ARCEP, 12 juillet 2011, n° 2011-0809
ARCEP
se prononçant sur une demande de règlement de différend opposant les sociétés Towercast et TDF
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
M. Silicani
Membre :
Mme Toledano, Mme Denis, M. Rapone, M. Courtois, M. Coutant, M. Curien
Avocats :
Maître Théophile, Maître Mèle, Maître Savoie, Maître Fréget
L’Autorité de régulation des communications électroniques et des postes,
Vu la directive 2002/19/CE du Parlement européen et du Conseil en date du 7 mars 2002 relative à l’accès aux réseaux de communications électroniques et aux ressources associées, ainsi qu’à leur interconnexion (directive « accès ») ;
Vu la directive 2002/21/CE du Parlement européen et du Conseil du 7 mars 2002 relative à un cadre réglementaire commun pour les réseaux et services de communications électroniques (directive « cadre ») ;
Vu le code des postes et des communications électroniques, notamment ses articles L. 32-1, L. 36-8 et R. 11-1 ;
Vu la loi n° 86-1067 du 30 septembre 1986 relative à la liberté de la communication ;
Vu la déclaration de la société TDF en date du 12 janvier 2005 en tant qu’opérateur de réseau ouvert au public ;
Vu la déclaration de la société Towercast en date du 3 septembre 2007 en tant qu’opérateur de réseau ouvert au public ;
Vu la décision n° 2009-0484 de l’Autorité en date du 11 juin 2009 portant sur la définition du marché pertinent de gros des offres de diffusion hertzienne terrestre de programmes télévisuels en mode numérique, sur la désignation d’un opérateur exerçant une influence significative sur ce marché et sur les obligations imposées à cet opérateur sur ce marché ;
Vu la demande de règlement de différend enregistrée à l’Autorité le 15 mars 2011, présentée par la société Towercast, dont le siège social est 46-50, avenue Théophile Gautier, 75016 Paris, représentée par Maîtres Didier Théophile et Patrick Mèle, Avocats au bureau de Paris du cabinet Darrois Villey Maillot Brochier ;
La société Towercast demande à l’Autorité de :
- dire que le maintien des conditions tarifaires de l’offre de référence « cycle 1 » pour les conventions d’accès « DiffHF-TNT » sur les sites de […]et […] est contraire à la décision n° 2009-0484 du 11 juin 2009 ;
- en tout état de cause, dire que le maintien des conditions tarifaires de l’offre de référence « cycle 1 » pour les conventions d’accès « DiffHF-TNT » sur les sites de […] est inéquitable, discriminatoire et contraire au principe d’une concurrence effective et loyale ;
- en conséquence, ordonner à TDF de proposer à Towercast de soumettre les contrats relatifs aux multiplex […] et […] sur le site de […] et […] sur le site […], […] et […] sur le site de […], […] sur le site de […], […] et […]sur le site de […], [...] et […] sur le site de
[…], […] et […] sur le site de […], […] sur le site de […], […] et […] sur le site de […], […] et [..] sur le site de […], […] et […] sur le site de […], […] sur le site de […] et […] sur le site de […] aux conditions de l’offre de référence 2010 et aux conditions générales de services y afférentes ;
- dire que TDF devra, en outre, appliquer aux conventions qui seront soumises à l’offre de référence 2010 les tarifs de cette offre à compter du 14 décembre 2010, date de formalisation du présent différend selon Towercast.
En premier lieu, la société Towercast estime que le maintien des conditions tarifaires de l’offre de référence « cycle 1 » est contraire à la décision n°2009-0484 du 11 juin 2009.
- Elle soutient que sa demande est raisonnable puisqu’elle répond à la volonté d’harmoniser les conditions tarifaires appliquées aux différents multiplex pour une même antenne. Elle critique les fortes disparités tarifaires qu’elle constate sur certains sites entre le « cycle 1 » et le « cycle 2 ». Elle ajoute que sa demande ne modifie pas l’équilibre global contractuel entre les parties et que l’impact financier pour TDF n’est pas substantiel. Par ailleurs, elle souligne que les contrats « cycle 1 » en cours d’exécution n’intègrent aucune clause de prévoyance. Elle ajoute que sa demande vise à assurer l’effectivité du « cycle 2 » de régulation de l’Autorité.
- La société Towercast relève que le Conseil d’Etat admet qu’une disposition législative ou réglementaire peut s’appliquer à des situations contractuelles en cours à sa date d’entrée en vigueur, à condition d’être justifiée par un motif d’ordre public. Elle considère que les articles L. 37-2 et L. 38 du code des postes et des communications électroniques (CPCE) habilitent l’ARCEP à imposer des obligations aux opérateurs et que leur caractère d’ordre public justifie l’application de l’analyse de marché aux contrats en cours d’exécution à sa date d’entrée en vigueur. Elle soutient que le raisonnement adopté par le Conseil d’Etat en matière de réglementation des prix par le pouvoir réglementaire dans l’affaire KPMG (Assemblée, 24 mars 2006) est applicable aux obligations de contrôle tarifaire imposées par l’ARCEP à un opérateur exerçant une influence significative sur le marché. Elle ajoute que ce pouvoir de l’ARCEP participe de sa mission régulatrice et que la régulation, en raison de sa nature même, doit s’appliquer aux contrats en cours. La société Towercast souligne que l’effectivité de la régulation serait remise en cause si cette dernière pouvait être tenue en échec par le biais de conventions qui y seraient contraires et dont l’échéance irait au-delà de son terme.
- La société Towercast estime que l’applicabilité immédiate de la décision du 11 juin 2009 est d’autant plus certaine que cette décision a été adoptée sur le fondement d’une réglementation communautaire. Elle relève que la Cour de justice de l’Union européenne a déjà dit pour droit qu’une règle nouvelle s’applique immédiatement aux effets futurs d’une situation née sous l’empire de la règle ancienne et qu’une telle situation n’a pas d’effet rétroactif au sens propre du terme.
- La société Towercast souligne que les pouvoirs de l’Autorité trouvent leur fondement dans la directive « accès » susvisée qui permettrait aux régulateurs nationaux d’imposer des obligations nouvelles aux opérateurs alors même que ces derniers seraient liés par des conventions. Elle considère qu’il ressort clairement des termes, finalités et économie de la directive que celle-ci a entendu permettre à l’autorité nationale d’affecter les situations acquises en imposant des obligations spécifiques aux opérateurs exerçant une influence significative sur le marché.
En second lieu, la société Towercast soutient que le maintien des conditions tarifaires de l’offre de référence « cycle 1 » est inéquitable, discriminatoire et contraire au principe d’une concurrence effective et loyale.
- Le maintien des conditions tarifaires de l’offre de référence « cycle 1 » serait inéquitable car il la priverait de la possibilité de bénéficier de baisses tarifaires pour des prestations de même nature sur un seul et même service. Elle estime ce manque à gagner à un montant d’environ [ …] € sur la durée restante des contrats.
- Ce maintien serait discriminatoire car il est fondé sur un critère de modification technique que Towercast juge sans rapport avec l’objet de la demande, imprécis et arbitraire. Towercast souligne que ce critère, tel que TDF l’a explicité à Towercast (« puissance maximale numérique de la gamme de l’émetteur le plus élevé raccordée à l’antenne ») a conduit à refuser un basculement sur les sites de […] et […] alors que Towercast estime qu’il y a eu une évolution technique sur ces deux sites.
- Ce maintien serait contraire au principe d’une concurrence effective et loyale parce qu’il fausserait le jeu de la concurrence dans le cadre des appels d’offre du multiplex GR1 pour les régions […] sur les sites de […] et de […]. Sur ces deux sites, Towercast précise qu’elle opère la diffusion de GR1 depuis la mise en service du plan transitoire le 15 décembre 2007. La société Towercast soutient que TDF a maintenu les conditions contractuelles et tarifaires du « cycle 1 » considérant qu’il n’y avait eu aucun changement technique sur ces deux sites au 1er février 2011. Dès lors, Towercast a répondu à l’appel d’offres sur la base d’un tarif « cycle 1 » de 39 328 € sur […] alors que ses concurrents ont pu répondre à cet appel d’offres sur la base d’un tarif « cycle 2 » de 31 036 €. De même, pour l’appel d’offres sur le site de […], Towercast a répondu sur la base d’un tarif « cycle 1 » de 261 625 € alors que ces concurrents ont pu répondre à cet appel d’offres sur la base d’un tarif « cycle 2 » de 171 915 €. D’autre part, la société Towercast soutient que le refus de TDF de faire droit à sa demande procure un avantage économique sur le marché aval aux opérateurs dont les contrats sont conclus avec les conditions tarifaires de l’offre « cycle 2 » provenant de l’introduction d’une clause de prévoyance. Towercast considère que cette clause de prévoyance permettrait aux opérateurs de bénéficier de baisses tarifaires dans le cas où l’offre de référence de TDF serait révisée, par exemple dans le cas de l’arrivée des nouveaux multiplex R7 et R8 qui devrait conduire à des économies de coûts. Towercast conclut que, dans une telle situation, seuls les opérateurs dont les contrats seraient régis par les conditions de l’offre « cycle 2 » seraient en mesure de profiter des éventuelles baisses de coûts.
Enfin, la société Towercast affirme que l’échec des négociations est constitué. En effet, par un courrier en date du 11 juin 2010, la société Towercast a demandé à la société TDF à bénéficier des conditions tarifaires de l’offre « DiffHF-TNT cycle 2 » pour 22 sites – […]
La société Towercast précise qu’entre les mois d’août et novembre 2010, la société TDF a accédé à ses demandes concernant 8 sites – […](multiplex […]) – mais qu’en revanche, TDF n’a pas fait droit à ses demandes concernant les autres sites mentionnés dans son courrier en date du 11 juin 2010.
Ainsi, selon la société Towercast, la société TDF aurait, dans un courrier en date du 14 décembre 2010, opposé un « refus net » à sa demande de modifier l’ensemble des contrats « cycle 1 » dès lors qu’aucune modification technique ne le justifiait. Néanmoins, la société Towercast relève que, postérieurement à ce refus, la société TDF a accepté de faire bénéficier des conditions tarifaires de l’offre de « cycle 2 » les contrats relatifs à 4 autres sites – […] (multiplex […] et […]), […] (multiplex […] et […]) et […] – en raison de modifications techniques.
Selon la société Towercast, le refus d’accéder à ses demandes, opposé le 14 décembre 2010 par la société TDF, caractérise un désaccord sur les conditions d’exécution d’une convention au sens de l’article L. 36-8 du CPCE. Ce désaccord porte sur les conditions tarifaires de 26 contrats conclus sur 13 sites différents. Il s’agit des contrats relatifs aux multiplex […] et […] sur le site de […], […] et […] sur le site d’[…], […] et […] sur le site de […], […] sur le site de […], […] et [] sur le site de la […], […] et […] sur le site de […], […] et […] sur le site de […], […] sur le site de […], […] et […] sur le site de […], […] et […] sur le site de […], […] et […] sur le site de […], […] sur le site de […] et […] sur le site d’ […]. La société Towercast estime par conséquent que, dans ces conditions, elle n’a d’autre solution que de saisir l’Autorité du différend l’opposant à la société TDF.
Vu les observations en défense enregistrées le 18 avril 2011, présentées par la société TDF, société par actions simplifiée, ayant son siège social 106, avenue Max Dormoy, 92120 Montrouge, représentée par Maîtres Olivier Fréget, Fleur Herrenschmidt et David Por, du cabinet Allen & Overy LLP ;
La société TDF demande à l’Autorité :
- à titre principal, de déclarer irrecevable l’intégralité des demandes de Towercast, aux motifs suivants :
o la demande de Towercast vise à voir l’Autorité constater l’existence d’une violation de la décision n° 2009-0484 susvisée par TDF alors que :
§ en fait, les conditions dont le maintien est reproché à TDF ne sont plus proposées sur le marché depuis l’entrée en vigueur de la décision n° 2009-0484 ;
La société TDF estime à cet égard qu’elle ne maintient pas les conditions tarifaires de « cycle 1 », puisque l’offre de référence n’est plus disponible mais proposée ; seuls les contrats déjà conclus seraient encore en vigueur.
§ en droit, l’Autorité ne peut constater la violation d’une décision que sur le fondement de l’article L. 36-11 du CPCE ;
Selon la société TDF, si l’Autorité en décidait autrement, elle violerait un certain nombre de règles fondamentales spécifiques à la mise en œuvre de l’article L. 36-11 du CPCE, en particulier l’envoi préalable d’une mise en demeure et la notification des griefs. Elle ajoute par ailleurs que les éléments communiqués par un opérateur dans le cadre de cette procédure sont couverts par le secret, ce qui n’est pas le cas des éléments communiqués dans le cas de la procédure prévue à l’article L. 36-8 du même code. Le constat d’un manquement dans le cadre d’une procédure de règlement des différends conduirait ainsi à une violation des droits de la défense.
o la demande de Towercast vise à voir l’Autorité modifier le champ d’application de la décision n° 2009-0484, modification à laquelle l’Autorité ne peut procéder que sur le fondement des articles L. 37 et suivants du CPCE ;
La société TDF considère que la décision en cause ne prévoit pas son application immédiate aux contrats en cours et que la demande de Towercast vise ainsi à modifier la portée de cette décision.
Elle souligne que la modification d’une décision d’analyse de marché ne peut intervenir que dans le respect de la procédure prévue aux articles L. 37 et suivants du CPCE. Elle cite un avis de la Commission européenne en ce sens, et précise que les propos de cette dernière, relatifs à la modification du champ matériel de la décision, devraient également s’appliquer à une modification temporelle d’une telle décision.
La société TDF ajoute que modifier le champ temporel d’une analyse de marché dans le cadre d’un règlement de différend la priverait des garanties procédurales dont jouit l’opérateur puissant dans le cadre de l’élaboration d’une analyse de marché, notamment par le biais de la fourniture d’informations confidentielles à l’Autorité.
o la demande de Towercast vise à voir l’Autorité prononcer les mêmes « mesures équitables » sur le fondement de l’article L. 36-8 I du CPCE :
Selon la société TDF, l’Autorité est compétente pour se prononcer sur le fondement de l’article L. 36-8 du CPCE, aussi bien en présence qu’en l’absence de décision de régulation ex ante, mais elle ne pourrait le faire dans les mêmes conditions dans les deux cas.
Elle soutient que l’Autorité peut se prononcer, d’une part, sur le fondement de l’article L. 36-8- I du CPCE en cas « de refus d’accès ou d’interconnexion, d’échec des négociations commerciales ou de désaccord sur la conclusion ou l’exécution d’une convention d’interconnexion ou d’accès à un réseau (…) » et, d’autre part, sur le fondement de l’article L. 36-8 II du même code lorsque le différend est relatif à la mise en œuvre d’une obligation déjà existante. Elle soutient que l’existence d’une obligation réglementaire exclut nécessairement l’applicabilité de l’article L. 36-8 I au profit de l’article L. 36-8 II du CPCE.
La société TDF estime que la mise en œuvre de l’article L. 36-8 II du CPCE interdit à l’Autorité de déterminer des « conditions équitables », mais lui permet uniquement de se prononcer au regard des seules obligations réglementaires en cause, sans pouvoir s’en éloigner ou en modifier la portée. Elle ajoute que la notion d’équité ne doit pas, en tout état de cause, être interprétée comme permettant à l’Autorité de pouvoir trancher une question autrement qu’en pur droit, sans écarter les dispositions applicables à l’espèce. Ainsi, l’Autorité pourrait, lorsqu’elle fixe des « conditions équitables » uniquement en l’absence de dispositions réglementaires et spécifiques, rétablir l’équilibre qui aurait dû prévaloir à la signature du contrat, dans le respect des principes généraux dont le CPCE lui confie la mise en œuvre.
o Towercast n’a pas établi l’existence de négociations, ni a fortiori d’échec des négociations, relatifs à l’application des « conditions de l’offre de référence 2010 et aux conditions générales de services y afférentes », dans leur ensemble, aux contrats visés par sa demande ;
La société TDF relève en premier lieu que, pour constater l’existence d’un échec des négociations, la société Towercast se fonde sur deux « courriers généraux », l’un émanant de la société Towercast, daté du 11 juin 2010, l’autre émanant de la société TDF, daté du 14 décembre 2010.
En second lieu, la société TDF soutient, d’une part, que la demande formulée par la société Towercast dans son courrier en date du 11 juin 2010 n’a pas le même objet que celle qu’elle formule dans le cadre du présent règlement de différend et, d’autre part, qu’un seul échange ne saurait caractériser un échec des négociations. Plus précisément, la société TDF estime que la demande formulée par la société Towercast dans son courrier du 11 juin 2010 est emprunte de contradictions et n’est pas la même que celle présentée devant l’Autorité. En effet, selon la société TDF, la société Towercast se serait limitée, dans son courrier en date du 11 juin 2010, à demander l’application des tarifs de l’offre « DiffHF-TNT cycle 2 » tandis que, dans sa saisine de l’Autorité en date du 15 mars 2011, elle demanderait l’application de tous les éléments (techniques, opérationnels, financiers et juridiques) de cette offre. La société TDF ajoute que cette dernière demande n’aurait jamais été formulée directement auprès d’elle et que, par conséquent, son courrier en date du 14 décembre 2010 ne saurait être considéré comme matérialisant un échec des négociations sur cette question.
La société TDF soutient également que l’ « échange unique » constitué par les courriers du 11 juin 2010 et du 14 décembre 2010 ne saurait caractériser l’existence de négociations et, a fortiori, la présence d’un échec des négociations. Elle relève en outre que le « refus net » allégué par la société Towercast ne saurait être considéré comme définitif, puisque postérieurement à son courrier en date du 14 décembre 2010, elle a accepté d’appliquer l’offre « cycle 2 » à d’autres contrats.
Dans ces conditions, la société TDF soutient que la société Towercast n’a pas établi l’existence d’un échec des négociations et que la demande de règlement de différend présentée par cette dernière est de ce fait irrecevable.
- à titre subsidiaire, de déclarer irrecevables les demandes de Towercast en ce qu’elles concernent les sites réplicables, au motif que la décision n° 2009-0484 n’a apporté aucune modification aux obligations tarifaires pesant sur TDF en ce qui concerne les sites réplicables ;
La société TDF estime que la nature des obligations tarifaires qui pèsent sur elle au regard des sites réplicables, à savoir le respect des principes de non excessivité et de non éviction, n’a pas été modifiée par la décision n° 2009-0484. Elle relève en outre que tant l’Autorité que la Commission européenne jugent nécessaire de ne pas décourager la concurrence par les infrastructures.
- à titre infiniment subsidiaire, de rejeter comme infondées l’intégralité des demandes de Towercast aux motifs que :
o la décision n° 2009-0484 n’est pas applicable aux contrats en cours et ne saurait légalement l’être, en soi ou en vertu d’une décision adoptée sur le fondement de l’article L. 36-8 du CPCE, sans violer le principe fondamental de la survie de la loi applicable ;
La société TDF rappelle le principe de droit civil de la survie de la loi applicable aux contrats en cours. Elle cite à cet effet la doctrine civiliste d’une « absolue unanimité » ainsi que la jurisprudence « constante » qui confirme ce principe. Elle souligne que la solution n’est pas différente si la norme nouvelle est d’ordre public et estime que ce n’est que lorsque la norme nouvelle comporte des dispositions expresses prévoyant son applicabilité immédiate aux contrats en cours que ces derniers peuvent être affectés.
La société TDF soutient que le droit public fait application des mêmes principes et soutient qu’une décision administrative ne saurait s’appliquer aux contrats en cours que dans des cas exceptionnels strictement définis par le juge.
o la décision n° 2009-0484 n’est pas applicable aux contrats en cours et ne saurait légalement l’être sans violer le principe fondamental selon lequel une décision administrative ne peut s’appliquer à des contrats en cours, sauf circonstances exceptionnelles non réunies en l’espèce ;
La société TDF rappelle que deux conditions sont nécessaires pour qu’une autorité administrative puisse adopter une décision rétroactive.
Concernant la condition de l’habilitation législative, la société TDF souligne qu’elle peut être expresse ou implicite, dans des cas plus rares. Elle estime que les dispositions en cause doivent faire l’objet d’une interprétation stricte. En outre, elle relève que le Conseil d’Etat ne reconnaît l’existence d’une habilitation législative du pouvoir réglementaire à prendre une mesure rétroactive que si la disposition législative dont il s’agit est justifiée par des raisons d’ordre public. Elle considère que cet ordre public doit être « impérieux » ou « renforcé » lorsqu’il s’agit d’une habilitation implicite. Selon la société TDF, cet ordre public renforcé ne peut être admis que dans deux hypothèses : soit dans un contexte de « fort interventionnisme économique », lorsqu’est remplie la condition d’urgence, soit dans les cas où l’absence d’application immédiate de la décision serait de nature à mettre gravement en péril les équilibres sociaux ou déontologiques du secteur concerné.
Par ailleurs, la société TDF souligne que la mesure rétroactive ne doit pas porter une atteinte excessive à la situation des personnes en cause et qu’elle doit prévoir des mesures transitoires.
La société TDF conteste l’argumentation de Towercast selon laquelle les articles L. 37-1 et suivants du CPCE, qui encadrent les pouvoirs de l’ARCEP dans le cadre des analyses de marché, constitueraient une habilitation législative à prendre des décisions applicables aux contrats en cours. Elle estime qu’il n’existe aucune habilitation expresse en ce sens et considère que la présence d’une habilitation expresse à l’article L. 38 III du même code est limitée et circonscrite, et doit, a contrario, s’interpréter comme interdisant à l’Autorité de déroger aux principes d’immuabilité des contrats dans l’exercice de ses pouvoirs généraux de régulation des marchés.
Elle soutient que la requérante ne parvient pas à démontrer l’existence d’une habilitation législative implicite, qui devrait être justifiée par des raisons d’ordre public « impérieux » ou « renforcé » et non pas un « simple motif d’ordre public ». Elle souligne qu’elle ne conteste pas que la mission de régulation de l’ARCEP est sous-tendue par des exigences tenant au respect de l’ordre public économique, mais qu’il ne peut être considéré comme un ordre public « renforcé » justifiant de déroger au principe de survie de la loi applicable au contrat.
La société TDF considère que les dispositions des articles L. 37-1 et suivants du CPCE ne sont pas d’une nature justifiant que les garanties contractuelles offertes aux opérateurs soient brusquement écartées, en ce qu’elles ne confèrent pas à l’Autorité un pouvoir de crise ou d’urgence. Elle estime en outre que, si l’Autorité a pu affirmer qu’elle avait le pouvoir d’imposer la modification de clauses contractuelles d’un contrat en cours, cela n’est que par application de la norme en vigueur à la date de signature dudit contrat. L’Autorité ne serait pas habilitée à modifier des conventions en leur appliquant une loi nouvelle qui n’était pas applicable à la date de signature du contrat.
La société TDF estime également que l’absence d’application immédiate de la décision « cycle 2 » n’aurait pas pour effet de porter une atteinte majeure au fonctionnement du marché. Elle soutient que le fait qu’une partie importante de ses contrats ait déjà basculé dans le « cycle 2 » lui a déjà permis de contribuer au respect de l’objectif visé par la décision d’analyse de marché. Elle souligne que les principes de cette décision sont appliqués à tous les contrats conclus depuis son entrée en vigueur et rappelle qu’une modification technique entraîne le basculement du contrat en cause en « cycle 2 ». Elle soutient que le fait que les modalités du « cycle 2 » s’appliquent à l’échéance du contrat permet de ne pas priver de portée la décision d’analyse de marché.
La société TDF considère que l’ARCEP n’a pas prévu elle-même que sa décision serait d’application immédiate et que la pratique habituelle de l’Autorité confirme qu’il n’existe aucune obligation d’appliquer immédiatement des décisions de régulation de marché prises en application des articles L. 37-1 du CPCE.
Par ailleurs, la société TDF estime que le fait que les décisions de régulation de marché soient adoptées sur le fondement de règles communautaires est sans incidence sur le caractère d’ordre public de celles-ci, et relève que la prévisibilité, la cohérence, la proportionnalité et la sécurité juridique sont des principes de droit européen qu’il convient de respecter, et à l’encontre desquels viendrait l’application rétroactive d’une décision d’analyse de marché.
La société TDF soutient que le principe de sécurité juridique s’oppose en tout état de cause à l’application immédiate de la décision « cycle 2 » aux contrats en cours. Elle estime que cette application immédiate lui causerait un préjudice économique important et que l’orientation vers les coûts est un remède intrusif qui ne peut être utilisé que dans la mesure où cela est strictement nécessaire à la régulation du secteur. Or, elle considère que la survivance des contrats déjà signés ferait échec à la régulation « cycle 2 » puisque les nouveaux contrats et les contrats arrivés à échéance sont soumis à ce cycle de régulation.
o la société Towercast n’apporte aucun élément justifiant de déroger à ces principes fondamentaux, car :
La société TDF estime que les demandes formulées par la société Towercast ne sont pas raisonnables en ce qu’elles tendent à faire peser la charge financière de ses propres choix commerciaux sur elle.
La société TDF relève ainsi que l’existence de différentes conditions tarifaires pratiquées sur une même antenne ne saurait l’obliger à modifier ses contrats pour permettre à la société Towercast d’harmoniser ses pratiques tarifaires vis-à-vis de ses clients. Elle affirme en outre que l’absence alléguée par la société Towercast de remise en cause de l’équilibre global du contrat en raison du caractère limité de la somme en jeu n’est pas un élément pertinent. En effet, il n’y a pas lieu, selon elle, de considérer qu’une demande est raisonnable du seul fait qu’elle porte sur une somme limitée. La société TDF estime qu’il conviendrait, le cas échéant, de mener une analyse site par site et de prendre en compte les effets incitatifs qu’une décision de l’Autorité favorable à la société Towercast aurait sur le comportement de ses concurrents. Elle ajoute que la société Towercast ne saurait lui reprocher de ne pas avoir prévu de « clause de prévoyance » dans ses contrats de « cycle 1 » et rappelle l’existence de clauses de résiliation permettant, sous réserve du paiement d’une indemnité, d’y mettre fin avant terme. Elle affirme enfin, contrairement à ce que soutient la société Towercast, que l’application immédiate de la décision n° 2009-0484 aux contrats en cours ne serait pas nécessaire pour en assurer l’effectivité.
La société TDF affirme qu’il ne peut lui être reproché d’adopter un comportement discriminatoire puisqu’elle traiterait différemment les opérateurs placés dans des situations différentes et traiterait de la même façon les opérateurs dans la même situation. Selon elle, la coexistence sur un même site de contrats soumis à des conditions notamment tarifaires différentes n’est pas révélatrice d’une discrimination mais résulte simplement de différences tenant à leur date de conclusion. Ainsi, elle affirme que la simple existence de ces différences ne saurait impliquer le droit de demander un alignement des tarifs et que le refus de procéder à un tel alignement ne serait pas inéquitable. Enfin, la société TDF réfute l’argumentation soulevée par la société Towercast selon laquelle se fonder sur l’absence de modification technique pour refuser le basculement des contrats de « cycle 1 » vers le « cycle 2 » serait sans rapport avec l’objet de sa demande et conférerait à la société TDF un pouvoir « confin[ant] à l’arbitraire ». La société TDF souligne, d’une part, que lorsqu’une modification technique touche à l’objet même du contrat, elle justifie sa modification, qui doit se faire dans le respect des conditions en vigueur et, d’autre part, qu’elle a indiqué à la société Towercast les modifications susceptibles d’être considérées comme substantielles au regard des contrats.
Selon la société TDF, les atteintes au principe de concurrence effective et loyale relevées par la société Towercast, à les supposer établies, ne peuvent être considérées comme touchant l’ensemble des opérateurs de marché. Au contraire, la demande de la société Towercast serait « symptomatique de son refus systématique » d’assumer les conséquences notamment financières de sa politique commerciale et viserait à consolider les avantages qu’elle tirerait de sa position de « premier nouvel entrant » sur le marché.
Vu les nouvelles observations enregistrées le 4 mai 2011, présentées par la société Towercast, par lesquelles elle maintient ses conclusions et modifie le périmètre temporel de sa demande ;
La société Towercast précise que sa demande principale tend à ordonner à TDF de proposer de soumettre les contrats en cours aux conditions du « cycle 2 ».
Elle ajoute que sa demande ne vise pas à modifier la portée de la décision « cycle 2 », mais à la révéler, en ce qu’elle visait, dès son origine, à s’appliquer aux contrats en cours.
La société Towercast modifie le champ d’application dans le temps de sa demande initiale, en soulignant que la période couverte par le différend débute le 11 juin 2010, date à laquelle Towercast a formellement demandé à TDF de modifier ses contrats et non le 14 décembre 2010, date à laquelle TDF a opposé un refus à cette demande.
Vu le questionnaire des rapporteures en date du 6 mai 2011 ;
Vu l’avis n° 2011-07 du Conseil supérieur de l’audiovisuel du 11 mai 2011 relatif à la saisine de l’Autorité par la société Towercast à l’encontre de TDF ;
Vu la transmission de l’avis n° 2011-07 du Conseil supérieur de l’audiovisuel du 11 mai 2011 par l’Autorité aux parties en date du 20 mai 2011 ;
Vu les nouvelles observations enregistrées le 19 mai 2011, présentées par la société TDF, par lesquelles elle maintient ses conclusions et produit un avis du Professeur Guy Carcassonne relatif au différend ;
Vu les réponses au questionnaire du 6 mai 2011, présentées par les sociétés TDF et Towercast, enregistrées à l’Autorité le 27 mai 2011 ;
Vu les observations de la société TDF en réponse à l’avis du CSA n° 2011-07, enregistrées le 3 juin 2011 à l’Autorité ;
Vu le second questionnaire des rapporteures en date du 21 juin 2011 ;
Vu les réponses au second questionnaire du 21 juin 2011, présentées par les sociétés TDF et Towercast, enregistrées à l’Autorité le 27 juin 2011 ;
Vu le courrier du directeur des affaires juridiques de l'Autorité en date du 20 juin 2011 convoquant les parties à une audience devant le Collège le 5 juillet 2011 ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Après avoir entendu le 5 juillet 2011, lors de l'audience devant le collège (composé de M. Jean-Ludovic Silicani, président, Mmes Marie-Laure Denis et Joëlle Toledano, et MM. Daniel-Georges Courtois, Jérôme Coutant, Nicolas Curien et Denis Rapone) :
1 le rapport de Mme Carole Armoët, rapporteure présentant les conclusions et les moyens des parties ;
2 les observations de MM. Hugues Martinet et Florent Sadot, Maîtres Didier Théophile, Patrick Mèle et Henri Savoie pour la société Towercast ;
3 les observations de MM. Michel Azibert et Arnaud Lucaussy, Maître Olivier Fréget et du Professeur Guy Carcassonne pour la société TDF ;
En présence de :
M. Jacques Roques pour la société Towercast ;
MM. Alain Audigou et Franck Langrand, Maître Fleur Herrenschmidt et Maître Romaric Lazergues pour la société TDF ;
M. Philippe Distler, directeur général, MM. François Lions et Michel Combot, directeurs généraux adjoints, Mme Elisabeth Marescaux-Bertrand, rapporteure, Mmes Natacha Dubois et Patricia Lewin, MM. Nicolas Deffieux, Matthieu Agogué, Christian Guénod, Stéphane Hoynck et Loïc Taillanter, agents de l’Autorité ;
Sur la publicité de l'audience
L'article 15 du règlement intérieur susvisé dispose que : « l'audience est publique, sauf demande conjointe de toutes les parties. Si cette demande n'est pas conjointe, le collège de l'Autorité en délibère ».
Par un courrier électronique en date du 27 juin 2011, la société TDF a demandé que l’audience soit non publique.
Par un courrier électronique en date du 28 juin 2011, la société Towercast a demandé que l’audience soit publique. Interrogée sur ce point par le Président avant l'ouverture des débats de l'audience, la société TDF a indiqué qu’elle ne s’opposait pas à ce que l’audience soit publique.
Le collège (composé de M. Jean-Ludovic Silicani, président, Mmes Marie-Laure Denis et Joëlle Toledano et MM. Daniel-Georges Courtois, Jérôme Coutant, Nicolas Curien et Denis Rapone) en ayant délibéré le 12 juillet 2011, hors la présence de la rapporteure, des rapporteures adjointes et des agents de l'Autorité, adopte la présente décision fondée sur les faits et les moyens exposés ci-après.
1. Sur le contexte du règlement de différend
La demande de règlement de différend formulée par la société Towercast porte sur le marché de gros amont des services de diffusion de la télévision numérique terrestre (TNT).
1.1. Le cadre réglementaire
L’Autorité a mis pour la première fois en place un dispositif de régulation ex ante sur un marché de gros de services de diffusion audiovisuelle en avril 2006. Elle a en effet adopté le 6 avril 2006 les décisions n° 06-0160[1] et n° 06-0161[2] d’analyse du marché de gros amont des services de diffusion de la télévision hertzienne terrestre. Il s’agissait du marché de l’accès aux infrastructures de diffusion hertzienne terrestre de la télévision, en modes analogique et numérique. La société TDF a été désignée comme opérateur exerçant une influence significative sur ce marché. A ce titre, l’Autorité lui a imposé les obligations de faire droit aux demandes raisonnables d’accès, de non-discrimination, de transparence, de comptabilisation des coûts et de séparation comptable et de contrôle tarifaire. Ces décisions, dites de « cycle 1 », étaient applicables jusqu’au 1er avril 2009.
Dès 2008, l’Autorité a engagé le processus de révision de son analyse de marché. Le 11 juin 2009, l’Autorité a adopté la décision n° 2009-0484 susvisée, au terme de laquelle elle définit le dispositif de régulation ex ante applicable pour la période 2009-2012 sur le marché de gros amont des offres de diffusion de la TNT. Le périmètre du marché régulé a donc été restreint à l’accès aux seules infrastructures de diffusion en mode numérique. Cette décision, dite de « cycle 2 », est applicable jusqu’au 9 juillet 2012.
Comme lors du précédent cycle de régulation (2006-2009), l’Autorité a désigné la société TDF comme opérateur exerçant une influence significative sur le marché et lui a, à ce titre, imposé les obligations de faire droit aux demandes raisonnables d’accès, de non- discrimination, de transparence, de comptabilisation des coûts et de séparation comptable et de contrôle tarifaire.
Ces obligations tarifaires ont été renforcées par rapport au premier cycle de régulation de ce marché, dans le cadre duquel TDF ne devait pas pratiquer des tarifs excessifs ou d’éviction sur l’ensemble des sites de diffusion de la TNT.
En effet, considérant que le déploiement d’infrastructures alternatives à celles de TDF dépendait fortement de la typologie des sites nécessaires à la diffusion de la TNT et que le développement de la concurrence en infrastructures était faible, en particulier sur le réseau principal, l’Autorité a distingué deux types d’obligations de contrôle tarifaire pour les offres de gros de diffusion de la TNT de TDF, selon que les sites sont ou non réputés réplicables.
Ainsi, la société TDF s’est vu imposer une obligation d’orientation des tarifs vers les coûts pour les 78 sites réputés non réplicables à horizon de l’analyse, listés en annexe de la décision, et qui sont essentiellement des sites du réseau principal de la TNT, ainsi qu’une obligation de proscription des tarifs excessifs et des tarifs d’éviction sur les autres sites, qui sont essentiellement des sites du réseau complémentaire, de manière à maintenir une incitation à implanter des infrastructures alternatives.
1.2. La mise en œuvre des obligations de contrôle tarifaire imposées à TDF
Les tarifs des offres de référence de TDF sont produits à partir d’un modèle de coûts qui permet d’estimer les coûts futurs de TDF. Il est alimenté par les prévisions du plan d’affaires établi pour le groupe TDF. A partir d’hypothèses prospectives et de choix stratégiques de TDF, ce modèle estime en année N-1, les coûts des années N à N+4 qui seront alloués à l’accès TNT.
Le renforcement des obligations tarifaires sur une partie des sites nécessite de pouvoir distinguer les coûts relevant de chaque catégorie de sites. Ainsi, si dans le cadre du premier cycle de régulation, le modèle traitait indifféremment l’ensemble des sites de diffusion de la TNT, ce modèle sépare, depuis l’exercice comptable 2009, l’ensemble des coûts de l’accès à la TNT en deux périmètres : celui des sites réplicables d’une part, et celui des sites non réplicables d’autre part.
Compte tenu de la nature différente des deux catégories de sites, une même méthode de valorisation pertinente ne peut être retenue. En effet, pour les sites réplicables, la méthode des coûts de remplacement en filière qui repose sur une approche « make or buy » est pertinente. En revanche, une méthode reposant sur l’arbitrage entre louer une infrastructure ou la reconstruire n’est pas adaptée à l’accès à une infrastructure non réplicable, puisque la reconstruction de l’infrastructure n’est pas à envisager. Il est au contraire nécessaire de recourir à une méthode s’appuyant sur une évaluation des coûts d’investissement prospectifs que l’opérateur propriétaire de l’infrastructure s’apprête à consentir. De plus, il est important que les prix de l’infrastructure ne soient pas influencés par des choix d’investissement de court terme de l’opérateur. La méthode des coûts courants économiques qui respectent les principes précédents a été retenue pour cette catégorie de sites.
1.3. Les pratiques tarifaires
Les tarifs appliqués aux diffuseurs alternatifs sont issus du modèle précité, moyennés et quasi- fermes sur cinq ans (modulo l’application d’une clause de révision annuelle des prix basée sur des indices INSEE, capée à l’inflation). Cette pratique reflète une pratique observée sur le marché aval.
Ce système fait coexister plusieurs niveaux tarifaires pour un même service sur un même site selon la date de signature du contrat.
Cela rend difficile le contrôle tarifaire dans la mesure où une période de cinq ans est nécessaire pour vérifier le respect par TDF de l’obligation d’orienter ses tarifs vers les coûts sur les sites réputés non réplicables. Par ailleurs, le risque d’écart entre les hypothèses prospectives et le constaté est accru par rapport à des tarifs annuels.
1.4. Le positionnement des différents diffuseurs sur le marché
A travers l’observatoire de l’évolution du marché de la diffusion de la TNT qu’elle publie chaque trimestre, l’Autorité mesure l’intensité concurrentielle :
- du marché des infrastructures : recours, en nombre de fréquences, des multiplex aux sites gérés par les différents diffuseurs ;
- du marché de la diffusion numérique : part de marché de TDF et des diffuseurs alternatifs, au prorata du nombre de fréquences qu'ils diffusent.
Les pourcentages ne reflètent pas les parts de marché en chiffre d’affaires car les tarifs de diffusion varient d’un site à l’autre.
L’Autorité relève que les parts de marché de TDF en matière de diffusion de la TNT et d’infrastructures, sont légèrement en hausse.
2. Sur la compétence de l’ARCEP
Sur le fondement de l’article L.36-8 I du CPCE, l’ARCEP peut être saisie pour se prononcer sur un différend « en cas de refus d’accès ou d’interconnexion, d’échec des négociations commerciales ou de désaccord sur la conclusion ou l’exécution d’une convention d’interconnexion ou d’accès à un réseau de communications électroniques (…). Sa décision est motivée et précise les conditions équitables, d’ordre technique et financier, dans lesquelles l’interconnexion ou l’accès doivent être assurés ».
Par ailleurs, aux termes de l’article L. 36-8 II du même code : « En cas d'échec des négociations commerciales, l'Autorité de régulation des communications électroniques et des postes peut également être saisie des différends relatifs à la mise en œuvre des obligations des opérateurs prévues par le présent titre (…). Elle se prononce sur ces différends dans les conditions de forme et de procédure prévues au I (…) ».
En l’espèce, la société Towercast demande à l’Autorité de se prononcer sur les conditions de l’offre de référence de TDF pour les conventions d’accès « DiffHF-TNT ».
Dans ses observations en défense, la société TDF estime que la demande de la société Towercast est irrecevable, puisqu’elle vise à constater la violation d’une décision de régulation ex ante, celle du « cycle 2 ». Or la société TDF soutient qu’une telle demande relève exclusivement de l’article L. 36-11 du CPCE, lequel dispose que « l'Autorité de régulation des communications électroniques et des postes peut, soit d'office, soit à la demande […] d'une personne physique ou morale concernée, sanctionner les manquements qu'elle constate, de la part des exploitants de réseaux ou des fournisseurs de services de communications électroniques, aux dispositions législatives et réglementaires afférentes à leur activité ou aux décisions prises pour en assurer la mise en œuvre. »
Ces arguments sont infondés.
En premier lieu, l’accès est défini à l’article L. 32 8° du CPCE comme « toute mise à disposition de moyens, matériels ou logiciels, ou de services, en vue de permettre au bénéficiaire de fournir des services de communications électroniques. (…) ».
Les conventions d’accès au système antennaire de la société TDF, appelées « DiffHF TNT », sont des conventions d’accès, aux termes desquelles la société Towercast peut utiliser les antennes de TDF afin d’offrir des services à ses clients. On relèvera que des litiges d’accès aux sites de la société TDF ont déjà été tranchés par l’Autorité et que sa compétence a été confirmée implicitement par la Cour d’appel1.
En second lieu, l’Autorité relève que sa compétence de règlement de différend couvre nécessairement les cas de figure dans lesquels un demandeur souhaite obtenir une modification de son contrat en application de règles qu’il estime devoir s’appliquer à son cocontractant. Le II de l’article L. 36-8 du CPCE prévoit explicitement cette hypothèse lorsque le différend est relatif « à la mise en œuvre des obligations des opérateurs prévues [par ce code] ». Dans ce cas de figure, le demandeur pourrait certes saisir l’Autorité d’une demande de sanction du manquement allégué, mais il doit être remarqué que l’effet d’une telle procédure est sensiblement différent de celui de la procédure de l’article L 36-8, puisque l’éventuelle sanction prononcée en cas de manquement n’a, par elle-même, aucune conséquence sur la situation contractuelle des parties.
Plus encore, l’Autorité rappelle que la possibilité de coexistence de ces deux procédures (à laquelle s’ajoute d’ailleurs la possibilité de saisir le juge du contrat) n’est pas exclue par les textes et que la Cour d’appel de Paris a eu à plusieurs reprises l’occasion de reconnaître la possibilité pour l’ARCEP de constater un manquement à une obligation réglementaire et d’en tirer les conséquences sur la détermination des conditions techniques et tarifaires de la prestation (30 janvier 2007 AFONE/SFR ; 26 mai 2009 société Neuf Cegetel/ société France Télécom ).
Enfin, si la société Towercast précise qu’elle demande à l’Autorité de dire que « le maintien des conditions tarifaires de l’offre de référence cycle 1 pour les conventions d’accès « DiffHF-TNT » sur certains sites est contraire à la décision n° 2009-0484 du 11 juin 2009 », cette demande a la même finalité que la suivante, à savoir « dire que le maintien de ces conditions tarifaires est inéquitable, discriminatoire et contraire au principe d’une concurrence effective et loyale ». Ainsi, cette demande n’a de portée utile qu’au soutien de la conclusion principale de Towercast, visant à ce que l’Autorité impose à la société TDF de lui proposer l’application de l’offre de référence et des conditions générales de services du 2 avril 2010 sur les sites concernés par le différend, avec effet rétroactif au 14 décembre 2010. Ainsi, les demandes de Towercast s’analysent comme une conclusion unique visant à imposer à la société TDF de lui proposer les conditions tarifaires conformes au « cycle 2 » pour les sites objets de la saisine.
Par conséquent, l’ARCEP est compétente pour trancher le différend en application de l’article L. 36-8 du CPCE.
3. Sur la recevabilité de la demande de règlement de différend
3.1. Sur l’échec des négociations
La société TDF soutient que la saisine de la société Towercast est irrecevable, d’une part, en raison de la différence d’objet alléguée entre la demande initiale de cette société et la demande formulée par cette dernière dans sa saisine de l’Autorité et, d’autre part, en raison de l’absence d’échec des négociations.
3.1.1. Sur l’objet de la demande formulée par la société Towercast dans son courrier en date du 11 juin 2010 et l’objet de la demande de cette société dans le cadre du présent règlement de différend
La société TDF affirme que la demande formulée par la société Towercast dans son courrier en date du 11 juin 2010 n’a pas le même objet que celle qu’elle formule dans le cadre du présent règlement de différend.
Selon la société TDF, la société Towercast se serait limitée, dans son courrier en date du 11 juin 2010, à demander l’application des tarifs de l’offre « cycle 2 » tandis que, dans sa saisine de l’Autorité en date du 15 mars 2011, elle demanderait l’application de tous les éléments de l’offre de référence « cycle 2 » du 2 avril 2010, ainsi que des conditions générales de services et conditions tarifaires y afférentes. La société TDF ajoute que cette dernière demande n’aurait jamais été formulée directement auprès d’elle et que, par conséquent, son courrier en date du 14 décembre 2010 ne saurait être considéré comme matérialisant un échec des négociations sur cette question. Elle demande par conséquent à l’Autorité de constater l’irrecevabilité de la demande de règlement de différend de la société Towercast.
Toutefois, l’offre tarifaire constituant une annexe de l’offre de référence du 2 avril 2010, elle ne saurait s’appliquer indépendamment de cette dernière. L’offre de référence et l’annexe tarifaire forment un ensemble contractuel indissociable. Ainsi, la demande formulée par la société Towercast devait s’interpréter comme visant à bénéficier des conditions de l’offre de référence 2010.
Par conséquent, l’Autorité constate que la demande formulée par la société Towercast le 11 juin 2010 ne diffère pas de celle dont elle est saisie dans le cadre du présent règlement de différend.
Le moyen de la société TDF tiré de ce que la saisine de la société Towercast serait irrecevable en raison de la différence d’objet alléguée entre la demande initiale de cette société et la demande formulée par elle dans sa saisine de l’Autorité devra ainsi être écarté.
3.1.2. Sur la constitution d’un désaccord entre les sociétés TDF et Towercast
La société TDF soutient que le « seul et unique échange » constitué par les courriers en date du 11 juin 2010 et du 14 décembre 2010 ne saurait caractériser l’existence de négociations et, a fortiori, celle d’un échec des négociations. Elle relève en outre que le « refus net » allégué par la société Towercast ne saurait être considéré comme définitif, puisque postérieurement à son courrier en date du 14 décembre 2010, elle a accepté d’appliquer l’offre « cycle 2 » à d’autres contrats. Dans ces conditions, la société TDF soutient que la société Towercast n’a pas établi l’existence d’un échec des négociations et que la demande de règlement de différend présentée par cette dernière est de ce fait irrecevable.
Toutefois, l’article L. 36-8 du CPCE dispose que l’Autorité peut être saisie d’une demande de règlement de différend « en cas de refus d'accès ou d'interconnexion, d'échec des négociations commerciales ou de désaccord sur la conclusion ou l'exécution d'une convention d'interconnexion ou d'accès à un réseau de communications électroniques ». Il ressort de cette disposition que l’Autorité peut être saisie d’une telle demande dans trois cas, même en l’absence d’échec des négociations, si l’existence d’un refus d’accès ou d’interconnexion ou l’existence d’un désaccord portant sur la conclusion ou l’exécution d’une convention d’interconnexion ou d’accès sont établies.
En l’espèce, la société Towercast, par un courrier en date du 11 juin 2010, a demandé à « basculer sans délais vers l’offre tarifaire DiffHF-TNT cycle 2 du 2 avril 2010 » pour les sites […]. Elle a précisé qu’elle souhaitait que l’offre puisse être modifiée, y compris en l’absence de changements d’antenne ou de paramètre Pmax.
La société Towercast a réitéré sa demande dans un courrier daté du 10 décembre 2010.
Le 14 décembre 2010, la société TDF a répondu formellement à la demande de la société Towercast, en lui indiquant qu’elle refusait de modifier les conditions tarifaires pour les contrats « DiffHF-TNT » en l’absence de « modification des conditions de fourniture du service ».
Ainsi, l’Autorité constate qu’un désaccord relatif à la conclusion ou à l’exécution d’une convention d’accès est constitué à la date du 14 décembre 2010.
Par conséquent, le moyen soulevé par la société TDF tiré de ce qu’en l’absence d’échec des négociations la saisine de la société Towercast serait irrecevable doit être écarté.
3.2. Sur la demande incidente de la société Towercast
Dans son mémoire en réplique, la société Towercast estime que si l’échec des négociations est constitué à la date du 14 décembre 2010, la période sur laquelle porte le présent de règlement de différend court à partir du 11 juin 2010, date à laquelle elle a adressé à la société TDF sa demande visant à bénéficier des conditions tarifaires de l’offre « cycle 2 » pour ses conventions « cycle 1 ».
La société Towercast demande ainsi à l’Autorité de dire que la société TDF devra appliquer aux conventions litigieuses les tarifs de l’offre « cycle 2 » à compter du 11 juin 2010, date qui inaugure selon elle la période litigieuse, et non à compter du 14 décembre 2010, date à laquelle serait constitué l’échec des négociations.
Au vu des éléments transmis, l’Autorité estime que c’est seulement par un courrier du 14 décembre 2010 que la société TDF a refusé explicitement à la société Towercast de faire droit à la demande de modification de ses contrats. En effet, la société TDF indique : « (…) Ces contrats Diff HF-TNT restent donc inchangés jusqu’à l’arrivée de leur terme sans que leurs conditions tarifaires ne soient modifiées »
Dans les circonstances de l’espèce, et faute pour Towercast d’avoir explicitement cherché à négocier avec TDF sur une date précise d’effet des modifications contractuelles souhaitées, l’Autorité estime donc n’être régulièrement saisie que d’une demande tendant à la modification de ses contrats à la date du 14 décembre 2010.
4. Sur la régularité de la procédure
4.1. Sur l’allégation de la société TDF d’irrégularités de procédure entachant l’avis rendu par le Conseil supérieur de l’audiovisuel
La société TDF se prévaut d’irrégularités dont l’avis susvisé rendu par le Conseil supérieur de l’audiovisuel (ci-après CSA) serait entaché. Elle soutient que :
- s’agissant de ce litige, il ne rentrerait pas dans le champ de saisine défini à l’article L. 36-8 du CPCE ;
- le CSA aurait porté une atteinte grave et irrémédiable au principe d’égalité des armes et aux droits de la défense ;
- l’avis du CSA ne serait pas pertinent sur le fond.
Aux termes du I de l’article L. 36-8 du CPCE, « lorsque les faits à l'origine du litige sont susceptibles de restreindre de façon notable l'offre de services de communication audiovisuelle, l'autorité recueille l'avis du Conseil supérieur de l'audiovisuel qui se prononce dans un délai fixé par le décret en Conseil d'Etat prévu au présent alinéa ».
En premier lieu, il convient de relever qu’aux termes de l’article 2 de la loi n° 86-1067 du 30 septembre 1986 susvisée : « on entend par communication audiovisuelle toute communication au public de services de radio ou de télévision, quelles que soient les modalités de mise à disposition auprès du public (…) ».
Or, il résulte de ce qui précède que les services de diffusion hertzienne terrestre de programmes télévisuels résultant de l’accès à un système antennaire, objet du présent litige, entrent bien dans le champ des services de communication audiovisuelle et, par suite, dans l’offre de services de communication audiovisuelle, telle qu’elle est définie au I de l’article L. 36-8 du CPCE.
En tout état de cause, il convient de souligner que s’il est fait obligation à l’Autorité de consulter le CSA lorsque les faits à l'origine du litige sont susceptibles de restreindre de façon notable l'offre de services de communication audiovisuelle, il ne lui est nullement interdit de procéder à cette consultation lorsque cela n’est pas le cas.
Au surplus, l’Autorité dispose de la possibilité offerte par l’article L. 36-8 du CPCE de « procéd[er] à des consultations techniques, économiques ou juridiques, ou expertises respectant le secret de l'instruction du litige dans les conditions prévues par le présent code ».
Ainsi, aucune disposition ne faisait obstacle à ce que l’ARCEP sollicite l’expertise du CSA.
Par conséquent, l’Autorité était fondée, dans les circonstances de l’espèce, à recueillir l’avis du CSA sur le différend entre les sociétés Towercast et TDF concernant les 26 conventions d’accès au système antennaire de la société TDF visées par la saisine.
En second lieu, l’Autorité rappelle que le CSA, auquel l'article 3-1 de la loi n° 86-1067 du 30 septembre 1986 relative à la liberté de communication confère la qualité d’autorité administrative indépendante, détermine seul les formes et le contenu de ses avis. Il ne revient donc pas à l’Autorité de vérifier les conditions dans lesquelles le CSA a été amené à prononcer son avis.
4.2 Sur le respect du droit à un procès équitable, des droits de la défense et du principe du contradictoire
En application de l’article L. 36-8 du CPCE, l’Autorité « se prononce (…) après avoir mis les parties à même de présenter leurs observations » et, en application de l’article R. 11-1 du même code : « (…) l’Autorité de régulation des communications électroniques et des postes donne à chacune des parties connaissance des observations et pièces déposées par les autres parties (…) ». Soumise au respect des principes du contradictoire et de l’égalité des armes lorsqu’elle examine une demande de règlement de différend, l’Autorité se prononce au vu des seuls éléments susceptibles d’être communiqués à chaque partie.
En l’espèce, il importe que l’Autorité, tout au long de la procédure, ne porte pas elle-même atteinte à ce principe, ce qui n’a pas été le cas, chaque document versé au dossier d’instruction, y compris l’avis contesté du CSA, ayant été communiqué aux parties, qui ont pu y répondre dans des délais raisonnables.
Enfin, il y a lieu de relever que l’avis du CSA ne lie en aucun cas l’Autorité, qui appréhende librement les éléments contenus dans l’avis du CSA et apprécie seule leur pertinence en prenant en compte l’ensemble des éléments du dossier, y compris, conformément au principe du contradictoire, les observations de la société TDF relatives à cet avis. L’Autorité a en effet transmis le 20 mai 2011 aux parties à la présente procédure de règlement de différend l’avis du CSA et invité celles-ci, dans le respect du droit à un procès équitable2, à formuler des observations sur cet avis. Ainsi, la société TDF a disposé de la faculté, dont elle a usé en l’espèce, de discuter devant l’Autorité des éléments de l’avis du CSA qu’elle estimerait inexacts ou non pertinents.
Ainsi, la procédure n’est aucunement entachée des irrégularités alléguées.
5. Sur les conclusions de la société Towercast visant à enjoindre à TDF de lui proposer l’offre dite « cycle 2 » pour les sites objets du différend
La société TDF soutient que les principes de non-rétroactivité des actes administratifs et de sécurité juridique s’opposent à l’application immédiate de la décision « cycle 2 » aux contrats en cours.
5.1. Sur l’existence d’une obligation d’application immédiate de l’analyse de marché aux contrats en cours
Il ressort des diverses jurisprudences applicables que l’atteinte portée à des situations contractuelles en cours par une norme nouvelle doit, pour être légale, reposer sur une habilitation législative, implicite ou explicite, être justifiée par un motif d’ordre public suffisamment impérieux et ne doit pas porter d’atteinte disproportionnée aux intérêts particuliers en cause. Le cas échéant, elle doit être assortie de mesures transitoires.
5.1.1. Sur l’habilitation législative
En l’espèce, les contrats objets du présent litige ont été conclus sous l’empire de la décision d’analyse de marché n° 06-0161 du 6 avril 2006 précitée, dite « cycle 1 ». Cette décision a été adoptée en application des articles L. 37-1, L. 38 et suivants du CPCE relatifs aux opérateurs exerçant une influence significative sur un marché du secteur des communications électroniques.
Aux termes de l’article L. 37-1 du CPCE, l’Autorité « détermine, au regard notamment des obstacles au développement d'une concurrence effective (…) les marchés du secteur des communications électroniques pertinents, en vue de l'application des articles L. 38, L. 38-1 et L. 38-2.
Après avoir analysé l'état et l'évolution prévisible de la concurrence sur ces marchés, l'autorité établit (…), la liste des opérateurs réputés exercer une influence significative sur chacun de ces marchés, au sens des dispositions de l'alinéa suivant.
Est réputé exercer une influence significative sur un marché du secteur des communications électroniques tout opérateur qui, pris individuellement ou conjointement avec d'autres, se trouve dans une position équivalente à une position dominante lui permettant de se comporter de manière indépendante vis-à-vis de ses concurrents, de ses clients et des consommateurs. (…)».
En outre, en vertu de l’article L. 37-2 du CPCE, l’Autorité « fixe en les motivant : (…) ;
2° Les obligations des opérateurs réputés exercer une influence significative sur un marché du secteur des communications électroniques, prévues aux articles L. 38 et L. 38-1.
Ces obligations s'appliquent pendant une durée limitée fixée par l'autorité, pour autant qu'une nouvelle analyse du marché concerné, effectuée en application de l'article L. 37-1, ne les rendent pas caduques ».
De plus, l’article L. 38 du CPCE dispose que « I- Les opérateurs réputés exercer une influence significative sur un marché du secteur des communications électroniques peuvent se voir imposer, en matière d'interconnexion et d'accès, une ou plusieurs des obligations suivantes, proportionnées à la réalisation des objectifs mentionnés à l'article L. 32-1 :
1° Rendre publiques des informations concernant l'interconnexion ou l'accès, notamment publier une offre technique et tarifaire détaillée d'interconnexion ou d'accès lorsqu'ils sont soumis à des obligations de non-discrimination ; l'Autorité de régulation des communications électroniques et des postes peut imposer, à tout moment, des modifications à une telle offre pour la mettre en conformité avec les dispositions du présent code. L'opérateur communique à cette fin à l'Autorité de régulation des communications électroniques et des postes toute information nécessaire ;
2° Fournir des prestations d'interconnexion ou d'accès dans des conditions non discriminatoires ;
3° Faire droit aux demandes raisonnables d'accès à des éléments de réseau ou à des moyens qui y sont associés ;
4° Ne pas pratiquer de tarifs excessifs ou d'éviction sur le marché en cause et pratiquer des tarifs reflétant les coûts correspondants ;
5° Isoler sur le plan comptable certaines activités en matière d'interconnexion ou d'accès, ou tenir une comptabilité des services et des activités qui permette de vérifier le respect des obligations imposées au titre du présent article ; le respect de ces prescriptions est vérifié, aux frais de l'opérateur, par un organisme indépendant désigné par l'autorité ;
6° Le cas échéant, dans des circonstances exceptionnelles, respecter toutes autres obligations définies, après accord de la Commission européenne, en vue de lever ou d'atténuer les obstacles au développement d'une concurrence effective identifiés lors de l'analyse du marché prévue à l'article L. 37-1[…]
III. - L'autorité peut imposer à un opérateur réputé exercer une influence significative sur un marché mentionné au I de réviser les contrats et conventions en cours à la date de promulgation de la loi n° 2004-669 du 9 juillet 2004 relative aux communications électroniques et aux services de communication audiovisuelle, qu'il a conclus, dans le cadre des droits exclusifs qui lui étaient confiés, avec les sociétés mentionnées aux articles 44 et 45 de la loi n° 86-1067 du 30 septembre 1986 relative à la liberté de communication, pour la transmission et la diffusion de leurs programmes […] ».
La société TDF considère que ces articles n’ont pas entendu habiliter l’ARCEP à adopter des analyses de marché applicables immédiatement aux contrats déjà conclus. Elle estime en outre que la présence d’une habilitation expresse à l’article L. 38 III du même code est limitée et circonscrite, et doit, a contrario, s’interpréter comme interdisant à l’Autorité de déroger au principe d’immuabilité des contrats dans l’exercice de ses pouvoirs généraux de régulation des marchés.
Toutefois, ainsi que l’a souligné la société Towercast, au regard des objectifs de régulation poursuivis par les dispositions législatives du CPCE, il ressort de la lecture des articles L. 37- 1, L. 37-2 et L. 38 du CPCE que ces derniers comportent une habilitation implicite mais nécessaire du législateur permettant d’édicter des dispositions impératives qui ont vocation à s’appliquer immédiatement, y compris, pour l’avenir, aux relations contractuelles en cours.
En effet, l’existence d’une telle habilitation législative découle de l’effet utile des directives communautaires que les articles L. 37-1, L. 37-2 et L. 38 du CPCE transposent.
Le pouvoir d’imposer des obligations spécifiques à un opérateur désigné comme disposant d’une puissance significative sur un marché donné trouve son fondement dans la directive 2002/19/CE du Parlement et du Conseil en date du 7 mars 2002 susvisée.
L’article 8 de cette même directive prévoit que « les Etats membres veillent à ce que les autorités réglementaires nationales soient habilitées à imposer les obligations visées aux articles 9 à 13 bis ». Il ajoute que « Lorsqu’à la suite d’une analyse du marché effectuée (…) un opérateur est désigné comme disposant d’une puissance significative sur un marché donné, les autorités réglementaires nationales lui imposent des obligations énumérées aux articles 9 à 13 de la présente directive, selon le cas ».
En outre, l’article 9 de cette directive « accès » susvisée dispose que : « (…) L'autorité réglementaire nationale est habilitée, entre autres, à imposer des modifications aux offres de référence afin de donner effet aux obligations imposées au titre de la présente directive ».
Il apparaît donc clairement que les dispositions de la directive « accès » ont pour objectif d’autoriser les Etats membres à imposer des obligations nouvelles aux opérateurs puissants, nonobstant les contrats en cours, afin de donner son plein effet à la régulation. En conséquence, considérer que les contrats déjà conclus font obstacle à la régulation serait une interprétation contraire au droit communautaire. Au demeurant, il convient de noter que la Cour de justice des communautés européennes (CJCE) a jugé, dans un arrêt en date du 21 février 2008 Tele2 contre Telekom-Control-Kommission (aff C-426-5), que « certaines obligations spécifiques imposées à l’entreprise puissante sur le marché pertinent conformément à l’article 16, paragraphes 3 et 4, de la directive « cadre » ainsi qu’aux dispositions de la directive « accès » (…) constituent des mesures protectrices prévues dans l’intérêt des utilisateurs et des entreprises concurrents de cette entreprise puissante et sont donc susceptibles de conférer à ceux-ci des droits ».
Face à ce constat, la société TDF considère que l’Autorité serait uniquement habilitée à modifier les offres de référence, lesquelles ne pourraient être assimilées à des contrats déjà signés. Cependant si l’article 9 de la directive « accès », ainsi que l’article L. 38 du CPCE visaient, en employant le terme d’offre de référence, à exclure les contrats signés, cela viderait de sa substance l’effectivité des pouvoirs de régulation conférés à l’Autorité par le législateur. En effet, la faculté d’imposer des règles uniformes à un marché donné dépendrait de la durée des contrats telle qu’elle est déterminée par les parties, dans une situation au demeurant où l’une des parties est en mesure d’imposer ses conditions en raison du pouvoir de marché dont elle dispose. Une telle absence d’application uniforme de principes de régulation par ailleurs jugés nécessaires et non contestés dans le cadre de l’analyse de marché conduirait en outre à voir des contrats appliquer pour une même prestation des principes tarifaires différents, en méconnaissance du principe de non-discrimination qui peut trouver à s’imposer à un opérateur puissant.
Par ailleurs, il convient de souligner le caractère temporaire de la régulation. En effet, conformément à l’article D. 301 du CPCE, les obligations découlant de l’analyse des marchés sont prononcées pour une durée maximale de trois ans. Ainsi, retarder la mise en œuvre des analyses de marché porterait une atteinte forte à leur effectivité et pourrait même, dans certains cas, conduire à leur non-application par l’opérateur considéré comme puissant sur le marché. Une telle situation contreviendrait aux objectifs de la régulation, tels que fixés par les cadres communautaire et national. Dans ce cadre, l’argumentation de la société TDF consistant à distinguer l’application du principe selon que le contrat litigieux a été conclu pour une durée déterminée ou non n’est pas justifiée.
Il convient de rappeler que les contrats signés par l’opérateur puissant avec ses cocontractants ne relèvent pas de l’expression pure par les deux parties de leur volonté commune de contracter, mais découlent des obligations qui pèsent sur l’opérateur puissant de proposer des contrats répondant à des prescriptions nécessaires au bon fonctionnement du marché, obligations qui se justifient notamment par le fait que cet opérateur est, selon l’article L37-1, dans une position lui permettant de se comporter de façon indépendante vis-à-vis de ses concurrents et de ses clients. Retenir la thèse de TDF reviendrait donc à reconnaitre une prééminence de la liberté contractuelle dans un contexte où le contrat a pourtant, dès son origine, été marqué par des considérations d’ordre public de protection et de direction.
Par ailleurs, il convient de noter que l’article L. 38 III du CPCE vise la situation particulière de la révision des tarifs de diffusion analogique sur le marché aval, entre la société TDF et les sociétés Arte France, France Télévision et Radio France, pour lesquels le législateur avait précédemment octroyé à la société TDF des droits exclusifs (tel que prévu à l’article 51 de la loi n° 86-1067, abrogé par la loi n°2003-1365 du 31 décembre 2003). Il apparaît donc clairement et contrairement à ce que soutient la société TDF, que la compétence particulière conférée à l’Autorité pour traiter la situation née de contrats formés en application de dispositions législatives spéciales ne se prête pas à une interprétation a contrario selon laquelle l’Autorité ne disposerait pas du pouvoir de modifier des contrats dans le cadre d’une analyse de marché.
En conséquence, l’existence d’une habilitation implicite du législateur autorisant l’édiction par l’ARCEP d’obligations ayant vocation à s’appliquer immédiatement, y compris aux relations contractuelles en cours, est établie.
5.1.2. Sur les raisons d’ordre public justifiant l’applicabilité immédiate
La société TDF considère par ailleurs que les articles L. 37-1 et suivants du CPCE ne sont pas sous-tendus par un motif d’ordre public suffisamment impérieux pour justifier une application immédiate de la décision prise pour leur application aux contrats en cours, en reconnaissant toutefois que la mission régulatrice de l’ARCEP relève d’un motif d’ordre public.
L’Autorité souligne qu’elle a pour mission de garantir une concurrence effective et loyale sur le marché des communications électroniques. A cet égard, le législateur national lui a confié des pouvoirs adaptés à la réalisation de ce but d’ordre public économique. D’ailleurs, l’article 8.1 de la directive « cadre » lui impose de prendre « toutes les mesures raisonnables visant à la réalisation des objectifs définis aux paragraphes 2,3,4 ». Ces mesures doivent être « proportionnées à ces objectifs ». L’un de ces objectifs présente une force particulièrement contraignante en l’espèce : l’autorité réglementaire nationale est appelée à promouvoir la concurrence : « en veillant à ce que la concurrence ne soit pas faussée ni entravée dans le secteur des communications électroniques, y compris pour la transmission de contenu ;(…) » (article 8.2). L’Autorité s’attache donc à assurer la mise en œuvre de cet objectif d’efficacité économique.
L’Autorité note que la Cour d’appel de Paris lui reconnaît à cet égard le pouvoir de limiter la liberté contractuelle dans un but d’ordre public économique. Ainsi dans sa décision du 28 avril 1998, SA France Télécom/ Société Paris TV Câble, la Cour d’appel a jugé que France Télécom n’était pas fondée à sa prévaloir d’une atteinte à sa liberté contractuelle dès lors que : « pour des motifs d’ordre public, [le législateur] a confié à l’Autorité de régulation, dans l’exercice de prérogatives de puissance publique, la mission d’imposer aux parties qui la saisissent, des décisions exécutoires tranchant leurs litiges sur la conclusion ou l’exécution d’une convention d’interconnexion ou d’accès à un réseau de télécommunication ». La Cour d’appel consacre ainsi, au profit de l’Autorité, le pouvoir d’ordonner l’insertion de clauses contractuelles dans une convention, limitant par là même, la liberté contractuelle invoquée par l’opérateur historique. L’existence d’un ordre public économique justifiant l’intervention de l’Autorité dans les contrats en cours en matière de règlement de différend a été confirmée à de nombreuses reprises par la Cour (20 janvier 2004, SA Estel c. SA France Télécom ; 24 février 2011 Mobius c.LRN, 23 juin 2011 Numericable SAS c.SA France Télécom...).
Au vu de la finalité des analyses de marché telle que définie par le législateur national et communautaire, il ne fait pas de doute que, de façon similaire, ces décisions répondent à une préoccupation d’ordre public économique qui permet de conduire l’ARCEP à restreindre la liberté contractuelle des opérateurs de communications électroniques, y compris pour permettre leur application aux contrats en cours. C’est précisément le but de l’analyse de marché que de rechercher et garantir que les remèdes imposés soient proportionnés aux défaillances de marché constatées. A cet égard, la circonstance, qui n’est pas en litige, que les situations contractuelles en cause étaient nouées dans le respect du cadre fixé par la décision « cycle 1 » n’est pas de nature à permettre, contrairement à ce que soutient la société TDF, que la décision « cycle 2 » ne s’applique pas immédiatement à ces contrats.
En conséquence, l’Autorité justifie à l’évidence d’un motif d’ordre public économique, l’autorisant, avec une base législative suffisante, à appliquer une décision d’analyse de marché à des contrats en cours.
En l’espèce, les dispositions de la décision n° 2009-0484 susvisée prévoient de façon explicite que, s’agissant de l’obligation de contrôle tarifaire imposée sur les sites non-réplicables de TDF pour la diffusion de la TNT, qu'« il convient que cette obligation s’applique dès l’entrée en vigueur de la future décision d’analyse de marché que prendra l’Autorité, pour l’ensemble des sites et des multiplexes concernés pour les phases déjà déployées ».
En pratique, la coexistence de contrats de la société TDF en cycle 1 et en cycle 2 sur certains sites rend de fait impossible l’application effective de l’obligation tarifaire d’orientation des tarifs vers les coûts imposée à la société TDF sur les sites non réplicables. En effet, il ressort des éléments fournis par la société TDF dans la réponse au second questionnaire des rapporteures que celui-ci n’a pas pris en compte la marge qu’il réalise sur les contrats « cycle 1 » dans la tarification de ses contrats « cycle 2 ». Il s’ensuit que la société TDF réalise une marge sur les sites non réplicables.
En outre, l’article 11 de la même décision prévoit que celle-ci « s’applique à compter de sa notification à TDF et pour une durée de 3 ans à compter du jour de sa publication au Journal officiel de la République française, sans préjudice d’un éventuel réexamen anticipé dans les conditions fixées par les dispositions de l’article D. 301 à D. 303 du code des postes et des communications électroniques. Toutefois, s’agissant de l’obligation de proposer une offre technique et tarifaire, détaillant les prestations relevant du marché de gros des offres de diffusion hertzienne terrestre de programmes télévisuels en mode numérique, TDF devra la mettre en œuvre au plus tard le 15 septembre 2009 ». La société TDF disposait ainsi d’un délai de 3 mois pour élaborer et proposer son offre. Ainsi, l’analyse de marché, qui au demeurant a été précédée de consultations publiques, est assortie des mesures transitoires qu’implique cette règlementation nouvelle.
En conséquence, les obligations résultant de la décision n° 2009-0484 sont immédiatement applicables, nonobstant toute stipulation contraire dans des contrats.
Ainsi, il résulte des considérations précédentes que l’Autorité est habilitée par la loi, dans le cadre de sa mission de régulation, mission d’ordre public économique, à imposer aux opérateurs puissants sur le marché, certaines obligations impliquant de modifier, dans un délai raisonnable, les contrats préalablement conclus, afin d’assurer l’effectivité de la régulation. En l’espèce, aucun obstacle juridique ne s’oppose à ce que la décision « cycle 2 » impose à TDF de modifier son offre de référence et de répercuter ces modifications sur ses contrats en cours.
5.1.3. Sur le caractère proportionné de l’atteinte aux intérêts particuliers en cause
En premier lieu, l’Autorité relève qu’il s’agirait en l’espèce d’appliquer une décision dont les effets sont connus de TDF depuis le mois de juin 2009, que cette décision a fait l’objet de plusieurs consultations publiques et n’a pas été contestée.
En deuxième lieu, il s’agirait notamment d’imposer, en cours de contrat, à la société TDF de modifier les tarifs qu’elle applique à la société Towercast, afin de mettre en œuvre l’obligation d’orientation des tarifs vers les coûts qui lui est imposée sur les sites non réplicables. Il n’y a ainsi aucun risque que la société TDF se voit imposer de proposer à la société Towercast des tarifs inférieurs aux coûts sur la période d’engagement contractuel. Par ailleurs, l’Autorité a pu démontrer le caractère justifié et proportionné de l’obligation d’orientation des tarifs vers les coûts dans le cadre de la décision n° 2009-0484 susvisée.
En dernier lieu, l’Autorité relève que la société TDF admet déjà le basculement de certains contrats « cycle 1 » au « cycle 2 » et, par là-même, de déroger au système quinquennal de coûts et de tarifs dont elle affirme qu’il est la conséquence nécessaire d’une structuration du marché aval voulue par les multiplex. La société TDF explique admettre un basculement au cycle 2 lorsque des modifications techniques (liées au plan de passage par exemple) impliquent une modification de l’objet des contrats. Dans sa réponse au premier questionnaire des rapporteures, TDF explique : « toute modification d'un paramètre influant significativement sur la structure du système antennaire objet du contrat ou sur le service qu'il peut potentiellement fournir pour chaque canal diffuse (que ce service potentiel, en terme de puissance, soit totalement utilise ou non) entraîne la remise en cause de celui-ci ».
Lors de l’audience, TDF a indiqué que dans de tels cas, elle n’appliquait pas à ses cocontractants de pénalités liées à la non-application des tarifs « cycle 1 » sur les cinq années initialement prévues. Cela semble montrer que TDF elle-même juge non significatif l’impact d’un basculement au « cycle 2 » des contrats « cycle 1 ».
En conséquence, en faisant droit à la demande de Towercast, l’Autorité ne porterait pas une atteinte disproportionnée aux intérêts de la société TDF.
5.2 Sur les conclusions de la société Towercast tendant à ce que soit ordonné à la société TDF de soumettre les 26 contrats de la présente saisine aux conditions générales de services afférentes à l’offre « du cycle 2 »
La société Towercast demande à l’Autorité d’ordonner à la société TDF de lui proposer de soumettre les 26 contrats de la présente saisine aux conditions de l’offre « du cycle 2 » mais également aux conditions générales de services y afférentes.
L’Autorité constate que la société Towercast n’apporte pas d’éléments de nature à justifier que l’ARCEP impose à la société TDF des modifications aux conditions générales de services applicables aux contrats « cycle 1 ».
En conséquence, il ne peut, en tout état de cause, être fait droit à la demande de la société Towercast.
5.3. Sur les conclusions subsidiaires de Towercast
Attendu qu’il est fait partiellement droit à la demande principale de la société Towercast et que la demande tendant à ce qu’il soit imposé à TDF de soumettre les contrats objets du présent différend aux conditions de l’offre de référence 2010, en ce que le maintien des conditions dites « cycle 1 » serait inéquitable, discriminatoire et contraire au principe d’une concurrence effective et loyale, tend aux mêmes fins, il n’y a pas lieu de se prononcer sur cette question.
5.4. Conclusion
Au vu de ce qui précède, l’Autorité considère que la société Towercast est fondée à demander dans le cadre de la présente procédure que TDF mette en conformité les tarifs des contrats conclus sous l’empire du « cycle 1 » avec les obligations qui découlent du « cycle 2 ».
6. Sur la mise en œuvre du principe d’application aux contrats litigieux des prescriptions de la décision n° 2009-0484
6.1. Sur la date de basculement au cycle 2
Dans sa saisine de l’Autorité, Towercast demande que les modifications sollicitées puissent s’appliquer à compter du 14 décembre 2010. Ainsi qu’indiqué au point 3.2 de la présente décision, l’Autorité estime être valablement saisie pour la période courant à compter de cette date. Elle estime proportionné d’imposer à la société TDF de proposer à Towercast de modifier les contrats en cours conclus sous l’empire du « cycle 1 », afin que celle-ci mette en conformité à cette date les tarifs des contrats conclus sous l’empire du « cycle 1 » avec les obligations qui découlent du « cycle 2 ».
6.2. Sur l’effet du basculement au cycle 2 sur la durée des contrats en cours et sur les tarifs applicables
Dans le cadre de leur réponse au second questionnaire des rapporteures, les sociétés TDF et Towercast confirment que, dans les cas de basculement de contrats au « cycle 2 » admis à ce stade, les diffuseurs alternatifs peuvent choisir entre un maintien du terme initial du contrat et une prorogation de cinq ans de sa durée.
La société Towercast juge cette flexibilité satisfaisante. Elle explique ne pas avoir « de préférence particulière quant à la durée des contrats basculés en cycle 2 » et chercher « à aligner, autant que possible, les durées respectives de ses contrats du marché amont avec ceux du marché aval ».
L’Autorité relève que la société TDF opte, pour sa part, « de façon systématique à des fins de simplicité, pour la conclusion d’avenants pour les durées contractuelles restantes ». Néanmoins, il ressort de sa réponse au second questionnaire des rapporteures qu’elle propose aux diffuseurs alternatifs de choisir entre les deux modalités précitées.
Dans ces circonstances, l’Autorité considère que la remise en cause d’une telle flexibilité ne s’impose pas.
Il convient dès lors d’analyser les tarifs « cycle 2 » qui sont appliqués dans les deux cas de figure, au regard de l’obligation qui incombe à TDF d’orienter ses tarifs vers les coûts sur les sites non réplicables.
Les diffuseurs alternatifs qui choisissent de proroger de cinq ans la durée de leurs contrats se voient appliquer le tarif « cycle 2 ». Pour mémoire ce tarif est calculé comme la moyenne des coûts sur les cinq années de la période de validité de l’offre de référence.
S’agissant de la société TDF ou des diffuseurs alternatifs qui choisissent de maintenir la durée initiale de leurs contrats et donc de basculer au « cycle 2 » pour la durée du contrat restant à courir, TDF explique avoir choisi par simplicité d’appliquer « le seul tarif connu et public, [à savoir] le tarif alors en vigueur et tel que publié ». Il s’agit donc là encore du tarif moyen sur les cinq années de la période de validité de l’offre de référence, mais il s’applique ici sur une durée plus courte.
Ainsi, quel que soit l’effet du basculement au « cycle 2 » sur la durée des contrats « cycle 1 » en cours, il apparaît que le même tarif s’applique, à savoir le tarif moyen établi à partir du modèle de coût quinquennal de TDF.
Il apparaît donc que, dans le cas d’un basculement au « cycle 2 » pour la durée du contrat restant à courir, les tarifs pratiqués sur les sites non réplicables peuvent ne pas strictement refléter les coûts réellement encourus par TDF sur la période considérée.
En décembre 2010, TDF a publié une nouvelle version de son offre de référence 2010 en précisant les coûts annuels sous-jacents aux cinq années de validité de l’offre de référence. En avril 2011, TDF a publié son offre de référence 2011 selon les mêmes modalités.
Pour l’offre de référence 2010, les coûts annuels sous-jacents sont majoritairement décroissants avec le temps. Ainsi, dans un nombre important de cas, les coûts annuels pour la durée restante des contrats « cycle 1 » peuvent s’avérer supérieurs aux tarifs « cycle 2 » appliqués. C’est le cas, comme l’indique le tableau ci-dessous, sur les sites non réplicables visés par la saisine, sur lesquels TDF, diffuseur retenu au moment du « cycle 1 », a basculé ses contrats internes au « cycle 2 ».
Au vu de ce qui précède, et afin que TDF respecte l’obligation d’orientation des tarifs vers les coûts qui lui incombe sur les sites non réplicables, il conviendra que les parties s’accordent pour emprunter l’une ou l’autre des voies suivantes lors du basculement au « cycle 2 » des contrats conclus sous l’empire du « cycle 1 » :
- lorsque les parties conviennent de proroger de cinq ans la durée de leur contrat, appliquer les tarifs de l’offre de référence 2010 de TDF;
- lorsque les parties conviennent de maintenir la durée initiale de leur contrat, appliquer les coûts annuels sous-jacents correspondants publiés par TDF ou bien les tarifs correspondants à une moyenne de ces coûts.
Conformément à l’obligation de non-discrimination imposée à TDF telle qu’elle est définie à l’article 4 de la décision n° 2009-0484 susvisée, la société TDF devra respecter ces mêmes principes pour ses contrats internes.
Le cadre réglementaire pouvant être révisé dans les mois qui viennent, l’Autorité attire l’attention des parties sur les risques liés à la pratique de tarifs reflétant les coûts de plusieurs années.
6.3. Sur l’impact financier de la présente décision
Si l’on considère, sur la durée restant à courir des contrats objets de la saisine sur les sites non réplicables depuis le 14 décembre 2010, les coûts annuels publiés par TDF pour la période 2010-2014, le basculement au « cycle 2 » de ces contrats entrainerait une baisse de [ …] € HT des recettes perçues par TDF.
L’ensemble des contrats objets de la saisine sur les sites non réplicables représente actuellement un montant de [ …] € HT sur la durée restant à courir des contrats.
L’impact de la présente décision sur les sommes versées à la société TDF par Towercast au titre des contrats « DiffHF-TNT » sur ces sites est donc de […] % sur la durée qui leur reste à courir. Au total, sur les cinq années de ces contrats, l’impact est de [] % ; il est donc du même ordre que l’incertitude liée à l’effet de l’inflation sur les tarifs payés par les opérateurs sur les cinq années de ces contrats.
6.4 Sur la date d’application de la présente décision
Etant donné que la présente décision conduit à appliquer aux contrats conclus sur les sites non réplicables les tarifs de l’offre de référence 2010 de TDF lorsque les parties conviennent de proroger de cinq ans la durée de leur contrat, ou bien, lorsque les parties conviennent de maintenir la durée initiale de leur contrat, les coûts annuels sous-jacents correspondants publiés par TDF ou les tarifs correspondants à une moyenne de ces coûts, il apparaît proportionné de fixer au 15 septembre 2011 la date limite de mise en œuvre de la présente décision.
* * *
Décide :
Article 1 : La société TDF doit mettre en conformité avec les obligations qui lui sont imposées par la décision n° 2009-0484 susvisée, avec effet au 14 décembre 2010, les tarifs des conventions relatives aux multiplex […] sur le site de […], […] et […] sur le site d’[…], […] et […] sur le site de […], […] sur le site de […], […] et […] sur le site de […], […] et […] sur le site de […], […], […] et […] sur le site de […], […] sur le site de […], […] et […] sur le site de […], […] et […] sur le site de […], […] et […] sur le site de […], […] sur le site de […]et […] sur le site de […], lorsque ceux-ci s’y avèrent non conformes.
Article 2 : Le surplus des demandes de la société Towercast est rejeté.
Article 3 : La présente décision doit être mise en application à la date du 15 septembre 2011.
Article 4 : Le directeur des affaires juridiques de l’Autorité de régulation des communications électroniques et des postes ou son adjoint est chargé de notifier aux sociétés Towercast et TDF la présente décision, qui sera rendue publique sous réserve des secrets protégés par la loi.
Notes :
[1] Décision n° 06-0160 de l'Autorité en date du 6 avril 2006 portant sur la définition du marché pertinent de gros des offres de diffusion hertzienne terrestre de programmes télévisuels et sur la désignation d'un opérateur exerçant une influence significative sur ce marché.
[2] Décision n° 06-0161 de l'Autorité en date du 6 avril 2006 portant sur les obligations imposées à TDF en tant qu'opérateur exerçant une influence significative sur le marché pertinent de gros des offres de diffusion hertzienne terrestre de programmes télévisuels
1 Cour d’appel de Paris 12 septembre 2006 TDF/ Antalis TV.
2 Cour d’appel de Paris, 1ère chambre, section H, 6 avril 2004, N° 2003/18407, SA France Télécom c/ SA Illiad.