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Décisions

Cass. 2e civ., 21 janvier 2010, n° 09-10.618

COUR DE CASSATION

Arrêt

Rejet

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme Foulon

Rapporteur :

M. André

Avocat général :

M. Mazard

Avocats :

SCP Lyon-Caen, Fabiani et Thiriez, SCP Thomas-Raquin et Bénabent

Paris, du 21 nov. 2008

21 novembre 2008

Sur le moyen unique :

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Paris, 21 novembre 2008), qu'ayant obtenu, par ordonnance irrévocable du président d'un tribunal de commerce, statuant sur le fondement de l'article 145 du code de procédure civile, le placement sous scellés de dossiers, documents et fichiers des sociétés JJA et Easy logistique (les sociétés), la société Maisons du Monde (la société MM) a, ultérieurement, sollicité en référé, sur le même fondement, la levée de ces scellés et la désignation d'un expert afin notamment de procéder à leur tri ;

Attendu que les sociétés font grief à l'arrêt d'accueillir la demande, alors, selon le moyen :

1° / que le juge qui, statuant sur requête ou en référé, ordonne une mesure d'instruction sollicitée par un demandeur sur le fondement de l'article 145 du code de procédure civile, épuise sa saisine ; qu'il en résulte que le demandeur à une mesure d'instruction in futurum ne peut, lorsque cette mesure a été intégralement exécutée, en solliciter une nouvelle en référé, sur le même fondement et dans le cadre du même litige l'opposant à la même partie ; qu'en faisant droit, en l'espèce, à la nouvelle demande de mesure d'instruction sollicitée par la société MM cependant que celle-ci avait déjà sollicité et obtenu du président du tribunal du commerce de Bobigny une mesure d'instruction in futurum qui avait été intégralement exécutée, la cour d'appel a violé l'article 145 du code de procédure civile ;

2° / qu'en l'absence de circonstances nouvelles, le juge des référés est lié par la décision initiale ; qu'il ne saurait ainsi modifier une précédente décision rendue entre les parties et en méconnaître l'autorité de chose jugée au provisoire ; qu'en ordonnant en l'espèce la levée des scellés apposés en vertu de ses précédentes ordonnances du 2 mai 2007 sur les pièces et documents saisis ainsi qu'une nouvelle expertise sans caractériser aucune circonstance nouvelle qui serait intervenue depuis l'ordonnance, le juge des référés a violé ensemble les articles 145 et 488 du code de procédure civile ;

3° / que les mesures d'instruction légalement admissibles ne peuvent être ordonnées que s'il existe un motif légitime de conserver ou d'établir avant tout procès la preuve de faits dont pourrait dépendre la solution d'un litige ; qu'en l'espèce, les sociétés faisaient expressément valoir dans leurs écritures qu'à la suite de la précédente mesure d'instruction diligentée dans les locaux de la société Easy logistique, la société MM détenait depuis plus d'une année l'intégralité des informations nécessaires à l'introduction au fond de son action en justice fondée sur une prétendue concurrence déloyale et qu'elle requérait de nouveau, ce qui rendait inutiles les mesures de mainlevée et d'expertise sollicitées dans le cadre de la présente procédure ; qu'en se bornant à énoncer que la mesure d'instruction sollicitée s'inscrivait " dans la continuité des ordonnances sur requête dont la rétractation a été refusée " et permettait à la société MM de bénéficier de la mesure ordonnée à son profit, sans rechercher, comme elle y était ainsi invitée, si la société MM ne disposait pas d'ores et déjà de l'intégralité des informations qu'elle prétendait requérir dans le cadre de la présente instance, la cour d'appel a violé l'article 455 du code de procédure civile ;

4°) que le juge ne peut en aucune manière déléguer son pouvoir juridictionnel à un technicien ; qu'il entre précisément dans la mission du juge statuant dans le cadre d'une mesure d'instruction in futurum sollicitée sur requête de façon non contradictoire, de circonscrire l'objet des constatations sollicitées et de déterminer, par des appréciations de nature juridique, si une pièce doit être communiquée à la partie requérante ou si au contraire cette pièce relève du secret des affaires et comme telle, ne peut être communiquée à un tiers, sauf à porter atteinte au secret des affaires et à constituer une mesure non légalement admissible ; qu'en ordonnant en l'espèce la levée des scellés apposés sur les pièces litigieuses et en nommant un expert aux fins de " procéder au tri des pièces en les classant comme relatives à la présente affaire ou comme relevant du secret des affaires ", et de " procéder à la confidentialisation des pièces de nature hybride ", la cour d'appel a délégué son pouvoir de juger, et partant excédé ses pouvoirs, en violation des articles 12, 145 et 232 du code de procédure civile ;

Mais attendu que la levée des scellés et la désignation d'un expert n'étaient pas fondées sur l'irrégularité ni sur l'insuffisance de l'exécution de la mesure d'instruction initialement ordonnée, mais tendaient uniquement à en assurer l'efficacité, de sorte que la cour d'appel a pu les décider sans méconnaître les dispositions des articles 145 et 488 du code de procédure civile ;

Et attendu qu'ayant retenu, dans l'exercice de son pouvoir souverain d'appréciation et par une décision motivée, que la levée des scellés et l'expertise sollicitées donnaient leur efficacité immédiate aux mesures initialement ordonnées en permettant à la société MM de recueillir les éléments de preuve et d'en tirer partie avant tout procès, l'arrêt a caractérisé le motif légitime pour obtenir les mesures réclamées ;

Attendu, enfin, que les sociétés n'ont pas soutenu devant la cour d'appel que le juge ne pouvait déléguer son pouvoir juridictionnel à un technicien ;

D'où il suit que le moyen, nouveau, mélangé de fait et de droit et comme tel irrecevable en sa quatrième branche, n'est pas fondé pour le surplus ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE le pourvoi.