Cass. 3e civ., 9 mars 1988, n° 86-13.163
COUR DE CASSATION
Arrêt
Cassation
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
M. Monégier du Sorbier
Rapporteur :
M. Senselme
Avocat général :
Mme Ezratty
Avocats :
SCP Lyon-Caen, Fabiani et Liard, Me Choucroy, SCP Delaporte et Briard
Sur le premier moyen :
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Paris, 23 janvier 1986), que, pour l'exécution d'une opération de rénovation urbaine, la Société d'économie mixte de construction et de rénovation de la ville de Pantin (SEMIP) a, suivant acte du 30 juin 1981, vendu un terrain à la société civile de construction Rio Ipanema, alors gérée par la société SCOGIM ; que la société Rio Ipanema a, le 16 juillet 1981, vendu en l'état futur d'achèvement, à la Caisse de retraite du personnel navigant professionnel de l'aéronautique civile (CRPNPAC), l'ensemble immobilier qu'elle se proposait d'édifier sur ce terrain ; que l'immeuble n'ayant pas été achevé dans le délai stipulé, la CRPNPAC a réclamé la réparation de son préjudice à la société Rio Ipanema, qui a appelé en garantie la société SEMIP ;
Attendu que cette dernière fait grief à l'arrêt d'avoir décidé qu'elle devrait garantir la société Rio Ipanema de toute condamnation en rapport avec le retard, alors, selon le moyen, " que, d'une part, en statuant ainsi la cour d'appel a laissé sans réponse les moyens dirimants opposés par la SEMIP à la demande en garantie formée à son encontre par la société civile de construction Rio Ipanema, desquels il résultait que la SEMIP, " personne privée ", était nécessairement restée étrangère aux obstacles dressés par la mairie de Pantin " agissant en tant qu'agent de l'Etat dans le cadre de la législation sur les permis de construire ", que ces obstacles résultaient au demeurant du fait même de la société civile de construction Rio Ipanema, laquelle avait pris l'initiative de vendre à la CRPNPAC 22 logements supplémentaires aux 118 prévus au programme initial du terrain A, pris au surplus sur l'assiette du terrain B, et avait, pour tenter de masquer cette infraction aux règles du permis de construire, entretenu une confusion entre les deux programmes, auprès des services techniques de la ville, se refusant à lui transmettre le dossier complet réclamé, qu'enfin, la SCOGIM ne pouvait ignorer que l'autorisation d'ouverture de chantier lui était réputée acquise dès le 7 décembre 1981, à défaut de notification d'un refus administratif, de sorte que les travaux auraient pu commencer dès cette date, que faute d'avoir répondu à ces moyens pertinents, la cour d'appel a affecté son arrêt d'un défaut de motifs et violé l'article 455 du nouveau Code de procédure civile, alors, d'autre part, qu'en raison de ces insuffisances, aucune faute imputable à la SEMIP, qui, en tant qu'aménageur de la ZAC, se devait d'alerter la SCOGIM des difficultés pressenties par la mairie sans que cet avis puisse valoir interdiction, ne se trouve caractérisée, pas plus que le lien de causalité susceptible d'unir cette prétendue faute au retard dans l'exécution des travaux, qu'ainsi la cour d'appel a privé sa décision de toute base légale au regard de l'article 1382 du Code civil " ;
Mais attendu que l'arrêt relève que, malgré le caractère définitif de la vente du terrain qu'elle avait consentie à la société Rio Ipanema, la société SEMIP a, elle-même, opposé à l'ouverture du chantier des obstacles et difficultés de toutes sortes, qui ont provoqué le retard dans l'édification de l'immeuble vendu à la CRPNPAC, sans qu'il soit établi que la société Rio Ipanema ait cherché à faire dépendre cette construction de la réalisation d'autres objectifs sur des parcelles voisines ; qu'ainsi, la cour d'appel, qui a répondu aux conclusions, a caractérisé la faute commise par la société SEMIP et sa relation de cause à effet avec le retard invoqué par la CRPNPAC ;
D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;
Mais sur le second moyen :
Vu l'article 73 du nouveau Code de procédure civile ;
Attendu que constitue une exception de procédure tout moyen qui tend, soit à faire déclarer la procédure irrégulière ou éteinte, soit à en suspendre le cours ;
Attendu que la société Rio Ipanema ayant réclamé le paiement de travaux qui, aux termes du contrat du 30 juin 1981, incombaient à la société SEMIP, celle-ci a soulevé l'irrecevabilité de cette demande additionnelle en soutenant qu'elle ne se rattachait pas aux prétentions originaires par un lien suffisant ;
Attendu que, pour déclarer ce moyen irrecevable, l'arrêt retient que la société SEMIP n'a invoqué " cette exception de procédure " qu'après avoir conclu au fond ;
Qu'en statuant ainsi, alors que, sous réserve du respect des dispositions relatives à la mise en état des causes, la recevabilité des demandes incidentes s'apprécie au regard des conditions définies par l'article 70 du nouveau Code de procédure civile et, en cause d'appel, de celles que prévoient les articles 564 à 567 de ce code, la cour d'appel a violé, par fausse application, le texte susvisé ;
PAR CES MOTIFS :
CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il a déclaré la société SEMIP irrecevable en son moyen fondé sur l'article 70 du nouveau Code de procédure civile et condamné cette société à payer à la société Rio Ipanema la somme de 350 185,48 francs, avec intérêts, l'arrêt rendu le 23 janvier 1986, entre les parties, par la cour d'appel de Paris ; remet, en conséquence, quant à ce, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Versailles