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Décisions

CA Montpellier, 1re ch. D, 4 novembre 2014, n° 13/02915

MONTPELLIER

Arrêt

Infirmation

PARTIES

Demandeur :

CABANAS DE PUYMISSON (SCI), EL SINGABY (SCI)

Défendeur :

CIRCUS (SARL), AMETO (SCI)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. MALLET

Conseiller :

Mme VIER

Avocats :

SELARL JURIPOLE, Me Philippe CALAFELL, SCP ROZE - SALLELES - PUECH - GERIGNY - DELL'OVA - BERTRAND, SCP MALAVIALLE - GADEL - CAPSIE

TGI Montpellier, du 7 mars 2013

7 mars 2013

En vertu d'un bail commercial en date du 30 septembre 2005, à effet du 1er octobre 2005 pour une durée de 9 années, la liant à la SCI Ameto, propriétaire des lots de copropriété n° 19 (devenu 145 et 146) et n° 5 dépendant d'un ensemble immobilier situé à l'angle de la [...], la SARL Circus exploite un fonds de commerce de débit de boisson, snack-grill, restaurant, au [...].

Les locaux donnés à bail comprennent principalement, outre le lot n° 5 situé au sous-sol, le lot n° 145, à savoir :

Au rez-de-chaussée, un local commercial d'une surface de 176,42 m² et une terrasse donnant sur la cour intérieure d'une surface de 47 m² environ.

M. Patrice Mauries, propriétaire d'un appartement situé dans l'immeuble voisin ([...]) mais dont les fenêtres donnent sur la cour intérieure où la SARL Circus exploite la terrasse précitée, se plaignant de nuisances sonores liées à cette activité commerciale, a obtenu, par ordonnance de référé du 18 juillet 2007, l'instauration d'une mesure d'expertise acoustique confiée en définitive à M. Soues.

Par ordonnance de référé du 25 septembre 2008, l'ordonnance du 18 juillet 2007 a été déclarée commune et opposable à M. Kurt Mariager et Mme Martine Barbusse épouse Mariager (les époux Mariager), à M. Otto Wessel Selis et Mme Lynda Richards épouse Selis (les époux Selis), à M. Rudolph Wallenberger et à M. Talaat El Singaby, copropriétaires se plaignant également de nuisances sonores lors de l'utilisation de la terrasse par l'exploitant du fonds de commerce ainsi que l'installation par celui-ci d'une toile jugée inesthétique.

Suivant exploits des 1er et 2 juin 2010, les époux Mariager, les époux Selis, M. Rudolph Wallenberger M. Patrice Mauries, M. Talaat El Singaby, la SCI Cabanas de Puymisson et la SCI El Singaby ont fait assigner la SCI Ameto et la SARL Circus devant le tribunal de grande instance de Montpellier.

Dans l'intervalle, l'expert judiciaire, M. Pierre Soues, a établi un rapport définitif en date du 7 mars 2011.

Aux termes de leurs ultimes conclusions devant cette juridiction, agissant sous des constitutions différentes, les parties demanderesses sollicitaient en substance :

* d'une part, pour les époux Mariager, les époux Selis, M. Rudolph Wallenberger et M. Patrice Mauries, la résolution du bail liant la SCI Ameto et la SARL Circus, l'expulsion de cette dernière et la condamnation de la bailleresse à faire cesser l'exploitation de tout commerce dans la cour commune, outre la condamnation des deux sociétés à leur verser des dommages et intérêts en réparation de la dévalorisation de leur bien et de leur préjudice moral ;

* d'autre part, pour M. Talaat El Singaby, la SCI Cabanas de Puymisson et la SCI El Singaby, l'interdiction pour la SCI Ameto d'exploiter ou de faire exploiter la terrasse litigieuse, et ce sous astreinte, ainsi que l'indemnisation par les deux sociétés requises du préjudice matériel et moral subi par M. Talaat El Singaby.

Par jugement contradictoire du 7 mars 2013, le tribunal de grande instance de Montpellier a :

déclaré recevables les demandes formulées par les époux Selis et par M. Talaat El Singaby ;

déclaré recevable l'action des copropriétaires demandeurs ;

débouté l'ensemble des demandeurs de leurs prétentions ;

débouté la SARL Circus de sa demande de dommages et intérêts pour procédure abusive ;

condamné in solidum les époux Mariager, les époux Selis, M. Rudolph Wallenberger, M. Patrice Mauries, M. Talaat El Singaby, la SCI Cabanas de Puymisson et la SCI El Singaby aux dépens avec application de l'article 699 du code de procédure civile ;

condamné in solidum les mêmes à rembourser à la SCI Ameto et à la SARL Circus leurs frais irrépétibles à hauteur de la somme de 5 000 € chacune ;

dit n'y avoir lieu à exécution provisoire.

Les 15 et 17 avril 2013, M. Patrice Mauries d'une part [procédure RG n° 13/02915 ], M. Talaat El Singaby, la SCI Cabanas de Puymisson et la SCI El Singaby d'autre part [procédure RG n° 13/03011], ont respectivement relevé appel de ce jugement.

Le 10 janvier 2014, les deux procédures RG n° 13/02915 et n° 13/03011 ont été jointes pour être suivies sous le seul numéro RG 13/02915 .

Vu les dernières conclusions déposées :

* le 18 juin 2014 par M. Patrice Mauries et les époux Selis ;

* le 25 juin 2013 par M. Talaat El Singaby, la SCI Cabanas de Puymisson et la SCI El Singaby ;

* le 20 janvier 2014 par la SCI Ameto ;

* le 12 février 2014 par la SARL Circus.

L'ordonnance de clôture a été rendue le 27 août 2014.

' M. Patrice Mauries et les époux Selis concluent, en substance, au visa de l'article 544 du code civil et du règlement de copropriété, à l'homologation du rapport de l'expert judiciaire Soues, demandant à la cour de :

au principal, tenant l'activité de la SARL Circus qui génère des nuisances anormales :

' ordonner l'interdiction d'exploiter la terrasse, propriété de la SCI Ameto, couverte, non couverte, pour n'importe quel commerce, au-delà de 20 heures tous les jours de l'année et faire interdiction à la locataire d'exploiter dans la cour le commerce, jusqu'à 20 heures (sic) ;

à défaut, sur l'action oblique, tenant l'absence de précaution prise par la locataire pendant près de 8 ans pour tenter de résorber les désordres, tenant les travaux d'aménagement effectués par la société bailleresse qui ont eu pour conséquence d'aggraver les nuisances par l'implantation d'un chapiteau, construction atypique sans aucun permis de construire, ainsi que les infractions aux règlements sanitaires départementaux et sur le bruit :

' prononcer la résiliation du bail liant la SCI Ameto et la SARL Circus, ordonner l'expulsion de cette dernière, sous astreinte ;

' dire que l'exploitation d'un commerce musical est de nature à incommoder les habitants de l'immeuble et en conséquence, ordonner l'interdiction de l'exploitation de tels commerces dans l'immeuble ;

à titre subsidiaire, concernant la cour privative de 47 m², dire et juger qu'en infraction avec le bail et le règlement de copropriété, il a été exploité dans les locaux de la SCI Ameto et notamment sur la terrasse non couverte qui ne lui appartient pas, une activité générant des nuisances pour les occupants de l'immeuble [...] ;

ordonner l'interdiction définitive d'exploiter la terrasse de 47 m² appartenant à la SCI Ameto pour n'importe quel commerce ;

constatant les carences de la bailleresse qui n'a pas sanctionné l'occupante des lieux par une telle interdiction ou pris les mesures pour faire cesser les nuisances, et de la locataire, prononcer le bail et ordonner l'expulsion de la 'requise' ainsi que de tout occupant de son chef ;

débouter les requises de leurs demandes, fins et conclusions ;

sur la construction du chapiteau, ordonner sa suppression, sous astreinte, selon les modalités définies au dispositif des conclusions ;

sur les préjudices, homologuer le rapport de l'expert Verdier et condamner in solidum la SCI Ameto et la SARL Circus à leur payer :

* au titre de la dépréciation correspondant à 20% de la valeur de leur bien, les sommes suivantes :

- aux époux Selis, 104 000 €

- à M. Patrice Mauries, 30 000 €

* au titre de leur préjudice moral, à chacun : 15 000 €

* au titre de leur préjudice de jouissance, la somme de 1 000 € par mois et par requérant, de 2005 à 2012, pour les époux Selis et jusqu'à la fin des troubles pour M. Patrice Mauries, soit :

- aux époux Selis : 96 000 €

- à M. Patrice Mauries : 120 000 €

* sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, la somme de 7 000 € ainsi qu'aux entiers dépens qui comprendront les frais d'expertise ;

dire que la décision de fermeture de la terrasse sera publiée aux bureaux des hypothèques de Montpellier.

' M. Talaat El Singaby, la SCI Cabanas de Puymisson et la SCI El Singaby demandent à la cour, sous les mêmes visas et celui de l'article R. 1334-33 du code de la santé publique, à la réformation du jugement déféré, demandant à la cour de :

dire et juger que la SCI Ameto ne pourra exploiter ou faire exploiter par un tiers la terrasse du lot 'n° 19' à usage commercial et qu'en cas d'infraction, elle sera tenue d'une astreinte de 4 000 € par jour, outre les frais de constat ;

condamner solidairement la SCI Ameto et la SARL Circus à payer à M. Talaat El Singaby la somme de 90 000 € correspondant à son préjudice arrêté au 31 août 2012, à parfaire, outre 15 000 € au titre de son préjudice moral ;

condamner les mêmes à payer à M. Talaat El Singaby la somme de 5 000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile et celle de 1 000 €, chacune, à la SCI Cabanas de Puymisson et à la SCI El Singaby, ainsi qu'aux entiers dépens avec distraction au profit de l'avocat postulant par application de l'article 699 du même code.

' La SCI Ameto demande à la cour de confirmer le jugement entrepris en toutes ses dispositions et y ajoutant, de condamner in solidum M. Patrice Mauries, M. Talaat El Singaby, la SCI Cabanas de Puymisson et la SCI El Singaby à lui payer la somme de 2 000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens avec application de l'article 699 du même code.

' La SARL Circus demande à la cour, au visa des articles 1166, 1147 et 1184 du code civil , 276 et 283 du code de procédure civile, de confirmer intégralement le jugement dont appel et de débouter les appelants de leurs demandes, et y ajoutant, de condamner in solidum M. Patrice Mauries, M. Talaat El Singaby, la SCI Cabanas de Puymisson et la SCI El Singaby à lui payer la somme de 5 000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens avec application de l'article 699 du même code.

' Les époux Mariager et M. Rudolph Wallenberger, n'ont pas constitué avocat.

SUR CE :

Sur la procédure :

Il sera statué par arrêt de défaut conformément aux dispositions de l'article 474 du code de procédure civile.

Il sera, par ailleurs, précisé que, contrairement à ce qu'ils laissent entendre par leurs conclusions remises le 18 juin 2014 en commun avec M. Patrice Mauries, les époux Selis n'ont personnellement jamais interjeté appel principal du jugement du 7 mars 2013, tel que cela ressort des deux déclarations d'appel en date des 15 et 17 avril 2013, mais ont été seulement intimés sur l'appel formé par M. Talaat El Singaby, la SCI Cabanas de Puymisson et la SCI El Singaby tandis qu'ils n'ont formé, par voie de conclusions, qu'un appel incident à l'encontre du même jugement.

Sur l'exploitation litigieuse de la terrasse :

À l'examen du règlement de copropriété et de l'état descriptif de division de la copropriété '[...]', en date du 6 août 1992 [pièce 2 de la SCI Ameto] -et non du 3 septembre 1992, comme mentionné par erreur dans le jugement-, le lot n° 19 est décrit ainsi qu'il suit [page 29] :

Au rez-de-chaussée, un local commercial d'une surface de 296 m², avec terrasse d'une surface de 47 m² environ...

Aux termes de l'acte authentique de propriété de la SCI Ameto en date du 22 avril 1999 [pièce 1 de la SCI Ameto], cette société est propriétaire de ce lot n° 19 qui a été subdivisé en deux lots de copropriété n° 145 (au rez-de-chaussée, local commercial pour 176,42 m² et la terrasse) et n° 146 ainsi que du lot n° 5 (au sous-sol, un local à créer et à aménager).

Il est tout aussi constant que selon le bail commercial liant la SCI Ameto et la SARL Circus [pièce 3 de la SCI Ameto], le lot n° 145 donné à bail comprend, outre le local commercial de 176,42 m², 'une terrasse donnant sur la cour intérieure d'une surface de 47 m² environ' [§ 'désignation' du bail], pour y exercer les activités de 'débit de boissons, snack-grill, restaurant' [§ 'destination'] avec parmi les obligations du preneur, celle de se conformer 'à toutes les stipulations du règlement de copropriété dont il reconnaît avoir reçu copie' [§ 'conditions générales du preneur'].

Dès lors, contrairement à ce que concluent M. Patrice Mauries ainsi que les époux Selis, il ne peut être sérieusement discuté que la terrasse de 47 m² donnant sur la cour intérieure de la copropriété, partie commune, est une partie privative, propriété de la SCI Ameto, au sens des actes précités.

Seule l'exploitation de cette terrasse par la SARL Circus est litigieuse en ce qu'elle serait la source de nuisances sonores incommodant les copropriétaires -appelants principaux ou incidents- et partant, la cause de troubles anormaux de voisinage.

Le règlement de copropriété prévoit, concernant les 'conditions de jouissance des parties privatives' [pages 5 et 6 du règlement], que :

* au titre des 'principes' :

Chacun des copropriétaires aura le droit de jouir comme bon lui semble des parties privatives comprises dans son lot, à la condition de ne pas nuire aux droits des autres copropriétaires et de ne rien faire qui puisse compromette la solidité, la sécurité ou la tranquillité de l'immeuble, ni de porter atteinte à sa destination.

* au titre de l''occupation' :

Les appartements ne pourront être occupés que bourgeoisement à l'exception des locaux situés au rez-de-chaussée, qui pourront être occupés commercialement, pourvu que le commerce exploité dans les lieux ne constitue pas un établissement dangereux ou insalubre ou de nature à incommoder par le bruit ou les odeurs les personnes habitant l'immeuble.

* au titre des 'bruits' :

Les copropriétaires et occupants devront veiller à ce que la tranquillité de l'immeuble ne soit à aucun moment troublée par leur fait, celui des membres de leur famille, de leurs invités ou des personnes à leur service.

En conséquence, ils ne pourront faire ou laisser faire aucun bruit anormal, aucun travail, de quelque genre que ce soit, qui serait de nature à nuire à la solidité de l'immeuble ou à gêner leurs voisins par le bruit, l'odeur, les vibrations ou autrement.

Tous bruits ou tapages nocturnes, de quelque nature qu'ils soient, alors même qu'ils auraient lieu à l'intérieur des appartements, troublant la tranquillité des habitants, sont formellement interdits. (... ).

Ainsi, les dispositions précitées du règlement de copropriété, qui fait loi entre les parties, s'inscrivent parfaitement dans la lettre et l'esprit des articles 8 et 9 de la loi n° 65-557 du 10 juillet 1965, notamment de ce dernier article qui prévoit que chaque copropriétaire use et jouit librement des parties privatives et des parties communes sous la condition de ne porter atteinte ni aux droits des autres copropriétaires, ni à la destination de l'immeuble.

Il s'en évince que la cour doit rechercher en quoi les nuisances alléguées existent du fait des conditions d'exploitation de la terrasse et sont ainsi susceptibles de caractériser un trouble anormal de voisinage, en ce qu'elle porterait atteinte aux droits des autres copropriétaires ou à la destination de l'immeuble.

De fait, l'activité exploitée par la SARL Circus n'est aucunement contraire au règlement de copropriété qui prévoit la possibilité d'exploiter un commerce dans les locaux du rez-de-chaussée, à la condition toutefois que celle-ci ne soit pas de nature à incommoder, notamment par le bruit, les personnes habitant l'immeuble, autrement dit les autres copropriétaires ou les personnes occupant l'immeuble du chef de ces copropriétaires.

Les copropriétaires, parties en cause d'appel, se prévalent des conclusions de l'expert judiciaire, M. Pierre Soues, pour démontrer l'existence des nuisances sonores alléguées par eux depuis l'exploitation par la SARL Circus de la terrasse, à savoir depuis l'année 2006.

Il n'est pas sans intérêt de relever que les assignations introductives d'instance ont été délivrées au fond en juin 2010 alors même que l'expert judiciaire n'avait pas encore établi ses conclusions, encore moins déposé son rapport en date du 7 mars 2011.

Aux termes de son rapport définitif, l'expert judiciaire Soues conclut notamment :

* que l'exploitation de la terrasse implantée dans la cour intérieure des immeubles environnants et ayant son entrée [...] provoque une gêne sonore importante pour les appartements dont les ouvertures donnent sur ladite cour ;

* que l'exploitation se fait tous les jours jusqu'à 1 heure du matin environ et 2 heures en période estivale, l'établissement étant toutefois fermé pour congés annuels du 15 juin à début août (selon la SARL Circus, du 21 juin au 21 août, en 2010) ;

* que les nuisances sonores sont importantes, aux termes des mesures effectuées à trois reprises, les émergences calculées étant très nettement supérieures à celles admises et ce pour tous les plaignants ; que la 'gêne' est toutefois variable en fonction de la situation des appartements et des locaux concernés mais toujours importante ;

* que le bruit provient de la clientèle qui discute, rit, s'interpelle dans un espace entouré de parois réverbérantes ; que la musique et l'activité à l'intérieur des locaux de la SARL Circus ne sont pas source de gêne ;

* que les travaux qui permettraient de continuer à exploiter cette terrasse sans gêne pour le voisinage ne sont pas définis ; qu'il ne voit pas de solution technique qui permette l'exploitation de cette terrasse en terrasse 'fumeurs' ;

* que la SARL Circus a eu un an pour présenter une éventuelle solution mais n'a présenté qu'une esquisse de projet sans avis d'un acousticien ;

* qu'en conséquence, il conviendrait de s'orienter vers une modification d'exploitation du site, en accord avec le règlement de copropriété et en obtenant des riverains l'acceptation d'une certaine gêne résiduelle consécutive à toute activité.

L'expert judiciaire a ainsi relevé, après des mesures prises les 7 juin 2008, 2 et 15 octobre 2009, des valeurs d'émergences (différence entre les niveaux des bruits ambiants et des bruits résiduels) constatées dans les différents appartements [page 8 du rapport], soit :

pour les mesures du mois d'octobre 2009, des émergences conséquentes et homogènes, de 30,5 à 24 décibels A [dB (A)] fenêtres ouvertes et de 28 à 21,5 dB (A) fenêtres fermées ;

pour les mesures de juin 2008 dans l'appartement de M. Patrice Mauries -seul requérant lors de la première ordonnance aux fins d'expertise- des émergences moindres, entre 17 et 13 dB (A), car déterminées à partir d'un niveau résiduel élevé du fait d'une activité, ce jour-là, dans un autre appartement.

Or, l'article R. 1334-33 du code de la santé publique , créé par le décret n° 2006-1099 du 31 août 2006, définit l'émergence globale comme étant la différence entre le niveau de bruit ambiant comportant le bruit particulier en cause et le niveau de bruit résiduel constitué par l'ensemble des bruits habituels du site, sans le bruit particulier.

Ce même article dispose, ainsi, que les valeurs limites de l'émergence doivent, pour constituer une potentialité de gêne sonore, dépasser 5 dB (A) en période diurne -soit de 7h à 22h- et 3 dB (A) en période nocturne -soit de 22h à 7h-, valeurs auxquelles s'ajoute un correctif en dB (A) en fonction de la durée cumulée d'apparition du bruit particulier.

Au cas d'espèce, ce correctif est de 1 dB (A), eu égard à cette durée d'apparition qui est de 5 heures ou en période estivale, de 6 heures -soit de 20h à 1h ou 2h du matin-, portant la valeur limite de l'émergence acceptable à 6 dB (A) en période diurne et à 4 dB (A) en période nocturne.

D'évidence, les émergences les plus faibles constatées par l'expert judiciaire (entre 21,5 et 30,5 en octobre 2009, entre 13 et 17 dB (A) en juin 2008) sont très nettement supérieures aux valeurs limites déterminées par l'article R. 1334-33 précité.

La SCI Ameto et la SARL Circus critiquent fortement les conclusions de l'expert judiciaire et plus particulièrement les conditions dans lesquelles il a été amené à procéder aux mesures litigieuses, dénonçant 'la réticence manifeste de l'expert à effectuer des mesures objectives' [conclusions de la SARL Circus, page 5], d'une manière générale, la faiblesse des mesures concernant les bruits résiduels au regard notamment :

d'une étude acoustique établie le 2 octobre 2006 à la requête de la SARL Circus par le bureau d'études et d'expertises acoustiques Acoustique A.E.I. [pièce 26 de la SARL Circus] ;

d'un état des lieux acoustique établi le 23 mai 2011 par le bureau d'études Acoustique SERIAL [pièce 9 de la SCI Ameto] ;

d'un procès-verbal de constat établi le 17 mars 2012 [pièce 8 de la SCI Ameto ou pièce 41 de la SARL Circus].

La cour observe toutefois que les critiques ainsi émises par la SARL Circus à l'encontre des opérations d'expertise ne sont argumentées dans ses conclusions, soit 12 pages sur 27, que par la reproduction in extenso des dires adressés par son conseil à l'expert judiciaire le 29 janvier 2010, puis le 16 février 2011 en réponse au pré-rapport en date du 14 janvier 2011 [pages 6 à 17 des conclusions].

Pour autant, ni la SARL Circus, ni la SCI Ameto ne sollicitent aux termes de leurs écritures respectives un complément d'expertise, voire une contre-expertise.

Or, la cour constate que l'expert judiciaire a expressément et précisément répondu aux dires des parties et donc à leurs critiques, dans son rapport définitif [pages 12 à 18 de ce rapport]. Ainsi, après avoir effectué des correctifs nécessaires à la propriété de la terrasse, à la fermeture annuelle de l'établissement, il s'évince des réponses apportées par cet expert :

* qu'il n'avait fait que décrire les lieux, à savoir dépourvus de couverture lors de sa première intervention, en juin 2008 et pourvus d'une couverture textile type 'chapiteau' lors de ses interventions suivantes, en octobre 2009 ;

* qu'il n'avait fait que rapporter jusqu'alors un résumé des dires et donc des propos tenus par M. Patrice Mauries, concernant l'activité exploitée antérieurement dans les locaux de la SARL Circus et cela sans que les affirmations de ce copropriétaire n'aient donné lieu à des contestations de la part de son conseil ;

* que par définition, il n'avait pu vérifier l'impact acoustique de l'exploitation par le précédent titulaire du bail, lequel exploitait le restaurant Le 6 Bis mais qu'en général, cet impact 'est inférieur à celui provoqué par une clientèle de bar, par ailleurs plus dense que celle d'un restaurant' ;

* qu'en l'état des émergences très importantes par rapport à celles admises, constatées en juin 2008 dans l'appartement de M. Patrice Mauries, il était superfétatoire d'effectuer tout un échantillonnage de mesures à d'autres jours de la semaine ou à d'autres périodes de l'année, ou lors de conditions atmosphériques différentes mais que ces mesures ont bien sûr été étendues aux appartements des autres copropriétaires, suite à l'ordonnance commune du 25 septembre 2008 ; que les deux autres séries effectuées (octobre 2009) ont confirmé le très large dépassement des émergences admises ;

* que les investigations complémentaires sollicitées par les conseils de la bailleresse et de la locataire, notamment de cette dernière, n'auraient été justifiées que si les émergences constatées avaient dépassé celles admises de peu ou de très peu ;

* que si, aux environs du site étudié, plusieurs établissements sont exploités, la plupart ne donnent pas sur la cour intérieure concernée ;

* que les mesures effectuées, notamment chez M. Patrice Mauries, montrent bien que le niveau sonore s'affaisse dès que la terrasse de l'établissement n'est plus occupée ;

* que le niveau résiduel a été mesuré à l'intérieur des locaux (appartements des copropriétaires), fenêtres ouvertes ou fenêtres fermées alors que celui de 50 dB (A) établi le 2 octobre 2006 par le bureau d'études et d'expertises acoustiques Acoustique A.E.I. l'a été, dans la cour, au sol, et qu'entre ce point de mesure au sol ou à 1,4m du niveau de celui-ci, et une mesure à l'intérieur du local, fenêtre ouverte, il faut compter 5 à 8 dB (A) d'atténuation du fait de la distance entre les points de mesure et du fait de l'effet

'fenêtre' qui atténue la transmission, même si la fenêtre est ouverte ;

* qu'en ce qui concerne le portail d'accès à la cour intérieure par la [...], à chacune de ses interventions pour la prise de mesures, l'expert judiciaire a constaté que ce portail était fermé, quand bien même la copropriété en avait autorisé l'ouverture pendant la période d'exploitation de la terrasse et qu'ainsi, les mesures ont été faites dans les conditions normales d'exploitation choisies par la SARL Circus elle-même ;

* que, faute pour l'expert judiciaire d'être un bureau d'études, ni un architecte, il avait été convenu avec la SARL Circus que celle-ci solliciterait tel ou tel maître d'oeuvre pour étudier une solution adaptée, ajoutant d'une part qu'il avait exprimé son scepticisme quant à l'efficacité d'une solution proposée sans changement de mode d'exploitation de la terrasse ;

* que le conseil de la SARL Circus (Me Roze) avait d'ailleurs fait état des démarches administratives effectuées par la SARL Circus, notamment en coordination avec la mairie de Montpellier et l'architecte de cette dernière, le conservatoire régional des monuments historiques et la DRAC ; que les solutions proposées, pour les études menées au bout, ne précisaient pas la nature des matériaux prévus, voire avaient une implantation pour partie en dehors de l'emprise de la terrasse, et ne paraissent pas de nature à supprimer sensiblement la gêne provoquée par l'exploitation de cette terrasse ;

* que les mesures prises dans l'appartement de M. Allagheband qui n'est pas partie en la cause, ne l'ont été qu'à titre tout à fait indicatif ;

* qu'enfin, si le 2 octobre 2009, les mesures dans l'appartement de M. Patrice Mauries n'ont été réalisées que fenêtres ouvertes, cela a été dû à la nécessité de faire cette mesure en priorité, étant proche ce jour-là de la fin de la période d'exploitation de la terrasse et que des mesures avaient été prises le 7 juin 2008, fenêtres ouvertes et fenêtres fermées.

La cour relève par ailleurs, alors même que l'expert judiciaire a pris en compte l'étude acoustique du 2 octobre 2006, antérieure à sa désignation, et répondu aux critiques argumentées par la production de cette pièce, que nonobstant l'instauration d'une mesure d'expertise judiciaire, les conclusions de l'expert judiciaire ne sauraient être utilement remises en cause :

par l'étude acoustique effectuée le 23 mai 2011 par le bureau d'études Acoustique SERIAL qui ne peut être comparée aux mesures de l'expertise judiciaire, faute d'avoir été réalisée dans les appartements des copropriétaires concernés, faisant état de mesures effectuées entre 18h et 01h du matin tout en retenant un correctif de +2 dB (A) pour une durée cumulée d'apparition du bruit entre seulement 2 et 4 heures portant les émergences admissibles à 7 et 5 dB (A) respectivement pour les périodes diurnes et nocturnes et concluant à un niveau sonore global, terrasse fermée au public, allant de 54,5 dB (A) pour les 10 minutes les plus bruyantes à 40,5 dB (A) pour les 10 minutes les plus calmes, soit un niveau moyen pour la période de 18h à 01h de 47,5 dB (A) ;

ni par le procès-verbal de constat établi le 17 mars 2012 qui se limite à prendre, l'huissier instrumentaire s'étant déplacé de jour à 22 heures, des mesures du volume sonore à l'extérieur de l'établissement exploité par la SARL Circus, sans précision exacte quant au positionnement des capteurs, sinon une distance d'environ 15 mètres, voire à prendre le volume émis par les autres établissements exploités dans les environs.

Ces seuls études et procès-verbaux, aux données partielles et non comparables aux relevés de l'expertise judiciaire, établis non contradictoirement, ne sauraient suffire à remettre en cause les conclusions de cette expertise, comme l'ont fait les premiers juges de manière péremptoire, en affirmant que le niveau du bruit résiduel avait été, qui plus est systématiquement, sous-estimé par l'expert judiciaire, laquelle sous-estimation de l'ordre de 12 dB (A), ramenait les valeurs d'émergences de 9,5 à 16 dB (A), fenêtres fermées et de 12 à 18,5 dB (A) fenêtres ouvertes.

Même à suivre les premiers juges dans ce raisonnement erroné et au demeurant non étayé par des éléments suffisamment probants, force est de constater que ces derniers chiffres ainsi corrigés demeuraient, en toute hypothèse, supérieures aux valeurs limites de l'émergence acceptable au cas d'espèce, respectivement de 6 dB (A) pour la période diurne et de 4 dB (A) pour la période nocturne, comme rappelé auparavant.

Dès lors, le rapport d'expertise, réalisé au contradictoire des parties, procédant à une analyse objective des données de fait de la cause, à une étude complète et détaillée des questions posées dans sa mission, et retenant des conclusions sérieusement motivées doit servir, sur le plan des données chiffrées, de support à la décision relativement au litige opposant les parties qui au demeurant ne sollicitent aucune contre-expertise.

La cour constate, ainsi, que par l'importance des valeurs d'émergences constatées par l'expert judiciaire, les nuisances sonores dénoncées par les copropriétaires et provenant exclusivement de la terrasse exploitée par la SARL Circus, caractérisent non seulement une atteinte à leurs droits, en ce que le commerce exploité par cet établissement est de nature à incommoder par le bruit les personnes habitant l'immeuble, en méconnaissance des clauses du règlement de copropriété et de l'article 9 de la loi n° 65-557 du 10 juillet 1965, mais également un trouble excédant les inconvénients normaux de voisinage.

Sur la possibilité de faire cesser les nuisances sonores :

D'évidence, il s'évince du rapport d'expertise judiciaire qu'à ce jour, dans l'hypothèse de la poursuite de l'exploitation de la terrasse litigieuse, aucune solution ne paraît pouvoir être mise en oeuvre de manière efficace pour ramener les valeurs d'émergences jusque là constatées dans les limites réglementaires.

D'ailleurs, en dépit de certaines velléités en ce sens, la SARL Circus n'a justifié d'aucune étude technique sérieuse susceptible de justifier des recherches de solutions efficaces, les toiles installées par cette locataire n'ayant eu aucun effet probant sur le niveau sonore perçu par les copropriétaires durant l'exploitation de la terrasse.

La SARL Circus ne s'explique pas plus sur les suites données aux nécessaires discussions engagées avec la mairie de Montpellier, le conservateur régional des monuments historiques pour la réalisation d'une étude permettant l'implémentation d'une structure dans la cour de l'immeuble, encore moins sur l'utilisation effective de la subvention de 10 764 € allouée par la conservation régionale précitée accordée le 31 mai 2010 à cette société pour une mission de conception-réalisation d'une installation alternative du chapiteau dans la cour de l'Hôtel de Magny à Montpellier (cour où se trouve implantée la terrasse litigieuse) ainsi qu'avec la DRAC [pièces 18, 19, 20 et 21 de la SARL Circus].

Sur la suppression du 'chapiteau' :

M. Patrice Mauries et les époux Selis sollicitent que soit ordonnée la suppression sous astreinte de la construction du chapiteau en ce qu'elle est atypique, qu'elle a aggravé les troubles subis par eux, qu'elle est réalisée sans permis de construire et sans respect du règlement de copropriété par la locataire et la bailleresse.

Toutefois, s'il ressort de certains courriers émanant de la mairie de Montpellier que l'édification de ce 'chapiteau' serait litigieuse pour avoir donné lieu à une saisine du procureur de la République à cet effet, après établissement d'un procès-verbal dressé le 23 septembre 2008 à l'encontre de la 'propriétaire de cette construction' [courrier du 4 juin 2010 de la mairie adressé à Me Calafell], il est évident qu'à ce jour, la cour demeure dans l'ignorance des suites données à cette plainte, tout comme des suites des discussions engagées avec la mairie, la conservation régionale des monuments historiques et la DRAC.

Par ailleurs, il n'est aucunement établi que cette construction soit contraire au règlement de copropriété qui prévoit que le propriétaire du lot n° 19 (désormais n° 145) est autorisé à couvrir le terrasse avec une tente ou une structure légère.

Les éléments de la cause ne permettent pas d'affirmer que cette construction ne serait pas démontable.

Dès lors, la suppression de ce 'chapiteau' ne pourra être ordonnée qu'en fonction du caractère anormal du trouble occasionné par sa présence au-dessus de la terrasse incriminée.

En l'espèce, en dehors d'invoquer le caractère atypique de cette dernière, M. Patrice Mauries, encore plus les époux Selis qui ne sont plus copropriétaires depuis novembre 2010 dans la copropriété concernée, ne démontrent pas le caractère anormal du trouble invoqué, ni ne justifient en quoi la structure litigieuse serait en contradiction formelle avec le règlement de copropriété.

Cette demande sera en voie de rejet et le jugement complété en ce sens, faute d'avoir statué sur ce chef de demande.

Sur les réparations sollicitées :

' Au titre de la perte de valeur des biens.

Sur le fondement de la théorie des troubles anormaux de voisinage, il ne saurait être apporté à l'utilisation et à la jouissance des parties privatives aucune restriction excédant celles stipulées au règlement de copropriété.

Dès lors, la cour ne saurait faire droit aux prétentions de M. Patrice Mauries et des époux Selis tendant d'une part, à voir ordonner l'interdiction d'exploiter la terrasse et ce pour n'importe quel commerce, sauf à excéder les restrictions imposées par le règlement de copropriété qui ne prévoit d'interdiction qu'en cas de nuisances de nature à incommoder les autres copropriétaires imputables à un commerce précis.

De même, il n'y a pas lieu de prononcer la résiliation du bail liant la SCI Ameto et la SARL Circus, qui plus est sur le fondement de l'action oblique, ni M. Patrice Mauries ni les époux Selis n'étant parties à ce contrat, encore moins créanciers de ces deux sociétés au sens de l'article 1166 du code civil, la sanction d'une telle action étant l'inopposabilité du bail, à supposer qu'il ait été passé en fraude de leurs droits, et en aucune façon, la résiliation, comme justement rappelé par les premiers juges.

Dans ces conditions, la cour prononcera, selon les modalités définies au dispositif, l'interdiction pour la SCI Ameto d'exploiter ou de faire exploiter par un tiers, ou pour la SARL Circus d'exploiter la terrasse de 47 m² environ composant pour partie le lot n° 145, provenant de la subdivision du lot n° 19 de l'état descriptif de division de la copropriété [...].

S'agissant du préjudice allégué par les copropriétaires, toujours en cause d'appel, à raison de la perte de valeur de leurs biens, la cour ne peut que constater :

* que les époux Selis ont revendu leur bien en cours d'instance, pour un montant de 520 000 €, dont il ressort qu'ils n'ont subi aucun préjudice à l'occasion de cette revente, à raison principalement de l'âge de M. Selis et non pas en raison de l'exploitation de la terrasse [pièce 24 de la SCI Ameto] ;

* que pour les autres copropriétaires revendiquant une perte de valeur, à savoir M. Patrice Mauries et M. Talaat El Singaby, il est certain que le préjudice allégué n'est qu'hypothétique, aucun de ces copropriétaires ne faisant état d'un projet de vente de leur bien ni d'une éventuelle vente qui aurait échoué pour le motif lié aux nuisances sonores imputables à l'exploitation de la terrasse.

Dès lors, les demandes d'indemnisation du préjudice économique de ces copropriétaires seront en voie de rejet.

' Au titre du préjudice 'esthétique' subi par M. Patrice Mauries et les époux Selis en raison de la 'présence de la toile'.

La demande aux fins de démontage du 'chapiteau' à raison du trouble anormal de voisinage occasionné par cette construction ayant été rejetée, celle en réparation d'un préjudice subi du fait de la présence de cette dernière sera tout autant en voie de rejet.

' Au titre du préjudice de jouissance subis par M. Patrice Mauries et les époux Selis.

Il est constant que sur le principe, ces parties sont fondées à réclamer réparation de leur préjudice de jouissance à raison des troubles occasionnés par les nuisances sonores dont ils ont été victimes du fait de l'exploitation de la terrasse litigieuse par la SARL Circus.

Toutefois, il convient de relever que par jugement rendu le 24 avril 2012, le tribunal administratif de Montpellier a condamné l'Etat à indemniser M. Patrice Mauries à hauteur de 3 000 €, les époux Selis à hauteur de 2 000 € et M. Talaat El Singaby à hauteur de 3 000 €, outre les époux Mariager pour 6 000 €, en réparation du préjudice subi par eux en raison des nuisances sonores subies du fait de l'exploitation de la terrasse, telles que constatées par le rapport de M. Pierre Soues, motif pris que 'la poursuite de ces nuisances a été permise par la carence du préfet à exercer les pouvoirs de police spéciale qu'il tient de l'article L. 3332-15 du code de la santé publique qui lui permettaient de prononcer, le cas échéant limitée à la terrasse en cause, la fermeture de l'établissement pour une durée n'excédant pas deux mois'.

La requête en annulation de ce jugement déposée par la SARL Circus a été rejetée, cette partie étant irrecevable à former appel, par arrêt de la cour administrative d'appel de Marseille en date du 4 juillet 2013.

Dans ce contexte, le préjudice allégué repose sur un fondement différent, dès lors que la faute du préfet ainsi sanctionnée vise les manquements de ce représentant de l'Etat à n'avoir pas exercé ses pouvoirs de police spéciale et ordonné la fermeture de l'établissement pour une durée maximale de 2 mois.

La cour dispose des éléments suffisants pour réparer le préjudice subi par M. Patrice Mauries à hauteur de la somme de 1 500 €, tandis que les époux Selis pour avoir cédé leur appartement en novembre 2010, seront indemnisés à hauteur de la somme de 1 000 €.

' Au titre du préjudice moral subi par M. Talaat El Singaby.

M. Talaat El Singaby réclame réparation de son préjudice dès lors qu'il 'a pu être mis en évidence le harcèlement dont il fait l'objet, les coups qu'a pu recevoir son fils, les violences dont il a été victime'.

Cette demande sera en voie de rejet, en l'absence de lien démontré entre le trouble anormal de voisinage pour lequel la SCI Ameto et la SARL Circus voient leur responsabilité engagée et le préjudice allégué, soit qu'il concerne d'autres faits pour lesquels la cour n'est pas saisie, soit qu'il vise une autre personne qui n'est pas partie en la cause.

Sur les demandes accessoires :

Il n'y a pas lieu d'ordonner la publication de la 'décision de fermeture de la terrasse' au bureau des hypothèques de Montpellier.

L'équité commande d'allouer à M. Patrice Mauries et aux époux Selis, tous pris ensemble, la somme de 3 000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

Les demandes respectives de M. Talaat El Singaby, de la SCI Cabanas de Puymisson et de la SCI El Singaby sur le même fondement sera rejetée.

La SCI Ameto et la SARL Circus seront tenues in solidum au paiement des entiers dépens, y compris les frais d'expertise judiciaire.

PAR CES MOTIFS :

La cour, statuant publiquement, par arrêt rendu par défaut,

Infirme le jugement déféré dans toutes ses dispositions,

Statuant à nouveau, complétant le jugement et y ajoutant;

Constate que la terrasse de 47 m² environ faisant partie du lot n° 145, issu de la subdivision du lot n° 19 de copropriété, est une partie privative, propriété de la SCI Ameto ;

Vu le rapport d'expertise judiciaire établi le 7 mars 2011 par M. Pierre Soues ayant constaté des valeurs d'émergences excédant très largement les valeurs limites acceptables en application de l'article R. 1334-33 du code de la santé publique ;

Constate que les nuisances sonores résultant de l'exploitation de cette terrasse par la SARL Circus, titulaire d'un bail commercial destiné à l'activité de débit de boisson, snack-grill, restaurant, et consenti le 30 septembre 2005 par la SCI Ameto, portent atteinte aux droits des autres copropriétaires, au sens de l'article 9 de la loi n° 65-557 du 10 juillet 1965 et du règlement de copropriété du 6 août 1992 et caractérisent un trouble anormal de voisinage ;

En conséquence, ordonne l'interdiction pour la SCI Ameto d'exploiter ou de faire exploiter, dans le cadre d'une activité de débit de boisson, snack-grill, restaurant, par un tiers, ou pour la SARL Circus d'exploiter, dans ce même cadre, la terrasse de 47 m² environ composant pour partie le lot n° 145, provenant de la subdivision du lot n° 19 de l'état descriptif de division de la copropriété [...] et ce, dans le délai de 15 jours à compter de la signification du présent arrêt,

Dit que passé ce délai, la SCI Ameto et la SARL Circus seront in solidum tenues au paiement d'une astreinte de 3 000 € par infraction constatée, outre les frais du procès-verbal de constat ;

 

Déboute M. Patrice Mauries et les époux Selis de leurs demandes tendant à l'interdiction d'exploiter cette terrasse pour n'importe quel commerce et sur le fondement de l'action oblique ;

 

Les déboute également de leur demande en suppression de la construction d'un 'chapiteau' sur la surface de cette terrasse ;

 

Condamne in solidum la SCI Ameto et la SARL Circus à payer, en réparation de leur préjudice de jouissance, les sommes suivantes à titre de dommages-intérêts :

 

à M. Patrice Mauries : 1 500 €

aux époux Selis, pris ensemble : 1 000 €

Déboute M. Patrice Mauries, les époux Selis de leurs demandes en réparation d'une perte de valeur de leur bien et en indemnisation du fait de la 'présence d'une toile' ;

 

Déboute M. Talaat El Singaby de ses demandes en réparation d'une perte de valeur de son bien et de son préjudice moral,

 

Condamne in solidum la SCI Ameto et la SARL Circus à payer à M. Patrice Mauries et aux époux Selis, tous pris ensemble, sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, la somme de : 3 000 €

 

Déboute M. Talaat El Singaby, la SCI Cabanas de Puymisson et la SCI El Singaby de leurs demandes sur ce même fondement ;

 

Dit n'y avoir lieu à publication de la décision de fermeture de la terrasse au bureau des hypothèques de Montpellier ;

 

Condamne in solidum la SCI Ameto et la SARL Circus aux dépens de première instance et d'appel, avec recouvrement direct au profit de la SELARL Juripole, par application de l'article 699 du code de procédure civile.