ARCEP, 21 juillet 2011, n° 2011-0846
ARCEP
se prononçant sur une demande de règlement de différend opposant les sociétés Free Infrastructure et France Télécom
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
M Silicani
Membre :
Mme Toledano, Mme Denis, M. Courtois, M. Coutant, M. Curien
L’Autorité de régulation des communications électroniques et des postes,
Vu la directive 2002/21/CE du Parlement européen et du Conseil du 7 mars 2002 relative à un cadre réglementaire commun pour les réseaux et services de communications électroniques (directive « cadre ») ;
Vu la directive 2002/19/CE du Parlement européen et du Conseil du 7 mars 2002 relative à l’accès aux réseaux de communications électroniques aux ressources associées ainsi qu’à leur interconnexion (directive « accès ») ;
Vu la recommandation de la Commission européenne du 20 septembre 2010 sur l’accès réglementé aux réseaux d’accès de nouvelle génération (ci-après « recommandation NGA ») ;
Vu le code des postes et des communications électroniques (ci-après CPCE), notamment ses articles L. 33-6, L. 34-8-3, L. 36-6, L. 36-8, R. 9-2 à R. 9-4, R. 11-1, D. 99-6 et D. 99-10 ;
Vu la décision n° 2009-1106 de l'Autorité de régulation des communications électroniques et des postes en date du 22 décembre 2009 précisant, en application des articles L. 34-8 et L. 34-8-3 du CPCE, les modalités de l’accès aux lignes de communications électroniques à très haut débit en fibre optique et les cas dans lesquels le point de mutualisation peut se situer dans les limites de la propriété privée ;
Vu le règlement intérieur de l’Autorité ;
Vu la demande de règlement de différend, enregistrée à l’Autorité le 25 mars 2011, présentée pour la société Free Infrastructure, société par actions simplifiées, dont le siège social est au 8, rue de la Ville l’Évêque, 75008 Paris, représentée par Monsieur Cyril POIDATZ, en sa qualité de président ;
La société Free Infrastructure demande à l’Autorité :
A- d’enjoindre à la société France Télécom d’amender le contrat du 12 mai 2010 et de proposer à Free Infrastructure une convention d’accès à la partie terminale des lignes de communications électroniques à très haut débit en fibre optique telle :
A-1 Pour les colonnes montantes :
À titre principal :
1/ que la somme des cofinancements demandés aux opérateurs commerciaux cofinanceurs ab initio, dont France Télécom elle-même, pour une colonne montante n’excède pas les coûts pertinents de son établissement par un opérateur efficace, assortie d’une marge raisonnable, et soit en tout état de cause :
- inférieure à 1050 € pour les immeubles de moins de 8 logements
- inférieure à 110 € par logement pour les immeubles de 9 à 36 logements
- inférieure à 90 € par logement pour les immeubles de plus de 37 logements
2/ que les tarifs respectifs d’achat des fibres dédiées et partagées soient identiques et en tout état de cause inférieurs ou égaux aux tarifs maxima ci-avant divisés par le nombre d’opérateurs cofinanceurs ;
3/ que ces tarifs prennent effet rétroactivement pour toutes les colonnes montantes réalisées depuis le 1er janvier 2010 ;
À titre subsidiaire :
que les tarifs proposés par France Télécom à Free Infrastructure pour la mise à disposition de fibres dédiées respectent une grille tarifaire plafond, fixée par l’Autorité, représentant une quote-part équitable, objective et non discriminatoire, des coûts pertinents d’un opérateur efficace pour la réalisation des colonnes montantes (cette grille tarifaire pourra être différenciée en fonction de la taille des immeubles et s’appliquer de manière homogène sur une zone géographique pertinente) ; que ces tarifs prennent effet rétroactivement pour toutes les colonnes montantes réalisées depuis le 1er janvier 2010 ;
A-2 Pour les raccordements palier À titre principal :
1/ que la somme des cofinancements demandés aux opérateurs commerciaux, dont France Télécom elle-même, pour un raccordement palier multi-fibres n’excède pas les coûts pertinents de sa réalisation par un opérateur efficace, assortie d’une marge raisonnable, et soit en tout état de cause inférieure à 125 € pour les raccordements palier établis en immeubles collectifs ;
2/ que :
- la quote-part de financement d’un raccordement palier multi-fibres commandé par un opérateur commercial et facturé à ce même opérateur commercial n’excède pas 125 €, que celui-ci dispose ou non d’une fibre dédiée ;
- la quote-part de financement d’un raccordement palier multi-fibres commandé par un opérateur commercial et facturé à un autre opérateur commercial n’excède pas 10 €, que celui-ci dispose ou non d’une fibre dédiée ;
3/ que France Télécom formule une offre de réalisation des raccordements palier, dans les immeubles dont elle est opérateur d’immeuble :
- avec des modalités tarifaires n’excédant pas les plafonds exposés ci-avant pour les raccordements palier multi-fibres,
- avec des modalités techniques, des processus de commande et de livraison et des outils informatiques identiques à ceux mis en œuvre pour l’accès à la boucle locale cuivre ;
4/ que ces tarifs prennent effet rétroactivement pour tous les raccordements palier multi- fibres réalisés depuis le 1er janvier 2010 au sein des immeubles dont France Télécom est opérateur d’immeuble ;
À titre subsidiaire :
que les tarifs proposés par France télécom à Free Infrastructure pour les raccordements palier multi-fibres (réalisés à la demande de Free Infrastructure ou à la demande d’un opérateur commercial tiers) respectent une grille tarifaire plafond, fixée par l’Autorité, représentant une quote-part équitable, objective et non discriminatoire, des coûts pertinents d’un opérateur efficace pour la réalisation de raccordements palier multi- fibres ;que ces tarifs prennent effet rétroactivement pour tous les raccordements palier multi-fibres réalisés depuis le 1er janvier 2010 au sein des immeubles dont France Télécom est opérateur d’immeuble ;
B- d’enjoindre à la société France Télécom de modifier les conditions de paiement des câblages FttH installés avant le 1er janvier 2010 de telle sorte que le paiement ne soit exigible qu’au jour de la première commande par Free Infrastructure de raccordement de son réseau horizontal au câblage FttH d’un immeuble de la commune concernée et ce, sans application d’une quelconque majoration.
Sur la recevabilité de la saisine et la compétence de l’Autorité, la société Free Infrastructure soutient que :
- le contrat qu’elle a conclu avec la société France Télécom le 12 mai 2010, dont une nouvelle version a été publiée les 24 et 28 février 2011, constitue une convention d’accès, précisant les conditions tarifaires et techniques de cet accès ;
- l’échec des négociations est avéré du fait de l’absence de la société France Télécom aux propositions faites par Free Infrastructure le 22 novembre 2010 ;
- en conséquence, au titre des articles L. 34-8-3 et L. 36-8 du CPCE, l’Autorité est compétente pour trancher le différend entre les parties et pour imposer des conditions techniques et
tarifaires qui doivent être « raisonnables et respecter les principes de non-discrimination, d’objectivité, de pertinence et d’efficacité ».
Sur ses demandes relatives au tarif du cofinancement des colonnes montantes et du raccordement palier de l’offre de France Télécom, la société Free Infrastructure soutient que :
- au vu des différences de niveau entre les tarifs de l’offre d’accès de France Télécom et celle de Free Infrastructure pour des prestations qualitativement similaires, les tarifs multi-fibres de l’offre de France Télécom ne seraient pas raisonnables et seraient contraires aux principes d’efficacité, d’objectivité et de non-discrimination ;
- les tarifs élevés feraient obstacle au droit de disposer d’une fibre dédiée instauré par la décision n° 2009-1106 de l’Autorité en pénalisant financièrement les opérateurs qui demandent à en disposer ;
- l’architecture déployée par un opérateur d’immeuble efficace serait une architecture quadri- fibres sans point de brassage, et à ce titre France Télécom ne respecterait pas le principe d’efficacité ;
- les coûts qui doivent être retenus dans l’assiette des coûts pertinents seraient les coûts d’un opérateur efficace ; les coûts de démarchage et de conventionnement d’immeuble, ainsi que et les coûts indirects chargés sur les coûts de sous-traitance devraient être exclus ;
- prendre en compte, dans le partage des coûts, les coûts de structure et les coûts de commercialisation (dans la mesure où ces derniers ne sont pas retraités pour intégrer l’autoconsommation de France Télécom) serait contraire au principe de pertinence ;
- la différence de coûts attribuable aux fibres dédiées et partagées serait négligeable pour les colonnes montantes multi-fibres, et la méthode de partage des coûts la plus efficace consisterait donc à diviser le coût total par le nombre d’opérateurs cofinanceurs.
Sur ses demandes relatives à la formulation d’une offre par France Télécom de réalisation des raccordements palier dans les immeubles dont elle est opérateur d’immeuble, la société Free Infrastructure soutient que :
- selon l’article R. 9-4 du CPCE, l’opérateur d’immeuble aurait l’obligation d’installer sous sa responsabilité les lignes à très haut débit en fibre optique du point de mutualisation jusqu’à l’intérieur des logements, et ne pourrait pas refuser de réaliser des travaux demandés par un opérateur commercial dans les logements ;
- l’opérateur d’immeuble serait structurellement le mieux placé pour construire le raccordement palier, puisque, ayant conçu et installé la colonne montante, il connaîtrait les spécificités de l’immeuble ainsi que l’ingénierie déployée ;
- les équipes de France Télécom seraient suffisamment dimensionnées pour réaliser et piloter la réalisation des raccordements palier, dont le rythme est inférieur à celui des interventions de France Télécom sur la boucle locale cuivre ;
- au vu des économies d’échelle et de gamme pouvant être réalisées, il serait souhaitable que les processus liés à cette offre soient calqués sur ceux du cuivre.
Sur ses demandes relatives à la fixation des conditions de paiement des droits d’usage des câblages FttH installés avant le 1er janvier 2010, la société Free Infrastructure soutient que :
- 14 millions d’euros sont d’ores et déjà exigibles au titre de l’engagement de Free Infrastructure à cofinancer les […] points de mutualisation installés par France Télécom avant le 1er janvier 2010 sur […] des […] communes concernées par l’appel à co- investissement correspondant ;
- cela conduirait à une situation inégalitaire car Free Infrastructure refinance France Télécom pour des câblages alors même que France Télécom va continuer à jouir pendant plusieurs mois d’un monopole sur ces câblages ;
- permettre à Free Infrastructure de ne payer ces câblages qu’à compter du premier raccordement d’un immeuble fibré par Free Infrastructure dans la commune éviterait tout comportement opportuniste (de type « écrémage ») de la part de Free Infrastructure, tout en lui permettant de commencer à rentabiliser cette dépense dans un délai raisonnable suivant l’exigence du paiement de son prix.
Vu les observations en défense enregistrées le 27 avril 2011, présentées par la société France Télécom, société anonyme par actions, ayant son siège 6, place d’Alleray, 75505 Paris cedex 15, représentée par Monsieur Eric Debroeck en sa qualité de directeur des affaires réglementaires ;
La société France Télécom demande à l’Autorité :
- de déclarer irrecevables les demandes concernant la rétroactivité au 1er janvier 2010 au vu du principe de non-rétroactivité des actes administratifs, ainsi que les demandes concernant la fixation des conditions de paiement des câblages installés avant le 1er janvier 2010, en tant qu’elles relèvent de stipulations contractuelles purement juridiques, et non des conditions d’ordre technique et financier de l’accès ;
- de rejeter l’ensemble des demandes de Free Infrastructure.
Sur l’injonction de fixer des plafonds tarifaires ex ante à la somme des cofinancements demandés aux opérateurs commerciaux pour les colonnes montantes ou les raccordements palier, la société France Télécom soutient que :
- la fixation de plafonds, d’une part, conduirait les opérateurs d’immeuble à écrémer les immeubles dont les coûts d’équipement sont les plus importants, par exemple du fait de leur ancienneté ou des souhaits spécifiques de leurs habitants, d’autre part, serait prématurée au regard du degré actuel de standardisation et d’industrialisation en matière d’architecture technique et de niveau de qualité ;
- la prise en compte des coûts liés au boitier de brassage dans le partage des coûts respecterait la Recommandation de l’Autorité du 23 décembre 2009 dans la mesure où France Télécom prévoit que les revenus futurs liés à l’accueil d’opérateurs tiers seront partagés entre l’ensemble des cofinanceurs ;
- ne pas prendre en compte les coûts de structure serait discriminatoire à l’encontre de France Télécom, d’autant que la valeur du taux de coûts communs appliqué par France Télécom est issue du modèle prévisionnel des coûts réglementaires audité à la demande de l’Autorité ;
- ne pas prendre en compte les coûts joints communs à l’ensemble des activités FttH serait contraire aux principes de pertinence et de non-discrimination, et irait à l’encontre de l’objectif d’incitation à l’investissement ;
- le surcoût lié à l’installation d’une fibre supplémentaire sur la partie colonne montante serait nettement supérieur aux 3€ par logement estimés par Free Infrastructure ;
- ne pas prendre en compte les coûts de démarchage serait déraisonnable car cette activité est indispensable à l’activité minimale d’opérateur d’immeuble, et serait contraire à l’objectif de développement de l’investissement efficace prévu à l’article L. 32-1 du CPCE, un effort important d’information des syndics et des copropriétaires concernant la fibre optique devant être maintenu ;
- il serait raisonnable que le ratio de coûts indirects soit appliqué aux charges de sous-traitance puisque ce ratio est lui-même calculé en ramenant un montant de charges indirectes aux charges de patrimoine et de sous-traitance ;
- imposer à France Télécom la rétroactivité d’éventuels plafonds tarifaires conduirait à modifier la part du financement supportée par les autres opérateurs cofinanceurs, ce qui est contraire au principe de non-opposabilité aux tiers des décisions individuelles.
Sur l’injonction de formuler une offre de réalisation des raccordements palier par l’opérateur d’immeuble, la société France Télécom soutient que :
- la réalisation du raccordement palier par l’opérateur commercial serait conforme à la réglementation, aussi bien au titre de l’article L. 34-8-3 que de l’article R. 9-4 du CPCE ;
- la demande de Free Infrastructure ne serait pas raisonnable car elle imposerait des contraintes excessives et disproportionnées à France Télécom, qui estime ne pas être suffisamment dimensionnée pour prendre en charge les raccordements palier des clients de Free et que mettre en œuvre un tel processus occasionnerait des coûts importants, notamment en termes de développement de système d’information ;
- en outre, cette demande conduirait à des difficultés et à des inefficacités dans le service offert au client final : d’une part, elle provoquerait une incompréhension de la part des abonnés voyant un technicien travaillant pour un opérateur autre que leur opérateur commercial, d’autre part, elle priverait le client final de garanties de bon fonctionnement car l’opérateur commercial ne serait pas mis en situation d’effectuer la recette de l’ensemble du câblage.
Sur l’injonction de modifier les conditions de paiement des câblages FttH installés par France Télécom avant le 1er janvier 2010, la société France Télécom soutient que :
- Free Infrastructure aurait pu commander les câblages en question à partir du raccordement effectif à son réseau d’un immeuble équipé par France Télécom sur la base de l’offre de location, ou bien de manière échelonnée selon les communes jusqu’au 31 décembre 2010, mais a choisi de les commander tous le 12 mai 2010 ;
- la demande de Free Infrastructure remettrait en cause le principe même du cofinancement ;
- le seul échelonnement des paiements des câblages qu’il serait pertinent de considérer est celui qui dépendrait de l’avancée progressive des travaux d’installation dans les immeubles ; il serait inéquitable et discriminatoire que l’échelonnement des paiements dépende du raccordement des réseaux d’opérateurs tiers, a fortiori sans application d’une quelconque majoration ;
- la demande de Free Infrastructure ne serait pas raisonnable car, d’une part, elle aurait pour conséquence d’introduire dans l’offre de cofinancement une condition contractuelle purement potestative, qui serait à ce titre frappée de nullité et, d’autre part, elle aurait pour effet de contraindre France Télécom à enfreindre les règles de droit économique applicables au délais de paiement qui peuvent être consentis entre professionnels, en application de l’article L.442- 6-I-7 du code de commerce.
Vu les nouvelles observations enregistrées le 12 mai 2011, présentées par la société Free Infrastructure, par lesquelles elle maintient ses conclusions ;
Sur la recevabilité de la saisine et la compétence de l’Autorité, la société Free Infrastructure soutient que :
- une application rétroactive des tarifs au 1er janvier pourrait être décidée par l’Autorité car d’une part, il était impossible pour Free Infrastructure de matérialiser un différend avant cette date, le projet d’offre n’ayant été publié qu’au mois de février avec effet rétroactif et, d’autre part, un arrêt du 14 décembre 2010 de la Cour de Cassation a indiqué que l’Autorité était compétente pour apprécier la date à partir de laquelle le différend existe, y compris si cette date est antérieure à la matérialisation du différend ;
- l’Autorité serait compétente pour se prononcer sur les conditions de paiement des câblages FttH installés par France Télécom avant le 1er janvier 2010 puisque ces conditions feraient partie des conditions financières de l’accès, et ne correspondraient pas à une quelconque obligation contractuelle.
Sur ses demandes relatives au tarif du cofinancement des colonnes montantes et du raccordement palier de l’offre de France Télécom, la société Free Infrastructure soutient que :
- l’installation par France Télécom d’une architecture quadri-fibres avec un dispositif de brassage, dès lors qu’elle reçoit une demande de fibre dédiée, serait la conséquence d’un choix de France Télécom de dépasser les besoins exprimés par les opérateurs cofinanceurs ab initio, et la préoccupation de France Télécom de pouvoir accueillir ultérieurement les opérateurs sur une fibre dédiée serait sans fondement car un accueil sur fibre partagée serait suffisant pour que France Télécom respecte ses obligations réglementaires ;
- instaurer des plafonds ex ante ne conduirait pas à favoriser l’écrémage puisque, d’une part, les tarifs des opérateurs d’immeuble étant d’ores et déjà des tarifs moyennés par tranche de taille, cela ne modifierait pas structurellement le fonctionnement du marché, d’autre part, ces niveaux seraient directement en ligne avec la structure tarifaire des contrats qui ont été signés par les sous-traitants de Free Infrastructure, et ils auraient donc une rationalité économique ;
- il serait dangereux qu’existe un niveau de marge tel qu’émerge une activité d’opérateur d’immeuble autonome, réalisée par des acteurs non opérateurs de détail : les plafonds tarifaires devraient donc se rapprocher des coûts complets d’un opérateur efficace, dont un certain nombre de postes de coûts de structure ou indirects seraient écartés, puisqu’ils pourraient être recouvrés sur le marché de détail ;
- il pourrait être pertinent d’inclure les coûts joints, indirects, commerciaux et de structure dans l’assiette de partage des coûts à condition que les coûts pris en compte soient ceux d’un opérateur raisonnablement efficace et non les coûts audités de France Télécom ;
- la prestation de démarchage d’immeuble ne serait pas guidée par l’activité d’opérateur d’immeuble mais par les activités d’opérateur de boucle locale ; dans le cas contraire, les opérateurs d’immeuble auraient proposé des offres de démarchage pour compte de tiers : ces coûts ne devraient donc pas faire partie de l’assiette du partage des coûts ;
- la solution technique déployée par France Télécom serait trop riche fonctionnellement, avec à la fois quatre fibres et un boitier de brassage, et les surcoûts ainsi entrainés par la pose d’équipements superfétatoires, installés de manière discrétionnaire par l’opérateur d’immeuble, ne devraient pas être supportés par les opérateurs cofinanceurs ;
- en tout état de cause, les coûts du point de brassage, qui entraîneraient une surfacturation de l’ordre de […]€ par prise dans l’offre de France Télécom, ne devraient pas être imputés à Free Infrastructure, puisqu’elle n’en a pas besoin ;
- les éléments de coûts fournis par Free Infrastructure pourraient servir de référence et procureraient des garanties en termes de qualité des déploiements, puisque France Télécom n’a jamais remis en cause les spécifications d’accès au service (STAS) de l’offre de Free Infrastructure.
Sur sa demande relative à la réalisation du raccordement palier par l’opérateur d’immeuble, la société Free Infrastructure soutient que :
- il n’existerait pas d’exception permettant à un opérateur d’immeuble de ne pas desservir un logement ou un local, celui-ci devrait donc installer les lignes pour son compte et pour le compte d’un opérateur demandant accès, dans les mêmes conditions, sous peine de contrevenir à ses obligations édictées aux articles L. 33-6 et R. 9-2 et suivants et d’enfreindre le principe de non-discrimination ;
- au vu des objectifs, des effectifs et des résultats affichés par France Télécom, les observations de celle-ci relatives au manque de moyens pour réaliser les raccordements palier pour compte de tiers ne seraient ni sérieuses, ni crédibles ;
- a prestation demandée par Free Infrastructure se limitant au raccordement palier et n’incluant pas de prestation d’installation des équipements de l’opérateur commercial chez le client final, les techniciens de France Télécom, qui s’occupent par ailleurs du SAV sur ces portions de réseaux dans ces mêmes immeubles, seraient donc qualifiés pour la réaliser ;
- l’intervention d’un technicien travaillant pour un opérateur autre que l’opérateur commercial choisi par l’abonné serait un processus connu et utilisé dans le dégroupage de la boucle locale en cuivre, et ne devrait donc pas susciter plus d’incompréhension de la part des clients finals.
Sur sa demande relative à la modification des conditions de paiement des câblages FttH installés avant le 1er janvier 2010, la société Free Infrastructure soutient que :
- sur la remise en cause du cofinancement, Free Infrastructure s’engageant à payer l’ensemble des immeubles de la commune au moment du raccordement du premier immeuble de la commune, ceci garantirait que cela n’occasionnera pas d’écrémage ;
- des négociations commerciales auraient pu permettre de répondre au prétendu caractère potestatif de la demande de Free Infrastructure, par exemple en convenant d’une date limite d’application de ces conditions de paiement aménagées à partir de laquelle l’ensemble des tarifs auraient été dus ;
- les conditions proposées au moment de l’achat de ces câblages ne permettaient pas à Free Infrastructure d’y accéder après le 31 décembre 2010 autrement qu’en location.
Vu les nouvelles observations enregistrées le 26 mai 2011, présentées par la société France Télécom, par lesquelles elle maintient ses conclusions ;
Sur la recevabilité de la saisine et la compétence de l’Autorité, la société France Télécom indique que :
- bien qu’elle considère cette demande comme non proportionnée, elle lève l’irrecevabilité soulevée dans ses premières observations en défense concernant la demande de Free Infrastructure visant à ce que la modification des tarifs de France Télécom prenne effet rétroactivement pour toutes les colonnes montantes et tous les raccordements palier réalisés depuis le 1er janvier 2010, puisque le périmètre de la demande est bien limité aux immeubles visés par le contrat de mutualisation signé par Free Infrastructure le 12 mai 2010 ;
- elle maintient que la demande de Free Infrastructure concernant la date d’exigibilité des paiements des câblages FttH installés avant le 1er janvier 2010 ne relève pas des conditions techniques et tarifaires de l’accès, mais de règles du droit commun : l’Autorité ne serait donc pas compétente pour trancher ce différend.
Sur l’injonction de fixer des plafonds tarifaires ex ante à la somme des cofinancements demandés aux opérateurs commerciaux pour les colonnes montantes ou les raccordements palier, la société France Télécom soutient que :
- l’ingénie déployée dans les immeubles par France Télécom pour les opérateurs ayant le choix de demander une fibre dédiée n’inclurait pas de boitier de brassage mais uniquement un panneau de connexions qui permet de gérer la maintenance et le SAV pour chacune des fibres dédiées connectorisées mises à disposition ;
- cette architecture contribuerait à une industrialisation en matière de fibrage d’immeubles en réduisant le nombre de configurations possibles ;
- il ne serait pas approprié que des plafonds tarifaires soient imposés à ce stade initial du déploiement du FttH ;
- les tarifs par catégorie d’immeuble de l’offre de France Télécom ne seraient valables que pour un millésime d’équipement d’immeubles, avec un choix d’ingénierie donné et un plan de déploiement donné : il pourrait être pertinent de proposer un tarif différencié par commune dans le futur et le fait de disposer de cette possibilité serait fondamental pour prendre sereinement des engagements de complétude de couverture ;
- il existerait d’autres inducteurs importants de coûts d’installation de colonnes montantes dans les immeubles qui ne seraient pas pris en compte dans la demande de Free Infrastructure, comme par exemple le nombre de colonnes montantes ;
- ses tarifs actuels n’incluraient aucune marge et les plafonds correspondants aux demandes de Free Infrastructure seraient non seulement inférieurs aux tarifs de France Télécom, mais aussi à ceux d’autres opérateurs d’immeubles (en particulier SFR, Sequalum et Numéricâble) ;
- ses choix concernant le processus de négociation syndic bénéficieraient à l’ensemble des opérateurs commerciaux et les coûts afférents devraient donc être inclus dans l’assiette des coûts pertinents ;
- les tarifs moyens facturés à France Télécom par ses sous-traitants pour les opérations de raccordement palier en multi-fibres (qui ne correspondraient donc qu’à la prestation de main d’œuvre réalisée par les sous-traitants, sans les coûts de matériel) seraient nettement supérieurs au plafond demandé par Free Infrastructure ;
- il ne serait pas raisonnable de se fonder sur les niveaux de coûts supportés par Free Infrastructure étant donné le faible nombre d’immeubles équipés par Free Infrastructure en quadri-fibres.
Sur l’injonction de formuler une offre de réalisation des raccordements palier par l’opérateur d’immeuble, la société France Télécom soutient que :
- en confiant la réalisation du raccordement palier à l’opérateur commercial au travers d’un contrat de sous-traitance, l’opérateur d’immeuble remplirait pleinement son obligation de fibrage et demeurerait responsable vis-à-vis des propriétaires de l’immeuble, l’opérateur commercial restant maître de ses raccordements et des délais afférents ;
- si elle proposait une offre de réalisation de raccordement palier pour le compte de l’opérateur commercial, ce dernier serait mis en situation de dépendance des processus, des délais et des tarifs de France Télécom, alors que les prestations demandées par celui-ci ne seraient pas nécessairement de même nature que celles réalisées par France Télécom pour ses propres clients ;
- Free Infrastructure serait dimensionné pour réaliser ces opérations, comme le montrent son implantation en dégroupage, avec des techniciens propres intervenant en SAV, ainsi que sa volonté d’intervenir de manière symétrique sur le dégroupage ;
- ce mode de réalisation entraînerait des complexités de mise en œuvre dans l’interfaçage entre l’opérateur d’immeuble et l’opérateur commercial et donc des délais et des coûts supplémentaires ;
- le développement d’un outil de type e-RDV, pour permettre à un opérateur commercial d’avoir la visibilité sur les interventions possibles, serait en pratique complexe à réaliser, et ne pourrait que difficilement être répliqué par certains opérateurs d’immeuble ne disposant pas des ressources nécessaires.
Sur l’injonction de modifier les conditions de paiement des câblages FttH installés par France Télécom avant le 1er janvier 2010, la société France Télécom soutient que :
- elle maintient son analyse selon laquelle Free Infrastructure entend imposer à France Télécom des conditions contractuelles purement potestatives ;
- la demande de Free Infrastructure reviendrait à décaler la date d’émission de la facture pour une prestation qui a pourtant été réalisée et à faire supporter à France Télécom le risque d’enfreindre les dispositions de l’article L.442-6-I-7 du code de commerce ;
- il ne pourrait être fait droit à la demande de Free Infrastructure visant à modifier sa demande initiale en suggérant d’y adjoindre une date butoir de paiement sauf à enfreindre la pratique décisionnelle de l’Autorité relative au périmètre du litige dont elle est saisie ;
- la demande de Free Infrastructure de n’appliquer aucune majoration serait inéquitable et discriminatoire, puisque Free Infrastructure se trouverait dans une situation plus favorable que les autres opérateurs qui choisiraient l’offre de cofinancement a posteriori de France Télécom.
Vu les courriers du directeur des affaires juridiques de l’Autorité en date du 25 mai 2011, transmettant un questionnaire aux parties et fixant au mercredi 8 juin 2011 la clôture des réponses ;
Vu les réponses enregistrées le mercredi 8 juin 2011, apportées par France Télécom et Free Infrastructure au questionnaire des rapporteurs ;
Vu les courriers du directeur des affaires juridiques de l’Autorité en date du 1er juillet 2011, transmettant un questionnaire aux parties et fixant au vendredi 8 juillet 2011 la clôture des réponses ;
Vu les réponses enregistrées le vendredi 8 juillet 2011, apportées par France Télécom et Free Infrastructure au questionnaire des rapporteurs ;
Après avoir entendu le 19 juillet 2011, lors de l'audience devant le collège (composé de M. Jean-Ludovic Silicani, président, Mmes Joëlle Toledano et Marie-Laure Denis et MM. Nicolas Curien, Daniel-Georges Courtois et Jérôme Coutant) :
• le rapport de Mlle Aurélie Barré et Mme Jennifer Siroteau, rapporteurs présentant les conclusions et les moyens des parties ;
• les observations de MM. Laurent Laganier pour la société Free Infrastructure ;
• les observations de MM. Didier Dillard pour la société France Télécom ; En présence de :
• MM. Olivier Raugel, Johann Binois et Stéphane Revelly pour la société Free Infrastructure ;
• Mme Aurélia David et M. Jean Mazier et Patrick Esquerré pour la société France Télécom ;
• M. Philippe Distler, directeur général, MM. François Lions et Michel Combot, directeurs généraux adjoints, Mmes Liliane Dedryver, Patricia Lewin et Natacha Dubois, MM. Antoine Darodes de Tailly, Stéphane Hoynck, Laurent Perrin, Matthieu Agogué, Christian Guénod, Guillaume Méheut et Alexis Argoud agents de l'Autorité.
Sur la publicité de l'audience
L'article 15 du règlement intérieur susvisé dispose que :
« l'audience est publique, sauf demande conjointe de toutes les parties. Si cette demande n'est pas conjointe, le collège de l'Autorité en délibère ».
La société France Télécom a indiqué, par courriel en date du 13 juillet 2011, qu’elle demandait que l’audience soit publique. Par courriel en date du 12 juillet 2011, la société Free Infrastructure a demandé que l’audience ne soit pas publique. Interrogée sur ce point par le Président avant l'ouverture des débats de l'audience, la société Free Infrastructure a indiqué qu’elle ne s’opposait pas à ce que l’audience soit publique.
Le collège (composé de M. Jean-Ludovic Silicani, président, Mmes Joëlle Toledano et Marie- Laure Denis et MM. Nicolas Curien, Daniel-Georges Courtois et Jérôme Coutant) en ayant délibéré le 21 juillet 2011, hors la présence du rapporteur, des rapporteurs adjoints et des agents de l'Autorité, adopte la présente décision fondée sur les faits et les moyens exposés ci- après.
1. Contexte et cadre juridique
À titre liminaire, l’Autorité rappelle le contexte dans lequel intervient la présente saisine, en présentant notamment le positionnement concurrentiel des parties sur le marché ainsi que le cadre réglementaire du marché du très haut débit en fibre optique.
1.1. Positionnement des parties sur le marché
La société Free Infrastructure commercialise principalement, à ce jour, des accès à internet haut débit via l’ADSL et comptait à la fin du premier trimestre 2011 environ 4,7 millions de clients, essentiellement des ménages.
En septembre 2006, le groupe Iliad, qui détient 100% du capital de Free Infrastructure, a annoncé sa décision de lancer le déploiement d’un réseau d’accès à très haut début en fibre optique. Ce déploiement a commencé dans les villes disposant soit d’infrastructures de génie civil, soit de réseaux d’égouts visitables, et s’est accéléré avec la mise à disposition de l’offre d’accès aux fourreaux de France Télécom. Free indique ainsi avoir investi, à la fin de l’année 2010, environ 500 millions d’euros pour le déploiement de son réseau horizontal à très haut débit en fibre optique. Cela se traduit par environ […] km de câbles en fibre optique déployés, selon une architecture point-à-point, à la fin du premier trimestre 2011.
Free Infrastructure participe également à l’équipement des immeubles et des logements en fibre optique avec, à la fin du premier trimestre 2011, […] logements dans des immeubles équipés par Free Infrastructure.
La société France Télécom mène depuis 2007 une phase de déploiement conjointement avec d’autres opérateurs. Fin 2009, Orange comptait […] clients à son offre « la fibre ». À la fin du premier trimestre 2011, France Télécom a équipé plus de […] immeubles (qui correspondent à environ […] logements éligibles).
Dans son plan « Conquêtes 2015 », France Télécom a l’ambition d’investir 2 milliards d’euros dans le déploiement de la fibre optique en France d’ici 2015, de garantir la couverture de 40% des foyers et d’être présente dans toutes les régions de métropole d’ici 2012, sur environ 45 agglomérations, ainsi que dans tous les départements d’ici 2015 (y compris 3 départements d’outre-mer), soit 170 agglomérations.
1.2. Cadre réglementaire des réseaux à très haut débit en fibre optique
Le cadre règlementaire du très haut débit vise à favoriser le déploiement de la fibre optique en incitant les acteurs à investir tout en permettant le développement d'une concurrence durable au bénéfice du consommateur. Plusieurs décisions ont été adoptées par l'Autorité pour atteindre ces objectifs, mettant en œuvre :
- une régulation asymétrique des infrastructures de génie civil de France Télécom ;
- une régulation symétrique de la partie terminale des réseaux en fibre optique.
La régulation asymétrique des infrastructures de génie civil permet aux opérateurs alternatifs de déployer leurs réseaux horizontaux dans les infrastructures de France Télécom dans des conditions techniques et économiques raisonnables et non-discriminatoires, sans avoir à dupliquer l’infrastructure existante de génie civil. En effet, une telle duplication serait coûteuse et réduirait de façon significative la capacité des opérateurs alternatifs à déployer des réseaux en fibre optique jusqu’à l’abonné (FttH).
S’agissant de la régulation de la partie terminale des réseaux en fibre optique, la plus proche des abonnés, la loi de modernisation de l’économie n° 2008–776 du 4 août 2008 en fixe le cadre juridique. Cette loi instaure un principe de mutualisation de la partie terminale des réseaux entre opérateurs et confie notamment la définition des modalités de mise en œuvre du principe de mutualisation à l’ARCEP.
Afin d’enclencher le déploiement du très haut débit fixe sur l’ensemble du territoire, et compte-tenu des expérimentations menées au cours de l’année 2009, le cadre réglementaire mis en place par l’ARCEP dans sa décision n° 2009-1106, datée du 22 décembre 2009, fixe certaines règles de mutualisation applicables sur l’ensemble du territoire et prévoit en particulier la fourniture d’une offre d’accès passive au point de mutualisation.
En application de la décision n° 2009-1106, les conditions tarifaires des offres d’accès aux lignes à très haut débit en fibre optique publiées par les opérateurs d’immeuble doivent respecter les principes de non-discrimination, d’objectivité, de pertinence et d’efficacité. La décision prévoit également qu’une prime soit conférée à l’opérateur d’immeuble pour inciter à l’équipement des immeubles en fibre optique.
Par ailleurs, certaines dispositions de la décision n° 2009-1106 ne concernent que les zones très denses du territoire, qui sont les zones où l'économie de ces nouveaux réseaux est structurellement la plus favorable et permet le déploiement en parallèle de plusieurs réseaux de fibre optique alternatifs jusqu'au pied des immeubles.
Dans ces zones très denses, la décision n° 2009-1106 dispose que l’opérateur d’immeuble est tenu de faire droit aux demandes de disposer d’une fibre supplémentaire dédiée entre le point de mutualisation et chaque logement ou d’installer un dispositif de brassage à proximité du point de mutualisation, si ces demandes sont formulées antérieurement à l’équipement de l’immeuble, moyennant un préfinancement des coûts de son installation.
Le schéma défini par l’ARCEP, neutre à l’égard des choix technico-économiques des opérateurs, permet de favoriser le développement de services innovants et différenciés, et ainsi d’une concurrence effective. Ce schéma vise également à inciter et à libérer l’investissement des opérateurs dans les zones très denses via un partage des coûts dans une logique de co-investissement.
À la suite de la publication de la décision de l’Autorité au Journal officiel, les opérateurs d’immeuble avaient un mois pour publier une offre de gros de mutualisation. France Télécom, Numericable, Sequalum, SFR, Covage et Free ont publié leurs offres entre le 17 et le 19 février 2010.
De nouvelles versions de l’offre d’accès aux lignes FttH en zones très denses de France Télécom ont été publiées le 24 et le 28 février 2011. Elles font suite à la décision n° 2010- 1232 de l’Autorité, datée du 23 novembre 2010, se prononçant dans le cadre du règlement d’un différend entre Bouygues Telecom et France Télécom. L’Autorité avait en effet été saisie, le 23 juillet 2010, par la société Bouygues Telecom qui estimait que certaines dispositions de l’offre de mutualisation de France Télécom pour l’accès aux lignes FttH en zones très denses constituaient des barrières à l’entrée et l’empêchaient de co-investir sur les immeubles équipés par France Télécom.
Dans cette décision, l’Autorité a fait droit, en particulier, à la demande de Bouygues Telecom de disposer à tout moment d’une offre d’accès aux lignes FttH permettant de bénéficier de
droits d’usage pérennes sur l’infrastructure déployée, et d’amortir les investissements correspondants, dans des conditions raisonnables, moyennant un taux de rémunération du capital proportionné tenant compte du risque encouru. Par ailleurs, l’Autorité a considéré qu’il était équitable de prévoir la prise en charge d’au moins 90% des coûts pertinents du raccordement palier par le premier opérateur commercial recrutant le client.
Cette décision vise à réduire significativement les barrières à l’entrée dans l’offre de mutualisation de France Télécom tout en préservant l’incitation à l’investissement et la concurrence par les infrastructures dans les zones très denses. France Télécom a bénéficié d’un délai de trois mois pour modifier, conformément à la décision de l’Autorité, son offre de mutualisation pour les lignes de fibre optique FttH dans les immeubles.
En dehors des zones très denses, les déploiements de réseaux en fibre optique jusqu’aux abonnés doivent répondre à certaines contraintes économiques et techniques spécifiques appelant à davantage de mutualisation des réseaux. La décision n° 2010-1312, publiée le 14 décembre 2010, précise les modalités de l’accès aux lignes de communications électroniques à très haut débit en fibre optique sur le reste du territoire, en dehors des zones très denses.
2. Sur la compétence de l’Autorité pour connaître des conclusions de la société Free Infrastructure relatives aux offres d’accès aux lignes FttH installées par France Télécom
La société Free Infrastructure demande à l’Autorité de régler le litige qui l’oppose à la société France Télécom concernant plusieurs clauses de l’offre d’accès en zones très denses à la partie terminale des lignes de communications électroniques à très haut débit en fibre optique par France Télécom, dont la première version a été publiée en février 2010. Selon l’article 1er des conditions générales de cette offre, dans leur version en vigueur à la date à laquelle elle a été signée par la société Free Infrastructure, soit le 12 mai 2010, celle-ci a pour objet de décrire, d’une part, les conditions du cofinancement, par un opérateur commercial, de l’équipement d’un immeuble en fibre optique par France Télécom, d’autre part, les conditions dans lesquelles France Télécom donne accès aux lignes à très haut débit en fibre optique qu’elle installe dans un immeuble.
2.1. Sur la compétence ratione materiae de l’Autorité
D’une part, selon le I de l’article L. 36-8 du CPCE :
« I.- En cas de refus d'accès ou d'interconnexion, d'échec des négociations commerciales ou de désaccord sur la conclusion ou l'exécution d'une convention d'interconnexion ou d'accès à un réseau de communications électroniques, l'Autorité de régulation des communications électroniques et des postes peut être saisie du différend par l'une ou l'autre des parties.
L'autorité se prononce, dans un délai fixé par décret en Conseil d'Etat, après avoir mis les parties à même de présenter leurs observations et, le cas échéant, procédé à des consultations techniques, économiques ou juridiques, ou expertises respectant le secret de l'instruction du litige dans les conditions prévues par le présent code. Sa décision est motivée et précise les conditions équitables, d'ordre technique et financier, dans lesquelles l'interconnexion ou l'accès doivent être assurés (…).
L'autorité rend publiques ses décisions, sous réserve des secrets protégés par la loi. Elle les notifie aux parties ».
D’autre part, selon l’article L. 34-8-3 du CPCE :
« Toute personne établissant ou ayant établi dans un immeuble bâti ou exploitant une ligne de communications électroniques à très haut débit en fibre optique permettant de desservir un utilisateur final fait droit aux demandes raisonnables d'accès à ladite ligne et aux moyens qui y sont associés émanant d'opérateurs, en vue de fournir des services de communications électroniques à cet utilisateur final.
L'accès est fourni dans des conditions transparentes et non discriminatoires en un point situé, sauf dans les cas définis par l'Autorité de régulation des communications électroniques et des postes, hors des limites de la propriété privée et permettant le raccordement effectif d'opérateurs tiers, à des conditions économiques, techniques et d'accessibilité raisonnables. Dans les cas définis par l'Autorité de régulation des communications électroniques et des postes, l'accès peut consister en la mise à disposition d'installations et d'éléments de réseau spécifiques demandés par un opérateur antérieurement à l'équipement de l'immeuble en lignes de communications électroniques à très haut débit en fibre optique, moyennant la prise en charge d'une part équitable des coûts par cet opérateur. Tout refus d'accès est motivé.
Il fait l'objet d'une convention entre les personnes concernées. Celle-ci détermine les conditions techniques et financières de l'accès. Elle est communiquée à l'Autorité de régulation des communications électroniques et des postes à sa demande.
Les différends relatifs à la conclusion ou à l'exécution de la convention prévue au présent article sont soumis à l'Autorité de régulation des communications électroniques et des postes conformément à l'article L. 36-8 (…) ».
Le II de l’article L. 36-8 du même code précise que :
« II.- En cas d'échec des négociations commerciales, l'Autorité de régulation des communications électroniques et des postes peut également être saisie des différends relatifs à la mise en œuvre des obligations des opérateurs (…) notamment (…) :
(…) 2° bis La conclusion ou l'exécution (…) de la convention d'accès prévue à l'article L. 34-8-3 (…).
Elle se prononce sur ces différends dans les conditions de forme et de procédure prévues au I (…) ».
Ainsi, en application du I de l’article L. 36-8, l’Autorité est compétente pour régler tous les litiges, survenus à la suite d’un échec des négociations, relatifs à la conclusion ou à l’exécution d’une convention d’interconnexion ou d’accès à un réseau de communications électroniques. Cette compétence générale concerne tous les réseaux de communications électroniques, quelle que soit la technologie utilisée.
En outre, en application de l’article L. 34-8-3, complété par le 2° bis du II de l’article L. 36-8, l’Autorité est compétente pour régler les différends relatifs à la conclusion ou à l’exécution d’une convention d’accès aux lignes de communications électroniques à très haut débit en fibre optique établies dans un immeuble bâti. Cette compétence particulière illustre, de manière redondante, l’un des cas dans lesquels la compétence générale de l’Autorité en matière de règlements de différends trouve à s’exercer. Par conséquent, si l’Autorité est compétente pour régler un litige sur le fondement des dispositions combinées de l’article
L. 34-8-1 et du 2° bis du II de l’article L. 36-8, elle l’est nécessairement, également, sur le fondement du I de l’article L. 36-8, étant précisé que la mission de l’Autorité – qui consiste à préciser les conditions équitables d’ordre technique et financier applicables au cas d’espèce – est, en principe, identique dans les deux cas.
L’Autorité est compétente pour examiner le présent litige, qui porte sur les conditions d’ordre technique et financier (2.1.3) d’exécution d’un contrat (2.1.2) d’accès à un réseau de communications électroniques et, plus précisément, d’accès à une ligne de fibre optique (2.1.1).
2.1.1. Un contrat d’accès à un réseau de communications électroniques en fibre optique
La demande par laquelle la société Free Infrastructure soumet à l’Autorité un différend relatif à plusieurs clauses de l’offre d’accès à la partie terminale des lignes de communications électroniques à très haut débit en fibre optique de France Télécom porte sur une convention conclue, in fine, en application de l’article L. 34-8-3 précité. Ce différend peut donc être porté devant l’Autorité.
2.1.2. L’exécution d’un contrat d’accès
La société Free Infrastructure demande que soient modifiées les conditions d’exécution de l’offre d’accès de France Télécom, qu’elle soutient avoir été contrainte de signer dès le 12 mai 2010, mais à laquelle elle ne renonce pas. L’exécution d’un contrat conclu en application de l’article L. 34-8-3 entre dans le champ de compétence de l’Autorité.
2.1.3. Les conditions d’ordre techniques et financier d’un contrat d’accès
La société Free Infrastructure demande à l’Autorité de modifier le contrat conclu le 12 mai 2010 avec France Télécom afin de :
i. plafonner les tarifs de cofinancement ab initio de la colonne montante demandés aux opérateurs commerciaux ;
ii. plafonner les tarifs de cofinancement ab initio du raccordement palier ;
iii. imposer à France Télécom de réaliser lui-même les raccordements palier pour compte de tiers, dans les immeubles dont il est opérateur ;
iv. modifier les conditions de paiement du cofinancement pour les immeubles équipés avant le 1er janvier 2010.
Il résulte des dispositions rappelées ci-dessus que, de manière générale, l’Autorité est compétente en règlement de différends pour préciser les conditions d’ordre financier de l’accès à un réseau de communications électroniques. En outre, les conventions ad hoc prévues à l’article L. 34-8-3 précisent les conditions financières de l’accès à la ligne en fibre optique. Il s’ensuit que les demandes i) et ii) de la société Free Infrastructure, tendant à la fixation de plafonds tarifaires et donc relatives aux conditions financières de l’accès, entrent dans le champ de compétence de l’Autorité.
Il en va de même de la demande iv), tendant à reporter la date d’exigibilité du paiement versé pour le cofinancement des immeubles équipés avant le 1er janvier 2010. Cette demande est effectivement, et ainsi que le rappelle la société Free Infrastructure, relative aux conditions financières de la convention. Dès lors que l’Autorité est dotée d’une compétence sectorielle limitée qui complète, en équité, l’action du juge du contrat sur les conditions strictement financières des conventions d’accès, la compétence de l’Autorité ne saurait être utilement contredite par la circonstance, invoquée par France Télécom, que les modalités de paiement seraient indépendantes de la qualité d’opérateur de communications électroniques et constitueraient une question commune à tous les contrats, de sorte que seul le juge du contrat serait compétent pour en connaître. Compétente pour l’exécution de ces conventions d’accès, l’Autorité peut, le cas échéant, en modifier les clauses dans un souci d’équité et, par voie de conséquence et contrairement aux allégations de France Télécom, remettre en cause les engagements initialement pris par les parties.
Par ailleurs, l’Autorité est compétente pour préciser les conditions techniques de l’accès et, en particulier, de l’accès à une ligne de fibre optique. Or, en demandant que la société France Télécom effectue elle-même les raccordements palier dans les immeubles dont elle est opérateur d’immeuble (iii), la société Free Infrastructure demande que les obligations mentionnées dans le CPCE soient respectées dans leur mise en œuvre technique et opérationnelle.
Le pouvoir de l’Autorité de régler les litiges en équité est un pouvoir d’appréciation qui s’exerce dans le respect des lois et règlements en vigueur. Dans le cadre des règlements de différends, il appartient donc à l’Autorité de faire respecter les textes applicables, sous réserve qu’ils ne soient pas incompatibles avec les normes de droit supérieures sur le fondement desquels ils sont pris, et dans la mesure où ils commandent le choix des modalités techniques ou financières d’exécution d’une convention d’accès.
Au cas d’espèce, la société Free Infrastructure se prévaut des dispositions de l’article R. 9-4 du CPCE dont il résulte, d’une part, une obligation pour l’opérateur d’immeuble de desservir les logements et locaux à usage professionnel par un chemin continu en fibre optique aboutissant à chaque point de terminaison situé dans l’immeuble, d’autre part, une faculté de mandater un tiers pour certaines opérations relatives à l’installation, la gestion, l’entretien ou le remplacement des lignes à très haut débit en fibre optique.
Par conséquent, dès lors que le choix de la société France Télécom de ne pas procéder, techniquement, au raccordement palier dans les cas où, tout en étant opérateur d’immeuble, elle n’est pas opérateur commercial, est encadré par les dispositions rappelées ci-dessus, l’Autorité est compétente pour se prononcer, sur ce point, sur la demande de la société Free Infrastructure.
2.2. Sur la compétence ratione temporis de l’Autorité
Free Infrastructure estime que, dès la conclusion du contrat le 12 mai 2010, son consentement à l’égard de certaines clauses a été vicié. Sa demande doit donc être regardée comme relative à l’exécution ab initio de l’offre d’accès à la partie terminale des lignes de fibre optique de France Télécom, c’est-à-dire l’exécution du contrat dès la date de sa signature.
Or, il appartient à l’Autorité de tirer toutes les conséquences, y compris temporelles, qu’impose le règlement d’un litige qui s’est noué dès la conclusion d’un contrat. En l’espèce, il est constant que les conditions de cofinancement sur les câblages à installer, prévues au point 6.2.1.1 de l’offre signée le 12 mai 2010, sont applicables, rétroactivement, à tous les immeubles équipés en fibre optique par France Télécom à compter du 1er janvier 2010. L’Autorité est donc compétente pour fixer les conditions équitables applicables à l’offre d’accès de France Télécom à compter du 1er janvier 2010.
Il résulte de l’ensemble des éléments qui précèdent que l’Autorité est compétente pour examiner, de manière équitable, l’ensemble des demandes de la société Free Infrastructure.
3. Sur la recevabilité des demandes de Free Infrastructure
L’Autorité estime que les demandes de Free Infrastructure se sont, préalablement, heurtées à un échec des négociations et qu’elles sont donc, en application de l’article L. 36-8 précité du CPCE, recevables.
En effet, il résulte de l’instruction qu’en réponse à la consultation préalable des opérateurs, lancée par France Télécom, le 31 mars 2010, en application de l’article 6.1 des conditions générales de son offre d’accès à la partie terminale des lignes de communications électroniques à très haut débit en fibre optique, publiée le 17 février 2010, la société Free Infrastructure a adressé un courriel le 2 avril 2010, par lequel elle formulait plusieurs observations concernant l’offre de France Télécom et relatives notamment :
- aux prix élevés de l’offre ;
- à la nécessité d’allonger la durée, au-delà de 2010, pendant laquelle il était possible de co-investir.
France Télécom a répondu aux commentaires de Free Infrastructure par un courriel en date du 16 avril 2010, précisant que : « les points sur lesquels France Télécom n’a pas apporté de réponse à ce jour ou ceux en cours d’instruction n’emportent pas accord tacite sur les propositions et/ ou les commentaires émis par Free Infrastructure ».
Par lettre en date du 30 avril 2010, France Télécom a informé Free Infrastructure, d’une part, du report, au 30 juin 2010, de la date limite de réponse à la consultation préalable sur le cofinancement des immeubles à équiper, initialement fixée au 15 mai 2010, d’autre part, du report, jusqu’au 31 décembre 2010, de la possibilité de participer au cofinancement des immeubles équipés avant le 1er janvier 2010, moyennant une majoration courant à compter du 1er juillet 2010.
Par lettre du 12 mai 2010, la société Free Infrastructure a formulé des commentaires sur l’offre de France Télécom, qu’elle a signée le même jour. En particulier, il ressort de cette lettre que Free Infrastructure demandait que le paiement des câblages à très haut débit à installer antérieurement au 1er janvier 2010 soit exigible, pour une commune donnée, seulement au jour de la première demande de raccordement du réseau horizontal de Free Infrastructure aux lignes en fibre optique d’un immeuble de cette commune. En outre, Free Infrastructure constatait que les prix proposés dans l’annexe tarifaire de l’offre de France Télécom étaient substantiellement supérieurs à ceux qu’elle-même et SFR avaient fixés dans leur offre de mutualisation.
La société Free Infrastructure a adressé une nouvelle lettre à France Télécom le 30 juin 2010. Free Infrastructure y déclare: « Nous réitérons (…) les vives réserves de notre courrier du 12 mai 2010 (…). Nous continuons à considérer (…) que les prix pratiqués par France Télécom ne paraissent pas conformes aux principes de pertinence et d’efficacité applicables à la tarification de telles offres d’accès. Il n’est ainsi pas justifié de déployer simultanément une fibre mutualisée avec un dispositif de brassage et une ou deux fibres surnuméraires inutilisées (…). Aussi, nous vous demandons de faire évoluer votre offre selon les termes de notre courrier du 12 mai 2010 et, plus particulièrement, en ce qui concerne les prix et leur répartition entre les opérateurs ».
Par lettre en date du 23 juillet 2010, France Télécom rappelle à Free Infrastructure les termes de l’article 6.1.2 des conditions générales de son offre d’accès – selon lesquels : « (…) toute réponse à la consultation doit parvenir à France Télécom au plus tard le jour de l’expiration du délai de réponse impératif indiqué lors de la consultation » –, et s’étonne de l’attitude contradictoire de Free Infrastructure qui, tout en ayant signé le contrat, en conteste le contenu.
En outre, la société France Télécom analyse, dans sa lettre, chacun des commentaires de la société Free Infrastructure. Elle indique ainsi que « le principe du cofinancement est basé sur la facturation des câbles FttH dès leur mise à disposition des cofinanceurs et s’applique aux câblages FttH installés avant le 1er janvier 2010 », et estime que ses prix sont conformes aux principes énoncés dans la décision de l’Autorité n° 2009-1106 susvisée.
Free Infrastructure a poursuivi l’échange avec France Télécom, par lettre du 22 novembre 2010, aux termes de laquelle : « (…) nous maintenons notre demande que le paiement des câblages FttH installés avant le 1er janvier 2010 dans une commune soit exigible au jour de la première commande par Free Infrastructure de raccordement de son réseau horizontal (…). Sur l’annexe tarifaire, nous ne pouvons que constater que France Télécom (…) a continué à refuser toute discussion relative à cette annexe (…). Nous vous demandons également de faire évoluer votre prestation et les tarifs de votre offre pour les raccordements palier. Nous souhaitons que le coût du raccordement palier soit supporté par l’opérateur commercial (…). Nous souhaitons que vous proposiez une prestation de raccordement palier pour le compte des opérateurs commerciaux ».
France Télécom a accusé réception de cette lettre et a fait une réponse d’attente à la société Free Infrastructure, le 8 décembre 2010, indiquant qu’elle allait étudier les différentes demandes formulées.
France Télécom a adressé, le 23 décembre 2010, un message à Free Infrastructure, indiquant qu’une nouvelle version de l’offre d’accès serait publiée en février 2011.
Par lettre du 4 janvier 2011, Free Infrastructure a indiqué à France Télécom : « (…) nous réitérons les termes de notre courrier du 22 novembre 2010 ».
Par lettre du 14 mars 2011, Free Infrastructure a pris acte de la modification de l’offre d’accès de France Télécom, qui affectait les conditions d’accès au cofinancement sans répondre à ses propres préoccupations. Ainsi, selon Free Infrastructure : « le tarif des colonnes montantes excède toujours les plafonds tarifaires mentionnés dans notre courrier du 22 novembre 2010 (…) nous maintenons que [les] tarifs [du raccordement palier] ne sont pas conformes aux principes de pertinence et d’efficacité (…). France Télécom ne propose aucune prestation de raccordement palier pour le compte des opérateurs commerciaux dans les immeubles dont France Télécom est opérateur (…). En conséquence, nous prenons note de l’échec des négociations relatives à votre offre d’accès aux immeubles FttH (…) ».
Il résulte de ces échanges que :
- la société Free Infrastructure apporte la preuve, qui lui incombe, d’une invitation à la négociation sur chacun des points qui font l’objet du présent règlement de différend, sauf en ce qui concerne les modalités techniques et les processus de commande et de livraison de l’offre de réalisation des raccordements palier ;
- que France Télécom, sur les points identifiés par Free Infrastructure dans les différents échanges, a décliné l’invitation qui lui était faite.
En effet, d’une part, Free Infrastructure a précisément indiqué à France Télécom les points sur lesquels elle souhaitait engager une négociation et qui font l’objet du présent règlement de différend.
i) Les conditions tarifaires proposées à France Télécom aux autres opérateurs pour la colonne montante sont mentionnées dans le courriel du 2 avril 2010, ainsi que dans les lettres des 12 mai 2010, 30 juin 2010, 22 novembre 2010, 4 janvier 2011 et 14 mars 2011.
ii) Les conditions tarifaires proposées par France Télécom pour les raccordements palier ont fait l’objet de la lettre du 22 novembre 2010, dont les termes sont rappelés par celle du 4 janvier 2011, ainsi que de la lettre du 14 mars 2011.
iii) La demande d’une prestation de raccordement palier, pour compte de tiers, par France Télécom est mentionnée dans les lettres du 22 novembre 2010 et du 14 mars 2011.
iv) Enfin, la possibilité de pouvoir étaler dans le temps le paiement du cofinancement des immeubles fibrés avant le 1er janvier 2010 est demandée par Free Infrastructure dans son courriel 2 avril 2010, dans sa lettre du 12 mai 2010, dont les termes sont confirmés par celle du 30 juin 2010, ainsi que dans celle du 22 novembre 2010.
Free Infrastructure a donc informé France Télécom, de manière précise et répétée, des points qui sont soumis à l’examen de l’Autorité, à l’exception des modalités techniques de l’offre de réalisation des raccordements palier, qui ne sont mentionnées dans un aucun courrier adressé à France Télécom par Free Infrastructure.
D’autre part, France Télécom n’a pas répondu aux demandes précises de négociation de la société Free Infrastructure. En effet, la société France Télécom a soit refusé de faire droit aux demandes qui lui étaient soumises (courrier du 23 juillet 2010), soit apporté des réponses esquivant les demandes de Free Infrastructure (report de la date limite de la consultation préalable, publication d’une nouvelle offre d’accès), soit, encore, ignoré certains courriers de la société Free Infrastructure.
Dans ces conditions, l’Autorité ne peut que constater l’échec des négociations sur les points du litige à l’exception des modalités techniques et des processus de commande et de livraison de l’offre de réalisation des raccordements palier. La demande de règlement de différend de la société Free Infrastructure est donc recevable, sauf en ce qu’elle porte sur les modalités techniques et les processus de commande et de livraison de l’offre de réalisation des raccordements palier.
4. Sur le périmètre et le niveau des coûts pertinents
Free Infrastructure estime que certains coûts que France Télécom retient dans le calcul des tarifs de son offre de mutualisation FttH ne sont pas justifiés dans leur principe ou dans leur montant et/ou qu’il ne serait pas équitable que les opérateurs tiers les supportent en tout ou partie. Free Infrastructure estime notamment qu’il n’est ni justifié ni équitable qu’elle supporte, au travers des tarifs de l’offre de mutualisation FttH de France Télécom, les coûts suivants :
- les coûts de démarchage ;
- les coûts de commercialisation ;
- les coûts de structure ;
- la part des coûts indirects et des coûts de structure imputés aux charges de sous- traitance.
Avant de mener cette analyse, il est utile de rappeler que les tarifs en cause étant ceux de l’offre de mutualisation de France Télécom publiée en application de la décision n° 2009- 1106 en date du 22 décembre 2009, précisant notamment les modalités de l’accès aux lignes de communications électroniques à très haut débit en fibre optique, l’analyse menée en l’espèce s’appuiera notamment sur celle-ci ainsi que sur la Recommandation qui l’accompagne. L’analyse en équité des demandes formulées par Free Infrastructure ne saurait s’écarter des principes tarifaires définis dans cette décision.
À cet égard, il convient de rappeler que les articles 2 et 3 de la décision n° 2009-1106 précisent que les conditions tarifaires des offres de mutualisation « doivent être raisonnables et respecter les principes de non-discrimination, d’objectivité, de pertinence et d’efficacité ». Ces qualités fondamentales qui doivent caractériser la tarification des offres de mutualisation sont précisées dans les motifs de la décision :
« - le principe de non-discrimination : un traitement discriminatoire d’opérateurs se trouvant dans des situations similaires aurait pour conséquence d’affaiblir la dynamique concurrentielle sur le marché de détail, en favorisant artificiellement une situation ou un choix stratégique ;
- le principe d’objectivité : la tarification mise en œuvre par l’opérateur doit pouvoir être justifiée à partir d’éléments de coûts clairs et opposables ;
- le principe de pertinence : les coûts doivent être supportés par les opérateurs qui les induisent ou ont usage des infrastructures ou prestations correspondantes ; ainsi l’opérateur d’immeuble ne doit pas supporter de coûts induits par la pose de fibres supplémentaires pour d’autres opérateurs. […]
- le principe d’efficacité des investissements : les coûts pris en compte doivent correspondre à ceux encourus par un opérateur efficace ; il convient donc que l’opérateur d’immeuble ne fasse pas supporter de coûts indus ou excessifs aux opérateurs tiers. ».
4.1. Sur la prise en compte des coûts de démarchage pour l’élaboration des tarifs de l’offre d’accès de France Télécom
Dans son offre de mutualisation FttH, France Télécom facture aux opérateurs tiers des coûts de démarchage et de conventionnement des immeubles. Selon France Télécom, cette prestation consiste à négocier avec le syndic de la copropriété afin d’obtenir la signature du protocole d’accord de câblage optique de l’immeuble de la copropriété ainsi que la validation de la pré-étude technique. Cette prestation comprend notamment la prise de contact téléphonique avec le syndic, l’envoi d’une documentation, la négociation sur le terrain avec le syndic ou le représentant du conseil syndical nécessitant un ou plusieurs déplacements, le suivi de l’assemblée générale statuant sur le projet de convention ainsi que la signature définitive de l’accord. Le coût global de cette prestation est de l’ordre de […]€ pour un immeuble de 23 logements1.
Free Infrastructure estime que les choix effectués par France Télécom lors de ses campagnes de démarchage des syndics de copropriété afin d’obtenir la signature de conventions d’installation de la fibre optique seraient uniquement dictés par sa propre logique commerciale en tant qu’opérateur de détail et considère qu’à ce titre, les coûts de démarchage ne devraient pas être pris en compte pour l’établissement des tarifs de l’accès de gros. En outre, Free Infrastructure estime qu’à moyen terme, il n’est pas nécessaire de démarcher les immeubles car les habitants et professionnels souhaiteront disposer d’un raccordement très haut débit « au même titre que le raccordement en énergie électrique ou en eau potable »2.
Il convient d’analyser les arguments avancés par Free Infrastructure à l’aune des principes tarifaires définis dans la décision et précédemment rappelés. En particulier, il convient en l’espèce d’apprécier la pertinence de l’inclusion des coûts de démarchage dans les tarifs d’accès proposés par France Télécom aux opérateurs tiers, eu égard à l’utilité de cette prestation pour ces derniers.
Tout d’abord, il convient de souligner que les actions envisagées au titre de cette prestation de démarchage sont engagées, par ou pour le compte de France Télécom (en cas de sous- traitance) avec les représentants de l’immeuble, du conseil syndical ou du syndic, mais pas directement avec les clients finals. L’absence de tout lien avec les clients finals dans ces prestations tend à conforter l’idée que le démarchage d’immeuble est une composante de l’activité d’opérateur d’immeuble plutôt qu’une composante de l’activité de détail.
De plus, la régulation mise en place vise, par essence, à ne pas conférer à l’opérateur d’immeuble un avantage discriminant dans la conquête de la clientèle sur le marché de détail par rapport aux opérateurs tiers. Ainsi, par exemple, la réglementation impose que l’opérateur d’immeuble informe les opérateurs tiers de l’ouverture commerciale des services dans l’immeuble dans un délai suffisant pour permettre à ceux-ci de proposer, le cas échéant, leurs services sur le marché de détail, dans les même conditions que celui-là. Dès lors, l’Autorité ne saurait souscrire à l’argument développé par Free Infrastructure selon lequel si France Télécom cherche à être operateur d’immeuble, ce n’est que pour obtenir un avantage discriminant sur le marché de détail.
Par ailleurs, Free Infrastructure avance que le fait que France Télécom, en tant qu’opérateur d’immeuble, ne propose pas d’engagement de volume et ne permette pas aux opérateurs cofinanceurs de choisir les immeubles à démarcher conforterait l’idée selon laquelle il s’agit d’une prestation qui bénéficie au seul opérateur d’immeuble. Cet argument ne saurait toutefois prospérer. En effet, le fait que le choix de démarcher tel ou tel immeuble relève de la libre décision de l’opérateur d’immeuble ne permet nullement de conclure qu’un tel démarchage est sans utilité pour les opérateurs tiers qui demandent l’accès à l’immeuble via l’offre de France Télécom. Au contraire, les opérateurs qui demandent l’accès aux prises d’un immeuble fibré par France Télécom bénéficient directement des relations établies entre celui- ci et la copropriété, puisqu’elles ont permis in fine la réalisation d’une infrastructure qu’ils peuvent utiliser pour fournir leurs services sur le marché de détail.
En outre, les bénéfices des actions de démarchage des copropriétés s’étendent à l’ensemble des cofinanceurs :
- la bonne compréhension par les syndics des avantages d’un réseau fibré profite à tous les opérateurs, notamment car la réalisation rapide des travaux, permise par l’établissement d’une relation partenariale de qualité avec les acteurs de l’immobilier, évite des retards potentiellement pénalisants pour tous les cofinanceurs ;
- l’adhésion à la fibre d’un grand nombre de copropriétés, grâce aux actions visant à convaincre ces copropriétés, permet à tous les cofinanceurs d’améliorer la rentabilité de leur investissement de déploiement horizontal et de développer des stratégies marketing plus globales ;
- le développement dynamique du démarchage permet l’équipement d’immeubles à grande échelle, qui est source d’efficacité économique.
Il ressort des analyses précédemment développées qu’il ne peut être considéré que la prise en compte des coûts de démarchage des copropriétés par France Télécom dans ses tarifs d’accès n’est pas pertinente. Il convient néanmoins que ces coûts correspondent à ceux d’un opérateur efficace.
En l’espèce, les éléments fournis par Free Infrastructure dans les débats ne permettent pas de conclure que les coûts de démarchage que France Télécom impute à ses tarifs d’accès ne correspondent pas à ceux d’un opérateur efficace. En effet, Free Infrastructure se borne à constater que ses coûts de démarchage sont en moyenne de […]€ par prise3 (cf annexe de sa saisine) pour une prestation minimaliste (correspondant à l’obtention des contacts des syndics, suivi d’un envoi de courrier ultérieur en courrier simple) sans apporter d’élément sur la suffisance de celle-ci pour atteindre les objectifs légitimement poursuivis par France Télécom. En l’absence d’éléments suffisants, l’Autorité ne saurait faire droit à la demande formulée par Free Infrastructure.
Lors de l’audition devant le collège, France Télécom a fait part de la perspective d’une baisse prochaine et progressive de ces coûts de démarchage. En particulier, France Télécom a notamment souligné que l’amélioration de l’information générale des copropriétaires et des syndics sur les modalités de déploiements et de mutualisation des réseaux FttH permettrait vraisemblablement de réduire les coûteux efforts d’explication et de pédagogie aujourd’hui nécessaires pour emporter leur conviction dans une phase de démarrage du marché.
Il ressort des analyses précédemment développées que la prise en compte par France Télécom de ses coûts de démarchage pour l’élaboration de ses tarifs d’accès est pertinente et qu’aucun élément probant ne permet en l’espèce de conclure que ces coûts seraient excessifs par rapport à ceux qu’encourrait un opérateur efficace. Dès lors, il n’apparaît pas justifié de faire droit aux demandes formulées par Free Infrastructure sur ce point.
4.2. Sur la prise en compte des coûts de commercialisation pour l’élaboration des tarifs de l’offre d’accès de France Télécom
Selon France Télécom, les coûts commerciaux correspondent aux coûts de sa division
« Opérateur France » (DIVOP). Cette entité est chargée des relations commerciales avec les opérateurs tiers pour l’ensemble des offres de gros de France Télécom. En l’espèce, les coûts de commercialisation envisagés dans le contrat FttH de France Télécom correspondent aux coûts des relations précontractuelles (notamment négociations des contrats, des spécifications techniques, définition des processus) et contractuelles (notamment gestion des commandes, de la facturation, des contentieux) liées à l’offre d’accès FttH.
Pour l’élaboration des tarifs de construction des colonnes montantes et des raccordements palier, France Télécom a fait le choix d’appliquer un ratio de […]%4 sur la somme des coûts pertinents pour ces produits, hors frais de siège et de structure.
Tout en reconnaissant que « les coûts de commercialisation pourraient en théorie légitimement être pris en compte », Free Infrastructure estime que, en l’espèce, ces coûts sont déjà largement couverts par les recettes que France Télécom perçoit de la commercialisation des autres offres de gros qu’elle propose (notamment sur sa boucle locale cuivre). Dès lors, Free Infrastructure demande que les coûts de commercialisation soient exclus du périmètre des coûts pertinents pour l’établissement des tarifs de l’accès, ou tout au moins qu’ils soient « retraités pour intégrer l’autoconsommation de France Télécom » pour ne pas tenir compte du choix de cette dernière de ne pas utiliser les mêmes processus de commande que les opérateurs tiers.
Tout d’abord, il convient de constater que même Free Infrastructure ne conteste pas l’existence de coûts de commercialisation des offres issues du contrat d’accès FttH de France Télécom. Par ailleurs, dans ses écritures, France Télécom ne conteste pas le fait que seuls les coûts de commercialisation peuvent être facturés (sans marge). L’analyse doit donc porter sur les méthodes d’évaluation et d’affectation de ces coûts de commercialisation retenues par France Télécom au regard notamment des principes de pertinence, d’efficacité et de de non- discrimination.
France Télécom souligne que la méthode d’évaluation des coûts qu’elle a retenue dans son offre d’accès correspond à celle utilisée pour l’ensemble de ses offres de gros régulées basées sur sa boucle locale cuivre en appliquant un ratio de […]% sur les coûts pertinents.
Or, la complexité et la nouveauté des offres d’accès FttH ont exigé de la part de France Télécom la mise en œuvre de moyens au moins aussi importants que ceux qu’elle mobilise pour la commercialisation de ses offres de gros basées sur sa boucle locale cuivre. En particulier, l’opérateur d’immeuble doit formuler une offre de co-financement ab initio et ex post et assurer des consultations publiques, opérations laborieuses et nouvelles. Par ailleurs, la gestion d’éventuels droits de suite en cas de co-financement ex post exige un suivi très fin. Enfin, sur un plan technique, la nouveauté des architectures de réseau en fibre optique déployées au sein des immeubles nécessite la définition puis des ajustements successifs de spécifications techniques complexes.
Pour l’ensemble de ces raisons, l’évaluation par France Télécom du coût de ses prestations de commercialisation comme un ratio de […]% de la somme des coûts pertinents pour ces produits, hors frais de siège et de structure apparaît, en l’espèce et en l’état des pièces du dossier, pertinente et il ne serait pas justifié de la remettre en cause.
Si de manière générale, les coûts de commercialisation doivent effectivement être répartis de manière non discriminatoire entre l’opérateur d’immeuble et les cofinanceurs, en l’espèce, ces coûts ne sont générés qu’en raison des demandes des opérateurs tiers (cofinanceurs ou en location) et ne sont utiles qu’à ces derniers. Il n’est donc pas injustifié, en l’espèce, que France Télécom les impute sur les tarifs offerts aux opérateurs tiers.
4.3. Sur la prise en compte des coûts de « structure »
Les tarifs de l’offre d’accès de France Télécom prennent en compte des « frais de siège et de structure », également parfois qualifiés de « coûts communs ». Ces coûts regroupent notamment les frais de siège, de direction générale ou encore de recherche appliquée. France Télécom a fait le choix d’appliquer aux produits de gros FttH (notamment à l’offre d’accès en cause) la même méthode que celle qui est retenue pour ses produits régulés fondés sur sa boucle locale cuivre. France Télécom somme l’ensemble de ces charges indivises et, ensuite, les affecte au prorata de l’ensemble des charges que l’entreprise supporte, à la fois sur ses produits de détail et de gros. Lors de l’instruction, France Télécom a affirmé que les « frais de siège et les coûts de structure affectables à l’offre de mutualisation fibre » s’élèvent ainsi à […]% des coûts spécifiques pertinents de l’offre, « conformément aux résultats du modèle des coûts de revient réglementaire prévisionnels 2011 audité par un cabinet externe, à la demande de l’ARCEP ».
Dans sa saisine, Free Infrastructure estime que ces coûts de structure ne devraient être supportés que par les produits de détail de France Télécom et qu’ils ne devraient donc pas être pris en compte dans l’élaboration des tarifs de l’offre de mutualisation FttH de France Télécom. Selon Free Infrastructure, « l’expérience a montré que ces charges n’étaient en général pas fixées par rapport aux coûts d’un opérateur efficace mais par rapport aux coûts d’un opérateur inefficace en situation dominante depuis plusieurs décennies » et que leur prise en compte dans les produits de gros ferait supporter la charge de l’inefficacité aux opérateurs tiers. Une telle exclusion de ces coûts pour l’élaboration des tarifs de gros constituerait un signal économique pertinent pour amener chaque opérateur à davantage d’efficacité.
Tout d’abord, il convient de distinguer la pertinence de la prise en compte de ces coûts de structure, puis, le cas échéant, d’évaluer leur niveau au regard du principe d’efficacité. Ainsi, le raisonnement proposé par Free Infrastructure consistant à considérer qu’une prétendue inefficacité de France Télécom devrait conduire à ne pas prendre en compte des coûts de structure ne peut être retenu car il revient à nier l’existence de coûts pertinents au seul motif de leur niveau excessif à l’aune du principe d’efficacité.
Or, les coûts de structure de France Télécom existent effectivement et ils ne sont pas dénués de lien avec les offres de gros de mutualisation FttH. En effet, comme le souligne France Télécom, les déploiements de réseaux FttH sollicitent très fortement les équipes centrales et l’état-major du groupe. Les déploiements FttH et les règles relatives à la mutualisation des réseaux et aux offres d’accès soulèvent des problématiques nouvelles, complexes et stratégiques qui exigent une implication forte des organes de direction du groupe. Il ne fait guère de doute que l’activité d’opérateur d’immeuble proposant une offre de mutualisation sollicite la « structure » de France Télécom et qu’il est donc justifié que les tarifs de l’offre en cause en tiennent compte. D’ailleurs, dans ses observations en réplique, Free Infrastructure reconnait que « l’entreprise déployant des colonnes montantes supporte bien des coûts de structure » et que « d’un point de vue théorique, il ne paraît pas illégitime de [les] prendre en compte ».
Concernant l’argument de l’inefficacité de « la structure » de France Télécom avancé par Free Infrastructure, il convient de souligner que la référence au ratio utilisé dans la comptabilité réglementaire de France Télécom apporte des garanties substantielles contre une éventuelle prise en compte de l’inefficacité de l’opérateur dans ses coûts de structure. En effet, les coûts issus du modèle des coûts réglementaires sont construits sur la base de principes d’efficacité et de pertinence, et font l’objet d’un audit indépendant. Les postes de coûts qui ne sont pas jugés efficaces sont exclus de l’assiette des coûts réglementaires de France Télécom (le périmètre de la comptabilité sociale de l’ancien monopole et celui de sa comptabilité réglementaire ne coïncident pas).
Il ressort de l’ensemble des développements qui précèdent qu’il est justifié que France Télécom prenne en compte ses coûts de structure pour l’élaboration de son offre de mutualisation FttH et qu’aucun élément du dossier ne permet, en l’espèce, de contester sérieusement la méthode retenue par France Télécom (application d’un ratio de […]% aux coûts pertinents spécifiques), directement issue du modèle des coûts réglementaires audités. Dès lors, les demandes formulées par Free Infrastructure d’exclusion des coûts de structure pour l’élaboration des tarifs de l’offre de mutualisation de France Télécom, doivent être rejetées.
4.4. Sur l’application des ratios de coûts indirects et de structure aux coûts de sous- traitance
Pour établir les tarifs de son offre de mutualisation FttH, France Télécom applique tout d’abord le ratio des coûts de structure à l’ensemble des coûts spécifiques pertinents de l’offre, parmi lesquels figurent les coûts de sous-traitance.
Par ailleurs, France Télécom répartit certaines charges « indirectes » (non affectées à une activité en particulier) au prorata des coûts de certaines prestations. Ces charges « indirectes » correspondent à des activités support indispensables au bon fonctionnement des activités de production réseau et qui ont vocation à être mise en œuvre à une grande échelle et non produit par produit. C’est la raison pour laquelle ces charges ne peuvent être directement affectées à une prestation bien identifiée et que dans leur grande majorité, ces charges sont des coûts joints communs à de nombreux produits de gros et de détail. Parmi ces charges « indirectes », figurent notamment les charges informatiques, de soutien (finances, support général et gestion du personnel), formation, recherche, bâtiments. Dans l’élaboration de son offre de mutualisation, France Télécom estime que les charges de sous-traitance doivent être majorées pour prendre en compte une partie de ces « charges indirectes » qui se répartissent également sur de très nombreuses autres charges.
Selon Free Infrastructure, des coûts indirects ont déjà été facturés par les sous-traitants qui doivent recouvrer les leurs et il ne serait pas raisonnable que les opérateurs clients de l’offre de mutualisation supportent également ceux de France Télécom. Free Infrastructure souligne que l’essentiel des opérations de déploiement FttH de France Télécom dans les immeubles sont réalisées par des sous-traitants et que ces opérations de sous-traitance évitent de très nombreuses charges indirectes à France Télécom. Selon Free Infrastructure, seules les prestations internalisées (typiquement les opérations de pilotage de la sous-traitance) pourraient légitimement supporter une part de ces coûts indirects.
Concernant l’affectation d’une part des coûts de structure aux charges de sous-traitance, Free Infrastructure se borne à estimer qu’elle n’est pas justifiée sans apporter d’éléments ni d’arguments précis. Or, la sous-traitance étant une activité usuelle d’une entreprise, il n’existe a priori pas de raison pour qu’elle ne supporte pas les coûts de structure de celle-ci. Dès lors, en l’état des éléments apportés au dossier, et eu égard au manque de recul sur l’appréhension d’un éventuel caractère spécifique du modèle économique des déploiements FttH dans les immeubles, l’Autorité estime qu’il ne serait pas justifié de demander à France Télécom de modifier sur ce point sa méthode d’évaluation des coûts pris en compte dans l’élaboration des tarifs de son offre de mutualisation FttH.
Concernant la méthode d’affectation des charges indirectes, il convient de préciser que certaines charges indirectes ne sont pas imputées sur les charges de sous-traitance de France Télécom. En effet, certaines charges indirectes sont spécifiquement affectées à un type de charge. Ainsi, les coûts de formation (charges indirectes) ne sont ventilés que sur les différentes charges de personnel mais pas sur les autres types de charges (notamment patrimoine, matériel, sous-traitance). Le recours à des sous-traitants permettant d’éviter certaines charges de personnel, il est logique que les charges indirectes de personnel ne soient pas supportées par les charges de sous-traitance.
Par ailleurs, certaines charges indirectes sont indispensables pour valoriser les prestations de sous-traitance. Ainsi, le support informatique peut s’avérer particulièrement utile pour les activités de pilotage et de suivi de la sous-traitance. De même, le service « finances » peut également être précieux pour gérer les aspects financiers des contrats de sous-traitance.
Dès lors, en l’absence d’éléments précis sur l’existence de charges indirectes qui ne seraient pas induites par l’activité de sous-traitance, l’Autorité estime qu’il ne serait pas justifié de demander à France Télécom de modifier sur ce point sa méthode d’évaluation des coûts pris en compte dans l’élaboration des tarifs de son offre de mutualisation FttH.
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Conclusion relative au périmètre et au niveau des coûts pertinents
Il ressort de l’ensemble des analyses qui précèdent que les arguments développés par Free Infrastructure ne permettent pas, en l’espèce, en l’état des pièces du dossier et à une période de démarrage du cycle d’investissement dans les réseaux FttH, de considérer qu’il serait justifié de remettre en cause le périmètre et le niveau des coûts retenus par France Télécom pour l’élaboration des tarifs de son offre de mutualisation. L’ensemble des demandes formulées par Free Infrastructure sur ces points devront en conséquence être rejetées.
5. Sur les tarifs d’accès au point de mutualisation et à la colonne montante
L’offre de mutualisation de France Télécom5 envisage un tarif pour les cofinanceurs qui distingue, d’une part, une contribution au point de mutualisation de l’immeuble (PMI), et, d’autre part, une contribution à la colonne montante. Ces tarifs dépendent du type d’ingénierie posé (mono-fibre ou multi-fibres), du nombre de logements raccordables, du type de fibre affecté au demandeur d’accès (partagée ou dédiée) ainsi que du nombre d’opérateurs cofinanceurs sur fibre partagée et du nombre d’opérateurs cofinanceurs sur fibre dédiée.
En sus des tarifs de cofinancement, les opérateurs supportent également des frais récurrents de maintenance du câblage FttH, qui dépendent notamment du nombre d’opérateurs cofinanceurs et du nombre de logements raccordables au point de mutualisation. La saisine de Free Infrastructure ne vise pas ces tarifs récurrents mais uniquement les tarifs du cofinancement.
En application des conditions générales de son offre d’accès, France Télécom installe dans ses immeubles une ingénierie quadri-fibres dès lors qu’un opérateur lui a formulé une demande de fibre dédiée avant l’installation des lignes. A ce jour, Free Infrastructure est le seul opérateur à avoir formulé une telle demande de fibre dédiée. Ainsi, les demandes tarifaires de Free Infrastructure dans le cadre de la présente affaire concernent les immeubles de France Télécom dans lesquels une architecture quadri-fibres est déployée.
Selon les spécifications techniques d’accès au service de l’ingénierie multi-fibres v2 (ci-après « STAS multi-fibres v2 ») de l’offre de France Télécom, cette architecture consiste à déployer quatre fibres par logement qui arrivent au niveau du point de mutualisation dans différents boitiers. La fibre partagée arrive sur un panneau de connexions (dans le boitier jaune) permettant le brassage vers les boitiers des opérateurs ayant choisi la fibre partagée (boitiers violets).
La demande formulée par Free Infrastructure dans la présente affaire s’appuie notamment sur le fait que la tarification de France Télécom ne serait pas conforme à la lettre et à l’esprit des décisions de l’ARCEP, et notamment la décision n° 2009-1106 du 22 décembre 2009. Free Infrastructure considère ainsi que France Télécom lui fait supporter les coûts d’une architecture inefficace car inutilement redondante au regard des obligations réglementaires, notamment concernant l’accueil des opérateurs tiers.
Dès lors, afin d’apprécier la pertinence des arguments avancés par Free Infrastructure :
- dans un premier temps, il convient de rappeler les règles concernant l’infrastructure déployée et le partage des coûts de celle-ci édictées dans la décision n° 2009-1106 du 22 décembre 2009 (5.1) ;
- dans un deuxième temps, il convient de détailler les coûts dont l’Autorité estime justifié que Free Infrastructure contribue à parts égales avec l'ensemble des cofinanceurs (5.2) ainsi que ceux dont il est justifié que Free Infrastructure supporte seul au titre de ses équipements dédiés (5.3) ;
- enfin, l’Autorité propose d’illustrer la mise en œuvre des principes énoncés en détaillant le partage des coûts dans le cas de deux immeubles (5.4).
5.1. Les obligations réglementaires imposées par la décision n° 2009-1106 du 22 décembre 2009
La décision n° 2009-1106 du 22 décembre 2009 pose non seulement des obligations en matière d’architecture déployée, mais également des règles concernant le partage des coûts de l’infrastructure posée. Il importe de clairement distinguer ces deux types d’obligations qui ne poursuivent pas nécessairement les mêmes objectifs et n’emportent pas les mêmes conséquences au cas d’espèce.
§ Les obligations concernant l’architecture déployée
La décision n° 2009-1106 de l’Autorité, en date du 22 décembre 2009, prévoit dans son article 2 que :
« L’opérateur d’immeuble offre aux autres opérateurs l’accès aux lignes au point de mutualisation, sous forme passive, dans des conditions raisonnables et non discriminatoire.
Par dérogation à l’alinéa précédent, lorsqu’au moins quatre fibres optiques par logement ou local à usage professionnel ont été installées et que l’ensemble des fibres optiques installées sont exploitées par des opérateurs, l’accès peut être proposé en un point situé en amont du point de mutualisation, sous forme passive ou active. »
L’article 5 de ladite décision envisage que :
« Lorsque les demandes d’accès sont formulées antérieurement à l’établissement des lignes d’un immeuble, l’opérateur d’immeuble fait droit aux demandes raisonnables des opérateurs portant sur les éléments constitutifs des lignes ou sur leur environnement technique, notamment aux demandes consistant à :
- bénéficier, pour chaque logement ou local à usage professionnel de l’immeuble, d’une fibre optique dédiée permettant de desservir l’utilisateur final depuis le point de mutualisation ;
- pouvoir installer un dispositif de brassage des lignes au niveau ou à proximité du point de mutualisation ».
Par conséquent, lorsqu’une seule demande de fibre dédiée a été formulée antérieurement à l’installation des lignes (ce qui est le cas aujourd’hui), afin de remplir ses obligations réglementaires en tant qu’opérateur d’immeuble, France Télécom doit déployer au moins deux fibres dont une dédiée. En outre, France Télécom a le choix, pour l’accueil ultérieur des opérateurs tiers entre :
- installer un dispositif de brassage au point de mutualisation ;
- installer une ingénierie multi-fibres avec au moins quatre fibres par logement.
Le choix de la première option permet, grâce au dispositif de brassage, un accès passif à la fibre partagée à tout opérateur en faisant ultérieurement la demande, dans la limite raisonnable des capacités d’hébergement au niveau de ce point de mutualisation. Par ailleurs, lorsque seule une demande d’une fibre dédiée a été exprimée antérieurement à l’installation du câblage, l’opérateur d’immeuble n’a, dans ce cas, pas d’obligation de déployer plus de deux fibres.
Le choix de la seconde option permet de donner un accès passif sur fibre dédiée au point de mutualisation à tout opérateur en faisant ultérieurement la demande, dans la limite de quatre opérateurs puisque l’opérateur d’immeuble pourra à partir d’une éventuelle cinquième demande se prévaloir de la dérogation de l’article 2 de la décision n° 2009-1106 pour offrir un accès sous forme passive ou active en un point amont de son réseau. Dans cette option, deux fibres dédiées seraient disponibles au cas d’espèce pour un accueil ultérieur de nouveaux opérateurs. C’est le choix opéré par Free Infrastructure quand il est opérateur d’immeuble.
Chacune de ces deux options permet de remplir les obligations posées par cadre réglementaire.
Au cas d’espèce, l’architecture choisie et déployée par France Télécom comporte à la fois quatre fibres (une fibre partagée et trois fibres dédiées) et un dispositif de brassage. En tant qu’opérateur d’immeuble, France Télécom est libre de déployer l’architecture qui lui sied. Cependant, le fait que l’architecture déployée par France Télécom repose sur une ingénierie qui va au-delà des obligations réglementaires en termes d’accueil des opérateurs tiers, peut avoir des conséquences concernant le partage des coûts de tels déploiements avec les opérateurs co-financeurs, au regard notamment des principes d’efficacité et de pertinence.
§ Les règles relatives au partage des coûts au regard de l’architecture déployée
La décision n° 2009-1106 du 22 décembre 2009 expose que « pour mettre en œuvre le partage des coûts, il convient de distinguer, d’une part, les coûts à partager entre l’ensemble des opérateurs, correspondant au coût des infrastructures utiles à l’ensemble des opérateurs raccordés, y compris le cas échéant, celles permettant d’offrir un accès à des opérateurs arrivant ultérieurement sur le marché, et, d’autre part, des coûts ayant vocation à être supportés par un opérateur donné ou par un sous-ensemble des opérateurs raccordés, correspondants au coût des infrastructures résultant de leurs propres choix et modalités de déploiements » (p.29).
Il ressort de cet exposé qu’il convient de distinguer :
- les coûts de l’infrastructure initiale qui aurait été déployée si l’opérateur d’immeuble était seul et ne supportait pas d’obligation d’accès. Cette infrastructure initiale profite, de manière commune, à l’ensemble des opérateurs qui ont accès à l’infrastructure et ses coûts ont naturellement vocation à être supportés à parts égales par tous les cofinanceurs ;
- les coûts liés à l’obligation réglementaire d’accueil des opérateurs arrivant ultérieurement sur le marché, qui ont également vocation à être partagés à parts égales entre les cofinanceurs ;
- les coûts liés à des éléments de réseau bénéficiant de manière spécifique à certains opérateurs. Ces coûts ont vocation à être supportés par les seuls opérateurs qui en bénéficient.
5.2. Les coûts auxquels il est justifié que Free Infrastructure contribue à parts égales avec l’ensemble des co-financeurs
Comme il a été exposé précédemment, tant les coûts de l’infrastructure initiale que ceux liés aux obligations d’accueil des opérateurs tiers peuvent être répercutés dans les tarifs proposés par France Télécom à Free Infrastructure.
§ Les coûts de l’architecture initiale
Dans son offre de mutualisation FttH, France Télécom considère que l’architecture initiale est une ingénierie mono-fibre. Elle construit ainsi sa grille tarifaire en partant d’une « base » de coûts d’une architecture mono-fibre.
Free Infrastructure nie qu’il existe une architecture initiale en mono-fibre et considère que l’opérateur d’immeuble doit développer l’infrastructure la plus efficace pour l’ensemble des opérateurs en fonction des réponses à l’appel au co-financement initial. Selon Free Infrastructure, le réseau initialement envisagé par l’opérateur d’immeuble ne saurait être pris en compte, celui-ci devant construire un réseau pour l’ensemble des opérateurs cofinanceurs.
La logique fondamentale des règles relatives aux modalités de l’accès aux lignes FttH est clairement exposée dans les motifs de la décision n° 2009-1106 du 22 décembre 2009 dans un paragraphe de synthèse intitulé « schéma proposé par l’ARCEP » :
« S’agissant des conditions d’installation de la fibre dans les immeubles des zones très denses, l’ARCEP propose le schéma suivant, consistant en l’obligation pour l’opérateur d’immeuble, lorsqu’un opérateur tiers le demande :
- d’une part, de lui garantir la possibilité d’installer un dispositif de brassage
[…]
- d’autre part, de lui installer une fibre supplémentaire […] »
Ainsi, la logique de la décision n° 2009-1106 repose sur l’hypothèse d’un opérateur qui déploie son propre réseau dans un immeuble et auquel il est imposé deux règles fondamentales pour l’accès des opérateurs tiers à son infrastructure : garantir la possibilité d’installer un dispositif de brassage, faire droit à une demande de fibre dédiée. Ainsi, au-delà de la seule fibre qu’il avait prévue pour sa seule présence, il lui est imposé d’envisager des équipements complémentaires pour garantir l’accès non discriminatoire à des opérateurs tiers.
Dès lors, la logique de la grille tarifaire de l’offre de mutualisation FttH de France Télécom fondée sur une référence de base d’une architecture mono-fibre est conforme avec la lettre et l’esprit de la décision n° 2009-1106 du 22 décembre 2009 et il ne serait pas justifié de la remettre en cause.
§ Les coûts liés aux obligations d’accueil des opérateurs tiers
L’architecture déployée par France Télécom comprend non seulement quatre fibres mais également un boitier de brassage. Il ressort des pièces du dossier (réponse au questionnaire notamment) que France Télécom fait supporter à l’ensemble des opérateurs (dont Free Infrastructure) les coûts de ces deux types d’équipements.
Dans sa saisine, Free Infrastructure expose que « le dispositif technique proposé par France Télécom, quadri-fibres avec un point de brassage, est donc redondant et inefficace du point de vue de la mutualisation. Les deux fibres inutilisées sont réservées à la mutualisation ultérieure de la colonne montante. Le dispositif de brassage installé sur la fibre n’est donc pas imposé par l’obligation de mutualisation puisque la fourniture d’une fibre dédiée aurait suffi, sans avoir à installer de dispositif de brassage, que ce soit pour les opérateurs co- investissant initialement ou pour les suivants ».
Il ressort de l’analyse des obligations réglementaires posées notamment par la décision n° 2009-1106 du 22 décembre 2009 (supra) que l’opérateur d’immeuble n’est effectivement pas tenu de déployer à la fois une architecture quadri-fibres et un dispositif de brassage pour remplir les obligations qui pèsent sur lui pour l’accueil des opérateurs tiers. Il serait dès lors inéquitable qu’un opérateur cofinanceur doive contribuer aux coûts liés à ce choix d’une double modalité d’accueil des opérateurs tiers alors qu’une seule suffit aux termes de la réglementation. Dès lors, si les opérateurs co-financeurs contribuent déjà aux deux fibres surnuméraires, les coûts liés au boitier de brassage doivent être partagés entre les seuls opérateurs qui l’utilisent pour brasser la fibre partagée.
Dans ses observations, France Télécom se borne à expliquer qu’il serait inéquitable de faire droit à la demande formulée par Free Infrastructure dans la mesure où son offre utilise une possibilité offerte par la Recommandation de l’ARCEP publiée le 23 décembre 2009 relative aux modalités de l’accès aux lignes de communications électroniques à très haut débit en fibre optique. En effet, un passage de la Recommandation évoquant le partage entre les co- financeurs des revenus liés à l’éventuelle arrivée ultérieure d’opérateurs tiers expose que « l’opérateur d’immeuble choisit soit d’assumer seul les coûts du dispositif de brassage qui permet l’accueil des opérateurs suivants (auquel cas il touchera seuls les revenus futurs liés à l’accueil d’opérateurs tiers sur le périmètre de cette infrastructure), soit de les faire partager à l’ensemble des opérateurs ».
Laisser à l’opérateur d’immeuble le choix de faire contribuer l’ensemble des opérateurs co- financeurs aux coûts d’un équipement qui ne leur est pas utile revient à donner à cet opérateur, qui est en situation de monopole sur une infrastructure essentielle, le pouvoir de conditionner l’accès à l’infrastructure des opérateurs co-financeurs à des investissements non nécessaires à ceux-ci. Au-delà de la question de sa conformité au regard des règles du droit de la concurrence, une telle facturation d’un boitier de brassage à l’ensemble des opérateurs, y compris à ceux qui n’en ont aucune utilité, est susceptible de porter atteinte au principe de pertinence des tarifs imposé par l’article 3 de la décision n° 2009-1106 du 22 décembre 2009. Les motifs de cette décision définissent ainsi ce principe : « le principe de pertinence : les coûts doivent être supportés par les opérateurs qui les induisent ou ont usage des infrastructures ou prestations correspondantes ». Free Infrastructure n’a aucune utilité directe ou indirecte du dispositif de brassage et n’en demande pas la pose.
Enfin, les passages de la Recommandation de l’ARCEP du 23 décembre 2009 cités par France Télécom dans ses observations visaient simplement à fournir une illustration du principe selon lequel le partage des revenus de l’accueil ultérieur d’opérateurs tiers devait être cohérent avec le partage des coûts des infrastructures d’accueil concernées.
Il ressort des développements qui précèdent que, Free Infrastructure supportant déjà une part des coûts des deux fibres surnuméraires permettant l’accueil des opérateurs suivants et n’ayant aucune utilité du boitier de brassage dont elle n’a pas, par ailleurs, demandé la pose, il serait injustifié qu’elle en supporte les coûts. Il est donc justifié de faire droit à la demande de Free Infrastructure visant à ne pas supporter les coûts du dispositif de brassage de la fibre partagée.
5.3. Les coûts qu’il est justifié que Free Infrastructure supporte seule au titre de ses équipements dédiés
Dans sa saisine, Free Infrastructure demande que les tarifs respectifs d’achat des fibres dédiées et partagées pour les colonnes montantes soient identiques. Par ailleurs, pour fonder sa demande de plafond tarifaire, Free Infrastructure fait systématiquement des calculs avec l’hypothèse que sa fibre dédiée est livrée sans connecteur. Ces deux points méritent d’être étudiés séparément.
§ Les différences de coûts entre les fibres partagées et les fibres dédiées
L’offre de mutualisation FttH de France Télécom prévoit dans sa grille tarifaire un complément tarifaire (delta) pour “contributions aux fibres surnuméraires”, correspondant au supplément tarifaire pour les opérateurs, comme Free Infrastructure, choisissant une fibre dédiée.
Dans les calculs qu’elle propose dans sa saisine, Free Infrastructure reconnaît l’existence de coûts spécifiques pour les fibres dédiées. Pourtant, Free Infrastructure expose qu’au regard de la très faible différence des coûts attribuables aux fibres partagées d’une part, et, aux fibres dédiées, d’autre part, il serait plus efficace de considérer qu’ils sont identiques. Free Infrastructure estime par ailleurs qu’une telle différenciation tarifaire serait contraire au principe de neutralité technologique.
Ce dernier argument mérite d’être repoussé. En effet, le principe de neutralité technologique ne signifie nullement que les opérateurs doivent supporter les mêmes coûts quelle que soit la technologie choisie. En revanche, le principe de neutralité technologique impose de ne pas pénaliser de manière discriminatoire une technologie au profit d’une autre. En l’espèce, l’application du principe de pertinence des tarifs veut que chaque opérateur, en fonction de ses choix technologiques, supporte les coûts des infrastructures qu’il demande ou qu’il utilise. Ainsi, l’opérateur de fibre dédiée doit supporter les coûts spécifiques de cet équipement dédié et les opérateurs de fibre partagée doivent supporter les coûts du dispositif de brassage indispensable à l’utilisation partagée de leur fibre. Le fait que chaque choix technologique conduise à supporter les coûts qu’il induit est parfaitement conforme au principe de neutralité technologique.
Par ailleurs, les coûts de l’infrastructure initiale (mono-fibre, hors boitier de brassage) étant partagés par l’ensemble des opérateurs à parts égales, le principe de pertinence veut que les opérateurs qui souhaitent des équipements complémentaires à cette infrastructure initiale en supportent intégralement les coûts. Dès lors, les coûts d’une fibre dédiée correspondent aux coûts incrémentaux de cette fibre par rapport à l’architecture mono-fibre. Tous les coûts additionnels à ceux de l’infrastructure initiale devront être affectés aux opérateurs ayant fait le choix de fibre dédiée.
En l’espèce, dans l’architecture quadri-fibres déployée par France Télécom, il est délicat d’isoler le coût de la fibre dédiée par rapport à l’architecture mono-fibre. En revanche, il est plus aisé de connaître le coût additionnel d’une architecture quadri-fibres par rapport à une architecture mono-fibre. Ainsi, le coût d’une fibre dédiée peut être estimé à un tiers de la somme des coûts incrémentaux des trois fibres supplémentaires par rapport à l’architecture mono-fibre initiale.
Il ressort des calculs réalisés par l’Autorité (voir infra) que les tarifs spécifiques d’une fibre dédiée peuvent être sensiblement différents de ceux d’une fibre partagée. En effet, les coûts spécifiques de la fibre partagée (boitier de brassage) peuvent être répartis entre un ou plusieurs opérateurs qui auront fait ce choix. En fonction du nombre d’opérateurs en fibre partagée, le tarif de la fibre partagée pour chaque opérateur varie et peut être sensiblement plus faible que celui d’une fibre dédiée, en particulier s’il y a trois opérateurs en fibre partagée. En tout état de cause, au regard du principe de pertinence notamment, il serait inéquitable de demander à France Télécom de ne pas tenir compte dans l’élaboration de ses tarifs d’une différence de coûts, même faible.
Au regard des différences objectives des coûts sous-jacents, la demande de Free Infrastructure visant à ce que les tarifs respectifs d’achat des fibres dédiées et partagées soient identiques doit être rejetée. En revanche, il importe que France Télécom respecte le principe d’efficacité lorsqu’elle détermine les tarifs des équipements dédiés, et en l’espèce de la fibre dédiée de Free Infrastructure.
§ Sur les coûts de la préconnectorisation de la fibre dédiée de Free Infrastructure
Dans l’architecture qu’elle déploie aujourd’hui, France Télécom installe une ingénierie quadri-fibres avec deux fibres préconnectorisées (pose, en usine, d’un connecteur à l’extrémité de la fibre) et deux fibres nues (sans connecteur). La fibre préconnectorisée de Free Infrastructure est raccordée à un panneau de connexion au sein d’une boite dédiée (boite rouge, schéma p.33).
Free Infrastructure estime que le panneau de connexions, les connecteurs et les pigtails ne sont pas nécessaires pour les opérateurs bénéficiant d’une fibre dédiée. En effet, dans ses réponses au questionnaire, Free Infrastructure indique que l’opérateur qui demande sa propre fibre dédiée et qui la paie seul doit pouvoir demander à ce que sa fibre soit connectorisée ou pas, et que le boitier dans lequel reposent ses fibres dédiées au niveau du point de mutualisation soit doté ou non d’un panneau de connexion.
France Télécom estime que le panneau de connexion installé pour la fibre dédiée demandée par Free Infrastructure permet de définir précisément l’interface entre le réseau de l’opérateur d’immeuble et le réseau de l’opérateur commercial. Selon France Télécom, cette interface permet la gestion de la maintenance et les opérations de service après-vente. Il ressort des réponses de France Télécom au cours de l’instruction qu’une fibre livrée sans connecteur pourrait coûter environ […]6€ de moins qu’une fibre préconnectorisée (par logement).
Tout d’abord, dans la mesure où la fibre dédiée est un équipement spécifique à l’usage exclusif de Free Infrastructure qui en supporte l’intégralité des coûts, il apparaît logique qu’elle puisse demander qu’elle soit livrée avec ou sans connecteur. Le fait que la fibre soit ou non connectorisée est sans aucune influence sur les autres fibres et sur les autres équipements de l’installation. Pour France Télécom, il ne serait pas disproportionné de modifier la préconnectorisation de la fibre dédiée de Free Infrastructure, sous réserve d’un délai de mise en œuvre suffisant, dans la mesure où il ne s’agit que de modifier l’ordre de commande à ses sous-traitants. On relèvera que l’architecture V1 déployée par France Télécom en 2010 envisageait la préconnectorisation des quatre fibres installées. L’architecture V2 développée depuis le printemps 2011 ne préconnectorise que la fibre partagée et la fibre dédiée qui a fait l’objet d’une demande initiale. Les deux fibres surnuméraires en attente ne sont plus préconnectorisées. Ce changement d’ingénierie souligne qu’il est aisément possible, sous réserve d’un délai de mise en œuvre suffisant, de modifier le nombre de fibres préconnectorisées en usine.
Il ressort de ce qui précède qu’il est proportionné de demander à France Télécom d’offrir le choix à Free Infrastructure de préconnectoriser ou non sa fibre dédiée, sous réserve d’un délai de prévenance suffisant au regard des commandes engagées par France Télécom.
Par ailleurs, comme le souligne France Télécom dans ses écritures, l’installation de connecteurs sur un panneau de connexion au niveau du point de mutualisation permet de bien identifier la séparation entre le réseau de l’immeuble, sous la responsabilité de l’opérateur d’immeuble, et le réseau de l’opérateur commercial. Ainsi, les connecteurs permettent de bien établir la frontière de responsabilité entre les deux opérateurs en cas de dysfonctionnement sur la ligne et facilitent également les travaux de maintenance grâce à un point de coupure. Pour ces raisons, l’Autorité avait recommandé (Recommandation du 23 décembre 2009) aux opérateurs d’immeuble l’installation de connecteurs en pied d’immeuble : « afin d’assurer un service après-vente satisfaisant sur la partie du réseau dont il assure la responsabilité vis-à- vis du propriétaire de l’immeuble, il est recommandé que l’opérateur d’immeuble livre, sauf exception, un câble en fibre optique préconnectorisé aux opérateurs tiers ».
Pourtant plusieurs éléments invitent à relativiser, en l’espèce, cette préconisation. Tout d’abord, Free Infrastructure estime qu’il lui est possible d’effectuer ce diagnostic sans connecteur au niveau du point de mutualisation, en effectuant des tests de continuité optique ou de réflectométrie depuis le connecteur situé dans le logement du client concerné ou depuis son nœud de raccordement optique. S’agissant du service après-vente, l’Autorité note que dans les processus prévus par France Télécom dans son offre, il revient à l’opérateur commercial d’effectuer la pré-localisation de la panne en cas de dérangement sur la ligne et de démontrer que la panne provient des équipements maintenus par France Télécom avant de lui envoyer une signalisation : « l’opérateur devra fournir la preuve que le défaut provient des équipements maintenus par France Télécom avant toute intervention » (p. 32 de l’offre d’accès de France Télécom). Puisqu’aux termes de la convention d’accès de France Télécom, il revient à l’opérateur tiers d’apporter la preuve de la localisation de la panne, le fait que Free Infrastructure puisse remplir cette obligation par un autre moyen qu’elle juge plus efficace (notamment moins onéreux) que la connectorisation de sa fibre, amène à considérer qu’il est justifié que celle-ci puisse avoir le choix de se faire livrer une fibre dédiée préconnectorisée ou non.
Par ailleurs, on peut s’interroger sur le fait que France Télécom estime que ces connecteurs sont indispensables alors même qu’il a fait le choix de ne pas préconnectoriser les deux fibres en attente, les coûts d’une connectorisation postérieure étant plus de […] plus élevés. De même, France Télécom estime qu’il est nécessaire de laisser l’opérateur commercial réaliser le raccordement palier depuis le boitier d’étage jusque dans le local de l’abonné. Or, l’absence de connecteur au niveau du boitier d’étage ne semble pas soulever pour France Télécom de problématiques insurmontables concernant les frontières de responsabilité entre l’opérateur d’immeuble (qui a réalisé la colonne montante jusqu’au boitier d’étage) et l’opérateur commercial (qui vient souder les fibres dans le boitier d’étage pour faire le raccordement jusqu’au local de l’abonné).
L’Autorité conclut qu’il est proportionné d’imposer à France Télécom de ne pas obliger Free Infrastructure à utiliser un dispositif de connectorisation (panneau de connexions et connecteurs), dans la mesure où Free Infrastructure s’engage, dans la convention d’accès de France Télécom, à assumer la responsabilité de la pré-localisation des pannes lors de signalisations de dérangement sur la ligne.
5.4. Sur les demandes formulées par Free Infrastructure d’imposer des plafonds tarifaires pour les prestations de réalisation des colonnes montantes
Free Infrastructure a réalisé un audit de ses coûts de production, qu’elle estime être un majorant des coûts réels de production de France Télécom qui bénéficierait d’économies d’échelle et de gamme supérieures. Free Infrastructure demande donc que l’Autorité enjoigne à France Télécom de modifier ses tarifs d’accès afin qu’ils n’excèdent pas les coûts d’un opérateur efficace pour la construction d’un point de mutualisation et d’une colonne montante, établis sur le fondement de ses propres coûts ou fixés par l’Autorité. Ces tarifs devraient selon elle être :
- inférieurs à 1 050 € pour les immeubles de moins de 8 logements ;
- inférieurs à 110 € par logement pour les immeubles de 9 à 36 logements ;
- inférieurs à 90 € par logement pour les immeubles de plus de 37 logements.
Il convient tout d’abord de souligner que l’équipement des immeubles en FttH n’a pas encore atteint le stade de la normalisation industrielle et que les volumes de production n’ont sans doute pas encore atteint leur rythme de croisière. En effet, en particulier pour les colonnes montantes, les structures et les niveaux de coûts évoluent chaque année en fonction de l’optimisation des ingénieries, des équipements et des travaux. Fixer des plafonds déterminés présenterait des risques de cristalliser une situation donnée, d’empêcher des mouvements d’optimisation et, in fine, de rompre la dynamique de la nécessaire évolution des offres d’accès à une période d’initiation de nouveaux déploiements. L’évolution progressive et permanente des offres d’accès sur la boucle locale cuivre (notamment dans la structure et les niveaux des tarifs) depuis plus de dix ans souligne que la fixation trop brutale de plafonds tarifaires pourrait constituer un frein dangereux à l’adaptation nécessaire des offres aux réalités du marché.
Par ailleurs, la méthodologie retenue par Free Infrastructure pour la détermination des plafonds tarifaires ne semble pas adaptée à l’établissement des tarifs de l’accès aux lignes déployées dans les immeubles par France Télécom. Ainsi, Free Infrastructure fonde uniquement ces plafonds sur le nombre de logements de l’immeuble, ce qui conduirait à imposer à France Télécom une structure tarifaire en contradiction avec sa propre structure de coûts. En effet, France Télécom considère qu’il existe deux inducteurs principaux du coût d’équipement en lignes très haut débit des immeubles qui sont, d’une part, le nombre de colonnes montantes par point de mutualisation et, d’autre part, le nombre de logements par colonne montante. À ce titre, les pièces fournies par les parties montrent que, sur la base des déploiements de France Télécom, un point de mutualisation couvre en moyenne plus d’un immeuble ([…] immeuble par point de mutualisation) ; et un immeuble compte en moyenne plus d’une colonne montante ([…] colonne montante par immeuble), avec d’importantes variations autour de la moyenne.
Dès lors, l’Autorité estime qu’il ne serait ni pertinent ni proportionné d’imposer des obligations tarifaires reposant sur la définition de plafonds pour l’établissement de la contribution à la colonne montante et au point de mutualisation. Les analyses précédemment exposées apportent des éléments de réponse adéquats aux demandes de Free Infrastructure. Afin de donner une meilleure visibilité sur la méthode d’application des principes précédemment définis, il est proposé ci-après deux exemples d’illustration.
Mise en œuvre du partage des coûts au travers de deux exemples d’immeubles
L’Autorité propose d’illustrer la mise en œuvre des principes énoncés précédemment en détaillant le partage des coûts dans le cas de deux immeubles. Par hypothèse, dans les calculs présentés, il est considéré que le nombre d’opérateurs cofinanceurs ab initio est de quatre, parmi lesquels un seul a demandé à bénéficier d’une fibre dédiée avant l’installation des lignes. Les principales modifications des tarifs retenues par l’Autorité et prises en compte dans les exemples suivants sont détaillées ci-dessous.
Le coût du boitier permettant le brassage est considéré comme un coût spécifique fibre partagée
La première différence avec les tarifs de l’offre de France Télécom consiste à considérer le coût du boîtier de brassage comme un coût spécifique de la fibre partagée (cf. supra). Le coût du boîtier de brassage est donc supporté uniquement par les opérateurs bénéficiant d’un accès à la fibre partagée, et non plus par l’ensemble des co-financeurs à parts égales. Les spécifications techniques du point de mutualisation étant différentes entre les immeubles de 12 à 48 logements et les immeubles de plus de 48 logements, il convient d’étudier ces deux cas.
Dans les immeubles de 12 à 48 logements, le point de mutualisation est constitué par une série de blocs empilables. Le boitier de brassage correspond à un boitier approvisionné et installé par France Télécom, dont le coût s’élève à […] € selon les réponses au questionnaire fournies par France Télécom. Les coûts de pose de ce boitier s’élèvent quant à eux à […] € selon les estimations fournies par France Télécom dans le mémoire en défense du 26 mai 2011.
Dans les immeubles de plus de 48 logements, le point de mutualisation est situé à l’intérieur d’un coffret, dans lequel les blocs individuels empilables ne sont plus nécessaires. Les réponses au second questionnaire des rapporteurs, du 1er juillet 2011, ont permis d’isoler dans le coût du coffret, qui est au total de […] €, le coût des têtes de colonne montante, qui correspondent à des panneaux de 128 connexions, dont le coût unitaire est de […] €. Il convient d’ajouter le coût de pose de ces têtes, estimé par France Télécom à […] € par tête de 128 logements.
L’ensemble de ces coûts, ainsi que les coûts indirects calculés comme des mark-up de ces coûts, ont vocation à être partagés entre les opérateurs bénéficiant d’un accès en fibre partagée.
Le coût du boitier de stockage des fibres dédiées non attribuées […]
[…].
Correction du partage des coûts du raccordement du câble de colonne montante au point de mutualisation
L’Autorité a constaté, en comparant les estimations de France Télécom de ses coûts de prestations7 aux réponses de France Télécom au questionnaire des rapporteurs du 25 mai 2011, que le partage des coûts du raccordement du câble de colonne montante au point de mutualisation ne respectait pas le principe de pertinence dans l’offre actuelle de France Télécom. En effet, France Télécom indique avoir pris en compte dans l’établissement de ses tarifs d’accès les coûts suivants :
Pourtant, les estimations de France Télécom font état, pour cette prestation, des deux coûts suivants :
“PRC INSTAL 12 CONNECT PRECO IMM MONO OPE […]€ PRCM INSTAL 12 CONNECT PRECO IMM MULTI OPE […]€”
Il apparaît que le coût de raccordement au point de mutualisation […] pour une architecture multi-fibres que pour une configuration mono-fibre. En conséquence, le tableau ci-dessus peut être modifié de la façon suivante :
La modification demandée conduit, d’une part, à une baisse des coûts liés à l’accueil des suivants (coûts des fibres dédiées non attribuées partageables à parts égales) et, d’autre part, à une baisse des coûts de la fibre dédiée facturée intégralement à Free Infrastructure. Cela se traduit pour Free Infrastructure par une baisse d’environ […] € par logement du tarif d’accès de Free Infrastructure.
Notes explicatives liées aux tableaux illustrant la mise en œuvre des principes énoncés en détaillant le partage des coûts dans le cas de deux immeubles :
Note 1 : pour les immeubles de 12 à 48 logements, le boitier PM correspond au boitier de brassage, c’est-à-dire le boitier jaune du schéma présenté supra (§5).Le boitier permettant le brassage est considéré comme un coût spécifique fibre partagée (cf. §5.2 supra).
Note 2 : pour les immeubles de 12 à 48 logements, les autres coûts de matériel du point de mutualisation correspondent au coût du boitier de stockage des fibres dédiées non attribuées, c’est-à-dire le boitier gris du schéma présenté supra (§5). Le coût du boitier de stockage des fibres dédiées non attribuées devrait […](cf. §5.4 supra).
Note 3 : le coût de la pose du boitier PM est considéré comme un coût spécifique fibre partagée, de la même manière que le coût du boitier PM lui-même.
Note 4 : les autres coûts sont calculés en mark-up par rapport aux coûts de matériel et de prestation.
Note 5 : la fibre dédiée de Free Infrastructure est livrée non-préconnectorisée, ce qui permet une économie de […] € par logement (cf. §5.3 supra).
Note 6 : le coût de raccordement au point de mutualisation est plus faible pour une architecture multi-fibres que pour une configuration mono-fibre, ce qui conduit, selon le principe de pertinence, à un surcoût lié aux fibres dédiées (celle de Free Infrastructure et celles destinées à l’accueil des suivants) négatif (cf. §5.4 supra).
Notes explicatives liées aux tableaux illustrant la mise en œuvre des principes énoncés en détaillant le partage des coûts dans le cas de deux immeubles :
Note 7 : le coût du coffret se décompose en un coût du coffret (contenant) qui correspond à la configuration mono-fibre, et un coût des têtes de colonne montante considéré comme un coût spécifique fibre partagée (cf.§5.4 supra).
Note 8 : le coût de la pose du coffret se décompose également en un coût lié au coffret (contenant) qui correspond à la configuration mono-fibre, et un coût lié à la pose des têtes de colonne montante considéré comme un coût spécifique fibre partagée. Le coût de pose spécifique des têtes a été fourni par France Télécom dans ses réponses au questionnaire du 1er juillet 2011.
6. Sur la demande d’une offre de réalisation de raccordements palier dans les immeubles pour lesquels France Télécom est l’opérateur d’immeuble
Dans l’offre d’accès de France Télécom, c’est le premier opérateur commercial (qui a conclu un contrat de services avec le client final) qui réalise la prestation de raccordement palier entre le boitier d’étage (PBO ou Point de Branchement Optique8) et la prise chez le client final (PTO ou Point de Terminaison Optique 9 ). France Télécom ne propose pas aux opérateurs commerciaux de prestation de réalisation du raccordement final de leur client.
Free Infrastructure demande que France Télécom propose, en tant qu’opérateur d’immeuble, une prestation de réalisation des raccordements palier en quadri-fibres y compris lorsque le client final souhaite s’abonner aux services d’un opérateur autre que France Télécom. Free Infrastructure considère qu’au titre des articles L. 33-6 et R. 9-4 du CPCE, France Télécom est tenue de réaliser le déploiement en fibre optique depuis le point de mutualisation jusqu’à la prise située à l’intérieur du local de l’abonné final.
France Télécom estime que les dispositions de l’article R. 9-4 du CPCE permettraient à l’opérateur d’immeuble de mandater un tiers, y compris l’opérateur commercial, pour la réalisation des raccordements palier. Ainsi, en confiant la réalisation du raccordement palier à l’opérateur commercial au travers d’un contrat de sous-traitance, l’opérateur d’immeuble remplirait son obligation de fibrage et demeurerait responsable vis-à-vis de la copropriété. Par ailleurs, France Télécom estime qu’il ne serait pas justifié ni proportionné de lui imposer de proposer une offre de raccordement palier qui nécessiterait des modifications opérationnelles lourdes de son offre et des processus complexes alors que Free Infrastructure a les moyens de le réaliser elle-même aisément.
L’Autorité rappellera brièvement le contexte de la demande, avant d’analyser, dans un deuxième temps, les textes applicables et, enfin, de confronter ces textes au cas d’espèce.
6.1. Rappels concernant la réalisation des raccordements palier
La réalisation des raccordements en fibre optique des immeubles s’opère généralement en deux temps. Dans un premier temps, l’opérateur d’immeuble pose le point de mutualisation et déploie la colonne montante, réseau structurant vertical permettant d’atteindre les différents étages. Ensuite, sont progressivement réalisés des raccordements palier entre les boitiers d’étage (extrémités de la colonne montante dans les étages) et la prise à l’intérieur du local de l’abonné final, au fur et à mesure que les habitants de l’immeuble souscrivent des services basés sur le réseau de fibre optique. Cette seconde opération de « raccordement palier » consiste à installer et à raccorder un câble comprenant une ou plusieurs fibres optiques entre le point de branchement optique (PBO) et la prise de terminaison optique (PTO).
Si c’est toujours l’opérateur d’immeuble (ou son sous-traitant) qui réalise les travaux d’installation du point de mutualisation et de la colonne montante, certains opérateurs ont souhaité réaliser eux-mêmes (ou par leurs sous-traitants) le raccordement palier jusqu’au local de leur client final, quand bien même ils ne seraient pas l’opérateur d’immeuble. En effet, certains opérateurs commerciaux souhaitent coupler à la prestation de réalisation du raccordement palier des prestations complémentaires, telles que l’installation du réseau interne du logement, la mise en service des équipements du client et de la présentation des services proposés. Dès lors, certains opérateurs d’immeuble laissent la possibilité aux opérateurs commerciaux de réaliser eux-mêmes les travaux de raccordement palier. Dans ces situations, l’opérateur commercial agit pour le compte et sous la responsabilité de l’opérateur d’immeuble. En revanche, d’autres opérateurs d’immeuble souhaitent maîtriser l’intégralité des opérations réalisées dans l’immeuble en invoquant les risques de dilution des responsabilités si les intervenants devaient se multiplier.
Ainsi, il existe plusieurs scénarios concernant la réalisation des raccordements palier dans un immeuble donné, qui sont présentés dans le tableau ci-dessous. Ce tableau met en exergue le fait que certains cas de figure (A et D) font apparaître des désaccords entre les opérateurs.
6.2. Analyse des textes applicables
Le déploiement de la fibre optique à l’intérieur des immeubles fait intervenir trois acteurs : l’opérateur d’immeuble, le syndicat des copropriétaires et les opérateurs commerciaux. L’opérateur d’immeuble, qui est au cœur des opérations d’installation du réseau, est investi d’une double responsabilité :
- à l’égard du syndicat des copropriétaires, l’opérateur d’immeuble est l’unique interlocuteur : il signe la convention relative à l’installation de la fibre optique dans l’immeuble et assume seul, vis-à-vis du syndicat, la responsabilité du déploiement de la fibre dans l’immeuble ;
- à l’égard des opérateurs commerciaux, l’opérateur d’immeuble est tenu de faire droit aux demandes raisonnables d’accès à la fibre optique installée dans l’immeuble.
Ainsi, aux termes de l’article L. 33-6 du CPCE :
« (…) les conditions d'installation, de gestion, d'entretien et de remplacement des lignes de communications électroniques à très haut débit en fibre optique établies par un opérateur à l'intérieur d'un immeuble de logements ou à usage mixte et permettant de desservir un ou plusieurs utilisateurs finals font l'objet d'une convention entre cet opérateur et le propriétaire ou le syndicat de copropriétaires (…) ».
L’article R. 9-4 du même code précise que les clauses de la convention prévue à l’article L. 33-6 doivent respecter les dispositions suivantes :
« 1° L'opérateur signataire dessert les logements et locaux à usage professionnel de l'immeuble auxquels s'applique la convention par un chemin continu en fibre optique partant du point de raccordement et aboutissant à un dispositif de terminaison installé à l'intérieur de chaque logement ou local à usage professionnel. Le raccordement effectif des logements ou locaux peut être réalisé après la fin des travaux d'installation, notamment pour répondre à une demande de raccordement émise par un occupant ou à une demande d'accès en vue de desservir un tel logement ou local émise par un opérateur au titre de l'article L. 34-8-3. (…)
2° Les modalités d'exécution des interventions ou travaux d'installation, de raccordement, de gestion, d'entretien ou de remplacement des lignes de communications électroniques à très haut débit en fibre optique dans l'immeuble sont de la responsabilité de l'opérateur. Celui-ci respecte le règlement intérieur de l'immeuble ou le règlement de copropriété, ainsi que les normes applicables et les règles de l'art. Les installations et chemins de câbles respectent l'esthétique de l'immeuble. L'opérateur signataire peut mandater un tiers pour réaliser certaines opérations mais il reste responsable de ces opérations à l'égard du propriétaire ou du syndicat des copropriétaires.
[…]
4° L'opérateur signataire peut mandater un tiers pour réaliser certaines opérations relatives à la gestion, l'entretien ou le remplacement des lignes à très haut débit en fibre optique dont il a la charge, y compris dans le cadre de la mise en œuvre de l'accès à celles-ci prévu à l'article L. 34-8-3, mais il reste responsable de ces opérations à l'égard du propriétaire ou du syndicat des copropriétaires. Il en avertit ces derniers préalablement (…) ».
Il résulte de ces dispositions que l’opérateur d’immeuble, qui a signé une convention avec les propriétaires, est responsable de l’équipement en totalité de l’immeuble par un réseau à très haut débit en fibre optique, c’est-à-dire à la fois pour la colonne montante et les raccordements palier.
Il résulte également du 1° de l’article R. 9-4 que l’opérateur d’immeuble ne peut refuser de réaliser effectivement un raccordement palier lorsqu’un opérateur commercial le lui demande, au titre de la convention d’accès au réseau établie conformément à l’article L. 34-8-3 du CPCE.
Enfin, la possibilité de mandater un tiers pour la réalisation de certaines opérations introduite par les dispositions du 4° de l’article R. 9-4 n’entraîne ni obligation ni interdiction pour l’opérateur d’immeuble de mandater les opérateurs commerciaux pour réaliser les raccordements palier de leurs clients. Ainsi, cette possibilité ne remet pas en cause les responsabilités et les obligations de l’opérateur d’immeuble, à la fois vis-à-vis du syndicat de copropriétaires et vis-à-vis des opérateurs commerciaux.
6.3. Application au cas d’espèce
Au cas d’espèce, l’analyse des textes rappelée ci-avant conduit à une solution stricte imposée par le code des postes et des communications électroniques. En effet, l’opérateur d’immeuble ne saurait valablement invoquer la possibilité de mandater un tiers pour imposer à l’opérateur commercial, contre son gré, la réalisation des raccordements palier, dès lors que lui-même a l’obligation, d’une part, d’équiper l’immeuble jusqu’à l’intérieur des logements, d’autre part, de faire droit aux demandes raisonnables d’accès des opérateurs commerciaux qui souhaitent que les raccordements palier soient mis à leur disposition. L’opérateur d’immeuble est tenu de remplir l’obligation qui lui incombe de réaliser lui-même, ou de faire réaliser par un sous- traitant qui se propose de le faire, les raccordements palier.
France Télécom souligne que la mise en place d’une telle offre de raccordement palier nécessite la mobilisation de moyens disproportionnés. Il convient d’observer que la nécessaire coordination entre France Télécom et Free Infrastructure pour la réalisation du raccordement palier du client de ce dernier, peut passer par le développement d’outils similaires à ceux utilisés pour les opérations sur la boucle locale cuivre de France Télécom, comme l’interface e-RDV. France Télécom et Free Infrastructure sont appelées à travailler ensemble à la définition d’un cahier des charges pour la réalisation d’un tel outil, à la fixation d’un calendrier pour sa mise en œuvre en détaillant les principales étapes de développement, de mise au point et de tests.
Par ailleurs, France Télécom estime qu’il n’est pas proportionné de lui imposer de proposer une offre de raccordement palier pour compte de tiers dans la mesure où cela reviendrait à lui imposer de supporter les pics de production de Free Infrastructure, qui sont par nature imprévisibles pour elle, et alors qu’elle n’est pas dimensionnée pour cela. Pourtant, l’expérience sur le haut débit a montré qu’il était possible de mettre en place des processus permettant à France Télécom de gérer les problèmes liés aux pics de production. A cet égard, il serait possible que France Télécom conditionne le respect d’éventuels engagements sur les délais de réalisation des raccordements palier à un certain degré de prévisibilité concernant le nombre de commandes passées par Free Infrastructure. Ces délais devront, selon le principe de non-discrimination, être les mêmes pour les clients de France Télécom et pour ceux de Free Infrastructure.
Au regard des règles qui viennent d’être rappelées, il est donc justifié de faire droit à la demande de Free Infrastructure que France Télécom formule une offre de réalisation des raccordements palier dans les immeubles dont elle est opérateur d’immeuble. Les parties devront d’un commun accord définir les conditions opérationnelles garantissant le bon fonctionnement d’une telle offre.
7. Sur les modalités tarifaires liées aux prestations de raccordement palier
Dans sa saisine, Free Infrastructure demande la fixation d’un plafond tarifaire non seulement pour la contribution qu’elle paie, aux termes de l’offre actuelle de France Télécom, en tant qu’opérateur cofinanceur non opérateur commercial mais également pour la nouvelle prestation de raccordement palier qu’elle sollicite de la part de France Télécom. Ces deux demandes doivent être étudiées séparément, la première portant sur des prestations et tarifs existants qu’il est possible d’analyser précisément au regard de coûts constatés, la seconde portant sur une offre à créer dont il ne sera possible de préciser que des orientations tarifaires.
7.1. Sur les modalités tarifaires de l’offre actuelle de France Télécom relatives à la contribution de Free Infrastructure en tant qu’opérateur co-financeur aux coûts des raccordements palier
Avant d’apprécier la méthode de répartition des coûts du raccordement palier envisagée par France Télécom dans son offre d’accès (7.1.2), d’analyser les niveaux des tarifs proposés (7.1.3), il convient d’en présenter les principes complexes (7.1.1).
7.1.1. L’offre de France Télécom pour la tarification des contributions des opérateurs co-financeurs au raccordement palier
L’offre d’accès de France Télécom prévoit un mécanisme complexe de répartition des coûts de la prestation de raccordement palier et envisage également des niveaux de tarifs.
§ Mécanisme de répartition des coûts du raccordement palier dans l’offre actuelle de France Télécom
Dans l’offre d’accès actuelle de France Télécom, c’est le premier opérateur commercial (qui a conclu un contrat de services avec le client final) qui réalise la prestation de raccordement palier entre le boitier d’étage (PBO ou Point de Branchement Optique) et la prise chez le client final (PTO ou Point de Terminaison Optique). La grille tarifaire actuelle ne traite donc que deux situations dans lesquelles l’opérateur cofinanceur, en l’espèce Free Infrastructure, peut se trouver :
- soit l’opérateur cofinanceur a recruté le client et réalise le raccordement palier ;
- soit l’opérateur cofinanceur n’a pas recruté le client
Par ailleurs, France Télécom souligne avoir modifié son offre d’accès en février 2011 afin de prendre en compte les injonctions d’une décision de règlement de différend de l’Autorité intervenue à l’automne 2010 relatif, notamment, à la répartition des coûts de la prestation de raccordement palier entre les différents opérateurs. La décision n° 2010-1232 se prononçant sur une demande de règlement de différend opposant les sociétés Bouygues Telecom et France Télécom en date du 16 novembre 2010 dispose dans son article 2 que : « France Télécom doit modifier son offre d’accès à Bouygues Telecom afin de lui prévoir la prise en charge d’au moins 90% des coûts du raccordement palier par l’opérateur commercial recrutant le client ».
Ainsi, dans son offre d’accès de février 2011, France Télécom distingue, d’une part, « les frais de mise en service à l’opérateur ayant installé le câblage client final » exclusivement supporté par l’opérateur co-financeur qui a obtenu le client (opérateur commercial) et, d’autre part, « le cofinancement câblage client final » qui prévoit différents tarifs pour l’ensemble des cofinanceurs. Ainsi, les coûts du raccordement palier sont répartis entre les différents opérateurs cofinanceurs comme suit :
- Pour l’opérateur cofinanceur qui a gagné le client (opérateur commercial) et qui réalise le raccordement palier
France Télécom facture à l’opérateur commercial, comme « frais de mise en service », 90% du coût de la prestation de raccordement palier en mono-fibre ;
- Pour le(s) autre(s) opérateur(s) co-financeur(s) non opérateurs commerciaux
Les opérateurs co-financeurs qui n’ont pas gagné le client doivent supporter, à parts égales, les 10% restants du coût du raccordement palier en mono-fibre ;
- Pour les opérateurs ayant une fibre dédiée
Les opérateurs co-financeurs qui ont choisi une fibre dédiée, qu’ils aient ou non gagné le client, supportent les coûts des fibres dédiées ;
- Pour l’ensemble des opérateurs
L’ensemble des opérateurs co-financeurs (qu’ils aient ou non gagné le client) doivent supporter, à parts égales, le coût des éventuelles fibres surnuméraires (fibres non dédiées à un opérateur, réservées à l’accueil des opérateurs suivants), à parts égales.
§ Mécanisme de détermination des niveaux des tarifs pour le raccordement palier
Aux termes de l’offre actuelle de France Télécom, l’opérateur qui a gagné le client (opérateur commercial) construit le raccordement palier pour le compte de France Télécom qui le considère comme son sous-traitant. France Télécom lui impose des spécifications techniques précises et négocie avec lui un prix de ce raccordement palier.
Concernant le prix exclusivement supporté par l’opérateur commercial correspondant à 90% du coût du raccordement palier en mono-fibre, France Télécom retient comme coût pertinent, le tarif qu’il a négocié avec l’opérateur commercial agissant comme son sous- traitant.
Concernant les autres coûts, France Télécom se réfère à des montants forfaitaires et précise dans son offre qu’ils « évolueront en fonction des tarifs négociés dans les contrats de sous- traitance signés avec France Télécom […]. [Ils] sont initialement donnés par les valeurs suivantes : […] ». Le tableau qui suit indique que le tarif des 10% du raccordement palier en mono-fibre est de […] € et celui de chaque fibre supplémentaire de [...] €.
Ainsi, dans le cas où quatre opérateurs participent au co-investissement, dont un seul bénéficie d’une fibre dédiée, la participation au partage des coûts due par les opérateurs co- financeurs est la suivante (x est le prix de la configuration mono-fibre au terme du contrat de sous-traitance entre France Télécom et l’opérateur commercial) :
I
7.1.2. Sur la méthode de répartition des coûts du raccordement palier
Dans sa saisine, Free Infrastructure demande à l’Autorité l’imposition d’un plafond tarifaire à l’offre de France Télécom concernant la contribution aux coûts du raccordement palier d’un opérateur co-financeur non opérateur commercial, que celui-ci bénéficie d’une fibre dédiée ou d’une fibre partagée. Dans ses écritures développant ces arguments, Free Infrastructure remet en cause la méthode de répartition des coûts du raccordement palier entre l’ensemble des opérateurs cofinanceurs.
En premier lieu, l’Autorité rappelle que les principes régissant le partage des coûts du raccordement palier sont les mêmes que ceux régissant le partage des coûts de la colonne montante et du point de mutualisation, c’est-à dire que les coûts peuvent être classés en trois catégories :
- les coûts de la référence mono-fibre, qui ont vocation à être partagés entre les cofinanceurs ;
- les coûts liés à l’accueil des suivants doivent être partagés à parts égales. En l’espèce, dans l’architecture quadri-fibres déployée par France Télécom, il s’agit du coût des deux fibres surnuméraires non attribuées ;
- les coûts spécifiques supportés par les opérateurs qui en bénéficient. Pour le raccordement palier, les coûts spécifiques de la fibre partagée sont nuls et les coûts spécifiques des fibres dédiées sont supportés uniquement par les opérateurs bénéficiant d’un accès en fibre dédiée.
En l’espèce France Télécom applique une répartition des coûts des raccordements palier conforme aux principes précédemment décrits.
Ainsi, le partage des coûts mis en œuvre par France Télécom pour l’établissement des tarifs du raccordement palier est conforme au principe de pertinence énoncé dans les décisions de l’Autorité n° 2009-1106 du 22 décembre 2009 dans la mesure où il respecte les principes sus rappelés. Dès lors, les arguments avancés par Free Infrastructure relatifs aux clés de répartition des coûts du raccordement palier doivent être rejetés.
7.1.3. Sur les niveaux de tarifs pour le raccordement palier
Free Infrastructure demande à l’Autorité que la somme des cofinancements pour un raccordement palier multi-fibres n’excède pas les coûts pertinents de sa réalisation par un opérateur efficace, assortie d’une marge raisonnable, et soit en tout état de cause inférieure à 125 € par raccordement palier. En outre, Free Infrastructure souhaite que la quote-part de financement d’un raccordement palier multi-fibres commandé par un opérateur commercial et facturé à un autre opérateur commercial n’excède pas 10 €, que celui-ci dispose ou non d’une fibre dédiée.
Free Infrastructure conteste les niveaux de coûts qui lui sont imputés en tant que co-financeur bénéficiant d’une fibre dédiée, lorsque le raccordement palier est réalisé par un autre opérateur pour un logement d’un usager qui n’est pas son abonné. En effet, dans le cas où il s’agit d’un client de Free dont le raccordement palier a été effectué par Free Infrastructure, l’essentiel du tarif payé par Free Infrastructure dépendra largement du tarif qu’il aura lui- même facturé en tant que sous-traitant de France Télécom, opérateur d’immeuble.
Afin d’apprécier les niveaux tarifaires de l’offre de France Télécom, il convient de distinguer, d’une part, le coût de la quote-part du déploiement mono-fibre (supporté à 10% par les cofinanceurs qui n’ont pas initialement le client), d’autre part, le coût des autres fibres.
§ Sur le coût du déploiement palier mono-fibre
France Télécom fixe, à ce stade, le montant correspondant à 10% des coûts du raccordement palier mono-fibre à […] €, c’est-à-dire qu’il évalue le coût total du raccordement palier mono- fibre à […] €.
A partir des écritures développées par France Télécom, il est possible de reconstituer ce coût moyen de […] € :
Tout d’abord, l’ensemble des coûts de matériel, qui incluent pour chaque raccordement palier en quadri-fibres, une PTO et un câble s’élèvent, selon les réponses des parties au questionnaire du 25 mai 2011, à […] € par raccordement palier mono-fibre pour France Télécom. Free Infrastructure n’apporte pas d’éléments qui permettraient d’estimer que ces coûts de matériel de France Télécom sont inefficaces.
Concernant les coûts de pilotage, Free Infrastructure se borne à constater qu’ils sont très supérieurs aux siens pour une même prestation de raccordement palier. En l’état des éléments du dossier et, à ce stade, il ne serait pas justifié que l’Autorité considère les coûts de France Télécom comme inefficaces. Cette appréciation pourra être révisée dans le futur, à l’aune de retours d’expérience plus fournis dans une phase de déploiement industriel.
Concernant les coûts de support, les coûts commerciaux ainsi que les frais de siège et de structure, l’Autorité renvoie aux développements précédemment exposés sur le périmètre des coûts pertinents pour considérer que, en l’état et à ce stade, il n’est pas justifié de les remettre en cause. Néanmoins, concernant une prestation qui est très largement sous-traitée, l’application de tels ratios pourrait ne pas avoir la même pertinence que pour d’autres activités davantage internalisées. Une analyse plus fine des règles d’allocation des charges indirectes aux charges de sous-traitance dans le cas du raccordement palier pourra être menée dans le futur sur la base de retours d’expérience plus fournis dans une phase de déploiement industriel
En revanche, concernant les coûts de la prestation qui regroupe le déplacement et la main d’œuvre du ou des techniciens qui procèdent à l’opération de raccordement palier, la différence très importante des coûts supportés pour une prestation similaire, d’une part, pour Free Infrastructure, et, d’autre part, pour France Télécom, invite à une analyse approfondie.
Bien que les coûts pris en compte par France Télécom dans l’établissement des tarifs du raccordement palier soient cohérents avec ses estimations des coûts de prestations, il convient de les comparer avec les bordereaux des contrats de prestations signés entre Free Infrastructure et ses sous-traitants, fournis par Free Infrastructure dans le cadre de la procédure (annexe 15 de son mémoire du 12 mai 2011).
En effet, Free Infrastructure indique dans ses réponses au questionnaire des rapporteurs du 25 mai 2011, que : « La prestation de raccordement client est sous-traitée. Cette prestation comprend le déplacement, l'installation de la PTO et le raccordement du câble horizontal palier [quadri-fibres] au PBO. Cette prestation est facturée selon le contrat cadre un montant forfaitaire de [….]€ ». Il s’agit bien du même tarif que celui indiqué dans l’annexe 15 de son mémoire du 12 mai 2011. Par ailleurs, les bordereaux fournis indiquent également que la prestation de raccordement client en bi-fibres est facturée […]€ à Free Infrastructure par ses sous-traitants.
Afin de comparer les coûts à périmètre égal, il convient d’ajouter à ces […]€ de prestation, les coûts liés aux tests et à la recette du câblage, ainsi qu’à la prise de rendez-vous avec le client final. Les éléments fournis par Free Infrastructure permettent d’estimer ces coûts à environ […]€ par raccordement palier. Par la suite, ces coûts sont, selon une approche conservatrice estimés à […]€.
La différence entre les coûts de France Télécom et ceux de Free Infrastructure pour la prestation de raccordement palier en mono-fibre dans un immeuble peut ainsi être évaluée à environ […]-[…] = […]€ par raccordement palier. Cet écart apparait significatif et semble contraire au principe d’efficacité que doivent respecter les conditions tarifaires de l’accès prévues aux articles 2 et 5 de la décision n° 2009-1106 de l’Autorité. Il apparait donc nécessaire de limiter ces inefficacités qui sont facturées à l’ensemble des co-financeurs.
En outre, l’Autorité estime que, contrairement aux coûts de déploiement de la colonne montante et du point de mutualisation dans les immeubles, le raccordement palier dans les immeubles collectifs bénéficie d’une architecture technique davantage stabilisée et que les inducteurs de coûts sont plus simples à établir, la prestation étant facturée par logement, indépendamment de la taille de l’immeuble. Ainsi, il apparait proportionné d’imposer des obligations tarifaires reposant sur la définition de plafonds pour l’établissement des tarifs du raccordement palier.
Afin d’établir le plafond pour la somme des co-financements demandés aux opérateurs au titre de l’architecture de référence mono-fibre, l’Autorité estime qu’il est pertinent de prendre comme majorant conservateur le tarif de Free Infrastructure pour la prestation de raccordement client en bi-fibres, auquel sont ajoutés, sur la base des éléments fournis par Free Infrastructure, environ […]€ par raccordement palier au titre des coûts liés aux tests et à la recette du câblage, ainsi qu’à la prise de rendez-vous avec le client final. En considérant que cette prestation correspond à la prestation minimale de France Télécom, c’est-à-dire de la construction d’un raccordement palier en apparent, et que le surcoût lié à la construction d’un raccordement palier occulté est d’environ […]€, tel qu’il ressort des éléments fournis par France Télécom, cela conduit l’Autorité à considérer que le coût efficace de la prestation de raccordement palier mono-fibre est inférieur à […]+[…]+[…] = […] €.
Cela se traduit, en ajoutant les coûts de matériel (d’environ […] €), de pilotage (d’environ […]€), et en appliquant les mark-up de coûts de support ([...] des coûts de matériel, de prestation et de pilotage), de coûts commerciaux ([...] des coûts de matériel, de prestation et de support) et de frais de siège et structure ([...] des autres coûts) documentés par France Télécom dans ses réponses au questionnaire envoyé par les rapporteurs le 25 mai 2011, par un majorant des coûts efficaces de l’architecture de référence mono-fibre de 178 €, à comparer à […] € dans l’offre actuelle de France Télécom.
Cette analyse est résumée dans le tableau ci-dessous. Les hypothèses retenues pour le calcul du majorant des coûts du raccordement palier mono-fibre selon l’Autorité sont les suivantes :
- les éléments du dossier apportés par Free Infrastructure ne permettent pas à ce stade, à considérer les coûts de matériel et de pilotage retenus par France Télécom comme inefficaces : ils sont donc conservés en l’état dans l’estimation du plafond ;
- le coût efficace de la prestation de raccordement palier mono-fibre est inférieur à […]+[…]+[…] = […] € (voir supra) ;
- les mark-up utilisés par France Télécom, respectivement pour calculer les coûts support, les coûts commerciaux ainsi que les frais de siège et de structure sont conservés en l’état dans l’estimation du plafond à ce stade du déploiement des réseaux en fibre optique.
Il ressort de l’ensemble des analyses qui précèdent que, à ce stade du déploiement des réseaux en fibre optique, le coût d’un raccordement palier mono-fibre est au plus de 178 € ; il est donc justifié d’imposer à France Télécom de ne pas faire supporter aux co- financeurs non opérateur commercial (qui n’ont pas conquis initialement le client) un tarif supérieur à 17,8 € au titre de leur contribution à 10% du coût du raccordement mono-fibre, au lieu de […] € dans l’offre actuelle.
§ Sur le coût des fibres supplémentaires du raccordement palier (en plus de la configuration mono-fibre)
Par ailleurs, France Télécom estime le surcoût de la prestation consistant à déployer une architecture quadri-fibres par rapport à une architecture mono-fibre à environ […]- […] =[…] € (sans compter le matériel, ni le pilotage, ni les coûts indirects). Or, pour Free Infrastructure, le surcoût de la prestation consistant à déployer une architecture quadri-fibres par rapport à une architecture bi-fibre est de […]-[…] = […]€. L’Autorité considère donc, au vu des bordereaux apportés par Free Infrastructure, qu’elle peut faire l’hypothèse conservatrice que le surcoût de la prestation consistant à déployer une architecture quadri- fibres par rapport à une architecture mono-fibre est inférieur au double de celui consistant à déployer une architecture quadri-fibres par rapport à une architecture bi-fibres, soit 10 €.
Cela se traduit, en ajoutant les coûts de matériel (d’environ […]€) et en appliquant les mark- up de coûts de support ([…]% coûts de matériel et de prestation), de coûts commerciaux ([…]% des coûts de matériel, de prestation et de support) et de frais de siège et structure ([…]% des autres coûts) documentés par France Télécom dans ses réponses au questionnaire envoyé par les rapporteurs le 25 mai 2011, par un majorant du surcoût de la prestation consistant à déployer une architecture quadri-fibres par rapport à une architecture mono-fibre de 28 € , à comparer à […] € dans l’offre actuelle de France Télécom.
Cette analyse est résumée dans le tableau ci-dessous. Les hypothèses retenues pour le calcul du majorant du surcoût lié au déploiement d’une architecture quadri-fibres par rapport à une architecture mono-fibre selon l’Autorité sont les suivantes :
- les éléments du dossier apportés par Free Infrastructure ne permettent pas à ce stade, de considérer les coûts de matériel retenus par France Télécom comme inefficaces : ils sont donc conservés en l’état dans l’estimation du plafond ;
- le niveau efficace du surcoût de la prestation consistant à déployer une architecture quadri-fibres par rapport à une architecture mono-fibre est inférieur à 10 € (voir supra) ;
- les mark-up utilisés par France Télécom, respectivement pour calculer les coûts support, les coûts commerciaux ainsi que les frais de siège et de structure sont conservés en l’état dans l’estimation du plafond, à ce stade du déploiement des réseaux en fibre optique.
Il ressort des analyses et calculs qui précèdent que la différence de coût entre un raccordement palier mono-fibre et un raccordement palier quadri-fibres ne saurait être supérieure à 30 € pour un opérateur efficace.
Etant donné l’hypothèse de linéarité des coûts non sérieusement contestée par les parties puisque, selon leurs réponses respectives au questionnaire du 1er juillet 2011, France Télécom indique qu’« en première analyse et en l’absence de données plus solides, cette estimation pourrait être retenue dans une approche théorique » et que Free Infrastructure considère qu’il « n’a pas de meilleure hypothèse à formuler que la linéarité du surcoût au nombre de fibres surnuméraires », la différence de coût entre un raccordement palier mono-fibre et un raccordement palier quadri-fibres peut être estimée à 10 € par fibre.
Il ressort de ce qui précède que, à ce stade du déploiement des réseaux en fibre optique, le coût d’une fibre supplémentaire par rapport au coût d’un déploiement mono-fibre pour un raccordement palier dans une architecture quadri-fibres ne saurait dépasser 10 € (contre […] € dans l’offre actuelle de France Télécom) et que France Télécom ne saurait donc facturer ces fibres à un prix supérieur à 10 €.
Aux termes de l’ensemble de ces analyses, la quote-part du cofinancement due par Free Infrastructure dans le cadre d’un déploiement quadri-fibres avec quatre opérateurs co- financeurs devrait être inférieure à 21 € lorsqu’un autre opérateur commercial est le premier à recruter le client. En effet, il supporte avec les co-financeurs non opérateur commercial les 10% de la configuration mono-fibre [(180 € x 10%) x 1/3], soit 6 €, auquel s’ajoute le coût de sa fibre dédiée, qu’il supporte seul (10 €), auxquels s’ajoutent enfin les coûts des deux fibres surnuméraires, partagés entre tous les opérateurs cofinanceurs [(2 x 10 €)/4], soit 5 €.
Bien évidemment, lorsque Free Infrastructure est opérateur co-financeur et opérateur commercial (qui a gagné le client), et qu’il réalise le raccordement palier en tant que sous- traitant de France Télécom, les tarifs pratiqués par France Télécom à l’égard de Free Infrastructure ne devront pas être supérieurs aux coûts effectivement supportés par France Télécom, c’est-à-dire au prix de la prestation de sous-traitance réalisée par Free Infrastructure, et de la prise en compte, le cas échéant et si nécessaire, du coût de gestion (comme le système d’information utilisé).
7.2. Sur les modalités tarifaires de la nouvelle offre de raccordement palier sollicitée par Free Infrastructure
Free Infrastructure demande que l’offre de réalisation des raccordements palier par France Télécom dans les immeubles dans lesquels elle est opérateur d’immeuble pour les clients de Free soit proposée avec des modalités tarifaires qui n’excèdent pas 125 € dans les immeubles collectifs pour les déploiements en multi-fibres.
Comme il a été précédemment exposé, il appartiendra à France Télécom de proposer une offre de réalisation des raccordements paliers dans l’ensemble des immeubles où il est opérateur d’immeuble. Cette offre n’existant pas à ce jour, France Télécom n’a pas sollicité ses sous- traitants pour obtenir des devis ou bordereaux de prix. En effet, France Télécom ne dispose aujourd’hui que des prix de sous-traitants pour la prestation de raccordement palier quand elle est également opérateur commercial. Or, il ressort des pièces du dossier (observations de France Télécom) que cette prestation englobe non seulement les strictes prestations techniques de raccordement palier mais également des prestations commerciales proposées par France Télécom en tant qu’opérateur de détail, comme par exemple, l’installation d’un câblage intérieur, l’activation de la Livebox, la démonstration des services au client, etc…
En revanche, France Télécom dispose d’ores et déjà d’un document de spécification technique (dans les annexes de la saisine de Free Infrastructure) qui décrit précisément, à l’attention des opérateurs commerciaux qui souhaitent réaliser des raccordements palier dans ses immeubles, les conditions de réalisation d’une stricte prestation de raccordement palier. Sur cette base, France Télécom pourrait être en mesure de proposer rapidement des tarifs efficaces, non discriminatoires, objectifs et pertinents à Free Infrastructure notamment.
En effet, cette prestation de raccordement palier pour compte de tiers n’a pas de raison de se distinguer de l’accès tel qu’il est prévu à l’article L. 34-8-3 du CPCE en ce qui concerne les conditions tarifaires. Celles-ci doivent, en particulier, respecter les dispositions de la décision n° 2009-1106 de l’Autorité, qui dispose que :
« Les conditions tarifaires de l’accès prévu aux articles 2 et 5 de la présente décision doivent être raisonnables et respecter les principes de non-discrimination, d’objectivité, de pertinence et d’efficacité. Le taux de rémunération du capital utilisé pour la détermination de ces conditions tarifaires tient compte du risque encouru et confère une prime à l’opérateur d’immeuble. »
En outre, l’Autorité précise que les conditions tarifaires de l’offre de réalisation du raccordement palier par France Télécom dans les immeubles où elle est opérateur d’immeuble pour le compte de Free Infrastructure devront être établies à la lumière des analyses développées dans le corps de la présente décision.
Enfin, l’Autorité rappelle que l’obligation de respect du principe d’objectivité des tarifs qui pèse sur l’opérateur d’immeuble lui impose de pouvoir justifier à tout moment la tarification qu’il met en œuvre à partir d’éléments de coûts clairs et opposables. Une telle obligation peut contraindre l’opérateur à devoir produire des bordereaux de prix ou des factures à l’Autorité, notamment dans le cadre de procédure contentieuse.
Il ressort de ce qui précède qu’il n’est pas justifié, à ce stade, d’imposer un plafond tarifaire pour l’offre de réalisation du raccordement palier par France Télécom dans les immeubles où elle est opérateur d’immeuble pour le compte de Free Infrastructure.
8. Sur les demandes relatives aux conditions de paiement des câblages FttH installés avant le 1er janvier 2010
Free Infrastructure souhaite disposer d’un aménagement des conditions de paiement du prix des câblages FttH installés avant le 1er janvier 2010 de sorte que le paiement ne soit exigible, pour une commune, qu’au jour de la première commande par Free Infrastructure de raccordement de son réseau horizontal au câblage FttH d’un immeuble de la commune concernée et ce, sans application d’une quelconque majoration.
Dans ses écritures, France Télécom indique que la demande de Free Infrastructure n’est pas raisonnable, en ce qu’elle remet en cause le principe même du cofinancement et la contraint à enfreindre les règles de droit économique applicables aux délais de paiement qui peuvent être consentis entre professionnels. En outre, France Télécom estime que la demande de Free Infrastructure visant à ce qu’aucune majoration ne soit appliquée est inéquitable et discriminatoire, notamment vis-à-vis d’un opérateur bénéficiant d’un accès ex post.
Le cofinancement, tel qu’il est prévu dans les offres de mutualisation des parties, consiste en un droit d’accès passif au câblage installé par l’opérateur d’immeuble en échange de la prise en charge d’une part équitable des coûts.
En premier lieu, sur le fondement du droit commun des obligations, et ainsi que le relève France Télécom, la demande de la société Free Infrastructure conduit à faire dépendre l’exécution de l’obligation (de paiement) de Free Infrastructure d’une condition entièrement maîtrisée par Free Infrastructure, soit une condition purement potestative. Ainsi, s’il était fait droit à cette demande, dans le cas où la société Free Infrastructure déciderait de ne raccorder aucun immeuble sur certaines communes pour laquelle elle s’est engagée à participer au co- financement, France Télécom ne recouvrirait jamais ses créances sur Free Infrastructure, au titre du cofinancement des câblages installés avant le 1er janvier 2010 dans ces communes. Il s’ensuit que la société Free Infrastructure ne peut donc, sans méconnaître à la fois le droit et l’équité, conditionner purement et simplement le paiement de ses droits d’accès à son raccordement effectif au réseau déployé par France Télécom avant le 1er janvier 2010.
En second lieu, l’Autorité rappelle que les opérateurs qui décident de co-investir a posteriori peuvent se voir facturer le coût du capital (rémunération du capital immobilisé par les primo investisseurs) augmenté d’une prime de risque par rapport à la quote part des coûts qu’ils prennent en charge. L’objet de la prime de risque est de refléter les risques supplémentaires et quantifiables liés à l’investissement initial et permet de rééquilibrer les différences de rendement attendu entre les opérateurs investissant ab initio et ceux qui investissent ultérieurement, qui peuvent décider de demander l’accès à l’endroit et au moment où la demande est la plus forte et l’incertitude sur son évolution la moins élevée.
Au cas d’espèce, la demande de la société Free Infrastructure lui permettrait de pouvoir cibler ses déploiements et ses demandes de raccordement, i.e. ses investissements, et il serait inéquitable qu’elle puisse le faire sans l’application d’une quelconque majoration. En outre, dans le cas où l’Autorité ferait droit à la demande de Free Infrastructure, les conditions financières seraient différentes pour Free Infrastructure et pour un opérateur souscrivant une offre d’accès a posteriori, alors que le paiement de leur droit d’accès pourrait être concomitant, ce qui pourrait être contraire au principe de non-discrimination : un opérateur souscrivant une offre d’accès aux câblages a posteriori se verrait facturer, contrairement à Free Infrastructure, une majoration liée au coût du capital ainsi qu’au titre de la prime de risque.
En conclusion, l’Autorité estime que la demande de Free Infrastructure de disposer d’un aménagement des conditions de paiement du prix des câblages FttH installés avant le 1er janvier 2010 de sorte que le paiement pour une commune ne soit exigible qu’au jour de la première commande par Free Infrastructure de raccordement de son réseau horizontal au câblage FttH d’un immeuble de la commune concernée, sans application d’une quelconque majoration, n’est pas proportionnée et qu’il serait donc inéquitable d’y faire droit.
9. Sur la date d’effet des modifications demandées par Free Infrastructure
§ Sur la modification des tarifs d’accès de l’offre de France Télécom
Free Infrastructure demande à l’Autorité l’application rétroactive, à compter du 1er janvier 2010, des plafonds tarifaires qu’elle sollicite, à la fois pour sa contribution en tant qu’opérateur cofinanceur aux coûts de la colonne montante et du point de mutualisation et pour sa contribution en tant qu’opérateur co-financeur non opérateur commercial aux coûts des raccordements palier.
Tout d’abord, il convient de souligner que l’offre de mutualisation FttH de France Télécom est fondée, en application du cadre règlementaire, sur un principe de partage des coûts entre l’ensemble des opérateurs cofinanceurs. Dès lors, la modification des tarifs supportés par Free Infrastructure est susceptible d’avoir des conséquences pour les opérateurs tiers. Par exemple, le fait que les coûts liés au boitier de brassage au niveau du point de mutualisation doivent être supportés entre les seuls opérateurs de fibre partagée à l’exclusion des opérateurs en fibre dédiées a pour conséquence d’augmenter légèrement les tarifs des opérateurs utilisant la fibre partagée. Imposer la rétroactivité demandée par Free Infrastructure conduirait France Télécom à devoir reprendre toutes les facturations déjà adressées non seulement à Free Infrastructure mais également aux autres opérateurs co-financeurs. Un tel exercice s’avère particulièrement lourd, long et susceptible de générer de nombreux contentieux. Il pourrait donc être disproportionné d’imposer des modifications tarifaires d’une telle ampleur.
Par ailleurs, on peut remarquer que les griefs adressés par Free Infrastructure dans sa saisine concernent des méthodes de répartition des coûts qui existaient déjà dans l’offre initiale de mutualisation FttH proposée par France Télécom au printemps 2010. Or, ce n’est qu’un an plus tard, lors de la publication d’une nouvelle version de l’offre de mutualisation FttH de France Télécom que Free Infrastructure a choisi de saisir l’Autorité en règlement de différend. Pourtant cette nouvelle version de l’offre de France Télécom, datant de février 2011, propose des tarifs sensiblement plus bas que l’offre initiale du printemps 2010, notamment pour une fibre dédiée. Si Free Infrastructure n’a pas entre temps saisi l’Autorité ni en procédure de sanction, ni en procédure de règlement de différend, c’est qu’il n’existait pas une nécessité manifeste et urgente à la modification de ces tarifs. Il n’est donc pas manifestement inéquitable de ne pas faire droit à la demande de Free Infrastructure sur ce point.
En outre, dans une période où les architectures, ingénieries et techniques de déploiement évoluent en fonction des premiers retours d’expérience, le cadre réglementaire se précise et s’affine progressivement, il importe de ne pas décourager l’investissement des opérateurs. Dans ce cadre tout à fait singulier, la rétroactivité des décisions de règlement de différend ne peut être envisagée que de manière stricte et limitée. En effet, une remise en cause du passé dans une phase initiale d’investissement, marquée par de nombreuses incertitudes, pourrait avoir pour conséquence de dissuader les opérateurs de prendre les risques d’investissement dans ces nouveaux réseaux..
Il ressort de l’ensemble des développements qui précèdent que la demande de Free Infrastructure tendant à une application rétroactive des nouveaux tarifs au 1er janvier 2010, qui ne présente pas un caractère équitable, doit être rejetée.
Au regard de la complexité de l’élaboration d’une nouvelle version de la grille tarifaire de l’offre d’accès aux lignes FttH en zones très denses et de la mise en œuvre du procédé de facturation correspondant dans le système d’informations de France Télécom, ce dernier a besoin d’un délai suffisant pour réaliser et implémenter les modifications demandées. Par ailleurs, dans un souci de simplicité et de visibilité pour les opérateurs tiers, il ne semble pas opportun que la date d’effet des modifications tarifaires demandées soit antérieur à la date de publication de l’offre modifiée.
En conséquence, l’Autorité estime justifié que France Télécom opère les modifications tarifaires demandées afin que celles-ci prennent effet au plus tard dans le délai de deux mois, délai suffisant pour que France Télécom puisse publier une offre tarifaire modifiée tant sur les colonnes montantes que sur les contributions au raccordement palier.
§ Sur la production d’une nouvelle offre de réalisation de raccordement palier
L’Autorité a considéré (voir section 6.3) qu’il est justifié de faire droit à la demande de Free Infrastructure que France Télécom formule une offre de réalisation des raccordements palier dans les immeubles dont elle est opérateur d’immeuble. L’Autorité a ajouté que les parties devront d’un commun accord définir les conditions opérationnelles garantissant le bon fonctionnement d’une telle offre.
Or, la mise en place d’une telle offre nécessite la mobilisation de moyens importants, par exemple :
- pour la définition d’un cahier des charges précis, notamment en ce qui concerne le développement d’un outil partagé entre l’opérateur d’immeuble et l’opérateur commercial pour la prise de rendez-vous avec le client, ou en ce qui concerne les engagements respectifs en termes de gestion des volumes de commandes ;
- pour les négociations de nouveaux contrats de sous-traitance pour la réalisation des travaux ;
- pour la définition de tarifs de cette nouvelle offre, dans le respect des principes prévus par le cadre réglementaire.
Par conséquent, l’Autorité estime qu’il est équitable de demander à France Télécom de publier cette nouvelle offre dans un délai de six mois à compter de la notification de la présente décision.
Décide :
Article 1 : Il est prescrit à la société France Télécom de modifier son offre à Free Infrastructure d’accès en zone très dense à la partie terminale des lignes de communications électroniques à très haut débit en fibre optique, afin que ses tarifs pour les points de mutualisation et les colonnes montantes respectent les principes de pertinence et d’efficacité et de telle sorte que :
- les coûts de l’architecture de référence mono-fibre, hors boîtier de brassage, soient partagés à parts égales entre les opérateurs co-financeurs ;
- les coûts spécifiques du boîtier de brassage soient partagés entre les opérateurs sur fibre partagée qui l’utilisent ;
- les coûts liés aux obligations réglementaires d’accueil des opérateurs tiers, sur les deux fibres dédiées non attribuées initialement, soient partagés à parts égales entre les opérateurs co-financeurs ;
- les coûts spécifiques de la fibre dédiée demandée par Free Infrastructure soient intégralement à la charge de cette dernière.
Par ailleurs, France Télécom doit proposer à Free Infrastructure une fibre optique dédiée non préconnectorisée si Free Infrastructure le demande.
Article 2 : Il est prescrit à la société France Télécom de modifier son offre d’accès à Free Infrastructure afin que :
- la somme des tarifs demandés à l’ensemble des opérateurs co-financeurs non opérateur commercial au titre de la prestation de raccordement palier mono-fibre dans les immeubles n’excède pas les coûts pertinents de son établissement par un opérateur efficace, et soit, en tout état de cause, inférieure à 17,80 € correspondant à 10% des coûts totaux du raccordement palier mono-fibre ;
- la somme des tarifs demandés aux opérateurs co-financeurs au titre du surcoût de la prestation de raccordement palier consistant à déployer une architecture quadri- fibres par rapport à une architecture mono-fibre dans les immeubles collectifs n’excède pas les coûts pertinents de son établissement par un opérateur efficace, et soit, en tout état de cause, inférieure à 30 €, dont 10 € imputables à la fibre dédiée demandée par Free Infrastructure.
Article 3 : Il est prescrit à la société France Télécom de modifier son offre à Free Infrastructure d’accès en zone très dense à la partie terminale des lignes de communications électroniques à très haut débit en fibre optique, afin de proposer une offre de construction de raccordements palier dans les immeubles collectifs, y compris lorsque le client final souhaite s’abonner aux services d’un opérateur tiers.
Cette offre doit être disponible pour l’ensemble des immeubles fibrés par France Télécom en zone très dense. Les modalités tarifaires de cette offre respectent les principes d’objectivité, de pertinence, de non-discrimination et d’efficacité.
Article 4 : Il est prescrit à la société France Télécom de modifier son offre à Free Infrastructure conformément aux articles 1 et 2 dans un délai de deux mois à compter de la date de notification de la présente décision.
Article 5 : Il est prescrit à la société France Télécom de proposer à Free Infrastructure une offre conforme à l’article 3 dans un délai de six mois à compter de la date de notification de la présente décision.
Article 6 : Le surplus des conclusions présenté par la société Free Infrastructure est rejeté.
Article 7 : Le directeur des affaires juridiques de l’Autorité ou son adjoint est chargé de notifier aux sociétés Free Infrastructure et France Télécom la présente décision, qui sera publiée sous réserve des secrets protégés par la loi.
[…] passages relevant des secrets protégés par la loi
Notes :
1 Selon l’INSEE, le nombre de logements moyen des immeubles de plus de douze logements des communes des zones très denses est de 23.
2 Mémoire en saisine de Free Infrastructure en date du 25 mars 2011
3 Source : Audit des coûts de verticalité de Free Infrastructure, produit en annexe du mémoire en saisine du 25 mars 2011
4 Source : Réponse de France Télécom au questionnaire envoyé par l’Autorité le 25 mai 2011
5 Offre destinée aux opérateurs de réseaux FttH ouverts au public, publiée le 23 février 2011
6 Sur la base des réponses de France Télécom au questionnaire des rapporteurs du 1er juillet 2011.
7 Fournies par France Télécom en annexe 2 de ses observations en défense du 26 mai 2011. Les bordereaux signés correspondants n’ont pas été produits par France Télécom dans le cadre de la procédure.
8 Point de branchement optique, ou PBO : dans les immeubles de plusieurs logements ou locaux à usage professionnel, équipement généralement situé dans les boitiers d’étage de la colonne montante qui permet de raccorder le câblage vertical installé par l’opérateur d’immeuble et les câbles destinés au raccordement palier.
9 Prise de terminaison optique ou PTO : prise optique installée à l’intérieur du logement ou du local à usage professionnel. Cette prise constitue le point de branchement de l’équipement optique mis à disposition du client par l’opérateur commercial (la « box »).
10 Il s’agit d’une moyenne effectuée par France Télécom sur la base des raccordements palier effectués
11 Source : Réponse de France Télécom au questionnaire du 26 mai 2011
12 Source : Réponse de France Télécom au questionnaire du 26 mai 2011