables. Orange soutient que Colt « n'établit pas (i) avoir formalisé cette demande subsidiaire auprès d'ORANGE, (ii) avoir mené avec ORANGE des « réelles négociations » portant sur cette demande (iii) qui ont abouti à un échec avant la présente Saisine ».

Conformément au I de l’article L. 36-8 du CPCE, l’Autorité, lorsqu’elle est saisie d’une demande de règlement de différend, doit « précise[r] les conditions équitables d’ordre technique et financiers, dans lesquelles l’interconnexion ou l’accès doivent être assurés ». Dans ce cadre, la Cour d’appel de Paris a précisé que l’ARCEP avait « toute latitude pour statuer dans la fourchette comprise entre l’offre (…) et la demande » qui constitue « le périmètre des négociations ayant échoué » 14 . Il en résulte en tout état de cause, qu’indépendamment de la demande subsidiaire formulée par Colt, il appartient le cas échéant à l’Autorité de définir, à l’intérieur de la fourchette comprise entre l’offre d’Orange et la demande de Colt, les taux de commissionnement raisonnables qu’Orange doit appliquer.

La fin de non-recevoir formulée par Orange est rejetée.

3. Sur le fond, s’agissant de la demande relative aux taux de commissionnement

Le différend porte sur les taux de commissionnement proposés par Orange dans son offre d’interconnexion SVA à compter du 1er octobre 2015 en rémunération de la prestation de commercialisation et de reversement relative aux appels vers les numéros à tarification majorée.

Les taux de commissionnement prévus par Orange dans son offre sont :

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 Colt demande à l’Autorité d’enjoindre à Orange, dans un délai d'un mois à compter de la notification de la décision de règlement à intervenir, d’appliquer, dans le cadre de sa nouvelle offre d'interconnexion SVA, les taux de commissionnement maxima suivants :

· tranche de numéro 081 : 2% ;

· tranche de numéro 082 : 4% ;

· tranche de numéro 089 : 8% ;

Orange soutient que cette demande doit être rejetée et que les taux de commissionnement prévus dans son offre d’interconnexion SVA sont raisonnables.

3.1. Cadre réglementaire et mise en œuvre

3.1.1. La tarification de détail

L’Autorité a adopté, en juillet 2012, la décision n° 2012-085615 qui impose en particulier une évolution généralisée du modèle de tarification de détail des numéros spéciaux commençant par 08 et des numéros courts au profit du modèle « C + S », quelle que soit la nature du réseau de départ (décision dite de « réforme des SVA »). Ce modèle dissocie explicitement le prix   (« S ») du service délivré par l'éditeur et celui (« C ») de la communication téléphonique délivrée par l’opérateur de service téléphonique de l’utilisateur final appelant.

S’agissant du prix de la communication (« C »), cette décision impose qu’il soit facturé par l’opérateur de départ à l’appelant au prix d’une communication vers les numéros fixes géographiques et non géographiques, conformément à l’offre souscrite auprès de cet opérateur. Cette « banalisation » du prix de la communication implique en particulier l’interdiction, pour les opérateurs mobiles, de facturer à leurs clients de détail un prix spécifique16 (appelé « airtime ») en contrepartie de l’acheminement de la communication vers les numéros courts et spéciaux, lequel peut actuellement constituer pour ces opérateurs une source importante de revenus.

S’agissant du prix du service (« S »), en ce qui concerne les numéros spéciaux et courts à tarification majorée17, la décision n° 2012-0856 impose aux opérateurs exploitant ces numéros de s’assurer que le tarif du service fourni est identique pour l’utilisateur final appelant, quel que soit l’opérateur de boucle locale au départ duquel l’appel est émis18.

Elle impose également que la tarification de détail du service :

- ait un mode de facturation exclusivement à l’acte ou à la seconde19 dès la première seconde ;

- soit indépendante de l’heure et du jour auxquels est émis l’appel ;

- soit plafonnée en fonction du format du numéro conformément au tableau de synthèse suivant.

L’entrée en vigueur de la décision n° 2012-0856 conduira ainsi à une simplification des tarifs des services à valeur ajoutée par rapport à la situation existante (cf. tableaux 2 et 3 ci- dessous).

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La décision n° 2012-0856 devait initialement entrer en vigueur le 1er janvier 2015. Toutefois, cette date a été reportée au 1er octobre 2015 par la décision de l’Autorité n° 2014-0661 du 10 juin 2014 afin notamment de permettre aux opérateurs d’arrivée et aux éditeurs de mener à bien les négociations contractuelles induites par la réforme, compte tenu des nouvelles offres des opérateurs de départ.

3.1.2.     La prestation de commercialisation et de reversement

L’Autorité a adopté le 16 avril 2007 la décision n° 2007-0213 susvisée, qui vise à préciser, sur le fondement du III de l’article L. 34-8 du CPCE, « les règles communes en matière d’accessibilité des numéro SVA et de mise en place de mécanisme financier de reversement associé, afin de permettre l’interopérabilité de bout en bout des services de communications électroniques offerts par les exploitants de numéros SVA aux éditeurs de contenu avec le service téléphonique offert par les opérateurs départ à leurs abonnés, et de garantir les conditions d’une concurrence effective et loyale au bénéfice du consommateur sur le secteur des services à valeur ajoutée »21.

En application de l’article 3 de cette décision, l’opérateur de départ est tenu de faire droit aux demandes raisonnables de mise en œuvre d’une prestation de commercialisation et de reversement, dans des conditions objectives et non discriminatoires.

Comme l’a précisé l’Autorité dans les motifs de la décision n° 2007-0213 :

« […] l’opérateur de départ fixe une règle de reversement qui détermine le partage de la rémunération entre l’opérateur de départ et l’exploitant du numéro SVA pour chaque appel. Par conséquent, la demande de l’exploitant du numéro SVA concernera également le niveau de ce reversement, et l’opérateur de départ devra faire droit à toute demande raisonnable sur ce point.

Un niveau de partage raisonnable s’entend comme un partage reflétant le fait que le service est fourni à l’appelant conjointement par l’opérateur de départ et l’éditeur de contenu. Il est donc le fruit de la négociation et constitue une répartition de la valeur entre les parties. En particulier, sous réserve du respect des principes de non-discrimination et d’objectivité, la présente obligation n’exclut pas que des taux différents puissent le cas échéant être mis en place en fonction par exemple de la typologie des services, de leur contenu ou du niveau des impayés ».

Saisi d’un recours contre cette décision, le Conseil d’Etat a confirmé sa légalité et jugé que « […] le caractère raisonnable d'une demande d'accès ou de reversement doit être apprécié notamment au regard de la nature et de la réalité des besoins de l'entreprise qui la présente et de la capacité technique de l'opérateur auquel cette demande est présentée à la satisfaire ; qu'il renvoie également, s'agissant des tarifs des deux composantes du service rendu aux utilisateurs et de la prestation de reversement qui incombe à l'opérateur contrôlant l'accès aux utilisateurs finals, qui effectue la facturation, à un partage reflétant la contribution de chacune des deux entreprises concernées au service rendu à l'utilisateur final et aux coûts afférents à cette contribution ; qu'enfin, il doit également être apprécié au regard de l'ensemble des objectifs fixés par le paragraphe II de l'article L.32-1 du code des postes et des communications électroniques précité ; […] » (CE, 19 juin 2009, Société 118218 Le Numéro et a., n° 310452, aux T.).

Aussi, le taux de commissionnement se définit au regard d’une règle de partage de la valeur entre l’opérateur de départ et l’exploitant du numéro SVA qui doit, en premier lieu, être le résultat de la négociation.

Lorsqu’elle est saisie d’une demande de règlement de différend portant sur le taux de commissionnement perçu par l’opérateur de départ en contrepartie de la prestation de commercialisation et de reversement qu’il fournit, l’Autorité doit apprécier le caractère raisonnable du partage de la valeur au regard notamment des prestations fournies par l’opérateur de départ et l’éditeur du contenu et des coûts afférents, des apports respectifs de chacun des acteurs dans la création de valeur et la mise en œuvre du service fourni à l’utilisateur final appelant et des conditions économiques prévalant sur les marchés de gros et de détail correspondants.

En l’espèce, l’offre de commercialisation et de reversement faisant l’objet de la présente demande de règlement de différend s’inscrit dans le contexte de la réforme structurante de la tarification de détail prévue par la décision n° 2012-0856 susmentionnée, laquelle, notamment, entraînera des évolutions importantes des conditions économiques prévalant sur les marchés de gros et de détail, génère des investissements et des coûts supplémentaires liés à sa mise en œuvre et s’accompagne de l’apport de nouvelles fonctionnalités.

Ainsi, afin d’apprécier le caractère raisonnable de cette offre, l’Autorité portera une attention particulière aux effets de la réforme prévue par la décision n° 2012-0856 ainsi que, le cas échéant, aux évolutions mises en œuvre à l’initiative des acteurs à l’occasion de cette réforme.

Par ailleurs, comme l’a jugé la Cour d’appel de Paris, l’Autorité doit « exercer sa mission au regard des objectifs de la régulation (...) définies à l’article L. 32-1 du CPCE, en se fondant, au-delà de la situation particulière d’un opérateur, (...) sur des conditions touchant à l’ordre public économique »22. Le caractère raisonnable doit ainsi également être apprécié en équité par l’Autorité en prenant en compte les objectifs mentionnés au II de l’article L. 32-1 du CPCE, qui imposent notamment à l’Autorité de veiller :

- « 2° A l'exercice au bénéfice des utilisateurs d'une concurrence effective et loyale entre les exploitants de réseau et les fournisseurs de services de communications électroniques ;

- 3° Au développement de l'emploi, de l'investissement efficace […], de l'innovation et de la compétitivité dans le secteur des communications électroniques ;

- bis A tenir compte, lorsqu'ils fixent des obligations en matière d'accès, du risque assumé par les entreprises qui investissent et à autoriser des modalités de coopération entre les investisseurs et les personnes recherchant un accès, afin de diversifier le risque d'investissement dans le respect de la concurrence sur le marché et du principe de non-discrimination ; […]

- 4° A la définition de conditions d'accès aux réseaux ouverts au public et d'interconnexion de ces réseaux qui garantissent la possibilité pour tous les utilisateurs de communiquer librement et l'égalité des conditions de la concurrence ; […]

- 12° A un niveau élevé de protection des consommateurs, conjointement avec le ministre chargé de la consommation, grâce notamment à la fourniture d'informations claires, notamment par la transparence des tarifs et des conditions d'utilisation des services de communications électroniques accessibles au public ».

3.2. Approche de l’Autorité

3.2.1 Analyse des prestations fournies par chacun des acteurs en vue de la fourniture de services à valeur ajoutée

L’utilisation des services à valeur ajoutée par les utilisateurs finals appelants repose sur des prestations assurées conjointement par l’opérateur de départ, l’opérateur d’arrivée et l’éditeur, qu’il convient d’examiner successivement.

Opérateur de départ

Colt considère que le rôle de  l’opérateur  de  départ est  limité.  Elle  estime  en particulier que « S’il est vrai que les opérateurs de départ, tels qu’ORANGE, participent à la création de valeur apportée par les SVA, dans la mesure où ils permettent aux éditeurs et opérateurs d’arrivée de disposer d’un mode commercialisation simple et rapide, il n’en demeure pas moins que le service fourni aux utilisateurs finaux l’est par l’éditeur de service »23. Colt soutient, par ailleurs, que le rôle de l’opérateur de départ ne peut être assimilé à celui joué par certains acteurs de l’écosystème numérique, tels que les magasins d’application. Elle ajoute qu’au regard des missions de l’opérateur de départ, « son intervention peut être rapprochée de celle d’un opérateur de système de paiement (notamment s’agissant des appels de type micro- paiement) » qui ont des taux de commissionnement compris entre 1 et 4%24.

Orange, de son côté, considère qu’elle apporte, en tant qu’opérateur de départ « une part essentielle des SVA au travers des prestations qu’elle fournit »25, compte tenu notamment de la mise à disposition de sa base de clients et de la garantie des reversements.

L’Autorité considère que, dans le cadre de la fourniture de SVA, l’opérateur de départ met à disposition deux actifs significatifs :

- d’une part, la base clientèle qu’il a constituée grâce à des actions de promotion de ses services et de fidélisation ;

- d’autre part, un mode de commercialisation simple et rapide, auquel l’opérateur de départ peut apporter sa garantie en s’appuyant sur la relation contractuelle et commerciale dont il dispose avec l’appelant.

L’opérateur de départ valorise ces actifs à travers la fourniture d’une prestation de commercialisation et de reversement qui implique la mise en œuvre des actions suivantes :

- le calcul du prix de chaque appel sur la base de la durée d’appel et du tarif de détail ouvert par l’opérateur de départ à la demande de l’opérateur d’arrivée ;

- la facturation du montant de ces appels dans le cadre des factures émises par les opérateurs de départ à destination de leurs clients pour l’utilisation de leurs services ;

- l’encaissement des sommes facturées au titre des appels vers les SVA conjointement à celles facturées pour son propre compte ;

- le recouvrement de sommes facturées au titre des appels vers les SVA conjointement ou distinctement, selon les cas, de celles menées au titre des sommes facturées pour son propre compte ;

- éventuellement, l’apport d’une garantie, totale ou partielle, contre la fraude et les impayés. Au cas d’espèce, Orange a souligné, dans ses écritures et lors de l’audience qui s’est tenue le 10 décembre 2014 qu’elle apporte, en tant qu’opérateur de départ, une garantie sur les reversements et supporte à ce titre le risque relatif aux impayés. Cette prestation est considérée par Orange comme particulièrement importante pour certains types de services, notamment pour les services de paiement, et note qu’il s’agit d’une part importante des services des clients de Colt : « Lorsque les paiements concernés sont des faibles montants pouvant concerner de multiples consommateurs, résidant n’importe où en France, ce sont bien les prestations fournies par l’opérateur de départ qui contribuent à une très large part de la valeur créée et qui permettent la viabilité de cette activité »26.

Enfin, l’opérateur de départ peut jouer un rôle important par ses actions en matière de déontologie et de lutte contre la fraude, notamment en mettant en place des mécanismes contractuels permettant, pour des motifs objectifs et de manière proportionnée, de suspendre le reversement de sommes destinées à des services frauduleux ou abusifs et de bloquer les numéros concernés.

Il ressort de tout ce qui précède que l’Autorité estime que l’opérateur de départ joue donc un rôle significatif dans la fourniture des services à valeur ajoutée au travers de la prestation de commercialisation et de reversement.

S’il est exact, comme le souligne Colt, que ce rôle peut apparaître moins important que celui joué par des acteurs du numérique qui sont en partie à l’origine des écosystèmes bâtis autour des magasins d’application et dont le développement a nécessité des efforts de recherche et des développements technologiques, il n’en demeure pas moins que l’opérateur de départ contribue de manière significative à la fourniture des services à valeur ajoutée proposés dans le cadre des numéros à tarification majorée. Ce rôle ne saurait en outre être assimilé à celui d’opérateurs de paiement, dont la prestation ne repose pas sur la mise à disposition d’une base client.

Opérateur d’arrivée

Les opérateurs d’arrivée exploitent les numéros courts ou spéciaux qui leurs sont attribués, à leur demande, par décision de l’Autorité27.

Ils sont choisis par l’éditeur de service pour recevoir les appels à destination de son numéro court ou spécial, émis par l’ensemble des utilisateurs finals appelants 28 . Ils proposent notamment à l’éditeur des prestations de commercialisation et de monétisation de leur service qui masquent l’hétérogénéité des offres proposées par les opérateurs de départ et visent ainsi à leur garantir des taux de reversement équivalents quel que soit l’opérateur de départ. Pour cela, les opérateurs d’arrivée :

- souscrivent, directement ou par le biais d’intermédiaires, aux offres de commercialisation et de reversement proposées par les opérateurs de départ ;

- veillent à ce que les numéros de leurs clients éditeurs soient accessibles au tarif souhaité depuis l’ensemble des opérateurs de départ ;

- collectent et vérifient les flux financiers de reversement transmis par les opérateurs de départ.

Les opérateurs d’arrivée ont ainsi un rôle d’intermédiaire entre les opérateurs de départ – soit plusieurs dizaines d’opérateurs en France – et les éditeurs – soit plusieurs milliers de sociétés. Ce faisant, ils permettent aux éditeurs de rendre leur service accessible depuis l’ensemble des opérateurs de départ sans entrer en relation contractuelle directe avec ces derniers, ce qui limite leurs coûts, et renforcent de cette manière l’attractivité du mode de commercialisation proposé par les opérateurs de départ.

Par ailleurs, certains opérateurs d’arrivée peuvent fournir aux éditeurs des services supplémentaires, ne relevant pas d’une activité d’opérateur de communications électroniques, tels que des prestations d’intégration informatique.

Les opérateurs d’arrivée sont rémunérés par les éditeurs pour ces différentes prestations. Éditeur de service

Les éditeurs de services jouent un rôle essentiel dans la fourniture des services à valeur ajoutée, notamment en produisant le contenu du service et en assurant sa promotion. Les contenus proposés sont extrêmement variés (renseignements, achat de billets, services météorologiques, etc.). Dans certains cas, l’activité principale de l’éditeur consiste dans la fourniture de ce contenu (ex : services météorologiques) ; les reversements constituent alors la source principale, si ce n’est unique, de revenus pour l’éditeur. Dans d’autres cas, le service fourni par l’éditeur n’est qu’une activité accessoire à son activité principale (ex : agence de voyages, banques, etc.).

Pour commercialiser leurs services, les éditeurs peuvent recourir à plusieurs systèmes, notamment :

- la distribution directe auprès de clients qu’ils facturent eux-mêmes ;

- la distribution indirecte auprès des bases de clientèle constituées par des tiers.

Dans cette dernière catégorie, se situent les numéros à tarification majorée mis à disposition par les opérateurs d’arrivée, qui bénéficient de l’obligation faite aux opérateurs de départ de faire droit aux demandes raisonnables des opérateurs d’arrivée relatives à la mise en œuvre d’une prestation de commercialisation et de reversement auprès de leur clientèle.

L’Autorité rappelle qu’elle a estimé à cet égard que de telles demandes présentaient a priori un caractère raisonnable compte tenu des caractéristiques que revêtent  généralement  les SVA : « d’une part son prix pour les utilisateurs finals appelants est en général suffisamment peu élevé et d’autre part, il est le plus souvent consommé à l’acte. Dans ces conditions, il est difficile, voire peu pertinent, pour l’éditeur de contenu de chercher à contracter avec les utilisateurs de son service »29.

Néanmoins, l’Autorité a rappelé que « si ce système de commercialisation est généralement mis en place lors de l’ouverture d’un numéro SVA, il n’est pour autant pas exclusif : les éditeurs de contenu disposent d’autres moyens alternatifs pour commercialiser leurs services (contrat direct avec le consommateur à l’acte ou sur abonnement, paiement direct par carte de crédit,…) »30. Le recours à des modes de commercialisation alternatifs apparaît d’autant plus envisageable que le prix des appels est important ou qu’il existe une relation contractuelle directe entre l’utilisateur final appelant et l’éditeur de service appelé.

Au regard de l’ensemble de ce qui précède, l’Autorité considère que, dans le cadre de la fourniture de services à valeur ajoutée via un numéro à tarification majorée, l’opérateur de départ – en raison de la relation contractuelle qu’il détient avec ses clients - ainsi que l’éditeur – qui fournit le contenu du service - jouent un rôle essentiel dont il convient de tenir compte dans l’appréciation du caractère raisonnable du partage de la valeur créée, eu égard notamment aux apports respectifs de chacun dans la création de valeur et la mise en œuvre du service fourni à l’utilisateur final appelant.

3.2.2.    Analyse de l’impact la réforme SVA

Comme l’a précédemment rappelé l’Autorité, la décision n° 2012-0856 modifiée impose, à compter du 1er octobre 2015, des modifications de la tarification de détail des services à valeur ajoutée et, s’agissant en particulier des numéros à tarification majorée :

- la banalisation du prix de la communication (composante « C ») pour l’appelant, impliquant la suppression de l’ « airtime » au départ des mobiles ;

- l’interdiction des tarifs mixtes dont la tarification comporte une composante à l’appel et une composante à la durée, tels que ceux utilisés pour les numéros de la forme 081 et 0899 (composante « S ») ;

- la facturation à la seconde dès la première seconde pour les tarifs facturés à la durée (composante « S »).

La décision n° 2012-0856 a également permis la création d’une gamme de nouveaux tarifs pour lesquels il n’existe aucun équivalent actuellement disponible pour les éditeurs :

- à la durée, au-delà de 0,40 € / minute TTC jusqu’à 0,80 € / minute TTC ;

- à l’acte, au-delà de 0,20 € / appel TTC jusqu’à 3 € / appel TTC31.

Par ailleurs, à l’occasion de cette réforme, les opérateurs de départ et d’arrivée ont pris l’initiative de mettre en œuvre une fonctionnalité supplémentaire, appelée « tarification au numéro », permettant à chaque éditeur de choisir le tarif de détail de son service dans la limite des plafonds tarifaires définis par la décision n° 2012-0856. Actuellement, le tarif de détail d’un numéro de la forme 08 AB PQ MC DU étant nécessairement identique à celui de l’ensemble des numéros du bloc 08 AB PQ (10 000 numéros) ou 08 AB PQ M (1 000 numéros) auquel il appartient, un éditeur, à moins de changer de numéro, ne dispose d’aucune possibilité de faire évoluer son tarif (cf. tableau n°3 – Exemple de tarifs de la composante « S » actuellement mis en œuvre).

En outre, les acteurs ont décidé la création d’un « Référentiel SVA » pour faciliter les processus inter-opérateurs nécessaires à la mise en œuvre de la tarification au numéro. Ces fonctionnalités permettront in fine d’apporter une plus grande flexibilité aux éditeurs qui pourront plus facilement changer leurs tarifs, et ainsi les moduler dans le temps.

Il ressort de ce qui précède que  la réforme de la tarification de détail prévue par la décision  n° 2012-0856 ainsi que la mise en place par les opérateurs, au-delà des mesures prises pour assurer le respect de leurs obligations règlementaires, de la tarification au numéro et du

« Référentiel SVA » conduisent à une évolution profonde du marché de détail des services à valeur ajoutée et apportent une souplesse tarifaire inédite aux éditeurs de service. Elles impliquent également des évolutions significatives sur les marchés de gros, qui se traduisent par l’apport de nouvelles fonctionnalités associées à des investissements et des coûts supplémentaires.

Dans ce contexte, l’Autorité estime que l’appréciation du caractère raisonnable du partage de la valeur créée entre les acteurs doit prendre notamment en compte leurs contributions à la mise en œuvre de la réforme, eu égard en particulier aux fonctionnalités supplémentaires apportées.

En outre, il apparaît utile de distinguer, comme le préconisait l’Autorité dans sa recommandation de mars 2014 susvisée :

- d’une part, les évolutions d’offres existantes, « c’est-à-dire les évolutions portant sur des offres de gros proposées par les opérateurs de départ préalablement souscrites par les opérateurs d’arrivée pour rendre accessible un ou plusieurs numéros qu’ils exploitent » ;

- d’autre part, les nouvelles offres proposées sur  le  marché  de  l’interconnexion  SVA, « c’est-à-dire celles que l’opérateur d’arrivée acheteur peut refuser de souscrire sans effet sur le fonctionnement des contrats en cours avec des éditeurs »32.

En effet, les évolutions des taux de commissionnement des offres existantes sont d’autant plus importantes qu’elles sont susceptibles de modifier l’équilibre économique des opérateurs d’arrivée et des éditeurs. Si, s’agissant d’une réforme d’ampleur ayant un caractère systémique, il ne peut pas être exclu que certains services, qui, préalablement à la réforme et indépendamment de celle-ci, se caractérisent par un équilibre économique précaire, soient fragilisés par une hausse, même modérée, des taux de commissionnement, il convient donc de s’assurer que, dans la plus grande mesure du possible, les éditeurs seront bien en mesure de maintenir leur niveau de reversement sans avoir à changer de numéro.

En revanche, s’agissant d’une offre nouvelle, correspondant aux nouveaux tarifs pour lesquels il n’existe aucun équivalent actuellement disponible pour les éditeurs, l’éditeur sera en mesure de définir librement le tarif de son service et son modèle économique en prenant en compte les conditions proposées par les opérateurs d’arrivée sur la base des offres des opérateurs de départ. L’appréciation du caractère raisonnable des conditions proposées par l’opérateur de départ doit dès lors faire l’objet d’une appréciation plus souple.

L’évolution des taux de commissionnement ne doit pas contraindre un éditeur à changer de numéro pour maintenir son niveau de reversement.

Les parties s’accordent sur le fait qu’une augmentation du taux de commissionnement qui contraindrait un éditeur à changer de numéro pour maintenir un niveau de reversement au moins égal à celui perçu aujourd’hui ne serait a priori pas raisonnable33.

En particulier, dans ses écritures en défense, Orange estime que les offres de reversement des opérateurs de départ ne devraient pas conduire les éditeurs, pour maintenir leur équilibre économique, à modifier leur numéro et ajoute que les taux prévus par son offre d’interconnexion « permettent aux opérateurs d'arrivée ainsi qu'aux éditeurs de conserver leur équilibre économique sans avoir à augmenter de façon excessive les tarifs applicables aux clients finals appelants et, en tout état de cause, sans entraîner un dépassement des plafonds tarifaires prévus par la décision n° 2012-0856 qui nécessiterait une migration vers un autre numéro (…) » 34.

Néanmoins, Colt indique qu’une hausse des taux de commissionnement d’Orange ne pouvant être intégralement absorbée ni par l’éditeur ni par l’opérateur d’arrivée, elle devrait se traduire par une augmentation des tarifs de détail, qui entraînera selon elle une baisse de trafic et, partant, des reversements.

Colt considère que, dans ce contexte, la mise en place de la tarification « C+S » aura des effets contrastés. Ainsi, compte tenu de l’augmentation des prix s’agissant de la composante « S » et de l’introduction d’une composante « C » pour les appels depuis les fixes, Colt estime que l’évolution des conditions sur le marché de gros et de détail se traduira par un surcoût pour l’utilisateur final. Colt indique que, compte tenu de la sensibilité des clients finals au prix, « l’on peut raisonnablement penser que cette augmentation risque de conduire à une baisse des appels à destination depuis les boucles locales fixes, sans pour autant qu’il y ait une substitution équivalente au profit des appels passés depuis les mobiles »35. Colt ajoute à ce titre que les opérateurs de départ ne peuvent venir compenser la disparition du départ d’appel pour les appels depuis les fixes par une hausse des taux de commissionnement36.

Orange considère, au contraire, que les taux prévus par son offre permettent le maintien de l’équilibre économique des opérateurs d’arrivée et éditeurs, « sans avoir à augmenter de façon significative les tarifs applicables aux clients finals appelants »37. Elle présente au soutien de ses écritures une modélisation qui associe à chaque tarif actuel un tarif de substitution permettant, selon elle, « un reversement au moins équivalent au reversement actuel récupéré par COLT et pour lequel le prix payé par l’appelant est  le  plus  bas  possible. »38.

S’agissant plus particulièrement de la sensibilité des clients finals au prix, Orange considère celle-ci comme très relative, et souligne que les SVA « constituent un ensemble de segments de marché très disparates, pour lesquels la sensibilité aux prix dépend  de  nombreux  facteurs »39. Si Orange admet qu’il existe une certaine sensibilité au prix des SVA, comme pour tout service, elle conteste l’analyse de Colt sur la sensibilité au prix de l’utilisateur final et envisage au contraire une augmentation du trafic des appels à destination des SVA, « en particulier si les variations de prix restent dans une fourchette raisonnable »40.

Orange considère que Colt ne prend pas en compte le fait que la réforme SVA « représente une évolution majeure pour le marché des SVA susceptible de redonner de la croissance à ce marché, du fait des améliorations qu'elle apporte » 41 , tant pour les éditeurs 42 , qui vont bénéficier de l’augmentation du nombre de tarifs et de la souplesse dans le choix de ce dernier, que pour les consommateurs, avec l’amélioration de la lisibilité tarifaire et la baisse des tarifs au départ des mobiles.

A titre liminaire, l’Autorité estime qu’il est délicat d’anticiper les choix des éditeurs de services en ce qui concerne leurs futurs tarifs. L’Autorité note que si l’évolution des taux de commissionnement des opérateurs de départ pourra avoir une influence sur ces choix, ceux-ci seront également déterminés par des arbitrages propres à chaque éditeur. En outre, l’Autorité note que les hypothèses des parties en ce qui concerne l’évolution des volumes d’appel vers les SVA sont très éloignées. L’Autorité relève qu’à ce stade, aucun des éléments apportés par les parties ne saurait justifier d’anticiper une évolution, à la hausse ou à la baisse, du trafic.

L’Autorité estime que les taux de commissionnement proposés par Orange à compter du 1er octobre 2015 doivent permettre un maintien des reversements perçus par les opérateurs d’arrivée et les éditeurs, tout en ne se traduisant pas par une hausse excessive du tarif de détail payé par le consommateur, qui serait défavorable pour la chaîne de valeur.

L’Autorité rappelle à cet égard que les évolutions de la chaîne de valeur, notamment dans le cadre de la réforme SVA, ont eu pour objet de rétablir la confiance des utilisateurs finals, en améliorant la lisibilité et la transparence tarifaire et visent ainsi à enrayer le déclin du marché SVA.

Par ailleurs, la réforme peut permettre le développement de nouveaux usages, notamment au départ des mobiles. A cet égard, la suppression de l’« airtime » au départ des réseaux mobiles va se traduire par une baisse conséquente du prix payé par l’utilisateur final pour l’acheminement de son appel.

Dès lors, les éditeurs devraient pouvoir, dans une certaine mesure, augmenter le prix de leurs services (composante « S »), sans pour autant que cette augmentation n’entraîne de hausse du prix moyen payé par l’utilisateur final. Si, comme le souligne Orange, l’objet de la réforme n’était pas d’obtenir une baisse du prix payé globalement par l’utilisateur final, il n’en demeure pas moins justifié de prendre en compte cette suppression de l’ « airtime » lorsque l’on apprécie l’impact de la hausse de la composante « S » sur l’utilisateur final.

L’Autorité estime que la hausse des tarifs au départ des réseaux fixes consécutive à l’apparition d’une composante « C » banalisée aura, de manière générale, un effet limité, compte tenu notamment de la diminution de la part du réseau « RTC » (réseau téléphonique commuté) et de l’apparition constatée de forfaits « illimités » qui atténuent en pratique les effets de l’introduction de la composante « C » pour l’utilisateur final.

Il ressort ainsi des éléments produits par les parties que la banalisation de la composante « C » au  départ  des  boucles  locales  fixes  et  mobiles,  (et, en particulier, la disparition de l’ « airtime »), devrait entraîner, en moyenne et sur la base de la répartition actuelle des appels entre les boucles locales fixes et mobiles43, une économie de l’ordre de 5 c€ TTC / min pour les appelants44.

Ainsi, l’appréciation du caractère raisonnable de l’évolution des taux de commissionnement d’Orange implique de vérifier que les éditeurs et les opérateurs d’arrivée ne soient pas contraints de changer de numéro ou de procéder à une augmentation excessive du tarif du service pour maintenir leur équilibre économique.

Approche des parties concernant le partage de la valeur supplémentaire créée à l’occasion de la réforme des SVA et analyse de l’Autorité

Concernant le partage de la valeur occasionné par l’évolution des taux d’Orange, Colt estime que les taux d’Orange sont « déraisonnables au regard de son  apport à la  création de  valeur », étant donné que la valeur est principalement créée par les éditeurs, et qu’Orange accapare ainsi « une part inéquitable de la valeur »45. Colt considère que la réforme SVA « n’implique pas la mise en œuvre de nouvelles fonctionnalités de nature à justifier les taux  de commissionnement pratiqués par Orange »46.

Orange  considère,  pour  sa  part,  que  l’évolution  de  ses  taux  de  commissionnement  est « justifiée et équitable », notamment par l’apport de nouvelles fonctionnalités comme la mise en place du référentiel SVA. En outre, cette évolution permet pour Orange un partage « plus équitable » de la valeur entre les acteurs « qui n’avait ou être fait auparavant car le caractère figé des tarifs vers les SVA ne permettait pas de répercuter ces hausses aux clients finals appelants sans changer de numéro »47.

Colt considère notamment que c’est l’opérateur de départ qui bénéficiera principalement de la réforme dans l’hypothèse où ses taux de commissionnement évoluent à la hausse. En ce qui concerne les éditeurs, Colt considère qu’ils bénéficieront d’avantages liés notamment à l’accroissement du marché « adressable » grâce à de nouveaux plafonds tarifaires plus élevés et à la diversification tarifaire (choix entre les tarifs à l’acte ou à la durée) mais considère que ces avantages ne sont qu' « indirects »48.

En premier lieu, l’Autorité relève que l’application de la décision n° 2012-0856 ainsi que la tarification au numéro apporteront aux éditeurs une gamme de tarifs plus étendue (création d’une gamme de tarifs à l’acte et de tarifs à la durée jusqu’à 0,80 € / min), une tarification de leur service plus simple et plus transparente pour leurs clients (modèle « C + S », homogénéisation du tarif de détail au départ des fixes et des mobiles) ainsi que la possibilité de changer facilement de tarif.

Pour leur part, les opérateurs de départ et d’arrivée bénéficieront, à court terme, essentiellement d’une simplification des processus inter-opérateurs relatifs à l’ouverture de numéros et à la facturation des reversements.

Au regard des éléments qui précèdent, l’Autorité estime ainsi que, si l’ensemble des acteurs bénéficieront de la réforme SVA, il apparaît cependant que celle-ci bénéficiera en premier  lieu et principalement aux éditeurs, au travers notamment de la modernisation du mode de commercialisation qu’ils utilisent et de l’apport d’une flexibilité tarifaire inédite.

En deuxième lieu, en ce qui concerne les contributions de chaque catégorie d’acteur à la réforme SVA, Colt indique que les coûts de financement du Référentiel SVA mis en place par l’Association de la portabilité des numéros fixes sont mutualisés entre les opérateurs49 et que les coûts supportés par Orange dans ce cadre sont limités50.

Cependant, les opérateurs supportent des coûts propres dans le cadre de la réforme SVA. Il ressort ainsi des réponses données par Orange au second questionnaire de l’Autorité que le coût de mise en œuvre des dispositions prévues par la réforme pour Orange, en tant qu’opérateur de départ est évaluée par cet opérateur à […] millions d’euros d’investissement, hors coûts indirects et que les coûts récurrents sur les 5 premières années sont évalués à […] millions d’euros. Colt estime pour sa part les coûts de refonte des systèmes de prise de commande et de facturation pour les quatre grands opérateurs de départ, devrait être de l’ordre de […] millions d’euros à […] millions d’euros51. Colt ne critique pas les coûts avancés par Orange, mais estime que ceux-ci sont sans commune mesure avec l’augmentation des revenus d’Orange dans le cadre de la réforme SVA52.

Par ailleurs, Colt évalue pour sa part la refonte de ses systèmes, en tant qu’opérateur  d’arrivée, à […] million d’euros au total. Colt évoque en outre le fait que les opérateurs de départ, les opérateurs d’arrivée et les éditeurs supporteront des coûts, plus limités, pour modifier les dispositifs d’information tarifaire53.

Ainsi, au regard des objectifs prévus notamment au 3 et au 3bis de l’article L. 32-1  du  CPCE, et comme l’avait souligné l’Autorité dans sa recommandation de mars 2014 susvisée, il apparaît justifié que les investissements internes d’Orange dans les systèmes de facturation, lesquels n’auraient pas été réalisés en l’absence de prestation de reversement, puissent être financés en mettant à contribution l’opérateur d’arrivée et les éditeurs qui en bénéficieront également.

Enfin, l’Autorité estime que les risques d’impayés et de fraudes supportés par les opérateurs de départ et les coûts qui y sont associés augmentent lorsque le tarif de détail croît.

Dans ses réponses au premier questionnaire des rapporteurs, Orange souligne « que l’arrivée de tarifs élevés à l’appel ouvre un nouvel espace économique pour des pratiques frauduleuses dont certaines sont non identifiées à ce jour »54. Orange indique que « les fraudeurs utilisent principalement les 0899 comme support à leurs montages » et indique que ces cas de fraudes représentent […] d’euros pour 201355.

L’Autorité partage l’analyse d’Orange et considère que la création de tarifs de détail élevés, rendue possible par la décision n° 2012-0856 susmentionnée, si elle peut répondre aux besoins des éditeurs proposant des services à forte valeur ajoutée, risque d’être accompagnée par des cas de fraudes et d’impayés plus nombreux, et donc des coûts supplémentaires. La création de tarifs de détail plus élevés justifie ainsi, dans une certaine mesure, des taux de commissionnement plus élevés pour ces tarifs.

À cet égard, il convient toutefois de préciser qu’il n’apparaît ni justifié, ni efficace, de répartir sur l’ensemble des éditeurs, au moyen d’un taux de commissionnement plus élevé, le coût de la fraude. En outre, une hausse du taux de commissionnement applicable à ces numéros pourrait réduire les incitations des opérateurs de départ à lutter contre les services frauduleux, compte tenu des revenus plus élevés issus de la fraude.

En revanche, il est justifié de prendre en compte les risques d’impayés ainsi que les moyens de lutte contre la fraude mis en œuvre par les opérateurs de départ56, qui bénéficient aux utilisateurs finals et à l’ensemble des acteurs de la chaîne de valeur, dans l’appréciation du caractère raisonnable du taux de commissionnement de l’opérateur de départ.

À toutes fins utiles, l’Autorité rappelle que l’obligation pour l’opérateur de départ de faire droit aux demandes raisonnables de reversement ne fait pas obstacle à l’introduction, dans les contrats conclus aux différents niveaux de la chaîne de valeur SVA, de mécanismes contractuels permettant, pour des motifs objectifs et de manière proportionnée, de prévenir le reversement de sommes destinées à des services frauduleux ou abusifs. L’Office des régulateurs européens des communications électroniques (« ORECE ») rappelle à cet égard l’importance du rôle des différents opérateurs impliqués le long de la chaîne de valeur et invite ceux-ci à inclure des clauses permettant à l’opérateur de procéder à la suspension des reversements à la demande d’une l’autorité compétente ou lorsque des éléments crédibles peuvent conduire l’opérateur à analyser le trafic comme frauduleux ou abusif57.

Ainsi, compte tenu des éléments fournis par les parties, s’il n’apparaît pas possible de déterminer de façon précise les coûts supportés par chaque catégorie d’acteurs pour la mise en œuvre de la réforme, l’Autorité considère qu’un opérateur de départ tel qu’Orange a apporté une contribution significative à la mise en œuvre de la réforme, qui va bénéficier en premier lieu et directement aux éditeurs.

L’Autorité considère, dès lors, qu'il est pertinent de s’assurer que les conditions proposées par Orange permettent un partage équilibré de la valeur, reflétant notamment l’apport significatif de cet opérateur à la mise en œuvre de la réforme.

En conclusion, au regard de l’ensemble des éléments qui précèdent, l’Autorité considère que l’opérateur de départ contribue de façon significative à la création de valeur et à la commercialisation des services à valeur ajoutée et notamment à la mise en œuvre de la réforme, laquelle bénéficie principalement aux éditeurs de service.

3.3. Appréciation du caractère raisonnable de l’offre d’Orange

A titre liminaire et s’agissant de la demande de Colt, d’enjoindre à Orange, d’appliquer, les taux de commissionnement de 2% pour la tranche de numéro 081, de 4% pour la tranche de numéro 082 et de 8% pour la tranche de numéro 089, l’Autorité note tout d’abord que les taux appliqués par Orange à ce jour, et qui n’ont pas été spécifiquement remis en cause par Colt, sont très largement supérieurs à ceux demandés par Colt.

De plus, Colt n’apporte aucun élément de nature à justifier une baisse des taux de commissionnement appliqués par Orange dans le contexte de la mise en œuvre de la réforme SVA. Au contraire, et comme l’Autorité l’a souligné précédemment, l’opérateur de départ apporte, au travers de la prestation de commercialisation et de reversement, une contribution significative à la fourniture des services à valeur ajoutée accessibles via des numéros à tarification majorée (cf. supra, point 3.2.1) et à la mise en œuvre de la réforme SVA (point 3.2.2).

Il ressort de ce qui précède que Colt ne démontre pas que les taux de commissionnement de 2%, 4% et 8%, dont il demande l’application, puissent être justifiés.

Il convient dès lors, d’apprécier le caractère raisonnable des taux de commissionnement dont Orange prévoit l’application et que Colt estime déraisonnables.

En outre, dans le cadre de son analyse, l’Autorité estime que, de manière générale, il est raisonnable que la structure tarifaire de l’offre de l’opérateur de départ comporte un nombre limité de taux de commissionnement et prévoit la croissance de ces derniers avec l’augmentation du tarif de détail. En effet, les risques supportés par les opérateurs de départ et les coûts qui y sont associés, tels que ceux liés à l’existence d’impayés, sont susceptibles d’augmenter avec le tarif de détail. En outre, l’existence d’un nombre de taux limité favorise la simplicité et la lisibilité des offres relatives aux prestations de commercialisation et de reversement et permet d’alléger les coûts de gestion pour les opérateurs de départ comme  pour les opérateurs d’arrivée.

3.3.1. Appréciation du caractère raisonnable du taux de commissionnement de 30% de l’offre d’Orange

L’offre d’Orange prévoit l’application d’un taux de 30% pour les tarifs de détail suivants :

- 0,60 € / min

- 0,70 € / min

- 0,80 € / min

- 0,99 € / appel

- 1,00 € / appel

- 1,50 € / appel

- 1,99 € / appel

- 2,00 € / appel

- 2,50 € / appel

- 2,99 € / appel

- 3,00 € / appel

Dans ses observations, Colt indique que les taux de commissionnement ne peuvent être considérés comme raisonnables et équitables, en particulier s’agissant du taux de 30% sur les hauts paliers58. Colt souligne que son activité SVA a connu un important développement auprès d’éditeurs utilisant des numéros en 089959, dont le trafic représente pour l’année 2013 près de […] des reversements perçus par Colt au départ d’Orange, d’après les données de trafic chiffrées transmises par les parties à l’Autorité60.

Colt indique notamment que le taux de 30% est supérieur à celui de 25%, qui a été jugé raisonnable par l’Autorité dans la décision n° 2014-0845-RDPI réglant un différend entre la société Free et la société Le Numéro, s’agissant des services de renseignements téléphoniques (ci-après, les « SRT ») fournis par cette dernière. Colt estime à cet égard que le taux de 25% retenu pour ces SRT était justifié au cas d’espèce par les caractéristiques du service fourni, et notamment ses tarifs de détail élevés, la possibilité pour l’exploitant du numéro de recourir à d’autres modes de distribution et l’existence de marges importantes pour l’exploitant.

Néanmoins, si Orange souligne qu’il existe, de manière générale, une corrélation entre le niveau tarifaire du service et les impayés constatés par l’opérateur de départ pour les appels à destination des SVA, elle précise que le « taux de passage en phase précontentieuse des clients ayant appelé des services de renseignements téléphoniques est plus bas que celui des clients ayant appelé les SVA des plus hauts paliers ». Elle considère à cet égard que cette différence s’explique par le fait que, contrairement aux SRT, « l’appel vers certains SVA, notamment les SVA à palier élevé, s’accompagne dans certains cas de la fourniture d’un service déceptif ou dont la valeur ne correspond pas au montant facturé à l’appelant »61.

Colt soutient que le taux d’impayés s’agissant des appels passés à destination des éditeurs client de Colt est très faible62. Toutefois Orange souligne que cette affirmation n’est pas étayée par Colt, qui ne peut déterminer le taux d’impayés compte tenu de la garantie apportée par Orange pour ces reversements. En outre, Orange indique qu’une proportion importante des mises en demeure adressées par Orange pour des manquements déontologiques concerne des numéros collectés par Colt, même si cette dernière note que de telles mises en demeure n’aboutissent pas nécessairement à des impayés63.

Toutefois, comme évoqué au point 3.2.2, l’Autorité considère que, s’il est pertinent  de prendre en compte les coûts liés aux moyens de lutte contre la fraude et aux impayés, il n’est pas justifié de répartir sur l’ensemble des éditeurs, au moyen d’un taux de commissionnement plus élevé, le coût de la fraude.

Il ressort de ce qui précède que l’augmentation du taux de commissionnement le plus élevé appliqué par Orange peut être raisonnable, compte tenu notamment de la création de tarifs de détails plus élevés que ceux existants aujourd’hui. En revanche, il convient de s’assurer que cette hausse demeure proportionnée au regard notamment de la contribution d’Orange à la fourniture des services à valeur ajoutée et des coûts qu’il supporte.

En premier lieu, l’Autorité estime qu’un taux de commissionnement de 30 % apparaît, de manière générale, excessif au regard de la contribution essentielle des éditeurs à la création de valeur des services à valeur ajoutée (cf. supra point 3.2.1).

A titre de comparaison, ce niveau de commissionnement correspond à celui généralement perçu par les principaux magasins d’applications vis-à-vis des éditeurs 64 . Or, comme l’Autorité l’a souligné supra (cf. point 3.2.1), le rôle de l’opérateur de départ dans la chaîne  de valeur apparaît généralement moindre que celui joué par ces magasins d’application.

En second lieu, le taux de 30% est applicable à certains tarifs qui peuvent constituer des tarifs de substitution pour le tarif actuel des numéros en 0899 (1.35€ + 0.34 c€ / min). Pour apprécier le caractère raisonnable de ce taux, l’Autorité doit donc s’assurer en particulier qu’il ne fait pas obstacle au maintien de leur équilibre économique par les éditeurs concernés.

A cet égard, Orange soutient que l’application d’un taux de 30% pour les hauts paliers est raisonnable dès lors que ce taux permet le maintien des niveaux de reversements pour l’opérateur d’arrivée et ses clients éditeurs.

L’Autorité note qu’Orange modélise un maintien des reversements pour un service accessible par un numéro en 0899 sous réserve que son éditeur migre vers un tarif de 2.70 € / appel65 ou 3 € / appel. Or il convient de souligner que le tarif de 2.70 € / appel n’est pas, à ce jour, un tarif de détail prévu par l’offre d’Orange, et il ne ressort pas des éléments produits par les parties que l’ouverture de ce tarif soit prévue à ce stade. Dès lors, l’analyse de l’équilibre économique d’un éditeur sur la tranche 0899 ne peut se fonder sur l’hypothèse d’un tarif de substitution de 2.70 € / appel.

Par ailleurs, Colt critique le fait que la modélisation proposée par Orange associe un seul tarif de substitution aux tranches de numéros 081 et 0899, considérant que : « ce sont les caractéristiques des appels (leur durée pour tous les paliers mixtes actuels [081 et 0899], et leur mix jour-nuit en ce qui concerne le tarif Azur[081]) qui vont déterminer le choix de l’éditeur quant au tarif de substitution (notamment pour arbitrer entre tarifs à la durée ou tarif à l’acte) »66.

L’Autorité considère qu’il n’est pas pertinent d’associer un seul tarif de substitution pour les tranches de numéros dont la tarification actuelle est mixte. En effet, la tarification mixte mêle une composante à l’appel et une composante à la durée, faisant apparaitre un seuil au-delà duquel un éditeur préfèrera migrer vers une tarification à la durée. Ainsi, les services pour lesquels les appels passés sont généralement courts auront tendance à migrer vers une tarification à l’acte. A l’inverse, les services pour lesquels la durée moyenne d’appel est longue opteront a priori pour une tarification à la durée. Les numéros commençant par 0899 étant actuellement associés à un tarif mixte (1,35 € / appel puis 34 c€ / min), l’Autorité estime qu’il est pertinent d’étudier les tarifs de substitution pour les services exploitant ces numéros en fonction de la durée moyenne des appels vers ces services.

À cet effet, Colt a précisé, en réponse au premier questionnaire des rapporteurs, la répartition des appels vers les 0899 en fonction de leur durée moyenne d’appel.

Sur la base de cette répartition de trafic, l’Autorité estime que les éditeurs clients de Colt exploitant des numéros commençant par 0899, pour maintenir un niveau tarifaire au moins équivalent à celui existant aujourd’hui, ont la possibilité de migrer vers les tarifs de 2 à 3€ / appel pour les services présentant une durée moyenne inférieure à 4 minutes et sur le tarif de 70 c€ / min pour les services présentant une durée moyenne supérieure à 4 minutes.

Or, l’Autorité constate que, avec l’application d’un taux de commissionnement de 30% et en dépit de l’importance de l’augmentation du tarif du service qui devrait être mise en œuvre par l’éditeur pour maintenir son équilibre économique, compte tenu de l’augmentation du taux de commissionnement, les conditions proposées par Orange ne permettent à l’opérateur d’arrivée et à l’éditeur de ne recueillir qu’une faible partie des revenus supplémentaires résultant de cette augmentation du tarif de détail. Tel serait le cas y compris dans l’hypothèse où l’éditeur déciderait de migrer vers le tarif de 3 €/ appel ou 80 c€/min, qui constituent les plafonds règlementaires fixés par la décision n° 2012-0856.

Dans ces conditions, l’application d’un taux de commissionnement de 30%, qui conduit à un partage de la valeur créée manifestement déséquilibré, n’est pas raisonnable pour les tarifs de 2 à 3€ / appel et de 70 à 80 c€ / min.

Compte tenu de l’ensemble des éléments évoqués (cf. supra point 3.2), il ressort de l’instruction que, pour ces mêmes tarifs de détail, l’application d’un taux de commissionnement de 25%, permettrait une répartition plus équilibrée de la valeur créée entre l’opérateur de départ, d’une part, et l’opérateur d’arrivée et ses éditeurs, d’autre part, pour une hausse plus limitée des tarifs de détail (qui n’apparaît pas excessive compte tenu notamment de la banalisation de la composante « C »).

Par ailleurs, l’Autorité a souligné qu’il était, de manière générale, justifié que la progression des taux suive l’augmentation des tarifs de détail. Ainsi, et compte tenu de ce qui précède, l’application d’un taux n’excédant pas 25% apparaît également raisonnable en ce qui  concerne les tarifs compris entre 0,99 € et 1,99 € par appel, et le tarif de 60 c€ / min.

Au regard de ce qui précède, l’Autorité estime que le taux de commissionnement de      30 % est déraisonnable pour les tarifs de 0,99 à 3€ / appel et de 60 à 80 c€ / min. En revanche, il apparaît équitable d’enjoindre à Orange d’appliquer, pour ces mêmes tarifs, un taux de commissionnement n’excédant pas 25%.

3.3.2. Appréciation du caractère raisonnable des autres taux de commissionnement de l’offre d’Orange

Orange soutient que les taux de commissionnement proposés permettent le maintien  du niveau des reversements vers l’opérateur d’arrivée et ses éditeurs. Elle s’appuie à cet égard sur une modélisation effectuée sur la base de tarifs de substitution pour les tarifs actuels. Ces tarifs correspondent selon Orange aux tarifs, parmi ceux de la liste définie par SVA+, « permettant un reversement au moins équivalent au reversement actuel récupéré par COLT et pour lequel le prix payé par l’appelant est le plus bas possible. »67.

En premier lieu, Colt critique la méthode d’Orange visant à associer un seul tarif de substitution à chaque tranche de numéro actuellement associées à une tarification mixte.

L’Autorité considère, tel que présenté supra (cf. point 3.3.1), que cet aspect doit  effectivement être pris en compte pour les tranches de numéros actuellement associées à une tarification mixte, tels que les numéros commençant par 0810 (7,8 c€ / appel puis 1,2 à 2,4 c€ / min). Pour ces numéros, il peut être pertinent de prendre en compte les tarifs de substitution des appels courts et des appels longs.

En deuxième lieu, Colt conteste également le niveau des tarifs de substitution retenus par Orange, qui sont « systématiquement supérieurs » au niveau des tarifs applicables préalablement à la réforme, sans prendre en compte « l’acceptabilité » de ces hausses pour le consommateur et soutient par ailleurs, que la modélisation de l’impact des taux d’Orange doit être faite sur la base de la composante « S » uniquement et non en globalisant les composantes communication et service.

Les tarifs de substitution retenus par Orange et Colt dans le cadre de leur modélisation sont  les suivants :

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À cet égard, l’Autorité rappelle qu’il est délicat d’anticiper les choix des éditeurs de services en ce qui concerne leurs futurs tarifs, mais constate que :

- les parties préconisent les mêmes tarifs de substitution pour les numéros 0820/0821 (tarif « Indigo 9 »), 0890 et 0897 ;

- Colt retient pour les numéros 0891 et 0892 des tarifs de substitution de 22 c€ / min et 34 c€ / min qui n’existent pas dans la liste des tarifs proposés par Orange et ne peuvent donc être pris en compte par l’Autorité ;

- Colt retient pour les numéros 0820/0821 (tarif « Indigo 12 »), 0825/0826 des tarifs de substitution légèrement inférieurs au tarif moyen actuellement facturé aux appelants, voire qui conduisent à une baisse significative du tarif facial pour les numéros 081.

Concernant ce dernier point, l’Autorité note tout d’abord que si un éditeur est libre de décider de baisser son tarif au moment de l’entrée en vigueur de la réforme (ou par la suite), il n’est  en revanche pas cohérent que, dans un tel cas, l’opérateur d’arrivée puisse exiger de l’opérateur de départ un maintien du niveau de reversement. Les hypothèses de Colt prévoyant une baisse du tarif de détail doivent donc être écartées.

Par ailleurs, l’Autorité constate qu’Orange :

- choisit pour les numéros 081 71 et 0891 le tarif de substitution de sa grille immédiatement supérieur au tarif de détail actuel ;

- ne retient pas de tarif de substitution qui correspondrait au plafond tarifaire de la catégorie de numéro correspondant.

En ce qui concerne le tarif de substitution de 15 c€ / min, 18 c€ / min et 40 c€ / min retenu respectivement pour les numéros 0820/0821 (tarif « Indigo 12 »), 0825/0826 et 0892, qui représente une augmentation faciale du tarif du service de l’ordre de 3 à 6 c€ / min, l’Autorité estime que l’impact de cette augmentation doit être mis en perspective avec l’économie moyenne pouvant être anticipée pour les appelants compte tenu de la banalisation de la composante « C » au départ des boucles locales fixes et mobiles (cf. point 3.2.2).

Au regard de ces éléments, l’Autorité estime que les tarifs de substitution retenus, à savoir 15 c€ / min, 18 c€ / min et 40 c€ / min, ne conduiront pas à une hausse excessive pour l’appelant par rapport au tarif actuel et ne constituent pas, de la part d’Orange, une hypothèse déraisonnable pour les numéros 0820/0821 (tarif « Indigo 12 »), 0825/0826 et 0892.

En troisième lieu, Orange fonde son analyse de l’impact des nouveaux taux de commissionnement sur la seule évolution des tarifs unitaires et effectue sa modélisation sur la base du volume d’appel global actuel. À l’inverse, Colt considère qu’étant donné la hausse de tarif modélisée par Orange, il est rationnel d’anticiper une baisse des volumes72.

Comme l’Autorité l’a indiqué supra (cf. partie 3.2.2.), à ce stade, aucun des éléments apportés par les parties ne sauraient justifier d’anticiper une évolution, à la hausse ou à la baisse, du trafic. Dans le cadre de la présente décision, l’appréciation de l’Autorité se fera donc sur la base d’une analyse à volume constant.

Au regard de ces éléments, et sans préjuger de la pertinence et de l’exhaustivité des hypothèses tarifaires retenues par Orange, l’Autorité estime que Colt ne démontre pas que les hypothèses retenues par Orange pour vérifier le maintien de l’équilibre économique des services exploitant des numéros 081, 082, 0890 à 0897 seraient infondées.

Dans ces conditions, l’Autorité estime que Colt ne démontre pas le caractère déraisonnable des taux de 15% et 20% proposés par Orange au regard de l’impact économique sur les services existants. A fortiori, ces taux n’apparaissent pas déraisonnables pour des services qui n’existent pas à ce jour.

De plus, l’Autorité relève que l’offre d’Orange, est parmi celle des principaux opérateurs de départ, la plus favorable pour les opérateurs d’arrivée et les éditeurs en ce qui concerne les tarifs inférieurs ou égaux à 40 c€ / min et 65 c€ / appel73.

En tout état de cause, la part de valeur conservée par Colt et ses clients éditeurs s’établira entre 80% et 85% pour les tarifs inférieurs ou égaux à 40 c€ / min et 65 c€ / min. Il ne ressort pas de l’analyse de l’Autorité qu’un tel partage de la valeur serait déséquilibré au regard des contributions des différents acteurs à la fourniture et à la commercialisation des services à valeur ajoutée

Au regard des éléments qui précèdent, l’Autorité estime que Colt ne démontre pas le caractère déraisonnable des taux de commissionnement de 15% et 20% proposés par Orange sur les tarifs inférieurs ou égaux à 40 c€ / min et à 65 c€ / appel.

En ce qui concerne les tarifs supérieurs ou égaux à 45 c€ / min et 79 c€ / appel pour lesquels l’offre d’Orange prévoit l’application d’un taux de 25 %, l’Autorité constate que Colt n’apporte aucun élément spécifique conduisant à démontrer que le taux de 25 % serait déraisonnable pour les tarifs de 45 et 50 c€ / min et de 79, 80 et 90 c€ / appel, qui ne sont identifiés par aucune des parties comme des tarifs de substitution possibles.

L’Autorité avait d’ailleurs indiqué dans sa recommandation de mars 2014 susvisée que les tarifs supérieurs à 45 c€ / min et à 20 c€ / appel, à l’exception des tarifs répondant aux besoins de tarifs de substitution les numéros commençant par 0897 et 0899 74 , pouvaient être considérés comme des offres nouvelles, pour lesquelles l’appréciation du caractère raisonnable des conditions proposées par l’opérateur de départ doit être plus souple.

Ainsi, l’Autorité estime que Colt ne démontre pas que le taux de 25 % est déraisonnable pour les tarifs de 45 à 50 c€ / min et 79 à 90 c€ / appel.

En conclusion, l’Autorité estime qu’il est équitable d’enjoindre à Orange de proposer à Colt une offre dont le taux de commissionnement maximal, applicable aux tarifs  compris entre 0,99 € et 3 € / appel et entre 60 et 80 c€ / min, n’excède pas 25%. En revanche, Colt ne démontre pas le caractère non raisonnable des taux de commissionnement applicables aux tarifs inférieurs à ceux-ci.

En outre, compte tenu de la nécessité de permettre à Colt d’engager rapidement les négociations contractuelles induites par la réforme avec ses clients éditeurs, il est raisonnable de prévoir qu’Orange devra proposer à Colt une offre modifiée au plus tard le 15 janvier 2015.

4. Sur le fond, s’agissant de la demande relative au départ d’appel applicable pour les numéros à tarification gratuite (demande B.3)

4.1. Contexte et cadre réglementaire

À compter de l’entrée en vigueur de la réforme SVA au 1er octobre 2015, les numéros spéciaux commençant par 0800 à 0805 ainsi que les numéros courts de la forme 30PQ et 31PQ qui, jusqu’à présent n’étaient accessibles gratuitement qu’au départ des accès téléphoniques fixes, le deviendront également au départ des accès téléphoniques mobiles.

Cette réforme favorise ainsi l’émergence d’une nouvelle configuration d’appels dans laquelle le coût de la communication n’est plus recouvré au détail, via une composante tarifaire de détail facturée par l’opérateur mobile de départ, mais au gros, via une prestation de départ d’appel SVA mobile 75 facturée par l’opérateur de départ à l’opérateur d’arrivée ou son éventuel opérateur de collecte.

Le présent différend porte sur la prestation de départ d’appel SVA mobile qui sera assurée à compter du 1er octobre 2015 par Orange pour le trafic au départ de son réseau mobile et à destination des numéros courts et spéciaux à tarification gratuite exploités par Colt. Colt « ne conteste évidemment pas la nécessité pour Orange de recouvrer les coûts que génèrent pour elle les appels à destination des numéros SVA à tarification gratuite »76, mais critique le niveau tarifaire de cette prestation, fixé à 3 c€ / min par Orange dans son offre.

Colt demande à l’Autorité d’enjoindre à Orange d’« appliquer, dans le cadre de sa nouvelle offre d’interconnexion SVA, un tarif pour la prestation de départ d’appel depuis sa boucle locale mobile à destination des numéros gratuits de 2 centimes d’euros par minute ».

L’article L. 34-8-2 du CPCE, issu de la loi n° 2008-3 du 3 janvier 2008 pour le développement de la concurrence au service des consommateurs, prévoit que « les opérateurs qui commercialisent un service téléphonique ouvert au public formulent une offre d'interconnexion visant à permettre à leurs clients d'appeler gratuitement certains numéros identifiés à cet effet au sein du plan national de numérotation. La prestation correspondante d'acheminement de ces appels à destination de l'opérateur exploitant du numéro est commercialisée à un tarif raisonnable dans les conditions prévues au I de l'article L. 34-8 du CPCE ».

En outre, l’article 2 de la décision n° 2007-0213 précitée prévoit que « tout opérateur contrôlant l’accès aux utilisateurs finals appelants fait droit aux demandes raisonnables des opérateurs visant à rendre les numéros accessibles par ces utilisateurs. L’opérateur fait droit à ces demandes dans des conditions objectives, transparentes et non discriminatoires ».

Pour ce qui concerne la tarification de la prestation de départ d’appel SVA au départ des réseaux fixes, l’Autorité a précisé, dans sa décision n° 2010-1351 que les tarifs de cette prestation doivent être raisonnables, au regard notamment de l’évolution du coût de production d’un opérateur générique efficace. L’ARCEP a en particulier estimé que n’apparaissait pas raisonnable, au cas d’espèce, une augmentation du taux de marge, entendu comme le ratio entre le tarif et les coûts d’un opérateur efficace, au-delà d’un facteur historiquement constaté de deux environ77.

Cette considération, couplée à l’extension au mobile du modèle tarifaire de détail applicable depuis les accès fixes pour le cas des appels à destination des numéros gratuits, telle que prévue par la décision n° 2012-0856, ont conduit l’Autorité à souligner en mars 2014 que le niveau tarifaire de la prestation du départ d’appel applicable pour les numéros à tarification gratuite est « susceptible d’apparaître comme déraisonnable s’il s’écarte de manière excessive de la valeur des coûts complets de départ d’appel d’un opérateur générique  efficace »78, en recommandant « que le tarif de départ d’appel SVA mobile n’excède pas le double de la valeur des coûts complets de départ d’appel mobile d’un opérateur générique efficace. »79.

4.2. Analyse

Colt soutient que le niveau tarifaire du départ d’appel SVA mobile pour les appels à destination  des  numéros   gratuits,  fixé  à   3  c€  /  min  par   Orange   dans  son  offre,      est « manifestement excessif et déraisonnable », car « Orange s’est automatiquement fondée […] sur le palier supérieur du coût complet de départ d’appel de l’opérateur générique efficace résultant des modèles de coûts de l’ARCEP, soit 1.5c€ / minute, et l’a multiplié par deux »80.

Colt, afin de justifier le niveau tarifaire de 2 c€ / min demandé, retient une estimation basse du coût complet d’un opérateur générique efficace, considérant, en outre, que les coûts réels supportés par Orange sont nettement inférieurs à ceux de l’opérateur générique efficace, étant donné la taille de son parc. Colt estime ainsi qu’il appartient à Orange de « justifier de ses coûts »81.

Orange estime pour sa part que son niveau tarifaire du départ d’appel mobile pour les appels à destination des numéros gratuits, fixé à 3 c€ / min, est conforme au cadre réglementaire et qu’il est « tout à fait pertinent que les coûts pris en référence pour les départs d’appel SVA d’Orange soient les coûts complets réseau des modèles d’Opérateur Générique développés par l’Autorité et non les propres coûts complets d’Orange »82. Il convient de rappeler qu’Orange est tenue de faire droit aux demandes d’interconnexion pour l’acheminement des appels à destination des numéros à tarification gratuite dans des conditions tarifaires raisonnables. L’Autorité avait pour cela jugé pertinent de recommander, sur la base d’une référence commune pour l’ensemble des opérateurs, « que le tarif de départ d’appel SVA mobile n’excède pas le double de la valeur des coûts complets de départ d’appel mobile d’un opérateur générique efficace », les coûts d’un opérateur générique efficace correspondant à une utilisation de la technologie dans des conditions jugées normales de déploiement, corrigés des effets d’échelle excessifs et d’éventuelles spécificités des opérateurs vendeurs.

Dans ce cadre, il résulte de l’instruction que le tarif de 3 c€/min proposé par Orange pour la prestation de départ d’appel à destination des numéros à tarification gratuite depuis sa boucle locale mobile ne s’écarte pas de manière excessive de la valeur des coûts complets d’un opérateur mobile générique efficace, selon le modèle technico-économique de coûts élaboré dans le cadre du 4ème cycle d'analyse des marchés de la terminaison d'appel vocal mobile83.

Au regard de ce qui précède, l’Autorité estime que Colt n’apporte aucun élément de nature à démontrer que, à ce jour, ce tarif serait excessif.

En conséquence, l’Autorité estime que la demande B.3 de Colt relative au départ  d’appel applicable pour les numéros à tarification gratuite n’est pas fondée.

Toutefois l’Autorité souligne que le caractère raisonnable de ce tarif devra également être apprécié dans la durée, au regard des conditions économiques prévalant sur les marchés de gros, et notamment l’évolution des coûts de production, ainsi que sur les marchés de détail.

5. Sur le fond, s’agissant de la demande relative au départ d’appel applicable pour les numéros à tarification banalisée (demande B.4)

5.1. Contexte et cadre réglementaire

Création des numéros à tarification banalisée

La catégorie des numéros à tarification banalisée a été créée par la décision n° 2012-0865 susvisée afin de répondre aux demandes de nombreux opérateurs et représentants des professionnels de la relation client, formulées à l’occasion de la consultation publique menée en 2011 concernant l’évolution du plan de numérotation relative aux numéros courts et aux numéros longs commençant par 0884. Ces acteurs ont en effet souligné que l’entrée en vigueur des dispositions introduites par la loi de modernisation de l’économie en août 2008, relatives à la non-surtaxation des appels vers les services d’assistance téléphoniques mis à disposition des consommateurs par les entreprises rendait nécessaire pour ces acteurs la création d’une catégorie de numéros dont la tarification serait identique à celle, non surtaxée, appliquée aux numéros 0985.

La décision n° 2012-0856 a ainsi créé cette nouvelle catégorie de numéros, dite à tarification banalisée, présentant la caractéristique de n’être ni gratuits, ni surtaxés. Les appels vers ces numéros sont « facturés à l’appelant à un tarif et selon des modalités de tarification identiques à celles prévues par l’offre souscrite par ce dernier auprès de son opérateur, pour les appels émis à destination des numéros fixes géographiques et non géographiques du territoire où se situe l’appelant ».

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L’Autorité, dans sa recommandation de mars 2014 indique « qu’après avoir créé cette catégorie de numéros à sa demande, il revient au secteur d’en définir le positionnement, par exemple au regard des besoins qu’il identifie comme non couverts et de la valeur supplémentaire attendue, et à cet effet de :

- recueillir les besoins des éditeurs auxquels ces numéros pourraient répondre ;

- élaborer des modalités techniques d’interconnexion applicables ;

- négocier des modalités de partage de la valeur incrémentale générée à travers la tarification des prestations d’interconnexion proposées par les opérateurs de départ pour ces numéros »86.

Encadrement de la prestation de départ d’appel

La prestation de départ d’appel est encadrée par la décision de l’Autorité n° 2007-0213, susvisée. En particulier, l’article 2 de cette décision prévoit qu’un opérateur de départ est tenu de « [faire] droit aux demandes raisonnables des opérateurs visant à rendre les numéros [spéciaux utilisés pour les SVA] accessibles par [l]es utilisateurs » finals appelants ces numéros.

L’encadrement de la prestation de départ d’appel se justifie en particulier par le caractère indispensable de cette prestation pour permettre l’interopérabilité entre, d’une part, les services de communications électroniques assurés par les opérateurs exploitants de numéros spéciaux et courts pour le compte des éditeurs de contenu et, d’autre part, le service téléphonique offert par les opérateurs de départ à leurs abonnés. Cet encadrement permet également de garantir les conditions d’une concurrence effective et loyale au bénéfice du consommateur dans le secteur des services à valeur ajoutée (comme indiqué dans les motifs de la décision précitée n° 2007-0213).

Comme l’a relevé l’Autorité de la Concurrence dans son avis n° 08-A-03 du 31 mars 2008 relatif au fonctionnement des services téléphoniques à valeur ajoutée, « chaque [opérateur de boucle locale (OBL)] est […] en position de monopole sur le marché du départ d’appel de son réseau à destination des SVA. »

Si la prestation de départ d’appel n’est pas soumise à une obligation tarifaire prévue par une analyse de marché, les obligations précitées prévues par la décision n° 2007-0213 emportent des conséquences sur la tarification de cette prestation, ainsi que l’ARCEP l’a relevé dans la décision n° 2010-1351 du 14 décembre 2010 se prononçant sur une demande de règlement de différend opposant les sociétés France Telecom et SFR notamment sur le tarif de départ d’appel de SFR.

L’Autorité a reconnu, dans cette décision, que « le caractère raisonnable ou non d’une demande d’accessibilité comprend sa contrepartie nécessaire : son volet tarifaire. En effet, les tarifs sont un élément indispensable de l’appréciation complète d’une offre de service. L’article 2 de la décision n° 2007-0213 prévoit donc bien que l’opérateur départ propose des tarifs raisonnables aux opérateurs souhaitant rendre accessibles leurs numéros ».

Ainsi, en application de l’article 2 de la décision n° 2007-0213 susvisée, et tel que l’Autorité l’a exposé dans la décision n°2014-0812-RDPI du 15 juillet 2014 se prononçant sur une demande de règlement de différend opposant les sociétés Orange SA et Free Mobile, l’opérateur de départ est tenu de pratiquer, pour sa prestation de départ d’appel, des tarifs raisonnables.

5.2. Analyse

5.2.1. Structure de la prestation d’accès à la boucle locale d’Orange

S’agissant du périmètre de la prestation proposée, Orange précise dans ses écritures que, au départ de son réseau fixe, « à compter du 1er octobre 2015, le prix de la prestation pour le trafic vers les numéros à tarification banalisée de 0,3 c€/min se décomposera selon 2 composantes :

- Une composante au volume (prix / minute)

- Une composante capacitaire (BPN facturé mensuellement). »87.

En ce qui concerne son réseau mobile, Orange précise que « à compter du 1er octobre 2015, le prix de la prestation pour le trafic vers les numéros à tarification banalisée sera de 1 c€/min, facturé au volume et inclura la prestation capacitaire BPN. »88.

Il ressort des écritures de Colt qu’elle ne conteste pas, en tant que telle, la facturation d’une composante capacitaire, mais souligne qu’elle paye déjà celle-ci sous forme de blocs primaires numériques (BPN) et qu’Orange ne saurait donc la lui facturer à nouveau dans le cadre d’un départ d’appel. Colt conteste en revanche, dans son principe, la facturation d’une composante au volume (à la durée ou à l’appel), qu’elle n’estime pas justifiée.

Comme l’Autorité l’a déjà précisé à plusieurs reprises (notamment dans sa décision de régulation  symétrique  n°  2007-0213  et  dans  sa  décision  de  régulation  asymétrique       n° 2011-0926 susvisées), les marchés de gros de l’interconnexion sont organisés selon deux modèles d’interconnexion, correspondant à la pratique du marché :

- pour les numéros fixes géographiques, fixes non géographiques et mobiles, l’opérateur de départ se charge d’acheminer la communication émise par l’appelant vers le réseau du destinataire, prenant à sa charge la terminaison d’appel ainsi que le coût et le dimensionnement des interconnexions (interconnexion « directe ») ;

- pour les numéros courts et spéciaux, l’éditeur appelé est le seul à avoir une vision claire de la typologie du trafic attendu et achète une qualité de service à l’opérateur d’arrivée. Ce dernier prend en charge le dimensionnement technique et financier de l’interconnexion par la commande de capacité à l’opérateur de départ (interconnexion « indirecte »).

Colt justifie89 ainsi l’intérêt du schéma d’interconnexion indirecte : « avec les SVA, [...] le trafic résulte de la promotion effectuée par l’éditeur », c’est pourquoi « il a été décidé que l’opérateur d’arrivée aurait la responsabilité de dimensionner les faisceau d’interconnexion, et donc de payer les BPN, ce qui permet en contrepartie, d’offrir aux éditeurs des engagements de qualité de service forts en terme de taux d’acheminement d’appels, critère parfois critique ».

Colt précise que la rémunération de cette garantie de qualité de service doit être « limité[e] au coût des BPN »90. L’Autorité note que Colt ne conteste pas le principe d’une facturation d’une telle prestation « capacitaire », qu’Orange prévoit de facturer de façon autonome pour le trafic en provenance de la boucle locale fixe d’Orange. Orange précise à cet égard « que la part  déjà facturée au BPN, calculée à partir du panier défini par l’Autorité dans sa décision n°2014-1102, sera décompté du montant facturé au volume »91.

L’Autorité estime que les numéros à tarification banalisée bénéficieront des avantages liés à l’interconnexion indirecte, permettant d’offrir aux éditeurs une qualité de service maîtrisée de bout en bout par l’appelé, grâce à un dimensionnement de l’interconnexion adapté, ce qui peut justifier la facturation d’une composante capacitaire à l’opérateur d’arrivée, dont le principe n’est pas remis en cause par Colt.

Dès lors, l’Autorité constate que la composante capacitaire est déjà facturée à Colt sous forme de BPN et n’est pas contestée en tant que telle par cet opérateur. Il convient d’examiner la demande de Colt, soit la suppression de la facturation de la composante au volume.

5.2.2. Appréciation du caractère raisonnable de la facturation d’une composante au volume

La décision n° 2012-0856 impose que les appels à destination des numéros courts et spéciaux à tarification banalisée soient « facturés à l’appelant à un tarif et selon des modalités de tarification identiques à celles prévues par l’offre souscrite par ce dernier auprès de son opérateur, pour les appels émis à destination des numéros fixes géographiques et non géographiques du territoire où se situe l’appelant ».

A cet égard, et comme l’Autorité l’a souligné dans la décision n° 2014-0812-RDPI précitée, si l’opérateur de départ recouvre a priori le coût de la communication à destination des numéros courts et spéciaux auprès de ses clients sur le marché de détail, il est alors injustifié qu’il le recouvre également via une prestation facturée sur le marché de gros auprès de l’opérateur d’arrivée.

Par conséquent, dès lors qu’Orange en tant qu’opérateur de départ recouvre le coût de la communication à destination des numéros courts et spéciaux à tarification banalisée sur le marché de détail, il n’apparait pas justifié qu’il recouvre également ce coût auprès de l’opérateur d’arrivée à travers une prestation que ce dernier est contraint d’acheter pour assurer l’accessibilité aux utilisateurs finals.

A cet égard, l’Autorité note que, lors de l’audience du 10 décembre 2014, Orange a précisé que la facturation de cette prestation ne vise pas à rémunérer l’acheminement des communications, déjà rémunérée sur le marché de détail.

Orange considère à l’inverse que la facturation d’une composante au volume dans son offre d’accès permet « un partage de valeur équitable entre l’opérateur de départ et l’opérateur d’arrivée »92.

A  cet  égard,  Orange  soutient  que  les  numéros  à  tarification  banalisée  faisant  partie des « numéros spéciaux et courts », ils « bénéficieront d’une signalétique spécifique, ce qui leur permettra d’être perçus par la collectivité comme de véritables numéros spéciaux, contrairement aux numéros fixes non géographique commençant par 09 ». Orange estime au contraire que les numéros commençant par 09 « véhiculent une image peu professionnelle »93.

Orange indique ainsi « anticiper » la valeur des numéros à tarification banalisée qui devrait être intermédiaire entre celle d’un numéro à tarification gratuite et celle d’un numéro géographique commençant par 09.

Colt considère que « L’attractivité des numéros banalisés par rapport aux numéros géographiques ou en 09 sera si ténue qu’aucun client éditeur de SVA ne migrera vers ces numéros, s’ils sont grevés du coût d’un départ d’appel »94.

En premier lieu, l’Autorité constate que le succès commercial de l’offre « Cristal »  par Orange Business Services, basée sur la fourniture de numéros fixes non géographiques commençant par 09 à des clients du marché entreprise, tend à prouver que ces numéros ne souffrent pas particulièrement d’un déficit d’image.

Ainsi, au regard des éléments apportés par les parties, l’existence d’un avantage substantiel en termes d’image associée à ces numéros apparaît incertain.

En second lieu, l’Autorité estime que même si un tel bénéfice en termes d’image pouvait être démontré, il résulterait davantage de l’action des éditeurs qui adopteraient la signalétique et en feraient la promotion, que d’une contribution de l’opérateur de départ.

Enfin, Orange évoque « l’équivalence des numéros à tarification banalisée et des numéros à tarification gratuite pour une partie des clients finals appelant» faisant référence au développement des offres de détail illimitées des opérateurs de départ. Or, l’Autorité rappelle que la commercialisation d’offres de détail illimitées à destination des numéros fixes 01-05 et 09 (et donc à destination des futurs numéros à tarification banalisée) relève de la liberté commerciale des opérateurs de départ.

Il résulte de tout ce qui précède qu’Orange ne démontre pas que la création de ces numéros entraînerait une valeur supplémentaire justifiant que l’opérateur de départ cherche à obtenir, au-delà de la rémunération obtenue sur le marché de détail auprès de l’utilisateur final appelant et de la capacité auprès de l’opérateur acheteur, une rémunération supplémentaire auprès de l’opérateur d’arrivée.

Au surplus, l’Autorité relève qu’ayant recours au schéma d’interconnexion indirecte, Orange sera affranchie du paiement de la terminaison d’appel fixe pour le trafic à destination des numéros à tarification banalisée, ce qui représente un avantage par rapport à la situation qui prévaut en ce qui concerne le trafic à destination des numéros fixes 01-05 et 09.

5.2.3. Conclusion

L’Autorité estime donc que la facturation par Orange d’une composante au volume pour le trafic vers les numéros à tarification banalisée, telle que présentée dans sa nouvelle offre d’interconnexion, n’est pas raisonnable au sens de l’article 2 de la décision n° 2007-0213.

L’Autorité précise toutefois qu’Orange peut être fondée à facturer à Colt une composante capacitaire afin de lui permettre de maîtriser le dimensionnement des interconnexions pour ces numéros, via une structure tarifaire et des tarifs ad hoc raisonnables. L’Autorité note à cet égard qu’en l’espèce, la facturation par Orange d’une telle composante capacitaire n’est pas contestée par Colt.

En conséquence, l’Autorité estime qu’il y a lieu de faire droit à la demande de Colt, en  ce qu’elle porte sur la suppression, dans l’offre applicable à compter du 1er octobre  2015, de toute facturation par Orange d’une composante au volume en contrepartie de l’acheminement des appels à destination des numéros banalisés.

En outre, compte tenu de la nécessité de permettre à Colt d’engager rapidement les négociations contractuelles induites par la réforme avec ses clients éditeurs, il est raisonnable de prévoir qu’Orange devra proposer à Colt une offre modifiée au plus tard le 15 janvier 2015.

Décide :

Article 1 : Le taux de commissionnement pouvant être appliqué par la société Orange, à compter du 1er octobre 2015, au titre de la prestation de commercialisation et de reversement fournie à la société Colt, ne peut excéder 25% pour les tarifs de détail supérieurs ou égaux à 99 c€ / appel et 60 c€ / min.

Article 2 : La société Orange ne peut appliquer, à compter du 1er octobre 2015, aucune facturation sur la base du volume d’appel en contrepartie de l’acheminement des appels à destination des numéros à tarification banalisée exploités par la société Colt.

Article 3 : Le surplus des demandes de la société Colt est rejeté.

Article 4 : La société Orange doit proposer à la société Colt, au plus tard le 15 janvier 2015, une offre conforme à la présente décision.

Article 5 : La directrice des affaires juridiques de l’Autorité est chargée de notifier la présente décision aux sociétés Colt et Orange. Elle sera rendue publique, sous réserve des secrets protégés par la loi.

 

Notes : 

1 Les numéros spéciaux vocaux définis dans le plan de numérotation sont les numéros à dix chiffres commençant par 080, 081, 082 et 089.

2 Les numéros courts définis dans le plan de numérotation sont de la forme 3BPQ, 10YT, 118 XYZ, 116 XYZ.

3 Le plan national de numérotation est défini par la décision n° 05-1085 modifiée de l’ARCEP.

4 Source : Observatoire annuel du marché des communications électroniques en France, ARCEP.

5 Décision n° 2012-0856 de l’ARCEP en date du 17 juillet 2012 modifiant l’organisation des tranches de numéros spéciaux commençant par 08 et des numéros courts prévue par la décision n° 05-1085 du 15 décembre 2005.

6 Préalablement  à  l’adoption  de  la  décision  n°  2012-0856  précitée,  les  catégories  « numéros  courts »  et

« numéros spéciaux » étaient regroupées et désignées en tant que « numéros SVA » dans le plan national de numérotation.

7 Cette catégorie concerne les tranches de numéros spéciaux 0800 à 0805, et les numéros courts de type 30PQ et 31PQ.

8 Mobile virtual network operator.

9 Vente en gros de l’accès au service téléphonique d’Orange. En pratique, un opérateur de VGAST est en charge de la partie commerciale des communications SVA, tandis qu’Orange est en charge de leur partie technique.

10 Saisine de Colt,  p. 10, §28.

11 Réponse d’Orange au second questionnaire des rapporteurs, p. 9, Q7.

12 Saisine de Colt, p. 18, §57.

13 CA Paris, 23 juin 2011, France Télécom c/ NC Numéricâble, RG n° 2010-23690.

14 CA Paris, 19 janvier 2012, France Telecom c/ Bouygues Telecom, RG n° 2010/24694.

15 Décision n° 2012-0856 de l’ARCEP en date du 17 juillet 2012 modifiant l’organisation des tranches de numéros spéciaux commençant par 08 et des numéros courts prévue par la décision n° 05-1085 du 15 décembre 2005.

16 Avant l’entrée en vigueur de la réforme SVA, les communications vers les numéros spéciaux et courts (hors prix du service) n’étaient généralement pas considérées par les opérateurs mobiles comme des communications décomptées des forfaits mobiles mais faisaient l’objet de facturations dites « hors forfait ». Orange indique dans ses écritures en défense (tableau p.28) facturer le « C actuel », à savoir l’ « airtime » à 0.32€HT/min, à savoir 0.384€TTC/min en moyenne.

17 Numéros pour lesquels le prix de la communication (« C ») est banalisé, c’est-à-dire identique au prix des appels vers les numéros fixes géographiques et non géographiques, et le prix du service (« S ») strictement supérieur à 0.

18 Les tarifs ouverts par les opérateurs de départ dans leurs offres applicables à compter du 1er octobre 2015 sont ainsi identiques. Ils ont été définis par l’association SVA + (http://www.svaplus.fr/actualites-et-travaux/l- association-sva-publie-la-grille-des-paliers-tarifaires-qu-8320103-1049.html). Il ressort des pièces du dossier que le « collège des éditeurs » de l’association SVA + a formulé auprès du « collège opérateur », le 25 juillet 2014, une demande visant à l’ajout de tarifs supplémentaires à cette grille. Toutefois, les pièces du dossier n’indiquent pas si cette demande a été satisfaite.

19 Actuellement, les numéros commençant par 081 et 0899, ont une tarification mixte, c’est-à-dire comportant à la fois une composante à l’appel et une composante à la durée ; les numéros commençant 082, 0890, 0891 et 0892 ont des tarifications à la durée différentes de la tarification « à la seconde dès la première seconde »

20 Tarifs appliqués au départ de la boucle locale fixe d’Orange, pour des appels sur le réseau téléphonique commuté. Pour les appels au départ d’autres boucles locales, il peut exister des différences tarifaires. L’hétérogénéité et la complexité des tarifs sont donc un obstacle à leur lisibilité pour le consommateur.

21 Conformément à l’article L. 36-6 du CPCE, cette décision a fait l’objet d’une homologation par le ministre en charge des communications électroniques (arrêté du 24 avril 2007 susvisé).

22 CA Paris, 24 février 2011, Mobius contre LRN, RG n° 2010/16143.

23 Saisine, Colt, pp 51 et 52, §234.

24 Saisine, Colt, p.54, § 244 et 245.

25 Mémoire en défense, Orange, p.36.

26 Mémoire en défense, Orange, p.38.

27 Outre les numéros dont ils sont eux-mêmes attributaires, les opérateurs d’arrivée peuvent exploiter des numéros attribués à un autre opérateur qui les met à sa disposition, ou pour lesquels l’éditeur affectataire a fait jouer son droit à la conservation du numéro, conformément à l’article L. 44 du CPCE.

28 Le marché des services aux éditeurs est un marché concurrentiel non régulé. Ainsi, les conditions de rémunération des opérateurs d’arrivée par les éditeurs sont négociées librement.

29 Décision n° 2007-0213 susvisée, p. 22.

30 Ibid.

31 À l’exception du tarif correspondant au tarif actuel de 56 c€ / appel pour les numéros commençant par 0897.

32 Recommandation de l’Autorité de mars 2014 susvisée, p. 10.

33 Voir notamment : saisine, Colt, p56, §256 et 257 ; réponse au premier questionnaire des rapporteurs, Q.13 et mémoire en défense, Orange, p. 26.

34 Mémoire en défense, Orange, p. 26.

35 Mémoire en réplique, Colt, p.39, §152.

36 Saisine, Colt, p.48 §210, 211 et mémoire en réplique, Colt, p.20, §92 et 93.

37 Mémoire en défense, Orange, p. 26.

38 Mémoire en défense ; Orange, p. 27.

39 Mémoire en duplique, Orange, pp. 38 et 39.

40 Mémoire en défense, Orange, p.36.

41 Mémoire en duplique, pp.19 et 20.

42 Orange souligne ainsi que « les éditeurs vont innover, enrichir et différentier leurs services et profiteront du large éventail de tarifs disponibles pour facturer leurs services aux tarifs les plus adaptés. Cela les conduira, le cas échéant, à distribuer leurs services actuels sur plusieurs numéros ayant des tarifs différents. Certains services verront ainsi leurs tarifs augmenter pour les appelants, d'autres baisser. En termes d'innovation, les éditeurs pourront exploiter la possibilité qui leur est donnée de faire évoluer la tarification de leurs services  sans avoir à modifier le numéro et, ainsi, tirer parti des éventuelles effets de saisonnalité ou influences événementielles modifiant le potentiel économique de ce service dans le temps […]ORANGE s'attend au développement de nouveaux services, en particulier à des services plus adaptés à des appelants mobiles, pour lesquels la facturation de l' « Airtime » à un tarif hors forfait relativement élevé par les opérateurs de départ avait jusqu'ici dissuadé les consommateurs d'appeler les SVA depuis leurs mobiles et, dès lors, découragé les éditeurs d'investir.», mémoire en duplique, p.19.

43 Répartition de trafic de 20% au départ des boucles locales mobiles et 80% au départ des boucles locales fixes tel qu’exposée dans la saisine de Colt. L’Autorité estime que la disparition de l’« airtime » devrait conduire à une augmentation de la part des appels au départ des boucles locales mobiles.

44 Sur la base des hypothèses d’Orange avancées dans son mémoire en défense, p.28 : « airtime » de 0.32 € HT / min, composante « C » banalisée de 1.6 c€ HT / min sur le fixe et 5.2 c€ HT / min sur le mobile. Colt relève dans son mémoire en saisine, p.22, §75 que, sur certaines offres d’Orange, l’« airtime » est facturé jusqu’à 0.60  € TTC / min.

45 Saisine, Colt, p.51 et suiv ; mémoire en réplique, Colt, p.51 et suiv.

46 Saisine, Colt, p.49, § 216.

47 Mémoire en duplique, Orange, p.42.

48 Réponse de Colt au deuxième questionnaire des rapporteurs, p.10, Q1.

49 La répartition des coûts de financement du Référentiel SVA mis en place par l’APNF a fait l’objet d’un accord entre les opérateurs de départ et d’arrivée, voir notamment saisine, Colt, pièce n°19.

50 Saisine Colt, p. 49, §217 à §219.

51 Réponse de Colt au second questionnaire des rapporteurs, p.6 Q1.

52 Observation complémentaires de Colt, p.13, §71.

53 Réponse de Colt au second questionnaire des rapporteurs, p. 7 et suiv. 54 Réponse d’Orange au premier questionnaire des rapporteurs, p.3 Q2. 55 Réponse d’Orange au premier questionnaire des rapporteurs, p.3 Q2.

56 Il appartient en effet aux opérateurs de départ de mettre en place des dispositifs leur permettant de détecter rapidement les trafics frauduleux, de procéder au blocage de ces numéros et de suspendre les reversements.

57 Voir à cet égard la recommandation publiée par l’ORECE le 7 mars 2013 : Article 28(2) USD Universal Service Directive: a harmonised BEREC cooperation process, et en particulier ses points 229 et 230.

58 Mémoire en réplique, Colt, page 51 §207.

59 Saisine, Colt, p.9, §27.

60 Réponse de Colt au premier questionnaire des rapporteurs, (Q2)

61 Réponse d’Orange au premier questionnaire des rapporteurs, p.4 (Q3).

62 Mémoire en réplique, Colt, p.48 § 190.

63 Réponse d’Orange au premier questionnaire des rapporteurs, p.4 (Q3) et observations complémentaires Colt, pp. 3 à 5, § 14 à 23.

64 Comme l’a relevé l’Autorité dans la décision n° 2014-0845-RDPI précitée (page 31).

65 Orange explique dans ses écritures la création du tarif de substitution à 2.7 € / appel : « S'agissant des hauts paliers, et considérant que l'augmentation des tarifs pour les appels de durée moyenne de COLT vers les numéros en 0899 engendrait une hausse trop importante si l'équilibre économique devait être totalement conservé, ORANGE a modélisé l'effet de la création d'un nouveau tarif ». Mémoire en défense, Orange, p.29.

66 Mémoire en réplique, Colt, p. 22, § 104.

67 Mémoire en défense, Orange, p. 27

68 Prix moyens calculés sur la base des durées moyennes et de la répartition fixe/mobile indiquées par Colt dans sa saisine, p.18 et p.53 et par Orange dans son mémoire en défense, p.28 et p. 30.

69 Mémoire en réplique, Colt, p. 28 et p. 30.

70 Mémoire en défense, Orange, p. 28 et p. 30.

71 Au surplus, en ce qui concerne les numéros de la forme 081, l’Autorité a indiqué qu’il pouvait être pertinent de distinguer les services en fonction de leur durée moyenne d’appel (courte ou longue). En ce qui concerne les services pour lesquels la durée moyenne d’appel est longue, l’Autorité estime que les éditeurs concernés devraient également être en mesure de préserver leur équilibre économique en choisissant le tarif de 6 c€ / min.

72 Mémoire en réplique, Colt, page 41 §162.

73 En particulier : Mémoire en défense, Orange, p. 45.

74 C’est-à-dire, au cas d’espèce, les tarifs de 0,60 € pour les 0897 et ceux compris entre 2,50 et 3,00 € / appel pour le 0899 que les parties identifient comme des tarifs de substitution pour des services existants.

75 Cette configuration d’appel n’était utilisée jusqu’à présent que dans de rares cas de numéros gratuits à la fois depuis le fixe et le mobile – tranche 08088 – pour lesquels tant le nombre de numéros ouverts que le trafic généré est extrêmement limité.

76 Saisine, Colt, p 58, § 265.

77 Il est notamment indiqué dans cette décision que « L’Autorité estime […] raisonnable, équitable et proportionné […] d’enjoindre à SFR de fixer ses tarifs de façon à refléter les gains d’efficacité réalisés au cours du temps. Cela peut se rechercher au travers de la stabilité du taux de marge, dont la valeur de référence au 1er janvier 2007 était x1,98 (note de bas de page : Revenu de 1,088 centime d’euro HT la minute pour SFR pour un coût de référence d’un opérateur efficace de 0,55 centime d’euro HT la minute) »

78 Recommandation précitée p. 14.

79 Recommandation précitée p. 27.

80 Saisine, Colt page 61, §288

81 Réponse de Colt au premier questionnaire des rapporteurs, Q16.

82 Réponse d’Orange au premier questionnaire des rapporteurs, Q12.

83 Voir en dernier lieu le modèle technico-économique des coûts de terminaison d’appel d’un opérateur mobile générique efficace actif respectivement sur les zones métropole, Antilles-Guyane et Réunion-Mayotte, dont la version publique est disponible sur le site de l’ARCEP : http://www.arcep.fr/uploads/tx_gspublication/Modele- couts-TAmobile-sept2014.zip

84 Consultation publique au sujet de l’évolution du plan de numérotation relative aux numéros courts et aux numéros longs commençant par 08 (29 Juillet 2011 - 30 septembre 2011)

85 Voir notamment la décision n° 2012-0865 précitée, p.15.

86 Recommandation précitée, p.15.

87 Réponse d’Orange au premier questionnaire des rapporteurs, Q15.

88 Réponse d’Orange au premier questionnaire des rapporteurs, Q16.

89 Réponse de Colt au premier questionnaire des rapporteurs, Q19.

90 Réponse de Colt au premier questionnaire des rapporteurs, Q20.

91 Mémoire en défense, Orange, p.51.

92 Réponse d’Orange au premier questionnaire des rapporteurs, Q19, p. 20.

93 Orange s’appuie à cet égard sur la contribution de Keyyo à une consultation publique de l’Autorité, citée par Colt dans sa saisine, p.65, § 312.