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Décisions

ARCEP, 7 février 2012, n° 2012-0157

ARCEP

se prononçant sur une demande de règlement de différend opposant les sociétés SRR et France Télécom

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Silicani

Membre :

Mme Benhamou, M. Coutant, M. Rapone, M. Courtois, M. Stern

ARCEP n° 2012-0157

6 février 2012

Vu le code des postes et des communications électroniques (ci-après CPCE), notamment ses articles L. 36-8 et R. 11-1 ;

Vu le règlement intérieur de l’Autorité, modifié par la décision n° 2010-1354 de l’Autorité de régulation des communications électroniques et des postes en date du 16 décembre 2010 ;

Une demande de règlement de différend a été enregistrée à l’Autorité le 17 octobre 2011, présentée par la Société Réunionnaise du Radiotéléphone (ci-après SRR), société en commandite simple au capital de 3 375 165 euros, immatriculée au registre du  commerce et des sociétés de Saint Denis de la Réunion sous le numéro 393 551 007, dont le siège social est situé au 21 rue Pierre Aubert ZI du Chaudron 97490 Sainte-Clotilde, prise en la personne de M. Bertrand Guillot, directeur général, et représentée par Maître Alexandre Espenel, avocat au barreau de Paris.

La société SRR demande à l’Autorité de :

1.     constater l’échec des négociations entreprises par SRR en raison du rejet opposé par France Télécom ;

2.     fixer, pour la période allant du mois d’avril à août 2009 inclus, les tarifs de prestations d’acheminement des appels émis à partir du réseau de SRR à Mayotte vers l’Union  des Comores à 0,25086 euro HT par minute, pour la part variable, et à 0,00365 euro HT, pour la charge d’établissement d’appel, quel que soit le réseau destinataire, conformément aux tarifs appliqués par France Télécom jusqu’en mars 2009.

La société SRR expose que, dans le cadre de sa relation d’interconnexion avec France Télécom pour l’acheminement des appels de SRR Mayotte vers les clients fixes ou mobiles établis dans l’Union des Comores, France Télécom a appliqué, depuis 2001, un tarif unique facturé sur une base moyenne incluant la part variable et la charge d’établissement d’appel, d’un montant de 0,25177 euro HT par minute. Elle souligne ensuite qu’à compter d’avril 2009, France Télécom a appliqué à SRR le double tarif d’interconnexion de son offre de référence auquel il avait été jusqu’alors dérogé, soit : 0,25086 euro HT par minute pour les appels vers le réseau fixe comorien et 0,33469 euro HT par minute pour les appels vers le réseau mobile comorien (une nouvelle augmentation des tarifs est intervenue au 1er juillet 2009 : 0,25959 euro HT par minute pour les appels vers  le  réseau  fixe  comorien  et  0,35499 euro HT par minute pour les appels vers le réseau mobile comorien). Elle précise que cette situation a perduré jusqu’en septembre 2009, mois à partir duquel elle a pu transmettre directement à la société Comores Telecom l’essentiel de son trafic, après avoir conclu avec cette dernière une convention d’interconnexion le 27 août 2009.

La société SRR estime l’Autorité compétente pour régler le présent litige, qui s’inscrit dans le cadre de l’exécution de la convention d’interconnexion conclue en 2001 entre SRR et France Télécom pour l’acheminement des appels de SRR au départ de Mayotte vers les clients fixes ou mobiles établis dans l’Union des Comores. Selon elle, l’échec des négociations est établi, la société SRR ayant formellement contesté les factures d’avril à août 2009 et France Télécom ayant opposé un refus à la demande de SRR d’établissement du tarif facturé jusqu’en mars 2009.

SRR estime sa demande devant l’Autorité justifiée en équité considérant que les raisons apportées par France Télécom à la hausse tarifaire ne sont pas fondées. SRR souligne à cet égard que les tarifs de terminaison d’appel mobile dans l’Union des Comores n’ont pas soudainement augmenté fin mars 2009 et que la notification d’une mise à jour de l’annexe tarifaire (annexe 24) par France Télécom le 26 mars 2009 ne saurait en aucun cas emporter une modification du tarif pratiqué par cet opérateur depuis huit ans dans le cadre de la relation d’interconnexion qui le lie à SRR.

SRR souligne que la hausse tarifaire a représenté un surcoût de 480 850 euros HT, qui a eu pour effet d’augmenter le coût moyen d’un appel de SRR vers l’Union des Comores de plus de 33 % et que SRR n’a pas été en capacité de répercuter ce coût sur le tarif de détail eu égard au délai de préavis de cinq jours ayant précédé la modification tarifaire.

La société SRR considère enfin que la hausse pratiquée par France Télécom est purement opportune, cette dernière ayant eu connaissance des discussions engagées par SRR avec Comores Telecom afin de lui confier désormais son trafic et eu égard au fait qu’en novembre 2010, France Télécom a baissé son tarif d’acheminement des appels de Mayotte vers les mobiles comoriens de 33 % par rapport à celui imposé à SRR au 1er avril 2009.

L’adjoint au directeur des affaires juridiques de l’Autorité a notifié aux parties, par courrier, le 24 octobre 2011, le calendrier prévisionnel de dépôt des observations et désignant les rapporteurs.

Des observations en défense ont été enregistrées le 15 novembre 2011, présentées par la société France Télécom, société anonyme au capital de 10 595 434 424 euros, immatriculée  au  registre  du  commerce  et  des  sociétés  de  Paris  sous  le  numéro  380 129 866 et dont le siège social est situé 6, place d’Alleray, 75505 Paris cedex 15, représentée par M. Eric Debroeck, directeur des affaires réglementaires.

La société France Télécom demande à l’Autorité de rejeter l’ensemble des demandes de la société SRR.

France Télécom estime tout d’abord que l’Autorité est incompétente pour trancher le différend dans la mesure où il ne porte pas sur l’exécution d’une convention d’interconnexion au sens de l’article L.36-8 du CPCE, puisqu’à la date du litige, aucune convention écrite ne liait les parties.

France Télécom considère ensuite qu’il n’y a pas d’échec des négociations puisqu’en signant avec France Télécom la convention d’interconnexion de septembre 2010, SRR a reconnu de manière rétroactive l’application des tarifs de l’annexe 24 de l’offre de référence de France Télécom telle que notifiée le 26 mars 2009.

France Télécom soutient enfin que la demande de SRR est dénuée de tout fondement. Elle relève à cet égard tout d’abord que France Télécom n’est soumise à aucune contrainte règlementaire imposée par une analyse de marché concernant la fixation du tarif du transit international et du délai de préavis informant des évolutions tarifaires puisque le marché du transit international ne fait pas l’objet d’une régulation ex-ante par l’Autorité. Par ailleurs, selon France Télécom, SRR soutient à tort que le tarif de France Télécom méconnaîtrait les dispositions de l’article D.99-10 du CPCE imposant le respect des principes d’objectivité et  de transparence des conditions tarifaires des conventions d’interconnexion. France Télécom explique ensuite que les évolutions tarifaires qu’elle pratique pour le transit international sont liées, d’une part, aux évolutions des tarifs de terminaison d’appel de Comores Telecom et, d’autre part, à la prise en compte des coûts d’acheminement du trafic encourus par France Télécom, qui utilise en particulier des liaisons satellitaires entre la métropole et les Comores.

Enfin, selon France Télécom, SRR disposait d’une solution alternative d’acheminement de son trafic lui permettant de ne pas recourir à la prestation litigieuse, en établissant une liaison d’interconnexion directe avec Comores Telecom, telle qu’elle l’a mise en œuvre à compter de septembre 2009.

Des observations en réplique ont été enregistrées à l’Autorité le 22 novembre 2011, présentées par la société SRR, par lesquelles elle maintient ses demandes.

La société SRR affirme que l’Autorité est compétente car, à la date du litige, SRR et France Télécom étaient dans des relations contractuelles d’interconnexion identiques et ininterrompues depuis 2001. SRR réitère le constat d’un échec des négociations estimant que, contrairement aux allégations de France Télécom, la signature par SRR de la convention d’interconnexion avec France Télécom en septembre 2010 ne saurait impliquer rétroactivement une reconnaissance par SRR de l’application des tarifs litigieux. Elle ajoute à cet égard qu’aucune transaction pour purger le litige n’a été conclue entre les parties.

SRR rappelle que sa demande se fonde en particulier sur les éléments suivants. Tout d’abord, France Télécom a pratiqué depuis 2001 le même et unique tarif d’interconnexion comme elle le reconnaît dans son courrier du 6 avril 2011. En outre, SRR considère que la hausse tarifaire de 33 % du tarif moyennant un préavis de cinq jours l’a soudainement placée en situation de vendre ses minutes d’appels de Mayotte vers l’Union des Comores en dessous de ses coûts. Ensuite, SRR souligne qu’elle n’a compris qu’à la réception, en mai 2009, de la facture  d’avril 2009, que les tarifs étaient modifiés puisque, pour l’informer de la modification tarifaire, France Télécom avait notifié fin mars 2009 une nouvelle annexe 24 de son offre de référence dont les tarifs étaient en réalité identiques à ceux de la précédente annexe 24 de 2007. N’ayant découvert la hausse qu’à la réception, en mai 2009, de la facture pour le tarif d’avril 2009, SRR était dans l’impossibilité de trouver et mettre en œuvre une solution alternative d’acheminement de son trafic vers l’Union des Comores. Enfin, selon SRR, cette hausse n’est pas justifiée par une prétendue augmentation des tarifs de terminaison d’appel mobile de Comores Telecom puisque le tarif de terminaison d’appel de Comores Telecom n’a pas évolué depuis 2007.

De nouvelles observations en défense ont été enregistrées à l’Autorité le 29 novembre 2011, présentées par la société France Télécom, par lesquelles elle maintient ses demandes.

La société France Télécom réitère l’incompétence de l’Autorité estimant qu’aucune convention d’interconnexion n’est formalisée entre les parties au moment du litige alors que l’article L.34-8 du CPCE impose à tout opérateur de communiquer à la demande de l’Autorité sa convention d’interconnexion, ce qui induit nécessairement une convention écrite. Sur le fond, France Télécom explique que les tarifs appliqués à compter d’avril 2009 figurent dans l’avenant au protocole d’accord signé par SRR et France Télécom le 25 novembre 2006 et que France Télécom a omis de les facturer jusqu’en avril 2009, mois à compter duquel France Télécom a régularisé la facturation sans entreprendre une régularisation pour le passé. France Télécom relève ainsi que la demande de SRR est infondée puisque SRR a donné son accord sur ces tarifs depuis novembre 2006. Par ailleurs, France Télécom précise à nouveau que les évolutions de ses tarifs se justifient par les particularismes de l’acheminement des appels internationaux jusqu’aux abonnés comoriens. Enfin, France Télécom réaffirme que SRR disposait d’une solution alternative avec Comores Telecom lui permettant de ne pas recourir à la prestation litigieuse.

Le directeur des affaires juridiques de l’Autorité a envoyé, le 12 décembre 2011, aux parties un questionnaire des rapporteurs.

Des réponses au questionnaire on été présentées par la société SRR, enregistrées à l’Autorité le 6 janvier 2012.

Des réponses au questionnaire ont été présentées par la société France Télécom, enregistrées à l’Autorité le 6 janvier 2012.

Après avoir entendu, le 31 janvier 2012, lors de l'audience devant le collège de l’Autorité (composé de M. Jean-Ludovic Silicani, président, Mme Françoise Benhamou et MM. Daniel-Georges Courtois, Jérôme Coutant, Denis Rapone et Jacques Stern) :

- le rapport de Mme Isabelle Caron, rapporteure adjointe, présentant les conclusions et les moyens des parties ;

- les observations de Mme Agnès Joulin et de Maître Alexandre Espenel, pour la société SRR ;

- les observations de M. Didier Dillard, pour la société France Télécom ; En présence de :

- MM. Benoît Bacquey et Gabriel Lluch, Mme Françoise Trevisani, pour la société France Télécom ;

- M. François Lions, directeur général adjoint, M. Stéphane Hoynck, directeur des affaires juridiques, M. Thibaud Furette, rapporteur, et Mmes Natacha Dubois et Patricia Lewin, agents de l'Autorité.

Sur la publicité de l'audience

L'article 15 du règlement intérieur susvisé prévoit : « l'audience est publique, sauf demande conjointe de toutes les parties. Si cette demande n'est pas conjointe, le collège de l'Autorité en délibère ».

Par courrier en date du 23 janvier 2012, la société SRR a demandé que l’audience soit publique.

Par courriel en date du 23 janvier 2012, la société France Télécom a demandé que l’audience ne soit pas publique.

En début d’audience, France Télécom a accepté que l’audience soit publique.

Le collège de l’Autorité (composé de M. Jean-Ludovic Silicani, président, Mme Françoise Benhamou et MM. Daniel-Georges Courtois, Denis Rapone et Jacques Stern) en ayant délibéré le 7 février 2012, hors la présence des rapporteurs et des agents de l'Autorité, adopte la présente décision fondée sur les faits et les moyens exposés ci-après.

1.  Sur le contexte du règlement de différend

La demande de règlement de différend déposée par la société SRR à l’encontre de la société France Télécom porte sur les tarifs des prestations de transit international de France Télécom, et plus précisément pour la liaison entre Mayotte et l’Union des Comores.

SRR demande que soient fixés, pour la période allant d’avril à août 2009 inclus, les tarifs de prestations d’acheminement des appels émis à partir du réseau de SRR à Mayotte  vers l’Union des Comores à 0,25086 euro HT par minute pour la part variable et à 0,00365 euro HT pour la charge d’établissement d’appel, quel que soit le réseau destinataire, conformément aux tarifs appliqués par France Télécom jusqu’en mars 2009.

L’Autorité rappelle ci-après les principaux éléments de contexte de ce règlement de différend.

a)      Sur la téléphonie mobile à Mayotte

Quatre opérateurs détiennent une autorisation d’utilisation  de fréquences  dans les bandes  900 MHz et 1800 MHz pour établir et exploiter un réseau mobile sur le territoire de Mayotte : SRR (filiale de SFR), Outremer Telecom, Orange Réunion et BJT Partners, dont le service n’est pas ouvert commercialement à ce jour. SRR est le premier opérateur à y avoir commercialisé ses services mobiles de détail, en 2001. SRR est à ce jour le numéro un du marché de détail de la téléphonie mobile à Mayotte, bien que les parts de marché de ses concurrents progressent, comme le montre le tableau suivant.

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Etant donné la proximité géographique et culturelle entre Mayotte et l’Union des Comores, les communications à destination de l’Union des Comores sont une composante importante des offres des opérateurs mobiles pour les clients de détail de Mayotte.

b)      Sur les options d’acheminement du trafic commuté (transit international) entre Mayotte et l’Union des Comores

Il existe plusieurs options pour l’acheminement du trafic commuté entre Mayotte et l’Union des Comores : les liaisons satellitaires, les liaisons directes en faisceau hertzien (du fait de la proximité géographique entre les deux territoires) et, avec la mise en service prochaine du câble LION 2 à Mayotte2, les liaisons filaires sous-marines.

SRR a choisi de mettre en œuvre sa propre liaison directe en faisceau hertzien avec Comores Telecom (l’opérateur historique de l’Union des Comores) à partir de septembre 20093. Elle avait précédemment recours aux services de transit international, construits sur des liaisons satellitaires, de France Télécom. Les services de transit de France Télécom semblent encore utilisés par SRR dans une faible proportion depuis la mise en œuvre de ladite liaison directe.

c)      Sur les principales phases de la relation contractuelle entre la société SRR et la société France Télécom

Il ressort des pièces du dossier qu’une prestation d’interconnexion a été fournie par France Télécom à SRR depuis novembre 2001 jusqu’à ce jour et que la relation contractuelle entre les sociétés SRR et France Télécom a été marquée par trois phases principales, s’agissant de l’interconnexion à Mayotte :

1.     du 5 novembre 2001 au 30 juin 2007 : France Télécom et SRR sont liées par un protocole  d’interconnexion  provisoire,   complété   par   deux   avenants   signés   le  5 septembre 2002 et le 25 novembre 2006 prorogeant la durée initiale du protocole respectivement jusqu’au 31 mars 2003 puis au 30 juin 2007 ;

2.     du 1er juillet 2007 au 6 septembre 2010 : France Télécom fournit et facture à SRR une prestation d’interconnexion sans qu’aucune convention écrite ne lie les parties ;

3.     depuis le 7 septembre 2010 : France Télécom et SRR sont liées par une convention écrite d’interconnexion.

Les faits reprochés par la société SRR à la société France Télécom sont survenus pendant la deuxième phase, au cours de laquelle la relation d’interconnexion entre les deux opérateurs ne faisait pas l’objet d’un accord écrit.

d)      Sur l’évolution des tarifs de la prestation de transit international fournie par France Télécom, au moment du litige, entre Mayotte et l’Union des Comores

Le tableau suivant récapitule les tarifs effectivement appliqués par France Télécom à SRR, pour le transit international entre Mayotte et l’Union des Comores, au cours de l’année 2009, c’est-à-dire au moment de la période du différend ainsi qu’immédiatement avant et immédiatement après.

Sources : annexes 24 successives de la convention d’interconnexion de France Télécom, fournies par la société France Télécom dans ses secondes observations en défense.

La période du différend est signalée par une accolade.

(*) France Télécom applique également une charge d’établissement d’appel de 0,00365 euro HT, quel que soit le réseau destinataire, jusqu’en mars 2009.

2. Sur le règlement du différend

Sans qu’il soit besoin de se prononcer sur les fins de non-recevoir opposées par la société France Télécom,

Sur la demande présentée par la société SRR,

SRR estime  injustifiées  les  modifications  tarifaires  appliquées  par  France  Télécom  au  1er avril 2009 puis au 1er juillet 2009 et demande à l’Autorité la fixation, pour la période allant du 1er avril 2009 au 31 août 2009, des tarifs facturés jusqu’au 31 mars 2009, soit 0,25086 euro HT par minute pour la part variable et 0,00365 euro HT pour la charge d’établissement d’appel.

a)      Sur la part variable du tarif demandé

L’Autorité constate, s’agissant de la première hausse tarifaire d’avril 2009, que les tarifs appliqués par France Télécom, pour la part variable – 0,25086 euro HT la minute à destination de numéros fixes et 0,33469 euro HT la minute à destination de numéros mobiles

– étaient ceux fixés contractuellement dans l’avenant n° 2 du protocole d’accord provisoire, signé par SRR et France Télécom en novembre 2006.

Comme cela a été confirmé par les parties, cette modification des tarifs ne résulte pas de l’application d’une stipulation écrite convenue entre les parties, postérieurement à l’avenant de novembre 2006, mais de la simple application par France Télécom, à compter du 1er avril 2009, des tarifs fixés entre les parties depuis novembre 2006, comme France Télécom le souligne en particulier dans sa réponse au questionnaire du 6 janvier 2012: « les tarifs vers les mobiles comoriens (0,33469 euro par minute) […] auraient dû être appliqués dès novembre 2006. Or seul le tarif vers les fixes comoriens (0,25086 euro par minute) était appliqué depuis 2006 quelle que soit la destination des appels, et donc à tort lorsque les appels étaient destinés à des mobiles comoriens ».

Par ailleurs, s’agissant de la seconde hausse tarifaire de juillet 2009, il ressort des pièces du dossier que France Télécom a augmenté ses tarifs à hauteur de 0,25959 euro HT par minute pour les appels vers le réseau fixe comorien et 0,35499 euro HT par minute pour les appels vers le réseau mobile comorien.

Or, il résulte de l’instruction que SRR n’apporte aucun élément de nature à justifier en équité que les deux augmentations tarifaires appliquées par France Télécom en avril 2009 puis en juillet 2009 ne sont pas fondées.

En effet, en premier lieu, la prestation qui est facturée à SRR n’est pas soumise à un encadrement tarifaire de la part de l’Autorité. Il convient de rappeler que le marché de gros du transit international n’est pas considéré comme un marché pertinent au sens de l’article L.37-1 du CPCE. Ce marché ne fait plus l’objet d’une régulation par l’Autorité depuis sa décision   n° 2005-0571 du 27 septembre 2005 portant sur la définition des marchés pertinents de la téléphonie fixe qui a eu pour effet de lever l’ensemble des obligations qui s’appliquaient jusqu’alors aux opérateurs réputés exercer une influence significative sur ce marché. Ainsi, France Télécom, pour la fourniture de la prestation objet du litige, n’est soumise à aucune obligation tarifaire prise dans le cadre d’une analyse de marché sur le fondement de l’article L. 38 du CPCE.

En deuxième lieu, SRR ne justifie pas qu’il soit équitable d’imposer à France Télécom d’appliquer un tarif variable unique quel que soit la nature fixe ou mobile de la destination de l’appel vers un abonné comorien. En effet, une différence de coûts, s’agissant des prestations d’acheminement de trafic (aussi bien de gros que de détail), selon la nature fixe ou mobile de la destination, peut fonder une différence tarifaire. Or il ressort des pièces du dossier et en particulier d’un avenant du 27 avril 2009 à la convention d’interconnexion entre France Télécom et Comores Telecom4, que France Télécom encourt des coûts différents au titre de la terminaison d’appel sur le réseau de Comores Telecom, selon la nature fixe ou mobile du numéro appelé. A ce titre, et en l’absence d’éléments probants de SRR, il apparait fondé de fixer à compter d’avril 2009 deux tarifs distincts en fonction de la destination de l’appel.

En troisième lieu, il ressort des pièces du dossier que SRR avait la possibilité de trouver une alternative technico-économique satisfaisante dans le cas où l’offre de France Télécom ne lui convenait pas5.

Enfin, si SRR soutient qu’elle a subi un surcoût de 480 850 euros HT causé par la modification tarifaire de France Télécom, la réparation d’un tel préjudice, à le supposer avéré, relève du juge du contrat et ne saurait par lui-même justifier que l’Autorité impose en équité les tarifs demandés par SRR.

En conclusion, la demande présentée par la société SRR tendant à la baisse de la part variable du tarif en cause, pour la période allant d’avril à août 2009, est rejetée.

b)      Sur la charge d’établissement d’appel

Le tarif de charge d’établissement d’appel était facturé à SRR depuis février 2007 (pièce n°2 de la saisine) et a été supprimé par France Télécom à compter d’avril 2009 parallèlement à l’augmentation de la part variable du tarif. Cette suppression étant favorable à la société SRR, il serait inéquitable de faire droit à sa demande de fixation du tarif d’établissement d’appel pour la période comprise entre le 1er avril 2009 et le 31 août 2009, dès lors que sa demande principale tendant à voir baisser la part variable du tarif contesté a été rejetée.

Au vu de ce qui précède, l’Autorité conclut que l’équité ne commande pas d’imposer à France Télécom des tarifs différents de  ceux  appliqués  entre  le  1er  avril  2009 et  le  31 août 2009. Il y a lieu en conséquence de rejeter la demande de la société SRR.

Décide :

Article 1er : La demande de la société SRR est rejetée.

Article 2 : Le directeur des affaires juridiques de l’Autorité est chargé de notifier la présente décision aux sociétés SRR et France Télécom, qui sera rendue publique, sous réserve des secrets protégés par la loi.

Notes :

1 Calculées sur le parc de clients actifs. Source : questionnaire pour la collecte d’informations nécessaires au suivi des marchés mobiles (découlant de la décision n° 2010-0715 de l’Autorité).

2 L’Union des Comores est déjà raccordée au reste du monde par le câble sous-marin EASSY depuis 2010.

3 Outremer Telecom a fait de même au mois de septembre 2009.

4 Pièce n° 5 des secondes observations en défense de France Télécom.

5 Il ressort des pièces du dossier que SRR était en discussion avec Comores Telecom depuis juillet 2007 pour l’établissement d’une interconnexion directe, avec déploiement d’une liaison en faisceau hertzien, et est parvenue à compter de septembre 2009 à établir une telle liaison directe avec Comores Telecom.