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Décisions

ARCEP, 24 juillet 2014, n° 2014-0845-RDPI

ARCEP

se prononçant sur une demande de règlement de différend opposant la société 118 218 Le Numéro et les sociétés Free SAS et Free Mobile

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M Silicani

Membre :

Mme Denis, M Courtois

ARCEP n° 2014-0845-RDPI

23 juillet 2014

Vu la directive 2002/19/CE du Parlement européen et du Conseil en date du 7 mars 2002 relative à l’accès aux réseaux de communications électroniques et aux ressources associées, ainsi qu’à leur interconnexion, modifiée (directive « accès ») ;

Vu la directive 2002/21/CE du Parlement européen et du Conseil du 7 mars 2002 relative à un cadre réglementaire commun pour les réseaux et services de communications électroniques, modifiée (directive « cadre ») ;

Vu le code des postes et des communications électroniques (ci-après CPCE), notamment ses articles L. 36-8 et R. 11-1 ;

Vu la décision n° 05-1085 de l’Autorité de régulation des communications électroniques et des postes en date du 15 décembre 2005 fixant l'utilisation des catégories de numéros du plan national de numérotation, modifiée ;

Vu la décision n° 2007-0213 de l’Autorité de régulation des communications électroniques et des postes en date du 16 avril 2007 portant sur les obligations imposées aux opérateurs qui contrôlent l'accès à l'utilisateur final pour l'acheminement des communications à destination des services à valeur ajoutée ;

Vu l'arrêté du ministre en charge des communications électroniques en date du 24 avril 2007 homologuant la décision n° 2007-0213 de l'Autorité susvisée ;

Vu le règlement intérieur de l'Autorité de régulation des communications électroniques et des postes (ci-après l’Autorité) adopté par la décision n° 2014-0471 en date du 15 avril 2014

Vu la demande de règlement de différend, enregistrée à l’Autorité le 31 mars 2014, présentée par la société 118 218 Le Numéro SAS (ci-après « Le Numéro »), immatriculée au registre du commerce et des sociétés de Paris sous le numéro 478 343 080, dont le siège social se situe au 12 rue d’Amsterdam, 75009 Paris, représentée par son président. La société Le Numéro demande à l’Autorité de :

- « imposer à Free SAS et Free Mobile de fournir de manière dissociée, et avec un tarif spécifique », les prestations de publication des tarifs, de facturation, de recouvrement et de garantie de paiement des revenus factures pour le compte de Le Numéro ;

- « déterminer le taux de peines et soins raisonnables  maximum  que  Free SAS  et  Free Mobile sont autorisés à facturer à Le Numéro » et « dire que ce taux est applicable à compter du 1er janvier 2014 » ;

- « imposer à Free SAS et  Free  Mobile  de  conclure  une  convention  d'accès  avec  Le Numéro qui précisera le taux de peines et soins applicables conformément à la décision de l'ARCEP et qui devra distinguer les différentes prestations facturées ».

Sur la compétence et la recevabilité des demandes, Le Numéro soutient :

- que l’Autorité est compétente en application du I de l’article L. 36-8 du CPCE ;

- que l’échec des négociations est formalisé pour chacune des demandes, tant en ce qui concerne Free SAS que Free Mobile.

Sur le fond, s’agissant de sa demande visant à ce qu’il soit imposé à Free SAS et Free Mobile de dégrouper les différentes prestations facturées, Le Numéro indique que ces opérateurs lui fournissent normalement quatre prestations distinctes, mais qui sont rémunérées par l’application d’un taux global de « peines et soins » (ou taux de commissionnement) sur les sommes versées par les utilisateurs finals à Le Numéro. Le Numéro soutient notamment qu’il convient de lui permettre de ne pas acheter de manière groupée ces prestations, à l’instar de ce qui est indiqué dans les motifs de la décision n° 2007-0213 de l’Autorité. Le Numéro considère  qu’il  appartiendra  à  l’ARCEP  de  décider  si  le  dégroupage  demandé  doit  être «  total »  ou  si  certaines  des  prestations  sont  suffisamment  liées  pour  ne  justifier  qu’un « dégroupage partiel ».

S’agissant de la demande de fixation par l’ARCEP d’un taux de commissionnement raisonnable, Le  Numéro  indique  s’être  opposé  aux  taux  appliqués  par  Free  SAS  et  Free Mobile. Le Numéro précise avoir mandaté un cabinet d’expertise économique, Analysys Mason, qui a procédé à une modélisation des coûts supportés par un opérateur de services de renseignements téléphoniques générique efficace, et ceux d'un opérateur de départ générique efficace. Sur cette base, Analysys Mason a procédé à un calcul du taux de commissionnement raisonnable à partir de deux approches méthodologiques. La première approche méthodologique consiste à appliquer au cas d’espèce le taux de marge retenu par l’ARCEP dans sa décision n° 2010-1351 relative au différend entre France Télécom et SFR en ce qui concerne le tarif de la prestation de départ d’appel fournie par SFR et conduit à fixer un taux de commissionnement de 8,8%. La seconde approche méthodologique, qui s’appuie sur la décision du Conseil d’Etat du 19 juin 2009, conduit à fixer un taux de commissionnement de 9,2%.

Vu le courrier en date du 2 avril 2014, par lequel la directrice des affaires juridiques de l’Autorité a transmis aux parties le calendrier prévisionnel de dépôt des mémoires et a désigné les rapporteurs.

Vu le courrier en date du 9 avril 2014, adressé par les sociétés Free SAS et Free Mobile (ci-après « Free SAS » et « Free Mobile ») à la directrice des affaires juridiques de l’Autorité et enregistré à l’Autorité le 10 avril 2014, par lequel ces sociétés ont indiqué que le rapport du cabinet Analysys Mason, évoqué dans la saisine de la société

Le Numéro, n’avait pas été produit par celle-ci et ont estimé ne pas être en mesure de préparer leur défense de ce fait.

Vu le courrier en date du 10 avril 2014, adressé par la société Le Numéro à la directrice des affaires juridiques de l’Autorité et enregistré à l’Autorité le même jour, par lequel cette société produit ce rapport ;

Vu le courrier en date du 11 avril 2014 par lequel la directrice des affaires juridiques de l’Autorité a transmis ce rapport aux sociétés Free SAS et Free Mobile ;

Vu les observations en défense enregistrées à l’Autorité le 25 avril 2014, présentées par la société Free, société par actions simplifiée, immatriculée au registre du commerce et des sociétés de Paris sous le numéro 421 938 861, dont le siège social est situé 8, rue de la ville l’Evêque, 75008 Paris, et par la société Free Mobile, société par actions simplifiée, immatriculée au registre du commerce et des sociétés de Paris sous le numéro 499 247 138, dont le siège social est situé 16, rue de la ville l’Evêque, 75008 Paris, représentées par leur directeur de la réglementation.

Sur la compétence de l’Autorité, Free SAS et Free Mobile soutiennent que l’Autorité doit constater que les demandes de Le Numéro relèvent du champ d’application du 5° du II de l’article L. 36-8 du CPCE et non du I de cet article. Free SAS et Free Mobile indiquent notamment que l’Autorité a rappelé dans les motifs de la décision n° 2007-0213 que les fournisseurs de services de renseignements téléphoniques sont à la fois des opérateurs de communications électroniques et des éditeurs de contenu, et que les demandes de Le Numéro dans le présent règlement de différend portent sur les conditions de partage de la rémunération qui lui est due en qualité d’éditeur de contenu.

Free SAS et Free Mobile estiment que l’Autorité n’est pas compétente pour leur imposer d’assurer, en cas d’impayé, la prise en  charge  du  revenu  des  services  de  Le  Numéro.  Free SAS et Free Mobile soutiennent par ailleurs que la demande de Le Numéro visant à ce qu’il leur soit enjoint de conclure une convention d’accès avec Le Numéro, excède la compétence de l’ARCEP.

Sur la recevabilité, Free SAS et Free Mobile soutiennent que la demande de dégroupage de la prestation rendue par elle est nouvelle et est donc irrecevable pour défaut d’échec des négociations.

Sur le fond, Free SAS et Free Mobile soutiennent que la demande relative à la fixation du taux maximal de commissionnement qu’elles appliquent  doit  être  rejetée.  Free SAS  et  Free Mobile soutiennent en particulier que cette demande n’est pas raisonnable compte tenu du fait que la politique tarifaire de Le Numéro, qui a augmenté à plusieurs reprises son tarif de détail, induit des externalités négatives pour les opérateurs de départ, et notamment Free SAS et Free Mobile. Free SAS et Free Mobile indiquent en particulier que l’importance des montants moyens des appels vers le 118 218 conduit à des chocs de facturation chez les abonnés de Free SAS et Free Mobile, qui se traduisent par des appels plus nombreux vers le service clients de l’opérateur de départ et des résiliations plus nombreuses que pour les abonnés n’ayant pas appelé le 118 218.

Free SAS et Free Mobile estiment en outre que la rémunération qu’ils perçoivent (16,5% au départ de Free SAS et 30% au départ de Free Mobile) est raisonnable, voire insuffisante et indiquent que le taux de commissionnement applicable aux éditeurs de services à valeur ajoutée dépend de la politique tarifaire retenue par l’éditeur. Concernant le taux appliqué par Free Mobile (30%), l’opérateur de départ soutient que celui-ci reste significativement à l’avantage des éditeurs de services à valeur ajoutée et raisonnable en comparaison des taux de commissionnement appliqués par les acteurs du micro-paiement ou les opérateurs de boutique en ligne. Free soutient en outre que le taux de 30% est raisonnable, voire insuffisant car il ne lui permet pas de couvrir l’ensemble des coûts engendrés par le 118 218 et supportés par Free Mobile. Free SAS et Free Mobile ajoutent que, sur la base des hypothèses retenues par le cabinet Analysys Mason en ce qui concerne les coûts de Le Numéro, ce dernier réaliserait une marge représentant […]% de ses revenus. Free Mobile précise à cet égard qu’elle ne critique pas ces hypothèses d’Analysys Mason à ce stade mais se réserve la possibilité de le faire par la suite.

Free SAS et Free Mobile soutiennent par ailleurs que la demande de dégroupage de la prestation, outre qu’elle n’est pas recevable, n’est ni motivée ni justifiée.

Vu les observations en réplique, présentées par la société Le Numéro, enregistrées à l’Autorité le 13 mai 2014, par lesquelles elle maintient ses demandes.

En particulier, sur la compétence de l’Autorité, Le Numéro soutient qu’elle est fondée à saisir l’Autorité sur le fondement du I de l’article L. 36-8 du CPCE. Elle indique que, conformément à l’article L. 44 du CPCE et à la décision n° 05-0061 du 21 juillet 2005 de l’Autorité, la fourniture de renseignements téléphoniques est assimilée à une activité de communications électroniques, que la loi impose la qualité d’opérateur pour exploiter des numéros du format 118 XYZ et que Le Numéro est déclarée opérateur auprès de l’Autorité à ce titre.

Le Numéro estime en outre que, contrairement à ce que soutiennent Free SAS et Free Mobile, sa demande relative au « dégroupage » ne tend pas à ce qu’il soit enjoint à ces opérateurs de fournir une prestation de prise en charge des impayés puisqu’ils la fournissent déjà. Le Numéro estime par conséquent que le moyen tiré de l’incompétence de l’Autorité pour fournir cette prestation doit être écarté.

Le Numéro soutient par ailleurs qu’il n’a jamais demandé à l’Autorité « d’imposer à Free et Free Mobile de conclure une convention d’accès », mais que sa demande visait à ce qu’il soit enjoint à ces opérateurs de « proposer » une convention d’accès précisant le taux de commissionnement applicables conformément à la décision de l’Autorité dans le cadre du présent différend et distinguant les différentes prestations facturées.

Sur la recevabilité de sa demande visant à ce qu’il soit imposé à Free SAS et Free Mobile de dégrouper les différentes prestations facturées, Le Numéro soutient que cette demande n’est pas nouvelle et a déjà été formulée à plusieurs reprises, notamment dans ses courriers du 8 juillet 2013 et du 27 décembre 2013. Le Numéro soutient donc que cette demande est recevable.

Sur la  procédure,  Le  Numéro  soutient  que  l’analyse  développée  par  Free  SAS  et  Free Mobile dans leurs observations en défense repose sur des données non communiquées et parcellaires. Le Numéro estime donc n’être pas en mesure d’en discuter le bien fondé, de sorte que le principe du contradictoire n’est pas respecté. Par conséquent, Le Numéro  soutient que les données communiquées par Free SAS et Free Mobile ne sont pas de nature à justifier les taux de commissionnement qu’elles appliquent. Le Numéro estime qu’en l’absence des éléments permettant de discuter équitablement des arguments avancés par   Free SAS et Free Mobile, l’ensemble de leur argumentation sur la gestion des réclamations de ses abonnés et les résiliations doit être écartée.

Sur le fond, s’agissant de sa demande de dégroupage des prestations fournies, Le Numéro soutient que, conformément à la décision n° 2007-0213, l’opérateur qui demande à bénéficier de prestations de reversement a le droit de choisir les prestations qu’il achète auprès de l’opérateur de départ. Le Numéro ajoute que sa demande est raisonnable compte tenu du fait notamment que Free Mobile a réduit le périmètre de sa prestation de garantie des impayés et que Le Numéro ne peut être contraint d’acheter cette prestation.

Sur la demande relative à la fixation du taux de commissionnement, Le Numéro indique notamment que Free SAS et Free Mobile n’établissent pas l’imputabilité à l’utilisation des services de Le Numéro des réclamations et des résiliations de ses abonnés qu’elles allèguent. Le Numéro soutient en particulier que l’analyse de Free SAS et Free Mobile comporte des imprécisions méthodologiques et factuelles, et estime que les réclamations et les résiliations dont font état Free SAS et Free Mobile reposent sur de nombreux autres motifs que l’utilisation des services de Le Numéro. Le Numéro soutient que le modèle économique de Free Mobile, qui génère des réclamations et des résiliations, ne correspond pas au modèle d’un opérateur générique efficace qu’il convient de prendre en compte et sur lequel s’appuie le rapport d’Analysys Mason. Enfin, Le Numéro estime notamment que les comparaisons que Free SAS et Free Mobile effectuent avec d’autres sociétés, notamment les acteurs du micro- paiement ou les magasins d’application numériques ne sont pas pertinentes.

Vu les courriers en date du 19 mai 2014 par lequel la directrice des affaires juridiques de l’Autorité a transmis un questionnaire aux parties ;

Vu les deuxièmes observations en défense, présentées par les sociétés Free SAS et Free Mobile, et enregistrées à l’Autorité le 27 mai 2014, par lesquelles elles persistent dans leurs conclusions et moyens.

En particulier, sur la compétence de l’Autorité, Free SAS et Free Mobile maintiennent que la saisine de Le Numéro relève du 5° du II de l’article L. 36-8, II du CPCE. Elles soutiennent en particulier que le fait que l’Autorité se soit déclarée compétente pour connaître d’un différend similaire en 2006 n’est pas pertinent dès lors que ce n’est que depuis l’ordonnance du 26 août 2011 que l’Autorité peut trancher des différends entre opérateurs et fournisseurs de services de communication au public en ligne. Elles indiquent par ailleurs que l’exploitation d’un numéro 118 XYZ n’est pas suffisante pour qualifier les services fournis, compte tenu notamment du fait que la décision n° 05-0061 de l’Autorité n’imposerait pas que l’opérateur fournisse lui-même le service de renseignements téléphoniques et que Le Numéro fournit d’autres services que le seul service de renseignement téléphonique de base, qui peuvent être fournis par tout éditeur de service, tels que le service de mise en relation.

Free SAS et Free Mobile maintiennent par ailleurs que l’Autorité n’est pas compétente pour imposer à Free SAS et Free Mobile d’assurer en cas d’impayé, la prise en charge du revenu des services de Le Numéro et que cette dernière ne peut modifier sa demande initiale.

Sur la recevabilité, Free SAS et Free Mobile maintiennent que la demande de dégroupage est nouvelle et que le différend n’est pas constitué sur ce point.

Sur le fond, en ce qui concerne la demande de dégroupage des prestations,  Free SAS  et  Free Mobile maintiennent que celle-ci n’est ni légitime, ni raisonnable. Ces opérateurs indiquent notamment que les motifs de la décision n° 2007-0213 n’ont pas de portée obligatoire et que cette décision n’impose aucun schéma contractuel particulier et n’impose pas le dégroupage. Free SAS et Free Mobile estiment en outre que la demande de dégroupage de Le Numéro tend à montrer que cette dernière estime être en mesure de réaliser directement ou de confier la réalisation des prestations à des tiers et que dans ce contexte il n’est pas raisonnable d’imposer aux opérateurs de départ des obligations allant au-delà de la stricte ouverture des numéros.

Free SAS et Free Mobile maintiennent que la demande de Le Numéro relative à la fixation du taux de commissionnement n’est pas raisonnable.

Ces opérateurs soutiennent notamment que le marché des services à valeur ajoutée est un marché non régulé; et que, Le Numéro n’ayant pas établi le caractère déraisonnable des tarifs qu’ils appliquent, ils n’ont pas à répondre au modèle établi par Le Numéro ni à produire davantage d’éléments sur leurs propres coûts. Free SAS et Free Mobile considèrent notamment que l’Autorité ne serait compétente pour lui imposer des obligations tarifaires que dans le cas où Le Numéro démontrerait que les tarifs pratiqués par Free SAS et Free Mobile ne sont pas raisonnables au regard des objectifs de la régulation prévus à l’article L. 32-1 du CPCE, ce qui n’est pas le cas.

Free SAS et Free Mobile soutiennent par ailleurs que la demande de Le Numéro est déraisonnable et méconnaît le principe du contradictoire, en ce qu’elle repose sur des hypothèses injustifiées ou erronées.

Par ailleurs, Free SAS et Free Mobile estiment que le taux de commissionnement de 30% appliqué par Free Mobile ne suffit pas à couvrir ces coûts et que les arguments présentés par Le Numéro ne remettent pas en cause l’analyse différentielle qu’elles ont produite. Free SAS et Free Mobile soutiennent par ailleurs que Le Numéro n’établit pas que la rémunération perçue par Free Mobile est de nature à mettre en cause ses activités.

Vu les réponses au questionnaire de la société Le Numéro et des sociétés Free SAS et Free Mobile, enregistrées à l’Autorité le 5 juin 2014 ;

Vu les courriers en date du 6 juin 2014 par lequel la directrice des affaires juridiques de l’Autorité a transmis un second questionnaire aux parties ;

Vu les réponses au second questionnaire de  la  société  Le  Numéro  et  des  sociétés  Free SAS et Free Mobile, enregistrées à l’Autorité le 18 juin 2014 ;

Vu le courrier de la directrice des affaires juridiques en date du 23 juin 2014, par lequel la société Le Numéro et les sociétés Free SAS et Free Mobile ont été invitées à participer à une audience devant la formation de règlement des différends, de poursuite et d'instruction en date du 10 juillet 2014, et informées que la clôture d’instruction de la présente affaire était fixée dix jours avant l’audience ;

Vu les troisièmes observations de la société Le Numéro, enregistrées à l’Autorité le 26 juin 2004, par lesquelles elle maintient ses demandes.

En particulier, sur le fond, Le Numéro maintient sa demande de modification du taux de rémunération de Free SAS et Free Mobile. Elle soutient notamment que ces opérateurs sont soumis par la décision n° 2007-0213 à l’obligation de pratiquer des tarifs raisonnables et qu’elle a en outre démontré que les taux de peines et soins appliqués par Free SAS et Free Mobile ne sont pas raisonnables, par des méthodologies que les critiques de Free Mobile ne remettent pas en question.

Le Numéro estime en outre qu’en l’absence d’éléments produits par Free SAS et Free Mobile permettant d’appuyer leur argumentation, l’Autorité doit trancher le différend sur le seul fondement des données communiquées par Le Numéro.

Le Numéro soutient que le caractère raisonnable du tarif ne doit être établi que sur des coûts exclusivement imputables au service rendu, conformément au principe de causalité rappelé par le IV de l’article D. 312 du CPCE, qui est applicable y compris lorsque l’opérateur n’est soumis à aucune régulation tarifaire. Elle rappelle notamment les éléments qui la poussent à contester le lien de causalité entre le service qu’elle fournit et les coûts liés aux chocs de facturation évoqués par Free SAS et Free Mobile. Elle précise avoir demandé au cabinet Analysys Mason d’intégrer à son modèle économique les surconsommations de hotlines alléguées par Free SAS et Free Mobile et indique que l’impact en découlant ne permet pas d’atteindre le taux de peines et soins appliqué par Free Mobile. Le Numéro soutient  qu’il n’est pas contesté que Free SAS et Free Mobile disposent d’un monopole sur le marché du départ d’appel de leurs clients et que l’ARCEP, conformément à sa pratique décisionnelle, ne peut accepter que ces opérateurs augmentent discrétionnairement leur marge.

Vu le courrier de la directrice des affaires juridiques aux sociétés Free SAS et Free Mobile, en date du 26 juin 2014, transmettant les nouvelles observations de Le Numéro et invitant les sociétés Free SAS et Free Mobile, parties défenderesses, à produire leurs éventuelles observations pour le 2 juillet, délai à l’expiration duquel l’instruction serait close ;

Vu les troisièmes observations en défense de Free SAS et Free Mobile, enregistrées à l’Autorité le 2 juillet 2014, par lesquelles elles persistent dans leurs conclusions et moyens.

Ces opérateurs maintiennent notamment leurs analyses en ce qui concerne le fondement du règlement de différend et l’irrecevabilité de la demande relative au dégroupage des prestations.

Sur le fond, en ce qui concerne la demande de fixation du taux de commissionnement, Free SAS et Free Mobile soutiennent notamment que la décision n° 2007-0213 ne constitue pas une décision de régulation ex ante et que les opérateurs ne sont soumis à aucune obligation préalable d’appliquer des tarifs raisonnables au titre de cette décision et n’ont pas d’obligation de justifier leurs tarifs.

En l’espèce, Free SAS et Free Mobile estiment que Le Numéro n’apporte pas la preuve du caractère non raisonnable des taux de commissionnement appliqués et soutiennent que les coûts ne sont qu’un élément, parmi d’autres, intervenant dans la formation des prix. Ces opérateurs estiment, en s’appuyant notamment sur des comparaisons avec les relations qu’entretiennent les opérateurs de communications électroniques avec des fournisseurs de contenus numériques, qu’un taux de 30% pour l’opérateur reflète un partage équitable et raisonnable de la valeur. Free SAS et Free Mobile maintiennent que les appels vers le 118 218 entraînent pour elles des coûts élevés. Elles maintiennent que, selon elles, le niveau de corrélation entre le choc de facturation et le taux de résiliation est assez élevé et contestent les hypothèses avancées par Le Numéro pour démontrer l’absence de causalité entre les appels au 118 218, d’une part, et les appels au service client de Free et les résiliations des abonnés de Free Mobile et Free SAS, d’autre part.

Vu les autres pièces du dossier.

 Après avoir entendu le 10 juillet 2014, lors de l'audience devant la formation de règlement des différends, de poursuite et d’instruction de l’Autorité, composée de M. Jean-Ludovic Silicani, président, Mme Marie-Laure Denis et M. Daniel-Georges Courtois, membres de l’Autorité :

- le rapport de M. Daniel Miara, présentant les conclusions et les moyens des parties ;

- les observations des représentants de Le Numéro et des cabinets Bird & Bird et Analysys Mason ;

- les observations des représentants de Free SAS et Free Mobile ;

En présence :

- de MM. Benoît Loutrel, directeur général, Olivier Delclos et Yann Guthmann, rapporteurs, Mme Isabelle Caron, directrice des affaires juridiques ;

- des représentants de la société Orange ;

- des représentants de la société Free Mobile et des cabinets Bird & Bird et Analysys Mason.

Sur la publicité de l’audience

L'article 14 du règlement intérieur susvisé prévoit : « l'audience est publique, sauf demande conjointe de toutes les parties. Si cette demande n'est pas conjointe, la formation de  règlement des différends, de poursuite et d’instruction de l'Autorité en délibère ».

Les sociétés Le Numéro, Free SAS et Free Mobile ont indiqué lors de l’audience ne pas s’opposer à ce qu’elle soit publique.

En conséquence, l’audience a été publique.

La formation de règlement des différends, de poursuite et d’instruction de l’Autorité (composée de M. Jean-Ludovic Silicani, président, Mmes Françoise Benhamou et Marie- Laure Denis, M. Daniel-Georges Courtois, membres de l’Autorité), en ayant délibéré le 24 juillet 2014 en la seule présence de ses membres, adopte la présente décision.

1        Contexte

1.1         Le marché des services de renseignements téléphoniques

À la suite de la décision du Conseil d’Etat du 25 juin 20041, l’Autorité a dédié les numéros de la forme 118 XYZ aux services de renseignements téléphoniques (SRT) et attribué 55 numéros de cette forme à 28 opérateurs. Parmi ces opérateurs, la société 118 218 Le Numéro s’est vu attribuer les numéros 118 218, 118 222, 118 318 et 118 7132.

Depuis 2006, les volumes d’appels vers les  SRT  ont  diminué  régulièrement,  passant  de 172 millions d’appels en 2006 à 41 millions d’appels en 2013, soit une baisse de 76% en 7 ans. Au cours de la même période, les opérateurs de SRT ont tenté de limiter la baisse de leurs revenus en augmentant régulièrement la tarification de détail de leurs services.

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1.2         La chaîne de valeur des services de renseignements téléphoniques

La chaîne de valeur des SRT est un cas particulier de la chaîne de valeur des services à valeur ajoutée (SVA), qui se caractérise par l’intégration des rôles d’opérateur d’arrivée et d’éditeur de contenus. Schématiquement, elle peut être présentée de la façon suivante :

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L’opérateur de départ contrôle les conditions dans lesquelles l’utilisateur final appelant accède au réseau téléphonique. Il assure l’acheminement des appels au départ des utilisateurs finals appelants jusqu’à un point d’interconnexion avec l’opérateur d’arrivée (qui peut être un opérateur de SRT). Il peut également, assurer, conjointement avec l’éditeur de SVA, la commercialisation des contenus. A cet effet, il facture à l’utilisateur final appelant les appels vers le service. Il reverse également aux opérateurs d’arrivée une partie des sommes facturées à l’utilisateur final appelant. En contrepartie de cette prestation de commercialisation et de reversement, il perçoit une rémunération sous la forme d’un taux de commissionnement sur les sommes facturées aux utilisateurs finals appelants ou recouvrées auprès de ceux-ci.

L’opérateur de SRT élabore un annuaire des utilisateurs du service téléphonique. Il collecte les appels émis vers les numéros 118 XYZ dont il est attributaire, directement ou par l’intermédiaire d’un opérateur de collecte agissant pour son compte. Il répond aux demandes de renseignements des utilisateurs finals. En outre, l’opérateur de SRT a la possibilité de proposer des prestations additionnelles, et en particulier la mise en relation de l’utilisateur final avec le correspondant recherché.

2         Sur la compétence de l’Autorité et la recevabilité des demandes

Sont examinées dans cette partie les demandes pour lesquelles la compétence de l’Autorité et la recevabilité des demandes de  Le Numéro sont contestées  par les sociétés Free SAS et  Free Mobile (ci-après désignés, ensemble, sous le nom « Free »), ou soulèvent des difficultés.

2.1         Sur le fondement de la saisine de Le Numéro

 Le Numéro a saisi l’Autorité sur le fondement du I de l’article L. 36-8, qui prévoit : « En cas de refus d'accès ou d'interconnexion, d'échec des négociations commerciales ou de désaccord sur la conclusion ou l'exécution d'une convention d'interconnexion ou d'accès à un réseau de communications électroniques, l'Autorité de régulation des communications électroniques et des postes peut être saisie du différend par l'une ou l'autre des parties. »

Conformément à la décision n° 05-0061 de l’Autorité, les fournisseurs de services de renseignements téléphoniques doivent exploiter le numéro de la forme 118 XYZ dont ils sont attributaires, et exercent ainsi une activité d’opérateur de communications électroniques pour laquelle ils doivent être déclarés auprès de l’Autorité conformément à l’article L. 33-1 du CPCE. A ce titre, il leur revient d’assurer l’acheminement des appels vers le numéro qu’ils exploitent, soit sur leur propre réseau soit sur le réseau d’un opérateur tiers agissant pour leur compte.

Ainsi, Le Numéro est bien un opérateur de communications électroniques, contrôlant l’accès à l’utilisateur final appelé au sens de l’article 1er de la décision n° 2007-0213 susvisée3. De plus, les demandes de Le Numéro portent sur les conditions tarifaires de fourniture par Free de la prestation de commercialisation et de reversement, qui constitue une prestation d’accès comme le rappelle cette décision.

A cet égard, comme le souligne Le Numéro, l’Autorité s’est déjà reconnue compétente pour régler un différend entre Le Numéro et Orange, qui portait notamment sur le montant de la rémunération perçue par  Orange  au  titre  des  prestations  de  reversement  assurées  pour  Le Numéro (décision n° 06-10154, confirmée en appel et en cassation5).

Il résulte de ce qui précède que, contrairement à ce que soutient Free, l’Autorité est compétente pour trancher le présent différend en application du I de l’article L. 36-8 du CPCE. Il n’y a donc pas lieu d’examiner si l’Autorité serait compétente pour trancher ce différend sur un autre fondement, tel que le 5° du II de cet article, sur lequel Free estime que l’Autorité devrait se fonder.

A cet égard, la circonstance que cette société exerce également une activité qui, du point de vue de la chaîne de valeur, constitue une activité d’éditeur de contenus, ne remet pas en cause la compétence de l’Autorité pour trancher ce différend entre deux opérateurs et portant sur la conclusion ou l’exécution d’une convention d’accès conclue entre un opérateur de départ et un opérateur exploitant des numéros et assurant, directement ou par l’intermédiaire d’un opérateur tiers, l’acheminement du trafic à destination de ces numéros.

2.2         Sur la compétence de l’Autorité pour enjoindre à Free de conclure une convention

Dans sa saisine, Le Numéro a demandé à l’Autorité « d'imposer à Free SAS et Free Mobile de conclure une convention d'accès avec Le Numéro qui précisera le taux de peines et soins applicables conformément à la décision de l'ARCEP et qui devra distinguer les différentes prestations facturées ».

Dans ses observations en défense, Free soutient que dans le cadre de l’article L. 36-8, l’Autorité dispose du pouvoir d’imposer à l’une des parties de proposer une offre à l’autre partie au différend, mais qu’elle ne peut imposer à un opérateur de « conclure » un contrat. Free indique néanmoins que Free SAS et Free Mobile « modifieront leur offre d’accès conformément à la décision que pourra prendre l’Autorité et proposeront ladite offre d’accès modifiée dans un délai raisonnable ».

Dans ses observations enregistrées le 13 mai 2014, puis dans celles enregistrées le 26 juin 2014, Le Numéro indique que sa demande devait s’entendre comme tendant à ce qu’il soit enjoint à Free de « proposer » un contrat.

Il convient dès lors d’interpréter la demande de Le Numéro à la lumière des précisions apportées dans ses observations. A cet égard, la compétence de l’Autorité pour enjoindre le cas échéant à Free SAS et Free Mobile de proposer une convention conforme à la présente décision de règlement de différend n’est pas contestée par ces opérateurs6.

2.3         Sur la recevabilité de la demande de « dégroupage » des prestations facturées

Dans sa saisine, Le Numéro a demandé à ce qu’il soit imposé à Free un « dégroupage [des] prestations facturées », c’est-à-dire l’obligation pour ces opérateurs de « fournir de manière dissociée, et avec un tarif spécifique » les prestations de publication des tarifs, de facturation, de  recouvrement  et  de  garantie  de  paiement  des  revenus  facturés  pour  le  compte  de  Le Numéro. Le Numéro considère qu’il appartient à l’ARCEP de décider si le dégroupage (en réalité le découplage) demandé doit être « total » ou si certaines des prestations sont suffisamment liées pour ne justifier qu’un « dégroupage partiel ».

Dans ses observations en défense, Free soutient que cette demande n’avait pas été présentée par Le Numéro dans le cadre des échanges intervenus avant la saisine de l’Autorité par cet opérateur. Free estime en particulier que Le Numéro entretient « une confusion entre une première demande de disposer d’une répartition du taux de rémunération de Free entre les différentes composantes de la prestation rendue par Free et une seconde demande formulée dans la saisine du 28 mars 2014 de disposer d’une offre dégroupée des différentes composantes ».

Dans ses observations en réplique, Le Numéro indique que sa demande porte sur la dissociation des tarifs afin, « le cas échéant, d’être en situation de n’acheter que les prestations  qui  répondent  à  ses  besoins  et  dont  le  prix  est  acceptable.  Par  exemple,  Le Numéro a vu que Free a réduit le périmètre de la gestion des impayés et il est légitime au vu de ce prix et de la réduction de cette prestation de permettre à Le Numéro de pouvoir décider de continuer ou non à l’acheter au vu du peu d’impayés sur ses services ».

Il résulte des pièces du dossier, et en particulier des courriers de Le Numéro à Free SAS et Free Mobile datés du 27 décembre 20137, que les demandes de Le Numéro, préalablement à la saisine de l’Autorité, visaient à obtenir une  baisse  du  taux  de  commissionnement  de Free SAS et Free Mobile à […]% et que ces opérateurs communiquent à Le Numéro « […] la décomposition au sein de ce taux [de …%] des trois prestations suivantes :

 - facturation pour compte de tiers,

- recouvrement pour compte de tiers,

- reversement. »

Une demande similaire avait été formulée dans le courrier de Le Numéro à Free SAS daté du 8 juillet 20138.

Dans le cadre de ces échanges, les demandes formulées par Le Numéro tendaient ainsi uniquement à obtenir davantage de transparence sur le taux de commissionnement appliqué ou demandé. En revanche, Le Numéro n’a jamais évoqué la possibilité de ne plus confier à Free SAS et Free Mobile tout ou partie des prestations qu’elles assurent aujourd’hui. En outre, si dans sa saisine, Le Numéro évoque des prestations de publication des tarifs et de de garantie de paiement, celles-ci n’ont à aucun moment été mentionnées dans ses différents courriers.

Il résulte ce qui précède que, compte tenu des demandes formulées par Le Numéro, les parties n’ont jamais été en mesure d’aborder, dans le cadre de leur négociation, la question de la possibilité pour Le Numéro de ne souscrire  qu’une  partie  des  prestations  assurées  par  Free SAS et Free Mobile – prestations qui sont à ce jour fournies de manière couplée par l’ensemble des opérateurs de départ  –  et,  a  fortiori,  les  modalités  pouvant  permettre  à  Le Numéro d’internaliser le cas échéant ces prestations ou de les confier à un tiers. Faute pour Le Numéro d’avoir exprimé de manière claire sa volonté, Free n’était pas davantage en mesure de déterminer dans quelle mesure le fait de ne plus fournir une partie des prestations aujourd’hui assurées pour Le Numéro aurait pu conduire, le cas échéant, à une baisse du taux de commissionnement.

Par suite, et sans qu’il soit besoin de statuer sur la fin de non-recevoir relative à la compétence de l’Autorité opposée par Free, il convient de rejeter la demande de Le Numéro tendant au découplage des prestations en raison d’un défaut d’échec des négociations préalablement à la saisine de l’Autorité.

3         Sur    le    fond,   s’agissant   de   la    demande   relative   au   taux    de commissionnement

Le différend porte sur les taux de commissionnement exigés par les sociétés Free Mobile et Free SAS en rémunération de la prestation de commercialisation et de reversement relative aux appels vers les numéros courts de SRT (118 XYZ) exploités par la société Le Numéro.

Les taux de commissionnement appliqués actuellement par Free Mobile et Free SAS sont de :

- 30% en ce qui concerne Free Mobile ;

- 16,5% en ce qui concerne Free SAS.

Le Numéro demande à l’ARCEP de « déterminer le taux de peines et soins raisonnables maximum que Free SAS et Free Mobile sont autorisés à facturer à Le Numéro » et « dire que ce taux est applicable à compter du 1er janvier 2014 ».

Free SAS et Free Mobile soutiennent que cette demande doit être rejetée.

3.1         Rappel du cadre réglementaire applicable

3.1.1      La tarification de détail

Les règles du plan de numérotation (décision n° 05-1085 modifiée par la décision n° 2012- 0856) comportent plusieurs dispositions qui s’appliquent aux numéros courts de service de renseignements téléphoniques.

En premier lieu, à l’instar des autres services à valeur ajoutée (SVA), les opérateurs exploitant des services de renseignements téléphoniques doivent s’assurer que le tarif du service fourni est identique pour l’utilisateur final appelant, quel que soit l’opérateur de boucle locale au départ duquel l’appel est émis.

En second lieu, les appels vers les services de renseignements téléphoniques devront respecter une tarification de type « C + S » à compter du 1er octobre 2015. S’agissant plus spécifiquement des appels vers les services de renseignements téléphoniques émis au départ des opérateurs mobiles, l’article L. 121-84-10 du code de la consommation, issu de la loi      n° 2008-3 du 3 janvier 2008 pour le développement de la concurrence au service des consommateurs, impose aux opérateurs de n’appliquer, s’agissant de la composante « communication » ( « C »), « aucun tarif de communication spécifique autre que celui d'une communication nationale ».

En revanche, les plafonds imposés par la décision n° 05-1085 modifiée en ce qui concerne le tarif de détail des services à valeur ajoutée (composante « S ») ne trouvent pas à s’appliquer aux numéros de la forme 118 XYZ, pour lesquels la possibilité de pratiquer une tarification mixte (à la fois à l’acte et à la durée) est maintenue.

3.1.2      La prestation de commercialisation et de reversement

Comme cela a été indiqué, l’Autorité a déjà été saisie d’un différend portant sur le partage de la valeur entre Le Numéro et un opérateur de départ mobile (Orange), qu’elle a tranché dans la décision n° 06-1015 précitée.

Dans cette affaire, Le Numéro demandait notamment à l’Autorité d’enjoindre à Orange de réduire très significativement son taux de commissionnement. L’Autorité avait tout d’abord noté qu’Orange n’était soumise à aucun encadrement tarifaire ex ante sur le fondement des articles L. 37-1 et suivants du CPCE, et n’était en particulier pas soumise à une obligation de pratiquer des tarifs orientés vers les coûts. L’Autorité en a déduit que : « Dans ces conditions, il n’est pas approprié, comme le fait la société Le Numéro, de se fonder sur une prise en compte des seuls coûts estimés de la prestation de facturation, encaissement, recouvrement. Ainsi, il n’est pas pertinent de considérer qu’il appartient à Orange France de justifier le taux de reversement ou d’imposer le respect du principe de causalité des coûts pour fixer le niveau du taux de facturation/encaissement et du taux de recouvrement. […] »

Dans ces conditions, l’Autorité avait estimé qu’il lui appartenait uniquement d’examiner si, compte tenu des prestations fournies par les deux parties, les termes financiers du contrat signé entre les parties n’étaient pas inéquitables pour Le Numéro. Après avoir écarté les arguments mis en avant par Le Numéro pour démontrer le caractère inéquitable des conditions contractuelles au regard des circonstances de l’espèce, l’Autorité a rejeté sa demande.

Le Numéro a formé un recours contre cette décision devant la Cour d’appel de Paris, en soutenant notamment que l’Autorité aurait commis une erreur de droit en refusant de se référer à la marge excessive d’Orange au regard des coûts supportés. Ce moyen a été rejeté par la Cour d’appel, qui a approuvé l’Autorité d’avoir « estimé qu’une appréciation reposant sur les coûts supportés par ORANGE pour fournir ses prestation était inadaptée au cas d’espèce, dès lors que cet opérateur, avec qui [Le Numéro] n’est pas en concurrence sur le marché des services de renseignements téléphoniques, n’est soumise à aucune régulation     ex ante spécifique en ce qui concerne les modalités tarifaires d’accès et d’interconnexion nécessaires à l’acheminement [des appels vers le 118 218], imposée au titre de la régulation d’opérateur puissant et, en particulier, qu’aucune obligation d’orientation vers les coûts ne s’imposait à cet opérateur ». La Cour d’appel de Paris puis la Cour de cassation ont intégralement confirmé la décision de l’Autorité9.

Par la suite, l’Autorité a adopté le 16 avril 2007 la décision n° 2007-0213 susvisée, qui vise à préciser, sur le fondement du III de l’article L. 34-8-3 du CPCE, « les règles communes en matière d’accessibilité des numéro SVA et de mise en place de mécanisme financier de reversement associé, afin de permettre l’interopérabilité de bout en bout des services de communications électroniques offerts par les exploitants de numéros SVA aux éditeurs de contenu avec le service téléphonique offert par les opérateurs départ à leurs abonnés, et de garantir les conditions d’une concurrence effective et loyale au bénéfice du consommateur sur le secteur des services à valeur ajoutée. ».

Conformément à l’article L. 36-6 du CPCE, cette décision a fait l’objet d’une homologation par le ministre en charge des communications électroniques10.

Il résulte de cette décision que l’opérateur de départ est tenu, en premier lieu, de faire droit aux demandes raisonnables visant à rendre des numéros accessibles depuis son  réseau  (article 2). Cela recouvre en particulier le fait de permettre à ses utilisateurs de joindre ces numéros, à un tarif défini, ainsi que l’acheminement des communications à destination de ces numéros.

Les motifs de la décision précisent à cet égard : « […] la demande de commercialisation d’un SVA peut également s’accompagner de demandes associées, relatives par exemple au palier tarifaire que l’exploitant du numéro SVA souhaite voir appliquer au détail.

Ainsi, et à titre d’exemple, si l’opérateur exploitant le numéro SVA sollicite une architecture d’interconnexion très différente de celle mise en place habituellement par l’opérateur de départ, et générant de ce fait de nombreux coûts d’adaptation, sa demande pourrait ne pas être considérée raisonnable. De même, si la demande d’ouverture est associée à la création d’un palier tarifaire manifestement trop élevé, l’opérateur pourrait refuser d’offrir l’accessibilité au numéro SVA dans la mesure où il lui appartient de facturer le montant au consommateur. ».

L’opérateur de départ est tenu, en second lieu, de faire droit aux demandes raisonnables de mise en œuvre d’une prestation de commercialisation et de reversement, dans des conditions objectives et non discriminatoires (article 3). L’Autorité a en effet souligné qu’une telle demande pouvait a priori présenter un caractère raisonnable compte tenu des caractéristiques que présentent généralement les appels vers les SVA :

« Un SVA connaît deux caractéristiques : d’une part son prix pour les utilisateurs finals appelants est en général suffisamment peu élevé et d’autre part, il est le plus souvent consommé à l’acte. Dans ces conditions, il est difficile, voire peu pertinent, pour l’éditeur de contenu de chercher à contracter avec les utilisateurs de son service. Il est par conséquent habituel, sans être ni obligatoire ni exclusif de tout autre système, qu’un exploitant de numéro SVA (ou son mandataire), demande à l’opérateur de départ d’assurer des prestations liées à la commercialisation dudit SVA auprès de l’abonné.

Outre la facturation du service lui-même, l’exploitant du numéro SVA pourra le cas échéant demander à l’opérateur de départ d’assurer le recouvrement des éventuelles sommes impayées.

Cette demande apparaît légitime, dès lors que l’opérateur de départ est le seul à disposer de la relation contractuelle explicite avec l’utilisateur du service téléphonique, et ainsi le seul à disposer de l’ensemble des moyens contractuels nécessaires, si besoin, au recouvrement des sommes impayées par ses abonnés (par exemple, par la mise en place d’un service restreint).

Dans ces conditions, de telles demandes, lorsqu’elles apparaissent raisonnables, doivent  donc être acceptées par l’opérateur de départ ».

En contrepartie de la prestation de commercialisation et de reversement, l’opérateur de départ perçoit une rémunération, sous la forme d’un taux de commissionnement appliqué sur les sommes facturées aux utilisateurs finals appelants ou recouvrées auprès de ceux-ci. Les motifs de la décision précisent à cet égard :

« […] l’opérateur de départ fixe une règle de reversement qui détermine le partage de la rémunération entre l’opérateur de départ et l’exploitant du numéro SVA pour chaque appel. Par conséquent, la demande de l’exploitant du numéro SVA concernera également le niveau de ce reversement, et l’opérateur de départ devra faire droit à toute demande raisonnable sur ce point.

Un niveau de partage raisonnable s’entend comme un partage reflétant le fait que le service est fourni à l’appelant conjointement par l’opérateur de départ et l’éditeur de contenu. Il est donc le fruit de la négociation et constitue une répartition de la valeur entre les parties. En particulier, sous réserve du respect des principes de non-discrimination et d’objectivité, la présente obligation n’exclut pas que des taux différents puissent le cas échéant être mis en place en fonction par exemple de la typologie des services, de leur contenu ou du niveau des impayés ».

Le Conseil d’Etat, saisi d’un recours contre cette décision de l’ARCEP, a confirmé sa légalité dans une décision du 19 juin 200911, et a apporté des précisions sur l’appréciation du caractère « raisonnable » au sens des articles 2 et 3 :

« […] Considérant, en premier lieu, que la nature même des services téléphoniques à valeur ajoutée impose aux sociétés qui les fournissent de trouver un accord avec les opérateurs de départ d'appel contrôlant l'accès aux utilisateurs finals de leurs services ; que, contrairement à ce que soutiennent les sociétés requérantes, la décision attaquée ne donne pas à ces opérateurs le pouvoir de fixer seuls les prix de ces services, mais leur fait obligation de faire droit aux demandes raisonnables d'interconnexion présentées notamment par les sociétés qui proposent ces services, et aux demandes de reversement raisonnables qui leur sont associées ;

Considérant, en deuxième lieu, qu'il ressort de l'ensemble des dispositions législatives applicables à la décision attaquée, et aux décisions individuelles susceptibles d'être prises sur son fondement, que le caractère raisonnable d'une demande d'accès ou de reversement doit être apprécié notamment au regard de la nature et de la réalité des besoins de l'entreprise qui la présente et de la capacité technique de l'opérateur auquel cette demande est présentée à la satisfaire ; qu'il renvoie également, s'agissant des tarifs des deux composantes du service rendu aux utilisateurs et de la prestation de reversement qui incombe à l'opérateur contrôlant l'accès aux utilisateurs finals, qui effectue la facturation, à un partage reflétant la contribution de chacune des deux entreprises concernées au service rendu à l'utilisateur final et aux coûts afférents à cette contribution ; qu'enfin, il doit également être apprécié au regard de l'ensemble des objectifs fixés par le paragraphe II de l'article L.32-1 du code des postes et des communications électroniques précité ; que ce caractère raisonnable peut, en cas de litige ou de désaccord entre le fournisseur de services qui a présenté la demande et l'opérateur de réseau contrôlant l'accès à l'utilisateur final appelant, faire l'objet d'un recours devant l'ARCEP en application de l'article L.36-8 du code des postes et des communications électroniques […]»12.

En conclusion, comme l’a rappelé l’Autorité dans les motifs de la décision n° 2007-0213, le taux de commissionnement se définit au regard d’une règle de partage de la valeur entre l’opérateur de départ et l’exploitant du numéro SVA qui doit, en premier lieu, être le résultat de la négociation.

Lorsqu’elle est saisie d’une demande de règlement de différend portant sur le taux de commissionnement perçu par l’opérateur de départ en contrepartie de la prestation de commercialisation et de reversement qu’il fournit, l’Autorité doit apprécier le caractère raisonnable du partage de la valeur au regard notamment des prestations fournies par l’opérateur de départ et l’éditeur du contenu et des coûts afférents, des apports respectifs de chacun des acteurs dans la création et la mise en œuvre du service fourni à l’utilisateur final appelant et des conditions économiques prévalant sur les marchés de gros et de détail correspondants.

En outre, comme l’a jugé la Cour d’appel de Paris, l’Autorité doit « exercer sa mission au regard des objectifs de la régulation (...) définies à l’article L. 32-1 du CPCE, en se fondant, au-delà de la situation particulière d’un opérateur, (...) sur des conditions touchant à l’ordre public économique » (CA Paris, 24 février 2011, Mobius contre LRN). Le caractère raisonnable doit ainsi également être apprécié en équité par l’Autorité en prenant en compte les objectifs prévus au II de l’article L. 32-1, qui imposent notamment à l’Autorité de veiller :

- « A l'exercice au bénéfice des utilisateurs d'une concurrence effective et loyale entre les exploitants de réseau et les fournisseurs de services de communications électroniques »,

« Au développement de l'emploi, de l'investissement efficace […], de l'innovation et de la compétitivité dans le secteur des communications électroniques »,

- « A la définition de conditions d'accès aux réseaux ouverts au public et d'interconnexion de ces réseaux qui garantissent la possibilité pour tous les utilisateurs de communiquer librement et l'égalité des conditions de la concurrence » ;

- « A un niveau élevé de protection des consommateurs, conjointement avec le ministre chargé de la consommation, grâce notamment à la fourniture d'informations claires, notamment par la transparence des tarifs et des conditions d'utilisation des services de communications électroniques accessibles au public ».

3.2         Analyse de l’approche défendue par Le Numéro

Dans sa saisine, Le Numéro développe deux approches devant, selon elle, permettre de fixer un taux de commissionnement « raisonnable », fondées sur la base des coûts des acteurs tels qu’estimés au travers de la modélisation réalisée par le cabinet Analysys Mason.

La première approche consiste à faire application d’un ratio de 1,98 appliqué par l’ARCEP dans la décision de règlement de différend n° 2010-135113 pour fixer le tarif de la prestation de départ d’appel vers les SVA fournie par SFR.

Dans cette affaire, l’Autorité a constaté que le tarif de la prestation de départ d’appel vers les SVA de SFR, qui était resté stable sur la période 2007-2010 en dépit des gains d’efficacité attendus d’un opérateur générique efficace sur cette période, n’était pas raisonnable. Pour parvenir à cette appréciation, l’Autorité avait notamment estimé que l’écart entre le tarif de SFR et celui de France Télécom pour fournir la même prestation n’était pas équitable, nonobstant les obligations règlementaires différentes pesant sur chacun de ces opérateurs en ce qui concerne la fixation de ce tarif (tarif raisonnable pour SFR, tarif orienté vers les coûts pour France Télécom). L’Autorité a donc estimé « raisonnable, équitable et proportionné » d’imposer à SFR de fixer ses tarifs de façon à refléter les gains d’efficacité réalisés au cours du temps, au moyen d’une stabilité de son taux de marge sur la période 2007 - 2010, en calculant le ratio entre le tarif de SFR et les coûts d’un opérateur générique efficace14 au 1er janvier 2007 (en l’occurrence, 1,98 au cas d’espèce) et en appliquant ce ratio à la période postérieure pour tenir compte des gains d’efficacité attendus d’un opérateur efficace sur cette période.

Il convient de préciser que la prestation de départ d’appel en cause dans le différend examiné en 2010 est distincte de la prestation de commercialisation et de reversement, qui est en cause en l’espèce. Or, ces prestations ont des objets différents, puisque la prestation de départ d’appel est une prestation d’interconnexion, le plus souvent fournie réciproquement par chacun des deux opérateurs interconnectés, qui porte sur l’acheminement de la communication. A l’inverse, la prestation de commercialisation et de reversement porte sur la facturation, l’encaissement, le recouvrement des sommes versées par l’utilisateur final appelant en contrepartie du service à valeur ajoutée et le reversement d’une partie de ces sommes. La prestation de départ d’appel, d’une part, et la prestation de commercialisation et reversement, d’autre part, se différencient en outre par leur périmètre et leur modèle économique15.

La seconde  approche, qui s’appuie selon  Le Numéro sur la décision du  Conseil d’Etat du  19 juin 2009 précitée16, consiste à déterminer le taux de commissionnement de manière à ce que les deux acteurs se partagent les revenus de la prestation au prorata des coûts encourus par chacun d’entre eux (taux de marge identique pour les deux acteurs).

Or, il ressort du cadre règlementaire rappelé précédemment (cf. partie 3.1.2), et en particulier de l’arrêt de la Cour d’appel de Paris du 11 septembre 2007 précité, qu’une appréciation au regard des seuls coûts est inadaptée, en l’absence d’encadrement tarifaire imposé en application des articles L. 37-1 et suivants du CPCE à un opérateur puissant sur le marché pertinent, et donc, en particulier, en l’absence d’obligation de pratiquer des tarifs orientés vers les coûts et compte tenu du fait que les opérateurs concernés ne sont pas en concurrence entre eux.

En outre, la décision n° 2007-0213, lue notamment à la lumière des précisions apportées par le Conseil d’Etat, ne saurait être interprétée comme conduisant à définir une règle mathématique de fixation du taux de commissionnement, perçu par l’opérateur de départ en contrepartie de la prestation de commercialisation et de reversement, en fonction des coûts  des acteurs.

Enfin, s’agissant en particulier de la première approche proposée par Le Numéro, la référence au ratio de 1,98 entre le tarif de la prestation de départ d’appel et les coûts d’un opérateur efficace utilisé dans la décision n° 2010-1351 n’est pas pertinente pour apprécier le caractère raisonnable du taux de commissionnement. En effet, le ratio retenu par l’Autorité dans cette décision était lié aux faits de l’espèce. De plus, ainsi que cela a été rappelé, ces prestations sont de nature différente.

Ainsi les deux approches défendues par Le Numéro fondées sur l’application d’une règle mathématique basée sur les coûts de chacune des parties ne sauraient être retenues pour apprécier le caractère raisonnable des taux de commissionnement de Free.

3.3         Appréciation du caractère raisonnable des taux de commissionnements de Free SAS et Free Mobile

3.3.1      Contexte de la demande

 3.3.1.1     Contexte contractuel

Le 1er septembre 2005, les sociétés Le Numéro et Free SAS ont signé une « convention d’accès aux services spéciaux (080B, 081B, 089B, 31PQ, 32PQ, 36PQ, 39PQ, 118 XYZ) exploités par Le Numéro depuis la boucle locale exploitée par Free SAS ». Cette convention prévoyait pour Le Numéro un taux de commissionnement de 12% appliqué au chiffre d’affaires hors taxes engendré par les appels vers Le Numéro sur la base du tarif de détail qu’elle a choisi pour la facturation du SRT.

Cette convention a été résiliée au 30 mai 2011 par Free SAS, qui a justifié cette résiliation en évoquant une « évolution depuis 2005 du contexte (…) afférant aux services spéciaux [qui] a pour effet de rendre aujourd’hui cette convention inadaptée »17.

Par un courrier en date du 8 juin 201118, Free SAS a proposé à Le Numéro de nouvelles conditions contractuelles, en précisant que ces principes avaient « vocation à être repris par Free Mobile ». Ces conditions conduisaient en particulier à une révision de la grille de taux de commissionnement qui, pour Le Numéro, aboutissait à un taux de commissionnement de 16,5%. Ce relèvement de taux visait, selon Free SAS, « à mieux refléter les charges supplémentaires rencontrées par les opérateurs en réponse aux demandes de fournisseurs de SVA visant à appliquer des tarifs de détail élevés, ce qui est le cas pour le 118 218 […] ». Néanmoins Free SAS n’a pas transmis de proposition de convention reprenant ces nouvelles conditions et Le Numéro a contesté, dans  ses  courriers  en  date du 8 juillet  2013 puis  du  27 décembre 201319, le taux de commissionnement de 16,5% appliqué par l’opérateur fixe.

S’agissant des appels au départ des abonnés de Free Mobile, celle-ci a transmis à Le Numéro, au mois de juillet 2012, un projet de convention d’interconnexion qui prévoyait un taux de commissionnement de 16,5%20, identique à celui appliqué par Free SAS. Par un courriel du 17 septembre 2012, Le Numéro a indiqué que ce projet de convention d’interconnexion était inadapté compte tenu de l’absence d’interconnexion directe entre les deux acteurs et a transmis un projet de convention d’accès prévoyant un taux de commissionnement de […]%21, qui n’a pas été accepté par Free Mobile.

Par un courrier en date du 15 octobre 201322, Free Mobile a transmis un nouveau projet de « convention d’ouverture de numéros spéciaux » sur son réseau, applicable à Le Numéro à compter du 1er janvier 2014. Cette convention prévoit notamment l’application d’un taux de commissionnement de 30% pour Le Numéro. Cette proposition a été contestée par Le Numéro, notamment dans son courrier en date du 27 décembre 201323.

Ainsi, en ce qui concerne l’accessibilité des numéros courts de SRT de Le Numéro par les utilisateurs finals de Free SAS et Free Mobile et la fourniture de la prestation de commercialisation et de reversement correspondante, il n’existe plus de convention signée en vigueur entre Le Numéro et Free SAS depuis le 30 mai 2011 et aucune convention n’a été signée avec Free Mobile.

Il ressort toutefois des éléments du dossier que :

- les services de SRT de  Le Numéro sont accessibles au départ de Free SAS et de    Free Mobile ;

- Le Numéro perçoit des reversements de Free SAS et de Free Mobile au titre des appels émis vers ses SRT ;

- Free SAS applique, depuis le 1er juin 2011, un taux de commissionnement de 16,5% du tarif de détail de Le Numéro ;

- Free Mobile a initialement appliqué un taux de commissionnement de 16,5%, puis, à compter du 1er janvier 2014, un taux de 30%.

3.3.1.2     Augmentations successives des tarifs de détail de Le Numéro

Il ressort des éléments produits par les parties24 que la tarification de détail des appels émis à destination du 118 218 évolue régulièrement (7 fois entre 2007 et 2014) et atteint des niveaux de prix très élevés par rapport aux autres catégories de SVA (hors SRT) 25.

Depuis février 2014, date de la dernière augmentation, le prix moyen d’un appel au 118 218 est d’environ […]€ au départ des réseaux fixes et […]€ au départ des mobiles. A titre d’illustration, ces prix moyens d’appels sont […] à […] fois supérieurs, à durée d’appel équivalente, à ce que permettent les plafonds réglementaires de 0,80€ par minute et 3€ par appel applicables aux autres numéros courts et spéciaux (hors SRT)26.

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[…]

A cet égard, l’Autorité relève que, comme l’ont mis en évidence les réponses au deuxième questionnaire des rapporteurs, il existe des différences, dont la justification paraît à ce stade incertaine, en ce qui concerne la mise en œuvre des obligations relatives à la transparence tarifaire entre certains services de renseignements téléphoniques et notamment ceux fournis par Le Numéro, d’une part et les autres SVA à tarification majorée, d’autre part.

À titre d’illustration, pour un appel vers un numéro commençant par 081 (facturé 0,078€ par appel + 0,028€ par minute en heure pleine et 0,014€ par minute en heure creuse), l’appelant entend systématiquement une annonce tarifaire lui annonçant le tarif du service qui lui sera facturé à compter du « bip »  sonore.  En  revanche,  il  ressort  des  éléments  transmis  par  Le Numéro que le message diffusé en début d’appel vers le 118 218 est le suivant :

« Bienvenue, vous êtes au 118 218, si vous êtes un consommateur tapez 1, sinon merci de rester en ligne ». Il est donc nécessaire lors d’un appel vers le 118 218 (facturé 2,19€ par appel + 2,19€ par minute) que l’appelant s’identifie explicitement comme un consommateur en appuyant sur une touche pour obtenir l’information tarifaire.

L’Autorité s’étonne de cette situation, dès lors que les SRT sont soumis, comme les autres SVA, aux dispositions de l’arrêté du 10 juin 2009 relatif à l’information sur les prix des appels téléphoniques aux services à valeur ajoutée. En outre, la bonne information tarifaire des utilisateurs apparaît d’autant plus nécessaire dans le cas des SRT que le tarif du service est sensiblement plus élevé que celui des autres SVA.

Enfin, eu égard aux hausses tarifaires successives décidées par Le Numéro et à leur ampleur, l’Autorité estime, au regard des objectifs prévus à l’article L. 32-1, et notamment celui de veiller à « un niveau élevé de protection des consommateurs, conjointement avec le ministre chargé de la consommation, grâce notamment à la fourniture d'informations claires, notamment par la transparence des tarifs et des conditions d'utilisation des services de communications électroniques accessibles au public », que Free SAS et Free Mobile pourraient être en droit de conditionner la création d’un nouveau palier tarifaire plus élevé, à la mise en œuvre effective des annonces tarifaires en début d’appel.

3.3.2      Analyse des prestations fournies par chacun des acteurs en vue de la fourniture du service de renseignements téléphoniques

3.3.2.1     Description   des   actions   mises    en   œuvre    par    l’opérateur   de   services   de renseignements téléphoniques

Afin de fournir le service de renseignements téléphoniques à l’utilisateur final appelant, l’opérateur de SRT assure plusieurs prestations :

- constitution et mise à jour des données de l’annuaire universel nécessitant de contractualiser avec l’ensemble des opérateurs de service téléphonique et de traiter chaque jour leurs fichiers d’utilisateurs ; à cet égard, il est responsable des contenus produits28 ;

- exploitation, directe ou par l’intermédiaire de sous-traitants, des centres de contact chargés de traiter les appels ;

- collecte, directement ou par l’intermédiaire d’un opérateur tiers agissant pour son compte, des appels à destination des numéros de SRT dont il est attributaire et acheminement des appels sortants pour les appelants qui ont demandé une mise en relation vers le correspondant objet de leur demande de renseignements ;

- promotion du service au travers des actions de communications afin de maintenir la notoriété de la marque auprès de ses clients potentiels.

L’opérateur de SRT joue ainsi un rôle important dans la fourniture du service, notamment en produisant le contenu et en assurant sa promotion.

3.3.2.2     Description des actions mises en œuvre par l’opérateur de départ

En pratique, la fourniture de la prestation de commercialisation et de reversement implique de la part de l’opérateur de départ la mise en œuvre des principales actions suivantes :

 

- calcul du prix de chaque appel sur la base de la durée d’appel et du palier tarifaire de détail ouvert par l’opérateur de départ à la demande de l’opérateur de SRT ;

- facturation du montant de ces appels dans le cadre des factures émises par les opérateurs de départ à destination de leurs clients pour l’utilisation de leurs services ;

- encaissement des sommes facturées au titre des appels vers les SRT conjointement à celles facturées pour le compte de l’opérateur de départ ;

- recouvrement de sommes facturées au titre des appels vers les SRT conjointement ou distinctement, selon les cas, de celles menées au titre des sommes facturées pour le compte de l’opérateur de départ29.

Il convient de souligner que c’est au travers des services qu’il fournit à ses abonnés ainsi que des actions de promotion et de fidélisation réalisées que l’opérateur de départ a pu constituer une base de clients et apporter à l’opérateur de SRT, via la prestation de commercialisation et de reversement, un mode de commercialisation simple et rapide.

Dans ce mode de commercialisation, l’opérateur de départ joue ainsi un rôle essentiel, qui repose sur la relation contractuelle qu’il détient avec ses abonnés, et apporte ainsi une contribution significative à la valeur créée par le service de renseignements téléphoniques.

3.3.2.3     Analyse de l’Autorité

En premier lieu, il convient de souligner que, conformément à la décision n° 2007-0213 précitée, l’opérateur de départ est tenu de faire droit à une demande d’ouverture de création de paliers tarifaires, dans la mesure où cette demande est raisonnable. À cet égard, l’Autorité a souligné que « si la demande d’ouverture est associée à la création d’un palier tarifaire manifestement trop élevé, l’opérateur pourrait refuser d’offrir l’accessibilité au numéro SVA dans la mesure où il lui appartient de facturer le montant ».

L’Autorité estime que, dès lors qu’un opérateur d’arrivée demande la création d’un palier tarifaire très élevé, il peut être raisonnable que l’opérateur de départ, s’il accepte cette demande, conditionne cette création à une évolution significative en sa faveur du partage de la valeur créée, sous réserve du respect des principes d’objectivité, de transparence et de non- discrimination prévus à l’article 2 de cette décision30.

En l’espèce, la contribution de Free à la commercialisation des services de Le Numéro apparaît particulièrement significative en raison du positionnement tarifaire de cette dernière. Il convient de souligner que le tarif du 118 218 est […] à […] fois supérieur aux plafonds tarifaires réglementaires applicables au reste des SVA, avec un prix moyen par appel représentant l’équivalent de […] de la facture moyenne mensuelle de l’ensemble des clients mobiles français31 (voir supra partie 3.3.1.2).

En second lieu, conformément à la même décision règlementaire, l’opérateur de départ a l’obligation de faire droit aux demandes raisonnables visant à la mise en place d’une prestation de commercialisation et de reversement. L’Autorité a estimé que de telles demandes présentaient a priori un caractère raisonnable compte tenu des caractéristiques que revêtent généralement les SVA : « d’une part son prix pour les utilisateurs finals appelants est en général suffisamment peu élevé et d’autre part, il est le plus  souvent  consommé à l’acte ». Néanmoins, l’Autorité a rappelé que rien n’empêche un opérateur de SRT de choisir un autre mode de commercialisation : « si ce système de commercialisation est généralement mis en place lors de l’ouverture d’un numéro SVA, il n’est en pour autant pas exclusif : les éditeurs de contenu disposent d’autres moyens alternatifs pour commercialiser leurs services (contrat direct avec le consommateur à l’acte ou sur abonnement, paiement direct par carte de crédit, …) » (motifs de la décision, page 22).

Or, en l’espèce, compte tenu du montant moyen de facturation des appels (environ […]€ par appel en 2013 et […]€ par appel en 2014), de la typologie des clients (majoritairement professionnels32) et des usages (récurrents) évoqués dans ses écritures et lors de l’audience par Le Numéro, l’Autorité estime que le recours à d’autres modes de commercialisation que celui fourni par les opérateurs de départ est envisageable.

Dès lors, le recours par Le Numéro à la prestation de commercialisation et de reversement fournie par les opérateurs de départ en tant que mode de commercialisation constitue un choix de l’opérateur de SRT, en ce qu’il apporte, par sa simplicité, sa rapidité et le nombre de  clients adressables, une contribution plus importante que les modes de commercialisation alternatifs, à la valeur du SRT perçue par l’utilisateur final appelant33. Au surplus, même si, en l’espèce, Free n’a pas entendu cesser de fournir la prestation de commercialisation et de reversement à Le Numéro, il n’est pas exclu que le recours par Le Numéro à la prestation de commercialisation et de reversement assurée par Free ne constitue plus un besoin pour cette entreprise justifiant de faire peser sur Free l’obligation règlementaire de la fournir34.

Dans ces conditions, et au regard des caractéristiques du service fourni par Le Numéro, l’Autorité estime que la rémunération de cette prestation doit également refléter la contribution significative que Free apporte, au travers du mode de commercialisation choisi par Le Numéro, à la valeur créée par la fourniture du renseignement téléphonique.

Au regard de ce qui précède, l’Autorité estime raisonnable, compte tenu notamment du niveau tarifaire des services de Le Numéro en 2013 et, a fortiori depuis le 1er février 2014, que Free ait entendu obtenir une révision en sa faveur de la règle de partage de la valeur. Il est toutefois nécessaire d’apprécier le caractère raisonnable du taux de commissionnement de 30% appliqué par Free Mobile depuis le 1er janvier 2014.

3.3.3      Comparaison avec les taux de commissionnement appliqués par les autres opérateurs de départ

L’analyse des réponses de Le Numéro au premier des questionnaires des rapporteurs permet de comparer les taux de commissionnement de Free SAS et Free Mobile avec le minimum, le maximum et la moyenne pondérée des taux des autres opérateurs de départ fixes et mobiles.

Cette analyse montre que sur la période de 2008 à 2013, les taux de commissionnement de Free SAS et Free Mobile étaient cohérents avec la pratique du marché, les taux maximums atteignant près de 20% en 2011 et 2012 aussi bien au départ des réseaux fixes que mobiles.

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En outre, l’Autorité a constaté que SFR a publié le 16 mai 2014 sur son site internet35 une nouvelle offre de reversement spécifique aux SRT. Le taux de commissionnement prévu par cette offre est déterminé en fonction du tarif de détail choisi par l’opérateur de SRT. Au cas d’espèce, le taux applicable à Le Numéro, compte tenu du tarif de détail du 118 218 en 2014, est de 25%.

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Par ailleurs, il convient de rappeler que depuis 2011, année au cours de laquelle Free a introduit le taux de 16,5% au départ du fixe (appliqué jusqu’à ce jour), l’évolution des tarifs de détail de Le Numéro a conduit à une multiplication par près de […] du prix moyen par appel (voir la partie 3.3.1.2 de la présente décision).

Au regard des conditions du marché, et compte tenu des considérations qui précèdent relatives à l’augmentation des tarifs de détail, il apparait raisonnable et justifié que le taux de commissionnement appliqué par Free Mobile en 2014 soit supérieur aux taux de commissionnement historiquement constatés.

3.3.4      Comparaison avec les écosystèmes numériques

Dans ses observations en défense, Free justifie le taux de 30% appliqué par Free Mobile par une comparaison avec d’autres écosystèmes numériques. En particulier Free soutient qu’elle agit vis-à-vis de Le Numéro en tant qu’intermédiaire technique assurant la distribution, la facturation, le recouvrement et une garantie partielle des impayés ; elle estime que ce rôle est similaire à celui joué par les magasins d’applications d’Apple, de Google et de Microsoft vis- à-vis des éditeurs d’applications. Ces derniers percevant une rémunération de 30% du prix payé par le client final, Free a indiqué dans ses observations en défense et au cours de l’audience du 10 juillet 2014 qu’elle estimait raisonnable d’aligner le taux de commissionnement pour les SVA dont la tarification au détail est la plus élevée sur le taux perçu par ces magasins d’applications.

En réponse, Le Numéro estime que la comparaison avec les magasins d’applications n’est pas pertinente dans la mesure où le périmètre des services n’est pas le même puisqu’ils « jouent le rôle de commerçants en ligne distribuant les produits de leur partenaire (…) vérifient la qualité des applications vendues aux utilisateurs et fournissent aux éditeurs un environnement technique intégré ». De plus, Le Numéro estime que « ces intermédiaires supportent des coûts marketing relatifs aux produits et services qu’ils distribuent, ce que ne fait pas Free » et que « Free rend accessibles les services de Le Numéro à ses seuls abonnés, tandis que les plates- formes intermédiaires (…) permettent aux éditeurs une visibilité mondiale ».

L’Autorité estime que le rôle de Free SAS et Free Mobile dans la chaîne de valeur des SVA peut, dans une certaine mesure, être comparé à celui des magasins d’applications en ce qu’elles permettent à des éditeurs tiers de commercialiser par leur intermédiaire des services auprès de bases d’abonnés qu’elles ont acquis et fidélisés grâce à l’attractivité de leurs produits et à leurs actions de communication.

Néanmoins, il convient de souligner que la contribution de Free à la valeur créée par la fourniture du service de renseignement téléphonique apparaît moindre que celle des acteurs  du numérique mentionnés, qui sont en partie à l’origine des écosystèmes bâtis autour des magasins d’applications, dont le développement a nécessité des efforts de recherche et des développements technologiques.

Il en ressort que si la comparaison avec les magasins d’applications peut constituer une référence utile afin d’apprécier le caractère raisonnable du taux que Free SAS et Free Mobile, elle ne saurait en tout état de cause justifier l’alignement du taux de Free Mobile sur celui de ces acteurs.

3.3.5      Prise en compte des coûts supportés par les partie

3.3.5.1     L’opérateur de SRT

Comme indiqué précédemment, Le Numéro a mandaté le cabinet Analysys Mason pour modéliser les coûts d’un fournisseur de services de renseignements téléphoniques « efficace » ainsi que d’un opérateur de départ « efficace »36.

Sur la base de cette modélisation, Le Numéro évalue les coûts d’un opérateur de SRT à […]€ par appel. Ces coûts « comprennent principalement les coûts de marketing (EUR[…] par appel), coûts de centres d’appels (EUR[…]par appel), coûts de structure (EUR[…]par appel), coûts techniques EUR[…] par appel) et coûts réseaux (EUR[…]par appel) »37.

Free estime que cette estimation est surévaluée du fait de la prise en compte de « coûts fixes non pertinents (informatique, marketing, etc.) », sans toutefois étayer cette affirmation38. En réponse, Le Numéro justifie la prise en compte de ces coûts marketing par le fait que « les services de renseignements téléphoniques sont des services de détail, pour lesquels les coûts de marketing sont élevés et ont un impact direct sur la prestation du service. Ainsi, les données qui nous ont été transmises par 118218 Le Numéro nous ont permis de constater l’impact des campagnes de communication sur l’utilisation du service 118218. Il aurait donc été erroné économiquement de « reprendre la même méthode que les modèles technico- économique[s] d’opérateur générique efficace et donc de ne pas  intégrer  les  coûts marketing »39.

Au cas d’espèce, l’Autorité estime pertinent de prendre en compte les coûts de marketing pour l’opérateur de SRT puisque celui-ci a besoin de maintenir un niveau de notoriété élevé de sa marque afin d’engendrer un flux d’appels vers ses numéros. Dans ces conditions, il est raisonnable de penser que les volumes d’appels de l’opérateur de SRT sont fortement corrélés aux dépenses de publicité et font donc partie intégrante de son modèle économique. Concernant les coûts liés au système informatique, Free n’apporte pas d’éléments justifiant leur non-prise en compte dans la modélisation de l’opérateur de SRT.

Il ressort ce qui précède que Free n’apporte pas d’éléments pouvant conduire à remettre en cause l’estimation des coûts de l’opérateur de SRT produite par Le Numéro.

Figure 5 : Estimation de Le Numéro des coûts de l'opérateur de SRT par appel

[…]

Or, il convient de souligner que, compte tenu du tarif de détail appliqué depuis le 1er février 2014, chaque appel génère en moyenne pour Le Numéro un revenu minimum de […]€. Le Numéro réalise donc, sur la base d’un taux de commissionnement perçu par Free de 30%, une marge minimale de […]€ par appel, soit un taux de marge rapporté aux coûts de […]%. Ce taux de marge, très substantiel, n’est qu’une approximation minimale40.

3.3.5.2     L’opérateur de départ

Dans le premier rapport d’Analysys Mason, les coûts de la prestation de commercialisation et de reversement sont évalués à […]€ par appel. Ces coûts « comprennent principalement les coûts des créances impayées (EUR[…] par appel) et  du  recouvrement  (EUR[…]  par  appel) »41.

Dans ses observations en défense, Free ne remet pas en cause les estimations de coûts pour les quatre postes suivants :

- gestion des données liées aux appels (CDR) ;

- facturation ;

- recouvrement ;

- créances impayées.

En revanche, Free soutient que Le Numéro a largement sous-estimé les coûts de gestion des réclamations et omis  le  coût  des  résiliations  supplémentaires  induites  par  l’activité  de  Le Numéro pour Free SAS et Free Mobile. En effet, le prix élevé payé par ses clients appelant les services de Le Numéro entraînerait une insatisfaction chez ces clients, voire des « chocs de facturation », qui se traduiraient par des réclamations aux services clients de Free Mobile et Free SAS plus nombreuses que pour le reste de la base client de ces opérateurs, et par suite, par des résiliations plus fréquentes.

Free estime les deux postes de coûts des réclamations et des résiliations à respectivement […]€ et […]€ par appel en s’appuyant sur une comparaison statistique produite dans ses premières observations en défense, comparant les taux de réclamations et de résiliations à trois mois des clients ayant appelé le 118 218 en janvier 2014 par rapport à ceux des clients n’ayant pas appelé le 118 218 sur cette même période.

Free aboutit ainsi à un coût moyen de […]€ par appel.

Il convient de souligner qu’en réponse aux premières observations de Free, Le Numéro a indiqué que l’analyse de Free reposait sur des données parcellaires et non communiquées et qu’il lui était par conséquent impossible d’en discuter le bien-fondé. Le Numéro a par conséquent demandé à ce que ces arguments soient écartés des débats en ce qu’ils violeraient le principe du contradictoire.

Contrairement à ce qu’indique Le Numéro, il apparaît, notamment à la lumière des éléments qu’elle produit, et en particulier des deuxièmes et troisièmes rapports d’Analysys Mason42, qu’elle a été en mesure de discuter utilement l’ensemble des éléments avancés par Free, qui ont été intégralement transmis à Le Numéro, et qu’elle a, sur la base de certaines des hypothèses présentées par Free, proposé une estimation des coûts liés à ces  réclamations revue à la hausse43.

Les rapporteurs ont demandé dans le premier questionnaire les éléments nécessaires pour vérifier l’existence et, le cas échéant, le niveau des coûts évoqués par Free.

Une grande partie des données demandées dans ce questionnaire n’ont pas été communiquées par Free. Lors de l’audience qui s’est tenue le 10 juillet 2014, les représentants de Free ont reconnu qu’il était très difficile d’établir et de quantifier les effets du « choc de facturation », mais ont maintenu que ces effets existaient bel et bien.

Il convient dès lors d’examiner la pertinence et le niveau des coûts allégués par Free, en ce qui concerne les résiliations et les réclamations qu’elle impute à Le Numéro.

Appréciation de l’Autorité en ce qui concerne l’estimation des coûts liés aux résiliations

Free indique dans ses premières observations en défense qu’il existe une corrélation entre le taux de résiliation à trois mois et le fait qu’un abonné ait appelé ou non le 118 218 au cours du mois précédent. À partir des données des appelants du mois de janvier 2014, Free indique que les abonnés Free Mobile qui ont appelé le 118 218 ont eu un taux de résiliation à trois mois supérieur de […]% au taux de résiliation à trois mois du reste de la base des abonnés de Free Mobile. Free estime supporter un coût de résiliation par appel de […]c€, estimation qu’il multiplie par deux dans ses deuxièmes observations en défense44.

Il convient de souligner que, à l’appui de son argumentation, Free ne présente des données que pour ses abonnés mobiles45 et uniquement pour le mois de janvier 2014. Par ailleurs, Free n’a pas été en mesure de fournir les données, demandées par les rapporteurs dans le cadre du premier questionnaire envoyé aux parties, qui auraient été nécessaires pour apprécier cet effet.

Le Numéro critique la pertinence même de ce poste de coût et fait valoir que si Free démontre une corrélation entre taux de résiliation et appel au 118 218, cela ne démontre en rien une causalité. Le Numéro indique que « Dans l’hypothèse même où une corrélation très marginale entre l’utilisation des services de Le Numéro et ces réclamations et résiliations pouvait être identifiée, ce qui n’est aucunement établi, de nombreux autres facteurs imputables à Free permettraient d’expliquer ces réclamations et résiliations dont Le Numéro ne saurait en conséquence être tenu responsable »46.

Il résulte de ce qui précède que Free n’apporte pas d’éléments permettant de démontrer la pertinence, et a fortiori l’importance, de ce poste de coût. L’Autorité estime donc que ce coût ne doit pas être pris en compte dans les coûts pertinents de l’opérateur de départ.

Appréciation de l’Autorité en ce qui concerne l’estimation des coûts liés aux réclamations

Free indique dans ses premières observations en défense qu’il existe un phénomène de surconsommation de son service client pour les abonnés ayant appelé le 118 218, en comparaison des abonnés de Free n’ayant pas appelé ce numéro.

A partir des données pour le mois de janvier 2014, Free indique que, pour Free Mobile, le taux d’appel supplémentaire vers son service client induit par le 118 218 est de […]%47. Sur cette base, Free estime que le coût des réclamations supplémentaires par appel s’élève à […]c€ par appel48.

Le Numéro, sans remettre en cause le fait que son activité sur le réseau puisse entrainer des réclamations supplémentaires, conteste les estimations apportées par Free. Dans le troisième rapport d’Analysys Mason produit par Le Numéro, Analysys Mason souligne en particulier que le taux de réclamations avancé par Free ne peut être imputable uniquement à Le Numéro et que d’autres facteurs tels que les appels vers les autres services de renseignement et vers les autres services à valeur ajoutée ou la consommation hors forfait des services de Free Mobile concourent aux appels vers le service client de Free.

En réponse au questionnaire des rapporteurs, Free n’a pas fourni les données supplémentaires demandées49, qui auraient permis de :

- vérifier que cette surconsommation est un phénomène observable sur plusieurs mois ;

- ne prendre en compte que les appels émis par les clients après la fin du mois de facturation au cours duquel ils ont appelé le 118 218 ;

- comprendre la part que représente les appels vers les 118 218 dans la facture hors forfait des clients ayant appelé le 118 218.

En l’absence de ces données, il n’est pas possible d’évaluer précisément l’importance des coûts liés aux réclamations générés par l’utilisation des services de Le Numéro.

Au regard des éléments produits par les deux parties, l’Autorité relève que Le Numéro ne conteste pas l’existence du poste de coût liés aux réclamations, qu’il avait d’ailleurs inclus dans sa modélisation50. L’Autorité estime que le montant de ce coût doit certainement être corrélé au montant facturé pour la prestation de SRT et pourrait donc augmenter si le tarif de détail venait à augmenter mais constate que les éléments apportés par Free ne permettent pas d’évaluer précisément la surconsommation du service client de Free imputable à Le Numéro.

Conclusion sur les coûts de l’opérateur de départ

Au regard de ces éléments, l’Autorité estime que les arguments mis en avant par Free mettent en évidence l’existence de coûts incrémentaux non pris en compte dans la modélisation initiale de Le Numéro, mais ne permettent pas de déterminer avec une certitude suffisante l’importance de ces coûts.

Compte tenu du caractère contestable des hypothèses avancées par les deux parties, l’Autorité est conduite à considérer que les coûts incrémentaux évoqués par Free sont surestimés et  qu’in fine les coûts de Free Mobile et Free SAS sont inférieurs à l’estimation de […]€ par appel évoquée par Free dans ses premières observations en défense.

L’Autorité note toutefois que l’approche de Le Numéro repose sur la seule prise en compte des coûts incrémentaux liés à la fourniture de la prestation de commercialisation et de reversement à l’opérateur de SRT et ne prend pas en compte l’ensemble des coûts liés à la constitution et la fidélisation par l’opérateur de départ de sa base clients.

Or c’est bien l’existence de cette clientèle qui permet la commercialisation conjointe, par Free et Le Numéro, du service de cette dernière.

L’Autorité estime que, même s’ils n’apparaissent effectivement pas dans les coûts incrémentaux de la prestation de commercialisation et de reversement de l’opérateur de départ, la valeur de cette base de clients doit être prise en compte dans l’appréciation du caractère raisonnable du partage de la valeur.

3.3.6      Conclusion sur les taux de commissionnement de Free Mobile et Free SAS

L’Autorité considère raisonnable, au regard des circonstances de l’espèce, que Free ait cherché à obtenir une révision de la règle de partage de la valeur en sa faveur à la suite des augmentations du tarif de détail de Le Numéro intervenues au cours des dernières années.

S’agissant du taux de commissionnement perçu par Free Mobile, l’Autorité estime toutefois que le taux de commissionnement de 30% n’est pas raisonnable, au regard notamment des éléments de comparaison évoqués aux points 3.3.3. et 3.3.4.

L’Autorité estime raisonnable, au regard de l’ensemble des éléments qui précèdent, de déterminer un taux de commissionnement maximal de 25% en ce qui concerne les SRT payants de Le Numéro.

L’Autorité considère en effet qu’un tel taux de commissionnement reflète la contribution de chacune des parties à la valeur créée. Il prend notamment en compte la valeur de la base de clients constituée et fidélisée par Free à laquelle cette dernière donne accès à Le Numéro. Il permet en outre à chacune des parties de couvrir les coûts incrémentaux identifiés comme pertinents et leur assure à chacune une marge positive.

Dans le cas de Le Numéro, il ressort des éléments du dossier que cette marge est substantielle et supérieure à […]%51. Dans le cas de Free, l’Autorité considère qu’au regard des éléments de coûts  produits par les parties, ce taux de commissionnement permet à Free Mobile et   Free SAS de couvrir leurs coûts incrémentaux avec une marge significative52, quand bien même le niveau de cette marge ne peut être déterminée sur la base de ces éléments.

Par suite, au regard notamment des objectifs de l’article L. 32-1 du CPCE et des dispositions du cadre réglementaire applicable, l’Autorité considère qu’il est équitable d’enjoindre à Free Mobile de fixer à 25% son taux de commissionnement maximal, avec effet à compter du 1er janvier 2014.

En outre, il y a lieu d’enjoindre à Free Mobile de proposer à Le Numéro, au plus tard le 15 septembre 2014, une convention conforme à la présente décision.

S’agissant du taux de commissionnement de 16,5% appliqué depuis le 1er janvier 2014 par Free SAS, l’Autorité considère, a fortiori, que le caractère non raisonnable de ce taux n’est pas établi au regard des éléments qui précèdent.

L’Autorité note que si, à l’avenir, des paliers tarifaires de détail supérieurs devaient être créés à la demande de Le Numéro, rien n’exclut a priori que des taux de commissionnement supérieurs puissent être appliqués. Il appartient aux parties de définir contractuellement les conditions d’ouvertures de futurs paliers tarifaires53, dans le respect des principes  d’objectivité et non-discrimination.

Décide :

Article 1 : Le taux de commissionnement maximal pouvant être appliqué par la société Free Mobile, en contrepartie de la prestation de commercialisation et de reversement fournie à la société Le Numéro, est fixé à 25% des sommes devant être reversées à la société Le Numéro, avec effet au 1er janvier 2014.

Article 2 : La société Free Mobile doit proposer à la société Le Numéro, au plus tard le 15 septembre 2014, une convention conforme à la présente décision.

Article 3 : Le surplus des conclusions de la société Le Numéro est rejeté.

Article 4 : La directrice des affaires juridiques de l’Autorité est chargée de notifier la présente décision aux sociétés Le Numéro, Free SAS et Free Mobile, qui sera rendue publique, sous réserve des secrets protégés par la loi.

Notes :

1 CE, 25 juin 2004, sociétés Scoot France et Fonecta, n° 249300.

2 Dans la suite de la décision et sauf mention du contraire, il ne sera fait référence qu’aux SRT payants exploités par Le Numéro dans la mesure où le SRT gratuit accessible via le 118 713 ne fait l’objet d’aucun reversement par Free à Le Numéro.

3 Sont qualifiés d’opérateurs contrôlant l’accès à l’utilisateur final au sens de cette décision les « opérateurs qui contrôlent dans quelles conditions un utilisateur final appelé peut être joint via un numéro. Il s’agit des opérateurs exploitant un numéro tels qu’un opérateur attributaire du numéro du plan national de numérotation, opérateur bénéficiaire d’une mise à disposition de ce numéro au sens de la décision n° 05-1084 de l’Autorité du 15 décembre 2005, ou opérateur receveur suite à un portage du numéro. »

4 Décision n° 06-1015 du 10 octobre 2006 se prononçant sur un différend opposant les sociétés 118 218 Le Numéro et Orange France.

5 Cour d’appel de Paris, 11 septembre 2007, n° 2006/19670 ; Cour de cassation, chambre commerciale, 4 novembre 2008, n° 07-19.996.

6 Page 28 des observations en défense de Free SAS et Free Mobile, enregistrées à l’Autorité le 25 avril 2014.

7 Pièces n° 10 et 21 jointes à la saisine de Le Numéro.

8 Pièce n° 9 jointe à la saisine de Le Numéro

9 CA Paris, 11 septembre 2007 et Cass. com., 4 novembre 2008 précités.

10 Arrêté du 24 avril 2007 susvisé.

11 Société 118218 Le Numéro et a., n° 310452.

12 Soulignement ajouté. Dans ses conclusions, la rapporteur public Mme Bourgeois-Machureau a eu l’occasion de souligner que la notion de caractère « raisonnable » est certes peu précise, mais que ce choix « tient à la volonté légitime du régulateur d’encourager le plus possible, sur les deux points, la négociation entre les acteurs en présence. »

13 Décision n° 2010-1351 du 14 décembre 2010 se prononçant sur une demande de règlement de différend opposant les sociétés France Télécom et SFR.

14 Appréciés sur la base des coûts complets encourus par un opérateur efficace pour fournir la prestation de terminaison d’appel, qui est équivalente en termes techniques et économiques à celle du départ d’appel.

15 La prestation de commercialisation et de reversement, qui existe pour les appels vers les numéros à tarification majorée, est facturée sur le marché de gros aussi bien pour les appels au départ des fixes que des mobiles.

La prestation de départ d’appel n’est généralement facturée sur le marché de gros que pour les appels émis au départ des fixes, l’acheminement des appels au départ des mobiles faisant l’objet d’une tarification au détail auprès de l’utilisateur appelant. Au départ des fixes, la prestation de départ d’appel est facturée sur le marché de gros pour les appels vers les numéros spéciaux à tarification majorée ainsi que pour les appels vers les numéros spéciaux à tarification gratuite.

Les évolutions à venir vont accentuer la différence entre les modèles économiques de ces prestations pour les numéros à tarification majorée. En effet, conformément aux règles du plan national de numérotation  (décision  n° 05-1085 modifiée par la décision n° 2012-0856), la facturation sur le marché de gros de la prestation de départ d’appel a vocation à disparaître au 1er octobre 2015 puisque l’acheminement de la communication fera alors dans tous les cas l’objet d’une tarification au détail auprès de l’utilisateur appelant au prix d’une communication banalisée. Seuls la commercialisation et le reversement feront alors l’objet d’une facturation sur le marché gros, entre l’opérateur départ et l’aval de la chaîne de valeur pour les numéros à tarification majorée.

16 Le Numéro s’appuie en particulier sur la précision apportée par le Conseil d’Etat selon laquelle le caractère raisonnable « renvoie également, s'agissant des tarifs des deux composantes du service rendu aux utilisateurs et de la prestation de reversement qui incombe à l'opérateur contrôlant l'accès aux utilisateurs finals, qui effectue la facturation, à un partage reflétant la contribution de chacune des deux entreprises concernées au service rendu à l'utilisateur final et aux coûts afférents à cette contribution ».

17 Pièce n° 2 jointe à la saisine de Le Numéro.

18 Pièce n° 7 jointe à la saisine de Le Numéro.

19 Pièce n° 9 jointe à la saisine de Le Numéro.

20 Pièces n° 8 et n° 17 jointes à la saisine de Le Numéro. 21 Pièces n° 8 et n° 18 jointes à la saisine de Le Numéro. 22 Pièce n° 19 jointe à la saisine de Le Numéro.

23 Pièce n° 21 jointe à la saisine de Le Numéro.

24 Notamment des réponses des parties au premier questionnaire des rapporteurs.

25 La décision n° 05-1085 modifiée prévoit des plafonds tarifaires à 0,80 € / min et 3 € / appel pour l’ensemble des numéros courts et spéciaux, à l’exception des numéros courts de SRT pour lesquels aucun plafond n’existe.

26 Données issues des réponses au premier questionnaire qui permettent d’estimer les durées moyennes d’appel vers le numéro 118 218 à […] minutes au départ des mobiles et à […] minutes au départ des fixes.

27 Le 118 218 concentrant plus de […]% des appels de renseignements téléphoniques traités par Le Numéro, ces données portent sur ce numéro. La tendance décrite est toutefois similaire pour les autres SRT payants exploités par Le Numéro (118 222 et 118 318).

28 Ainsi, conformément à l’article L. 32-3-3 du CPCE, l’opérateur de SRT est responsable aux plans civil et pénal des contenus fournis.

29 L’opérateur de départ peut en outre apporter une garantie des impayés totale ou partielle. Dans le cadre du différend qui oppose Le Numéro à Free SAS et Free Mobile, ces dernières ont indiqué dans leurs écritures et lors de l’audience que ces impayés étaient limités s’agissant des appels vers le 118 218 dès lors qu’une part significative de leurs abonnés a opté pour le prélèvement automatique en tant que mode de paiement de leurs factures.

30 L’Autorité relève à cet égard que si Free a finalement accepté de procéder à l’ouverture du palier tarifaire demandé par Le Numéro, tel n’est pas le cas d’Orange. Il ressort en effet des réponses de Le Numéro qu’Orange a refusé la création des paliers tarifaires 2,19€ / appel + 2,19€ / min et 2,14€ / appel + 2,14€ / min et a procédé à la création d’un palier moins élevé de 1,92€ / appel + 1,80€ / min.

31 D’après l’observatoire des marchés des communications électroniques de l’ARCEP, la facture moyenne était de 16,1€ HT pour les lignes mobiles au T1-2014, soit 19,3€ TTC.

32 Page 3 : « Compte tenu de la rapidité de son service et de ses tarifs, les clients qui appellent les services de renseignements téléphoniques sont dans leur grande majorité des professionnels. » (souligné par Le Numéro).

33 Le Numéro précise ainsi dans sa saisine que « La rapidité de réponse est un élément essentiel du service de renseignement téléphonique (fourniture du renseignement en moyenne en […] secondes) »

34 Le Conseil d’Etat a eu l’occasion dans la décision du 19 juin 2009 précitée de rappeler que le caractère raisonnable de telles demandes « doit être apprécié notamment au regard de la nature et de la réalité des besoins de l'entreprise qui la présente et de la capacité technique de l'opérateur auquel cette demande est présentée à la satisfaire ».

35 http://groupe.sfr.fr/nous-connaitre/publications/offres-de-reference/05162014-1635-offre-de-reference-dinterconnexion-et-de-reversement-pour-lacces-des-clients-mobiles-et-fixes-de-sfr

36 Pièces n° 25, 35 et 37 jointes aux mémoires de Le Numéro.

37 Page 15 de la saisine de Le Numéro.

38 Page 10 des deuxièmes observations en défense de Free.

39 Troisièmes observations de Le Numéro et troisième rapport d’Analysys Mason joint à ces observations (pièce n° 37).

40 Estimation calculée sur la base d’un appel émis au départ d’un réseau mobile avec application d’un taux de commissionnement de 30%. Dans le cas d’un appel émis au départ d’un réseau fixe, le revenu par appel est supérieur.

41 Page 15 du premier rapport d’Analysys Mason.

42 Pièces n° 35 et 37 jointes aux écritures de Le Numéro.

43 Pièce n° 37, page 14

44 En effet, Free passe d’une estimation de la valorisation d’un abonné de Free Mobile à […]€ dans ses premières observations à […]€ dans ses deuxièmes observations.

45 L’Autorité ne dispose donc pas de données relatives au taux de résiliation pour les clients fixes. Au demeurant, à supposer que le phénomène des résiliations liées à des appels vers le 118 218 existe, il est vraisemblable que cet effet serait sensiblement moins important pour les clients fixes qui supportent des frais de résiliations importants que pour les clients mobiles dont la plupart peuvent avoir souscrit à une formule sans engagement.

46 Pages 8 et 9 du mémoire en réplique de Le Numéro

47 Parmi les abonnés ayant appelé le service client de Free Mobile pour des motifs liés à des problèmes de facture, de consommation voix ou d’impayés liés à l’usage de leur ligne téléphonique

48 En estimant le temps d’appel à […] minutes et en évaluant le coût à la minute à […]€. Dans sa réponse au premier questionnaire des rapporteurs, Free a précisé que la durée moyenne de traitement d’un appel est de […] minutes.

49 Données demandées dans la quatrième question du premier questionnaire des rapporteurs.

50 Au travers du poste « Gestion des réclamations ».

51 Voir supra, partie 3.3.5.1.

52 En effet, l’application d’un taux de commissionnement 25% apporterait à Free Mobile un revenu de […] €HT par appel (avec un tarif de détail de 2,19€ / appel + 2,19€ / min) et à Free SAS un revenu de […] €HT par appel (avec un tarif de détail de 2,14€ / appel + 2,14€ / min) ; le revenu  par  appel est plus  important au départ de  Free SAS que de Free Mobile en raison d’appels plus longs.

53 L’Autorité rappelle dans les motifs de la décision n° 2007-0213 que « les contrats régissant l’accès aux numéros SVA au départ des boucles locales prévoient notamment les tarifs de détail à appliquer à l’utilisateur final ».