ARCEP, 7 juin 2011, n° 2011-0596
ARCEP
se prononçant sur une demande de règlement de différend opposant la société Towercast à la société TDF
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
M. Silicani
Membre :
Mme Denis, Mme Toledano, M. Courtois, M. Rapone, M. Curien, M. Coutant
Avocats :
Maître Mèle, Maître Rameau, Maître Louvet
L’Autorité de régulation des communications électroniques et des postes,
Vu la directive 2002/19/CE du Parlement européen et du Conseil en date du 7 mars 2002 relative à l’accès aux réseaux de communications électroniques et aux ressources associées, ainsi qu’à leur interconnexion (directive « accès ») ;
Vu la directive 2002/21/CE du Parlement européen et du Conseil du 7 mars 2002 relative à un cadre réglementaire commun pour les réseaux et services de communications électroniques (directive « cadre ») ;
Vu le code des postes et des communications électroniques, notamment ses articles L. 32-1, L. 36-8 et R. 11-1 ;
Vu la loi n° 86-1067 du 30 septembre 1986 relative à la liberté de la communication ;
Vu la déclaration de la société TDF en date du 12 janvier 2005 en tant qu’opérateur de réseau ouvert au public ;
Vu la déclaration de la société Towercast en date du 3 septembre 2007 en tant qu’opérateur de réseau ouvert au public ;
Vu la décision n° 2010-1354 de l'Autorité en date du 16 décembre 2010 portant modification du règlement intérieur ;
Vu la demande de règlement de différend enregistrée à l’Autorité le 15 février 2011, présentée par la société Towercast, société par actions simplifiées, immatriculée au registre du commerce et des sociétés de Paris sous le numéro 338 628 134, dont le siège social est situé 46-50 avenue Théophile Gautier à Paris (75016), et représentée par Monsieur Léonidas Kalogeropoulos du Cabinet Médiation et Arguments en qualité de conseil ;
La société Towercast demande à l’Autorité de :
- « constater que TDF bénéficie d’un monopole de fait incontournable, rendant l’infrastructure dont elle dispose sur le site de la Jeanne non substituable ;
- statuer sur la nécessité de faire droit à sa demande d’hébergement, dans les conditions précisées dans son courrier à TDF du 14 décembre 2010. »
La société Towercast soutient que, dans le cadre de l’appel à candidatures lancé par le Conseil supérieur de l’audiovisuel (CSA), le 13 avril 2010, pour l’exploitation de services de radio FM dans la région Rhône-Alpes, le site implanté sur le domaine du Belvédère de la Jeanne (ci-après dénommé site de la Grande Jeanne) est le seul pertinent pour la région d’Annecy compte tenu des contraintes géographiques de la ville d’Annecy et des prescriptions techniques du CSA. Elle affirme qu’au regard de ces contraintes et de celles liées au bail signé par la société TDF avec la municipalité, aucune solution ne lui permet d’envisager de pouvoir implanter sur l’agglomération annécienne un site compétitif et économiquement viable lui permettant de proposer des prestations de diffusion aux éditeurs de services de radio qui lui en font la demande. La société Towercast soutient qu’elle n’a eu d’autre choix que de solliciter sa concurrente, la société TDF, pour que cette dernière accepte de lui proposer des conditions d’accès à son site de la Grande Jeanne. Elle soutient que la société TDF lui a répondu qu’elle n’était soumise à aucune obligation d’offrir à ses concurrents l’accès à ses infrastructures de diffusion en matière de radio FM et de radio numérique terrestre et qu’elle n’accédait à ce type de demandes que dans certaines circonstances particulièrement exceptionnelles qui n’étaient pas réunies en l’espèce. La société Towercast indique que, face à ce refus, elle a adressé une demande d’hébergement de ses équipements et de ses dispositifs d’aériens dans des conditions tarifaires précises, par un courrier en date du 14 décembre 2010, et que ce dernier est resté sans réponse.
Vu le courrier du directeur des affaires juridiques de l’Autorité en date du 23 février 2011 transmettant aux parties le calendrier prévisionnel de dépôt des observations et désignant les rapporteures ;
Vu les observations en défense enregistrées à l’Autorité le 15 mars 2011, présentées par la société TDF, société anonyme immatriculée au registre du commerce et des sociétés de Nanterre sous le numéro 342 404 399 et dont le siège social est situé 106 avenue Marx Dormoy à Montrouge (92540), représentée par Monsieur Olivier Huart, en qualité de directeur général, et ayant pour avocats Maîtres Hugues Calvet, Marie Louvet et Marie- Cécile Rameau du cabinet Bredin Prat ;
La société TDF demande à l’Autorité de considérer la société Towercast mal fondée dans toutes ses demandes.
La société TDF rappelle qu’elle n’a, en matière de diffusion FM, aucune obligation de faire droit à une demande d’accès mais qu’elle étudie les demandes au cas par cas et y fait droit dans des cas exceptionnels. Or, elle estime qu’il n’existe pas sur la zone d’Annecy de circonstances exceptionnelles. Elle reproche à la société Towercast de ne pas avoir rapporté au soutien de sa demande ou dans ses écritures la preuve qu’il n’existerait pas d’autres sites lui permettant d’implanter sur l’agglomération d’Annecy un site compétitif et économiquement viable. La société TDF ajoute qu’en agissant ainsi la société Towercast ne lui a pas laissé d’autre choix que de procéder elle-même aux études techniques qui s’imposaient afin de déterminer si le site de la Grande Jeanne était le seul pertinent en l’espèce. Elle soutient que ce comportement a conduit à un renversement de la charge de la preuve et au déplacement de la charge de travail de la société Towercast sur la société TDF. La société TDF dévoile dans ses observations les quatre sites alternatifs que ses études lui ont permis d’identifier comme pouvant couvrir la zone d’Annecy.
Vu le courrier du directeur adjoint des affaires juridiques de l’Autorité en date du 23 mars 2011 transmettant aux parties un questionnaire des rapporteures ;
Vu les observations en réplique enregistrées à l’Autorité le 29 mars 2011, présentées par la société Towercast ;
La société Towercast soutient que les refus d’accès opposés par la société TDF constituent des décisions arbitraires. Elle analyse au cas par cas la situation des quatre sites alternatifs au site de la Grande Jeanne mentionnés par la société TDF, ainsi que celle d’un autre site dont elle a également étudié le potentiel, et parvient à la conclusion que :
- aucune alternative ne permet de répondre aux attentes de la majorité des éditeurs de services de radio ;
- l’ensemble des options ont été explorées à Annecy et aucune ne permet de contourner le site de la Grande Jeanne ;
- la demande d’accès à ce site a été adressée à bon droit et les circonstances exceptionnelles évoquées par la société TDF sont bien réunies en l’espèce.
La société Towercast conclut que le site de la Grande Jeanne est non réplicable et maintient sa seconde demande, à savoir, que l’Autorité lui permette d’accéder au site de la Grande Jeanne aux conditions indiquées dans sa demande d’accès adressée à la société TDF le 14 décembre 2010.
Vu les réponses au questionnaire du 23 mars 2011, présentées par les sociétés TDF et Towercast, enregistrées à l’Autorité le 8 avril 2011 ;
Vu le courrier de la société TDF enregistré à l’Autorité le 5 avril 2011 souhaitant avoir communication de pièces ;
Vu le courrier de l’Autorité en date du 5 avril 2011 répondant à la demande de la société TDF et communiquant les pièces susmentionnées ;
Vu le courrier de la société Towercast enregistré à l’Autorité le 6 avril 2011, relatif à la communication de pièces ;
Vu les nouvelles observations en défense enregistrées à l’Autorité le 12 avril 2011, présentées par la société TDF, par lesquelles elle maintient ses demandes ;
La société TDF indique, à titre liminaire, avoir découvert les échanges entre l’Autorité et le maire d’Annecy datant de 2010 et s’étonne de ce qu’elle juge une prise de position a priori de l’Autorité.
En outre, elle soutient qu’en l’espèce, la simple existence de contraintes juridiques qui seraient susceptibles d’empêcher la société Towercast d’installer ses infrastructures de diffusion à proximité immédiate du site de la Grande Jeanne exploité par la société TDF ne peut constituer une circonstance exceptionnelle. Elle affirme qu’au contraire :
- plusieurs sites alternatifs permettent à la société Towercast d’assurer la diffusion des fréquences radio concernées par l’appel à candidatures du CSA avec un taux de couverture de population assez proche de celui obtenu depuis le site de la Grande Jeanne, et en tout état de cause suffisant pour les éditeurs de services de radio ;
- la construction de tels sites n’entraînerait vraisemblablement pas de surcoût particulier à la charge de la société Towercast.
Elle ajoute que les études techniques produites par la société Towercast ne remettent pas en cause les conclusions de la société TDF.
Enfin, la société TDF soutient qu’elle n’a jamais validé les propositions tarifaires qui lui ont été adressées par la société Towercast le 14 décembre 2010 et que le calcul d’un tarif d’hébergement FM de la société Towercast à partir de l’offre d’hébergement régulée existant en TNT n’est pas pertinent puisque cette offre est par définition destinée à un usage différent. De plus, la société TDF estime que l’accueil de fréquences supplémentaires sur ses installations de la Grande Jeanne et les contraintes de gabarits sont susceptibles d’entraîner des travaux lourds et coûteux relatifs à la restructuration des dispositifs d’aériens, ainsi qu’au rehaussement nécessaire du pylône. La société TDF indique que, dans le cadre de l’appel à candidatures du CSA, elle envisage d’orienter ses propres clients vers les sites alternatifs qu’elle a identifiés, de façon à éviter d’engager de tels travaux.
Vu l’avis n° 2011-06 du CSA du 12 avril 2011 relatif à la saisine de l’Autorité par la société Towercast à l’encontre de TDF ;
Vu la transmission de l’avis n° 2011-06 du CSA du 12 avril 2011 par l’Autorité aux parties en date du 18 avril 2011 ;
Vu les observations de la société Towercast en réponse à l’avis du CSA n° 2011-06, enregistrées le 28 avril 2011 à l’Autorité ;
La société Towercast estime que les difficultés et contraintes mises en avant par le CSA devraient constituer les conditions au regard desquelles il doit être fait droit à ses demandes d’accès raisonnables, à Annecy en particulier, mais plus généralement là où ces contraintes sont avérées. La société Towercast explicite à nouveau la méthode de calcul qu’elle a utilisée pour évaluer la pertinence des sites potentiellement alternatifs à celui de la Grande Jeanne. Enfin, elle apporte des éclairages sur la faisabilité technique d’un accueil de ses infrastructures sur le site de la Grande Jeanne.
Vu les observations de la société TDF en réponse à l’avis du CSA n° 2011-06, enregistrées le 28 avril 2011 à l’Autorité ;
La société TDF estime que l’avis du CSA, rendu au terme d’une procédure entachée d’irrégularités et avant qu’elle ne dépose ses dernières observations, n’a pu être pris en toute connaissance de cause et objectivité et devra dès lors être écarté des débats devant l’Autorité. En tout état de cause, la société TDF considère que le CSA a fondé son avis sur une position de principe contraire non seulement à la procédure d’attribution de fréquences même, mais aussi à l’objectif de développement de la concurrence par les infrastructures promu par l’ARCEP et l’Autorité de la concurrence dans le secteur des communications électroniques. Enfin, elle soutient que les conditions économiques dans lesquelles l’hébergement de la société Towercast sur le site de la Grande Jeanne pourrait être envisagé, ne seraient vraisemblablement pas raisonnables au regard de la saturation de ses infrastructures.
Vu le courrier du directeur des affaires juridiques de l’Autorité en date du 29 avril 2011, adressé à la société TDF ;
Vu le courrier du directeur des affaires juridiques de l'Autorité en date du 10 mai 2011 convoquant les parties à une audience devant le Collège le 24 mai 2011 ;
Vu le courrier du directeur des affaires juridiques de l’Autorité en date du 20 mai indiquant aux parties le report de la date de l’audience au 31 mai 2011 ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Après avoir entendu, le 31 mai 2011, lors de l’audience devant le collège de l’Autorité (composé de Jean-Ludovic Silicani, président, Mmes Marie-Laure Denis et Joëlle Toledano et MM. Daniel-Georges Courtois, Jérôme Coutant, Nicolas Curien et Denis Rapone, conseillers) :
- le rapport de Mmes Elisabeth Marescaux-Bertrand et Emilie Venchiarutti, respectivement rapporteure et rapporteure adjointe, présentant les conclusions et les moyens des parties ;
- les observations de M. Léonidas Kalogéropoulos, pour la société Towercast ;
- les observations de M. Arnaud Lucaussy, directeur de la réglementation et des affaires publiques, et Maître Hugues Calvet, pour la société TDF ;
En présence de :
Mme Pauline Levavasseur, MM. Jacques Roques, Raphaël Eyraud, Nicolas Valton, Florent Sadot, Maître Patrick Mèle, pour la société Towercast ;
Maîtres Marie-Cécile Rameau et Marie Louvet, Mme Nathalie Rivière, MM. Jacques Donat- Bouillud, Alain Audigou, pour la société TDF.
M. Philippe Distler, directeur général, MM. François Lions et Michel Combot, directeurs généraux adjoints, Mmes Gaëlle Nguyen, Agathe Pietrantoni, MM Nicolas Deffieux, Christian Guénod, Stéphane Hoynck, Loïc Taillanter, agents de l’Autorité ;
Sur la publicité de l’audience ;
L’article 15 du règlement intérieur susvisé prévoit : « l’audience est publique, sauf demande conjointe de toutes les parties. Si cette demande n’est pas conjointe, le collège de l’Autorité en délibère ».
Par un courrier électronique en date du 17 mai 2011, la société Towercast a demandé que l’audience soit non publique.
Par un courrier électronique en date du 19 mai 2011, la société TDF a également demandé que l’audience soit non publique.
En conséquence, l’audience a été non publique.
Le collège de l’Autorité (composé de Jean-Ludovic Silicani, président, Mmes Marie-Laure Denis et Joëlle Toledano et MM. Daniel-Georges Courtois, Jérôme Coutant, Nicolas Curien et Denis Rapone, conseillers) en ayant délibéré le 7 juin 2011 hors la présence de la rapporteure, de la rapporteure adjointe et des agents de l’Autorité, adopte la présente décision fondée sur les faits et les moyens exposés ci-après :
1 Sur le contexte du règlement de différend
La demande de règlement de différend formulée par la société Towercast porte sur le marché des services de diffusion de programmes radiophoniques en mode FM1, spécifiquement en région Rhône-Alpes.
1.1 Le marché des services de diffusion de programmes radiophoniques en mode FM
1.1.1 Cadre réglementaire
Dans sa décision n° 2009-04842 du 11 juin 2009 portant révision de l’analyse des marchés de services de diffusion audiovisuelle initialement adoptée en 2006, adoptée au terme d’une procédure au cours de laquelle le CSA et l’Autorité de la concurrence lui ont rendu un avis, l’ARCEP a considéré : « la grande majorité des sites de diffusion hertzienne terrestre de services de radio en mode FM détenus par TDF [est] réplicable. En effet, il apparaît que les sites de diffusion FM peuvent être installés beaucoup plus près des zones à desservir que les sites de diffusion de télévision, sans avoir recours à des points hauts naturels ou artificiels (pylônes élevés). Le nombre de sites utilisés pour la diffusion de la FM, notamment dans les zones urbaines, est ainsi très supérieur au nombre de sites utilisés pour la diffusion de la TNT et peut s’affranchir dans la majorité des cas de l’utilisation des sites hauts existants pour la diffusion de la TNT ». Comme au moment de la première analyse des marchés de services de diffusion audiovisuelle en 20063, au terme de laquelle elle avait considéré que, de manière générale, le droit de la concurrence était seul en mesure de remédier aux éventuelles défaillances de marché, l’ARCEP n’a ainsi pas défini de dispositif de régulation ex ante sur le marché des services de diffusion de programmes radiophoniques en mode FM.
Bien que ce marché ne fasse l’objet d’aucune régulation sectorielle ex ante, l’ARCEP n'en reste pas moins compétente pour étudier toute demande d’accès à des infrastructures de diffusion de services de radio dans le cadre d’une demande de règlement de différend.
1.1.2 Positionnement des différents diffuseurs sur le marché
Dans son avis à l’ARCEP susvisé, le CSA rappelle que le marché des services de diffusion de programmes radiophoniques en mode FM a bénéficié au début des années 80, de trois facteurs favorables au développement de la concurrence, listés ci-après :
- « la FM s’est tout d’abord développée à partir des centres urbains, à la géographie favorable à la construction de sites alternatifs ;
- le phénomène des radios libres, associé à une bande de fréquences au départ peu occupée, a temporairement affranchi l’organisation du spectre de toute régulation ;
- contrairement à la situation qui prévaut pour les services de télévision, les contraintes liées à l’orientation des antennes ne sont pas prises en compte dans la planification des fréquences FM. Cette souplesse a permis l’exploitation de sites alternatifs parfaitement fonctionnels, choisis principalement sur des critères économiques et de couverture potentielle ».
S’agissant des parts de marché, le CSA relève que les parts de marché des différents diffuseurs sont globalement stables depuis 2006. Selon lui, en mars 2011, la société TDF exploite 63 % des fréquences exploitées en France, contre 15 % pour la société Towercast, les 22 % des fréquences restantes étant exploitées par certains éditeurs de services de radio eux- mêmes ou d’autres diffuseurs techniques.
1.2 La procédure d’autorisation des fréquences radio FM
Pour pouvoir assurer la diffusion de leurs programmes sur la bande FM, les éditeurs de services de radio doivent bénéficier d’une autorisation de fréquence délivrée par le CSA à la suite d’un appel à candidatures.
La procédure d’autorisation comporte plusieurs étapes.
Ainsi que l’indique le CSA dans son avis susvisé, préalablement à la publication de l’appel à candidatures, le CSA lance, conformément à l’article 31 de la loi du 30 septembre 1986 susvisée, une consultation publique lorsque les décisions d’autorisation d’usage des fréquences « sont susceptibles de modifier de façon importante le marché en cause ». En outre, le CSA organise une consultation publique lorsque l’appel à candidatures concerne toutes les catégories de radios4, sur l’ensemble des départements relevant d’un même comité technique radiophonique (CTR). Celle-ci a vocation à recenser les besoins en fréquences, à guider les préparations du plan de fréquences et à en optimiser la gestion.
Une fois la consultation publique achevée, le CSA publie un appel à candidatures précisant les zones géographiques, les fréquences pouvant être attribuées et les catégories de radios concernées.
Chaque fréquence proposée dans l’appel à candidatures comporte les caractéristiques d’utilisation suivantes :
- « un secteur d’implantation, constitué d’un lieu ou d’un ensemble de lieux à partir duquel la fréquence peut être émise ;
- une altitude maximum au sommet des antennes ;
- une puissance apparente rayonnée (PAR) maximum ».
Il est en outre précisé dans l’appel à candidatures que les restrictions de rayonnement sont définies sur le site internet du CSA. Ces restrictions, qui correspondent aux contraintes frontalières et à la protection de services existants, se matérialisent par des gabarits. Un gabarit s’applique spécifiquement à une fréquence pour une zone donnée.
Au terme de l’appel à candidatures, le CSA arrête la liste des candidats recevables, puis procède à leur présélection par zones géographiques.
Une fois que la décision de présélection leur a été notifiée, les candidats disposent d’un délai de quinze jours pour indiquer au CSA les sites de diffusion choisis pour diffuser les fréquences.
Il appartient alors au CSA d’étudier la compatibilité du site de diffusion proposé sur une zone donnée au regard de ses caractéristiques techniques (soit la puissance, la hauteur et le diagramme de l’antenne) avec celles de la fréquence qui fait l’objet de l’appel à candidatures. Les sites proposés sont agréés par le CSA dans un délai de six mois à compter de la notification de la présélection. A défaut, comme indiqué dans son avis, le CSA peut, soit rejeter la candidature, soit fixer lui-même un site de diffusion en application de l’article 25 de la loi du 30 septembre 1986.
Après avoir analysé la compatibilité des sites de diffusion avec les caractéristiques techniques définies pour les différentes fréquences, et signé une convention avec chaque candidat sélectionné, le CSA délivre les autorisations d’usage de fréquences. Les autorisations d’usage de fréquences définissent les obligations des éditeurs de services de radio, ainsi que les conditions techniques d’usage des fréquences. Le CSA énonce qu’elles sont délivrées sous réserve du début effectif des émissions dans un délai qui court à compter de leur date d’entrée en vigueur. Il précise également qu’un éditeur « autorisé peut demander à tout moment à changer de site de diffusion » et qu’il « en étudie alors la faisabilité technique et juridique », ce qui peut conduire à modifier les termes de l’autorisation.
1.3 La replanification de la bande FM en région Rhône-Alpes et la sélection des radios sur la zone d’Annecy
Le 9 janvier 2011, 454 autorisations d’usage de fréquences FM délivrées à des radios privées par le CSA en région Rhône-Alpes arrivaient à échéance5, soit 80 % des fréquences planifiées dans le ressort du CTR de Lyon. Le CSA a donc engagé une procédure d’appel à candidatures pour leur réattribution. Cette procédure suit la procédure classique d’autorisation des éditeurs privés sur la bande FM.
Au préalable, une consultation publique avait été lancée le 24 mars 2009 et avait fait l’objet de 84 contributions.
Le CSA a ensuite publié son appel à candidatures le 13 avril 2010 (décision n° 2010-244). L’appel à candidatures portait sur la région Rhône-Alpes, ainsi que sur cinq autres zones dans lesquelles certaines fréquences étaient « en contrainte de programme avec des fréquences dont l’autorisation arrivait à échéance dans le ressort du CTR de Lyon ». Il y était annexé un plan de fréquences portant sur 630 fréquences réparties sur huit départements et 110 zones, parmi lesquelles sept étaient réservées prioritairement à Radio France conformément à l’article 26 de la loi du 30 septembre 1986 susvisée. Les 623 fréquences restantes sont composées des 454 préexistantes et de 169 nouvelles fréquences. Sur la zone d’Annecy, 18 fréquences sont concernées (10 fréquences arrivant à échéance et 8 nouvelles fréquences), dont une réservée prioritairement à Radio France.
Au 8 juin 2010, date limite de dépôt des dossiers de candidatures, le CSA avait reçu 203 dossiers de candidature correspondant à 1 240 demandes de fréquences.
Par sa décision n° 2010-674 du 14 septembre 2010, le CSA a fixé une liste de 201 candidats recevables.
Le 15 février 2011, le CSA a sélectionné les titulaires des 623 fréquences FM objet de l’appel à candidatures. 17 éditeurs privés ont été sélectionnés dans la zone d’Annecy. Cette sélection leur a ensuite été notifiée. Il ressort de l’avis du CSA susvisé que les candidats devaient, dans un délai de 15 jours suivant cette notification, en l’espèce jusqu’au 15 mars 2011, indiquer « les sites d’émission qu’ils sont en mesure d’utiliser, ainsi que les caractéristiques précises de l’émetteur (puissance, hauteur d’antenne, diagramme d’antenne) ».
Selon le CSA, 14 des 17 éditeurs sélectionnés auraient indiqué retenir le site de la Grande Jeanne exploité par la société TDF, et trois éditeurs auraient privilégié des sites alternatifs (situés à Annecy-le-Vieux et Cuvat).
Les agréments devraient être donnés avant la fin du mois de juillet 2011 et les autorisations d’usage des fréquences FM, en septembre 2011.
2 Sur la compétence de l’ARCEP
Aux termes de l’article L. 36-8- I du code des postes et des communications électroniques (CPCE), l’ARCEP peut être saisie pour se prononcer sur un différend « en cas de refus d’accès ou d’interconnexion, d’échec des négociations commerciales ou de désaccord sur la conclusion ou l’exécution d’une convention d’interconnexion ou d’accès à un réseau de communications électroniques (…). Sa décision est motivée et précise les conditions équitables, d’ordre technique et financier, dans lesquelles l’interconnexion ou l’accès doivent être assurés ».
2.1 Sur la constatation du bénéfice d’un monopole de fait de la société TDF
Dans sa saisine, la société Towercast demande à l’Autorité de « constater que TDF bénéficie d’un monopole de fait incontournable, rendant l’infrastructure dont elle dispose sur le site de la Jeanne non substituable ». D’après le demandeur, le site de la Grande Jeanne revêt « les caractéristiques d’une infrastructure essentielle pour la diffusion de programmes sur ces zones ».
Or, il n’appartient pas à l’ARCEP, sur le fondement des compétences qui lui ont été dévolues par les dispositions de l’article L. 36-8 du CPCE, de se prononcer sur l’existence d’un monopole de fait de la société TDF ou de prendre parti sur la qualification de facilité essentielle.
2.2 Sur la demande d’hébergement de la société Towercast auprès de la société TDF
L’Autorité est compétente pour connaitre de la demande de la société Towercast sur sa demande d’hébergement auprès de la société TDF, au titre du I de l’article L. 36-8 précité, ce que les parties n’ont d’ailleurs pas contesté dans leurs écritures.
3 Sur la recevabilité des demandes de la société Towercast
La société Towercast, par un courrier en date du 19 juillet 2010, sollicite la société TDF afin d’être « [hébergée] pour la FM et la RNT sur le site de Belvédère de la Jeanne à Annecy ». Elle a renouvelé cette demande dans deux courriers, datés des 10 septembre et 14 décembre 2010.
Il ressort des pièces du dossier que la société TDF n’a pas fait droit à la demande d’accès formulée par la société Towercast.
Dans les circonstances en l’espèce, l’Autorité estime donc que l’échec des négociations est constitué, ce que la société TDF n’a d’ailleurs pas contesté dans ses écritures.
En conséquence, compte tenu de l’échec des négociations, la demande d’hébergement de la société Towercast auprès de la société TDF sur le site « Belvédère de la Jeanne » à Annecy est recevable.
4 Sur la régularité de la procédure
4.1 Sur l’allégation de la société TDF d’un préjugement par l’ARCEP du présent différend
Par un courrier en date du 24 novembre 2010, soit près de trois mois avant que l’ARCEP ne soit saisie par la société Towercast, le président de l’Autorité a été sollicité par le maire d'Annecy. Celui-ci l’informait de la situation à laquelle il était confronté et souhaitait connaitre « la marche à suivre sur le territoire de la Ville d'Annecy pour qu'une concurrence saine et respectueuse existe entre [TDF et Towercast] », la société TDF détenant un point haut sur la commune dont le bail lui a été consenti jusqu'en 2022.
Par courrier en date du 13 décembre 2010, le président de l’ARCEP a rappelé que la mission de l'Autorité était de veiller à l'exercice d'une concurrence effective et loyale entre les exploitants de réseaux de communications électroniques. Il a indiqué que dans le cas où le bail, qui est de très longue durée, ne contiendrait pas de clause permettant l'accueil de concurrents, cela pourrait constituer un obstacle au développement de la concurrence « s’il était avéré que l’emplacement concerné était le seul techniquement valable pour la ville d’Annecy ». En outre, le président de l’ARCEP a interrogé le maire sur la possibilité de diriger la société Towercast vers un autre terrain de la commune. Enfin, il a indiqué les autorités compétentes (l'Autorité de concurrence et ARCEP) dans le cas où le blocage persisterait.
La société TDF, dans ses observations en défense enregistrées à l’Autorité le 12 avril 20116, indique avoir découvert les échanges entre l’Autorité et le maire d’Annecy datant de 2010 et s’étonne de ce qu’elle considère être une prise de position a priori de l’Autorité.
Il résulte des termes du courrier adressé par le président de l’ARCEP au maire d’Annecy que l’Autorité ne s’est en aucun cas prononcée, au stade de ce courrier, sur le règlement du présent différend. En effet, les formulations hypothétiques de ce courrier (« s'il était avéré que... », « si la société Towercast était amenée à constater une situation de blocage », …) se bornent à informer le maire d'Annecy des cas dans lesquels un problème de concurrence pourrait se poser et les autorités compétentes à saisir pour le régler. En conséquence, cette lettre d’information, dépourvue de tout caractère contraignant, ne comporte aucune prise de position de l’Autorité sur le fait que le site de la Grande Jeanne soit le seul emplacement techniquement valable pour la diffusion en matière de radio sur la zone d’Annecy ou sur le sort à réserver au présent litige.
4.2 Sur l’allégation de la société TDF d’irrégularités de procédure entachant l’avis du CSA
La société TDF se prévaut d’irrégularités dont l’avis susvisé rendu par le CSA serait entaché. Elle soutient que :
- les conditions nécessaires à une saisine du CSA par l’ARCEP sur le différend entre les sociétés Towercast et TDF ne seraient pas réunies en l’espèce, s’agissant d’un litige relatif à une offre de programmes radiophoniques ;
- l’avis du CSA devrait être écarté des débats pour non-respect des principes de l’égalité des armes et du contradictoire. En effet, la société TDF estime avoir été entendue par le CSA le 11 mars 2011, sans que cette « audition » ne fasse l’objet d’un quelconque procès-verbal. En outre, elle allègue que, l’avis du CSA ayant été rendu le 12 avril 2011, soit le jour même où la société TDF a déposé auprès de l’ARCEP ses dernières observations, le CSA s’est prononcé sans connaître les derniers éléments de réponse de celle-ci.
Aux termes du I de l’article L. 36-8 du CPCE, « lorsque les faits à l’origine du litige sont susceptibles de restreindre de façon notable l’offre de services de communication audiovisuelle, l’Autorité recueille l’avis du Conseil supérieur de l’audiovisuel qui se prononce dans un délai fixé par le décret en Conseil d’Etat prévu au présent alinéa ».
En outre, en application de l’article L. 36-8 du CPCE, l’Autorité « se prononce (…) après avoir mis les parties à même de présenter leurs observations » et, en application de l’article
R. 11-1 du même code : « (…) l’ARCEP donne à chacune des parties connaissance des observations et pièces déposées par les autres parties (…) ». Soumise au respect des principes du contradictoire et de l’égalité des armes lorsqu’elle examine une demande de règlement de différend, l’Autorité se prononce au vu des seuls éléments susceptibles d’être communiqués à chaque partie.
En premier lieu, il convient de relever qu’aux termes de l’article 2 de la loi n° 86-1067 du 30 septembre 1986 susvisée : « on entend par communication audiovisuelle toute communication au public de services de radio ou de télévision, quelles que soient les modalités de mise à disposition auprès du public (…) ».
Ainsi, il résulte de ce qui précède que les services de radio entrent bien dans le champ d’application des services de communication audiovisuelle et, par suite, dans l’offre de services de communication audiovisuelle, telle qu’elle est définie au I de l’article L. 36-8 du CPCE. En outre, eu égard à l’argumentation de la société Towercast relative à la possibilité que, dans le cadre de l’appel d’offre du CSA, le site de la Grande Jeanne exploité par la société TDF soit le seul susceptible de permettre de se conformer aux prescriptions techniques imposées par le CSA sur la région d’Annecy, les faits à l’origine du litige sont susceptibles de restreindre de façon notable l’offre de service de radio.
Par conséquent, l’Autorité était fondée, dans les circonstances de l’espèce, à recueillir l’avis du CSA sur le différend entre ces deux sociétés concernant l’accès de la société Towercast au site de diffusion de la société TDF situé au Belvédère de la Jeanne à Annecy. En tout état de cause, l’Autorité a la possibilité sur le fondement de ce même article de « procéd[er] à des consultations techniques, économiques ou juridiques, ou expertises respectant le secret de l’instruction du litige dans les conditions prévues par le (…) code ». Ainsi, aucune disposition ne faisait obstacle à ce que l’ARCEP sollicite l’expertise du CSA, qui ne la lie pas.
En deuxième lieu, dans sa demande d’avis au CSA par un courrier en date du 16 février 2011, l’Autorité a transmis la saisine de la société Towercast. Elle a également transmis au CSA, par un courrier en date du 17 mars 2011, les observations en défense de la société TDF. Si la société TDF conteste les conditions dans lesquelles le CSA a rendu son avis, il convient de relever qu’il ne revient pas à l’Autorité de vérifier les conditions dans lesquelles le CSA a été amené à prononcer son avis. Au surplus, l’Autorité rappelle que les pouvoirs d’instruction du CSA ne sont réglementés par aucun texte dans le cadre d’une saisine de ce dernier pour avis.
En tout état de cause, le principe du contradictoire devant l’Autorité a été respecté tout au long de la présente procédure de règlement de différend. L’ARCEP rappelle que tant l’avis du CSA que les écritures de la société Towercast et l’ensemble des pièces du dossier ont été régulièrement transmis à la société TDF. Ainsi, cette dernière a eu toute latitude pour discuter devant l’Autorité des éléments de l’avis du CSA qu’elle estimerait inexacts.
Il résulte de ce qui précède que la société TDF ne peut utilement soutenir que la procédure suivie en l’espèce par l’Autorité n’a pas respecté les principes de l’égalité des armes et du contradictoire.
5 Sur le fond
5.1 Sur le caractère équitable de la demande d’accès de la société Towercast au site de la Grande Jeanne
Aux termes de l’article 12-1 de la directive accès : « Les autorités réglementaires nationales peuvent, conformément aux dispositions de l'article 8 [de cette même directive], imposer à des opérateurs l'obligation de satisfaire les demandes raisonnables d'accès à des éléments de réseau spécifiques et à des ressources associées et d'en autoriser l'utilisation, notamment lorsqu'elles considèrent qu'un refus d'octroi de l'accès ou des modalités et conditions déraisonnables ayant un effet similaire empêcheraient l'émergence d'un marché de détail concurrentiel durable, ou risqueraient d'être préjudiciables à l'utilisateur final (…)».
Cette disposition a été transposée à l’article L. 34-8 du CPCE. Celui-ci prévoit que :
« (…) Pour réaliser les objectifs définis à l’article L. 32-1, l’Autorité peut imposer, de manière objective, transparente, non discriminatoire et proportionnée, les modalités de l’accès ou de l’interconnexion :
a) Soit de sa propre initiative (…) ;
b) Soit à la demande d’une des parties, dans les conditions prévues à l’article L. 36-8.
Les décisions adoptées en application des a et b sont motivées et précisent les conditions équitables d’ordre technique et financier dans lesquelles l’interconnexion ou l’accès doivent être assurés ».
Aux termes de l’article L. 32-1-II du CPCE, le ministre chargé des communications électroniques et l’Autorité « prennent, dans des conditions objectives et transparentes, des mesures raisonnables et proportionnées aux objectifs poursuivis et veillent : (…)
2° A l’exercice au bénéfice des utilisateurs d’une concurrence effective et loyale entre les exploitants de réseau et les fournisseurs de services de communications électroniques. (…)
4° A la définition de conditions d’accès aux réseaux ouverts au public et d’interconnexion de ces réseaux qui garantissent la possibilité pour tous les utilisateurs de communiquer librement et l’égalité des conditions de concurrence ».
Ainsi, et en l’absence de règles spécifiques applicables au marché de la diffusion des services de radio, il résulte de ces dispositions que l’Autorité est conduite à apprécier en équité le caractère « raisonnable » de la demande d’accès formulée par la société Towercast envers la société TDF et ne saurait limiter son appréciation, comme l’a soutenu la société TDF à l’audience, à l’hypothèse dans laquelle l’accès en cause constituerait une infrastructure essentielle au sens du droit général de la concurrence.
5.1.1 Sur la possibilité pour la société Towercast d’implanter un site alternatif sur la zone d’Annecy
Dans sa saisine, la société Towercast estime que le site de la Grande Jeanne « est le seul pertinent, compte tenu des contraintes géographiques caractéristiques de la ville d’Annecy7 ».
La société TDF, dans ses observations en défense, identifie pour sa part quatre zones au sein desquelles un site permettrait de diffuser les fréquences FM « dans le respect des prescriptions du CSA et d’assurer une large couverture de l’agglomération annécienne8 ». Ces zones sont décrites ci-dessous :
- Zone [A] : il s’agit d’une zone agricole […]; l’implantation d’un pylône de 12 mètres permettrait de desservir, selon la société TDF, 154 860 habitants dont 140 415 habitants dans l’agglomération annécienne ;
- Zone [B]: il s’agit d’une zone agricole […] ; l’implantation d’un pylône de 12 mètres permettrait de desservir selon la société TDF 152 660 habitants ;
- Zone [C] : il s’agit d’une zone comportant des parcelles agricoles qui permettraient selon la société TDF l’implantation d’un site […] ; selon l’étude de TDF, l’installation d’un pylône de 55 mètres permettrait de desservir 152 850 habitants ;
- Zone [D] : il s’agit d’une zone comportant des parcelles agricoles qui permettraient selon la société TDF l’implantation d’un site […] ; selon l’étude de TDF, l’installation d’un pylône de 20 mètres permettrait de desservir entre 138 480 et 155 800 habitants. […].
Dans ses observations, la société Towercast reprend au cas par cas les sites mentionnés par la société TDF et détaille les raisons pour lesquelles ces derniers ne peuvent constituer, selon elle, des solutions alternatives satisfaisantes au site de la Grande Jeanne. Elle indique, en effet, que pour chacun des sites mentionnés, la hauteur maximale possible (notamment au regard du plan local d’urbanisme (PLU)) ne permettrait pas de concurrencer le pylône de la Grande Jeanne et entrainerait une perte de couverture de population d’environ 20% par rapport au site de la Grande Jeanne. Par ailleurs, la société Towercast affirme qu’une diffusion depuis ces sites ne permettrait pas de couvrir les principaux axes routiers et autoroutiers, notamment l’A41 en provenance de Genève. Elle ajoute que des contraintes de planification empêcheraient de diffuser certaines fréquences. Enfin, elle souligne qu’aucun des sites n’est aussi proche du centre ville d’Annecy que celui de la Grande Jeanne, situé à 1,75 km de ce dernier. Elle indique également avoir procédé à l’analyse d’un nouveau site, depuis lequel s’autodiffuse la radio locale Radio 74 et avoir conclu que ce dernier n’était pas satisfaisant.
Il ressort des écritures des parties que les résultats des simulations effectuées par chacune diffèrent (notamment en matière d’écarts de couverture de population), ainsi que les méthodes de calcul appliquées (on relève notamment que la société TDF s’est fondée sur un niveau de réception de 66 dBµV/m contrairement à la société Towercast qui a retenu le seuil de 48 dBµV/m).
Afin d’analyser la situation, l’Autorité s’est fondée notamment sur les éclairages techniques apportés par le CSA dans son avis n° 2011-06 susvisé.
L’ARCEP relève que, dans son avis, le CSA indique à titre liminaire que les éditeurs de services de radio « sont principalement attentifs à deux critères dans le choix de sites de diffusion :
- la couverture de la population dans la mesure où l’écoute de la radio à domicile représente 51,5 % de l’écoute totale des 13 ans et plus ;
- la couverture du réseau routier car l’écoute de la radio en voiture représente 28,4 % de l’écoute totale ».
Le CSA explique ensuite avoir procédé à des simulations de couverture comparée du site de la Grande Jeanne avec les quatre solutions étudiées par la société TDF, ainsi qu’avec le site des Lavorels mentionné par la société Towercast dans son mémoire en réplique. Il précise que les simulations de couverture ne sont pas suffisantes pour apprécier l’attractivité des sites de diffusion ; que celles-ci doivent être confirmées par des mesures prises sur le terrain, « afin d’apprécier la qualité de réception et le confort d’écoute des auditeurs ».
La méthode de calcul de couverture retenue par le CSA pour estimer le potentiel des sites évoqués, à la fois en termes de superficie et de population est la suivante : il utilise le modèle de propagation 526-9 spécifié par l’Union internationale des télécommunications (UIT) dans ses recommandations, qu’il juge le plus approprié en zones montagneuses. Il précise que le modèle a été complété par la fixation d’un seuil unique de réception, de 60 dBmV/m, qui constitue « le meilleur compromis entre les trois seuils proposés par la norme (Rec. UIT-R BS.412-9) pour les couvertures en extérieur, respectivement en zone rurale (54 dBmV/m), périurbaine (66 dBmV/m) et urbaine dense (74 dBmV/m) » et « présente l’avantage d’intégrer forfaitairement la dégradation de couverture due aux brouillages entre radios ». Il ajoute avoir conservé cette valeur « qui avait fait l’objet d’un consensus de l’ensemble des acteurs en 2003, malgré l’augmentation du niveau des brouillages qui a pu résulter de la densification des fréquences dans le cadre du programme FM+9 ».
Le CSA relève que les simulations de couverture de la population auxquelles il a procédé sont proches de celles réalisées par la société TDF pour les différents sites. Le tableau ci-dessous reprend le résultat des simulations effectuées par le CSA :
En matière de couverture des axes routiers et autoroutiers, l’Autorité s’est notamment référée aux cartes annexées par le CSA dans son avis, reproduites ci-après :
Au vu de ces éléments, l’ARCEP confirme l’analyse du CSA selon laquelle : « le site de la Grande Jeanne semble disposer d’une meilleure couverture des axes routiers que les sites alternatifs identifiés par la société TDF »10 .
Le CSA procède également à une analyse comparée du site de la Grande Jeanne et de celui des Lavorels à partir duquel s’autodiffuse Radio 74. Il retient pour cela deux seuils de réception différents (60 dBmV/m et 74 dBmV/m).
Le tableau ci-dessous reprend les simulations de couverture réalisées par le CSA :
Il ressort de ces simulations et des mesures recueillies sur le terrain par le CSA que les couvertures des sites des Lavorels et de la Grande Jeanne sont proches, mais que le site des Lavorels couvre moins bien l’autoroute en direction de Bonneville. Le CSA précise enfin que la distance importante qui le sépare du centre-ville d’Annecy est susceptible de diminuer le confort d’écoute des auditeurs.
Il résulte de ce qui précède que l’ARCEP considère que la couverture de la population ainsi que celle du réseau routier, dont le CSA a souligné l’importance, doivent être retenues comme des critères déterminants dans l’appréciation des sites de diffusion FM par les éditeurs.
A l’issue de l’instruction et au regard des éléments fournis par les parties et de l’avis du CSA, l’Autorité estime qu’aucun site sur la zone d’Annecy ne permet de répliquer techniquement dans des conditions satisfaisantes le site de la Grande Jeanne exploité par la société TDF.
5.1.2 Sur la possibilité pour la société Towercast d’implanter un site alternatif sur le massif du Semnoz, colocalisé avec celui de la Grande Jeanne
La société Towercast fait état dans sa saisine de contraintes juridiques l’empêchant d’implanter un site alternatif à celui de la société TDF sur le massif du Semnoz. A l’occasion de la recherche de sites pour la diffusion de la TNT, elle indique avoir contacté la mairie d’Annecy en 2006 qui lui a opposé un avis défavorable à son projet d’implantation d’un pylône sur le massif du Semnoz.
En effet, la mairie d’Annecy, par un courrier du 17 août 2006, déclare qu’il est impossible pour la société Towercast de s’implanter sur le massif du Semnoz. Elle indique d’une part, que les parcelles sur lesquelles est établi le site de la Grande Jeanne sont consenties à bail à la société TDF jusqu’au 31 décembre 2022 et, d’autre part, que les parcelles voisines sont inscrites en espace boisé classé dans le cadre du projet de PLU. Enfin, s’agissant de l’implantation d’un site sur les chemins forestiers existants, la mairie précise qu’un tel projet serait contraire à l’esprit forestier des lieux et ne répond pas à la destination principale de ces chemins réservés aux promenades et au passage de certains véhicules.
La société Towercast ajoute que le refus de la mairie d’Annecy a été confirmé lors d’une rencontre qui s’est tenue le 1er septembre 2010 entre les représentants de la société Towercast et le directeur général adjoint des services de la ville.
Dans ses observations en défense11, la société TDF semble considérer le caractère inconstructible du massif de Semnoz rendant impossible l’implantation d’un site de radiodiffusion alternatif. Par ailleurs, elle reconnait l’existence de « contraintes juridiques qui seraient susceptibles d’empêcher Towercast d’installer des infrastructures de diffusion à proximité immédiate du site du Belvédère de la Jeanne exploité par TDF12 » tout en estimant qu’elles ne peuvent constituer à elles seules une circonstance exceptionnelle.
Les contraintes urbanistiques et contractuelles empêchant l’implantation d’un site alternatif sur le massif du Semnoz avaient conduit la mairie d’Annecy à interroger l’ARCEP à la fin de l’année 2010. Dans un courrier du 24 novembre 2010, la mairie demandait à l’Autorité de lui indiquer « la marche à suivre sur le territoire de la ville d’Annecy pour qu’une concurrence saine et respectueuse existe entre ces deux entreprises [TDF et Towercast] ». A la suite de la réponse de l’ARCEP en date du 13 décembre 2010, la mairie d’Annecy confirme, dans un second courrier du 11 janvier 2011, « qu’il est absolument impossible de proposer à bail à la société Towercast ou à toute autre société compétente en matière de diffusion un terrain appartenant à la commune sur le massif du Semnoz ».
L’Autorité constate l’existence d’obstacles juridiques à l’implantation d’un site alternatif sur le massif du Semnoz. En effet, l’Autorité relève, d’une part, l’impossibilité pour la société Towercast de construire un site de diffusion alternatif sur les parcelles faisant l’objet d’un bail privé entre la commune d’Annecy et la société TDF et, d’autre part, le refus de la mairie, de mettre à disposition de la société Towercast des parcelles situées à proximité du site exploité par la société TDF en raison de contraintes urbanistiques et environnementales.
* * *
Au vu de ce qui précède, l’Autorité estime, d’une part, qu’aucun site ne permet de répliquer techniquement dans des conditions satisfaisantes le site de la Grande Jeanne sur la zone d’Annecy et, d’autre part, que la société Towercast n’a pas la possibilité d’implanter un site colocalisé avec celui de la Grande Jeanne sur le massif du Semnoz.
Par conséquent, l’Autorité en conclut qu’il est équitable que la société TDF fasse droit à la demande d’accès formulée par la société Towercast, sous réserve de sa faisabilité technique.
5.2 Sur les conditions de l’accès de la société Towercast au site de la Grande Jeanne
A titre liminaire, l’Autorité relève qu’il ressort des pièces du dossier que, postérieurement à la demande de règlement de différend déposée par la société Towercast, la société TDF a proposé une offre d’accès au site de la Grande Jeanne par un courrier du 5 mai 2011 adressé à la société Towercast et transmis à l’ARCEP.
Dans cette offre, la société TDF prend note de la teneur de l’avis du CSA et ajoute :
« dans un seul souci de conciliation et bien qu’elle ne souscrive nullement aux conclusions du CSA, TDF a décidé de [présenter à Towercast] un projet d’offre d’accès sur le site d’Annecy ». Il est précisé que le projet d’offre a été établi au regard des éléments dont la société TDF dispose et qu’il appartient à la société Towercast de le compléter afin d’exprimer plus précisément ses besoins.
5.2.1 Sur les conditions techniques de l’accès de la société Towercast au site de la Grande Jeanne
L’accès de la société Towercast au site de la Grande Jeanne implique au préalable la vérification de la faisabilité technique de l’accueil de la société Towercast sur le site.
La société Towercast, dans un courrier du 16 mai 2011, indique que « cette proposition (…) permet de constater qu’il n’existe aucun obstacle technique à l’hébergement de Towercast à la Grande Jeanne (…) ». Néanmoins, elle n’y souscrit pas, notamment pour des raisons tarifaires.
L’Autorité relève que l’existence d’un projet d’offre de la société TDF sur le site de la Grande Jeanne montre qu’il n’existe pas d’obstacles de principe à l’accès d’un diffuseur tiers à ce site.
Selon la société TDF, l’ajout d’au moins trois nouvelles fréquences diffusées à partir du site de la Grande Jeanne nécessite des travaux d’aménagements sur les infrastructures qui peuvent s’avérer coûteux. La société TDF démontre dans sa réponse au questionnaire que l’accueil de nouveaux services implique une restructuration des dispositifs d’aériens : le re-azimutage d’antennes dipôle simples et la création de deux nouvelles antennes. Elle ajoute que ces opérations de restructuration ne pourront être réalisées qu’à condition que le pylône fasse l’objet d’un rehaussement compte tenu de l’occupation et de la charge qu’il supporterait. La société TDF estime cette réorganisation du pylône à […] euros ainsi qu’un redimensionnement du dispositif d’énergie à un coût estimé à […] euros.
Au regard de l’ampleur de ces travaux, la société TDF indique qu’elle envisage même de proposer aux éditeurs de services de radio une offre de diffusion à partir d’un autre site de la société TDF dans la zone d’Annecy.
Selon la société Towercast, un rehaussement du pylône n’est pas nécessaire. L’accueil des équipements de la société Towercast sur le site de la Grande Jeanne supposerait à tout le moins le réaménagement et l’ajout de certaines antennes, le démontage des antennes d’émission de la télévision analogique, ainsi que la construction d’un local technique au pied du pylône.
Il apparaît que l’accueil de nouvelles fréquences sur le site de la Grande Jeanne peut nécessiter des réaménagements techniques sur les infrastructures de la société TDF. Ceux-ci pourraient notamment impliquer une restructuration des dispositifs d’aériens (ajout et/ou démontage de certaines antennes par exemple), voire un rehaussement du pylône. Dans ces conditions, il y a lieu d’enjoindre à la société TDF de proposer à la société Towercast une solution efficace au regard de ce qui est raisonnablement utile à l’accueil des équipements de cette dernière, sauf à ce que la société TDF établisse qu’une telle solution est techniquement impossible à mettre en œuvre dans le cas d’espèce.
Au surplus, il convient de rappeler que le terrain sur lequel est implanté le site de la Grande Jeanne appartient au domaine privé de la commune et fait l’objet d’un contrat de bail passé entre la commune d’Annecy et la société TDF. Ce bail autorise la société TDF à exploiter un site de radiodiffusion pour une durée de 30 ans soit jusqu’au 31 décembre 2022. L’Autorité relève, à la lecture du contrat communiqué par la société TDF dans sa réponse au questionnaire des rapporteures, qu’aucune clause contractuelle ne fait obstacle à un partage des installations dont la société TDF est propriétaire.
5.2.2 Sur les conditions tarifaires de l’accès de la société Towercast au site de la Grande Jeanne
La société Towercast a demandé à l’ARCEP de statuer sur la nécessité de faire droit à sa demande d’accès « dans les conditions précisées dans son courrier à TDF en date du 14 décembre 2010 à TDF ». Dans ce courrier, la société Towercast demande simplement « pour toutes les fréquences FM publiques et privées, existantes et à venir (FM+) l’accès au Belvédère de la Jeanne (site, locaux techniques, antennes dont sommitales, accès à l’énergie…) aux conditions tarifaires suivantes :
- gamme de puissance nominale de 500 Watts : […] ;
- gamme de puissance nominale de 1 000 W : […] ;
- emplacement pour antenne FH 60 cm (> 30 m) : […] ;
- emplacement pour antenne satellite 120 cm : […] ;
- emplacement pour groupe électrogène (dalle 4/2) : […] ».
L’Autorité observe que le niveau des demandes tarifaires formulées par la société Towercast dans sa saisine n’est pas motivé.
Par ailleurs, dans sa réponse au questionnaire des rapporteures, la société Towercast explicite d’abord les hypothèses techniques qu’elle a retenues :
- antenne FM située à 50m de hauteur (0,5 m2 en tête) ;
- feeder antenne diamètre 7/8" ;
- 8 diffusions FM pouvant être diffusées sur une seule antenne FM ;
- émetteur 500W - 1000W avec en moyenne 4 émetteurs par baie 48U 600*800 ;
- 2 cellules de multiplexage par baie 48U 600*800 en moyenne (surface équivalente)13 ».
Elle indique ensuite que les tarifs qu’elle demande « sont issus d’une modélisation bottom-up s’appuyant sur les éléments suivants :
- Tarifs d’hébergement TDF issus de l’offre régulée Hébergement TNT : sur la base des caractéristiques techniques détaillées ci-dessus et des tarifs d’hébergement publiés par TDF, Towercast propose un tarif moyen forfaitaire d’hébergement de […] par diffusion FM (hors énergie) ;
- Investissements que Towercast aurait à consentir pour installer son propre système antennaire / multiplexeur : Towercast a pris comme hypothèse d’investissement […] pour 8 radios FM (pose / fourniture du système antennaire et des cellules de multiplexage).
Les tarifs d’hébergement proposés pour les antennes FH et satellite et pour un GE sont cohérents avec les tarifs d’hébergement TNT TDF et permettent également à Towercast de positionner des tarifs compétitifs sur le marché FM aval14. »
Force est de constater que les éléments fournis par la société Towercast dans sa réponse au questionnaire sont insuffisants pour permettre à l’Autorité d’en évaluer précisément le niveau et la pertinence.
Comme indiqué ci-avant, le 5 mai 2011, la société TDF a proposé à la société Towercast une offre sur mesure pour l’accès au site de la Grande Jeanne en vue de fournir aux radios privées des services de diffusion en mode FM. Le service de base consiste dans l’hébergement des émetteurs de la société Towercast et à la prise en charge des flux sortis de ces émetteurs par un système antennaire de la société TDF.
La société TDF indique un tarif pour chaque fréquence planifiée sur la zone d’Annecy. Pour une gamme de puissance de l’émetteur comprise entre […] et […] selon la PAR maximale définie par le CSA.
Il apparaît qu’en moyenne les tarifs proposés pour le service de base sont supérieurs de […] % à […] % à ceux demandés par la société Towercast.
En outre, la société TDF prévoit de facturer à la société Towercast une quote-part de contribution aux investissements liés à la construction d'un nouveau bâtiment, à la réorganisation des systèmes d'aériens et à un éventuel surcoût lié à un rehaussement de pylône. Mais, ni le montant ni la méthode de calcul de cette quote-part ne sont indiqués dans l'offre.
S’agissant du tarif des options, l’ARCEP relève que la société TDF ne propose pas de dalle pour installer un groupe électrogène, comme le demande la société Towercast, mais une option fourniture d’énergie. La société TDF n’apporte pas d’explication sur ce point. Par ailleurs, le tarif de l’option hébergement d’un faisceau hertzien […] est supérieur de […] % à celui demandé par la société Towercast […]. Celui de l’option hébergement d’une réception satellite […] est supérieur de […] % à celui demandé par la société Towercast […].
Dans un courrier du 16 mai 2011, la société Towercast indique refuser cette offre. Elle précise que celle-ci « soulève des problématiques tarifaires que la procédure de règlement de différend n’a pas permis jusqu’à présent d’analyser, compte tenu des trois mois durant lesquels la seule question qui a été soulevée a été celle de la légitimité de la demande d’accès de Towercast ». Elle ajoute que l’occasion est désormais donnée à la société Towercast de préciser l’approche qu’elle a retenue pour fixer le niveau tarifaire de ses demandes. L’Autorité ne peut que s’étonner de telles remarques, alors même que les rapporteures dans leur questionnaire demandaient clairement à la société Towercast de justifier les tarifs demandés15.
La société Towercast explique avoir pris comme référence les tarifs applicables à l’accès aux sites réputés non réplicables pour la diffusion de la TNT. Elle estime que le tarif du service de base pour une PAR de 1 000 W aurait ainsi été de […], mais elle a souhaité proposer un tarif inférieur, à […], afin de prendre en compte une participation additionnelle aux investissements imposés par l’accueil de ses équipements, qui serait intégrée, en TNT, au service de base.
Elle estime que l’offre de la société TDF ne prévoit pas de participation au financement de ces réaménagements et se montre en conséquence favorable à ce que le tarif du service de base pour une PAR de 1 000 W soit réévalué à […], mais refuse le tarif de […] proposé par la société TDF. Sur ce point, l’Autorité relève cependant que la société TDF avait expressément prévu une telle participation, dont la société Towercast n’a pas tenu compte dans ses calculs.
S’agissant des options d’hébergement d’un faisceau hertzien et d’hébergement d’une réception satellite, la société Towercast dénonce un effet de ciseau tarifaire : le tarif proposé par la société TDF ne lui permettrait pas de se positionner de manière concurrentielle sur le marché aval des services de diffusion aux éditeurs de services de radio FM. L’ARCEP relève que les éléments d’explication avancés sur ce point ne sont pas détaillés. Enfin, la société Towercast renouvelle sa demande d’emplacement pour installer un groupe électrogène.
Comme l’a relevé la cour d’appel de Paris dans l’arrêt du 24 février 2011 Mobius/La Réunion numérique, il revient à un opérateur qui souhaite que les conditions techniques et tarifaires soient appréciées en équité de se prévaloir d’éléments précis de nature à établir le bien fondé de ses prétentions.
Au vu des pièces qui lui ont été transmises, l’ARCEP estime que les explications concernant le niveau tarifaire des demandes de la société Towercast sont insuffisantes pour en apprécier le caractère équitable.
Toutefois, afin que puisse s’exercer au bénéfice des utilisateurs, une concurrence effective et loyale entre opérateurs et que puissent être proposées sur le marché aval des offres à des tarifs attractifs, l’Autorité estime que la société TDF doit proposer à la société Towercast des conditions tarifaires d’accès respectant les principes de non- discrimination, d’objectivité, de pertinence et d’efficacité, qui n’induisent pas de ciseau tarifaire avec les offres proposées aux éditeurs de services de radio par la société TDF. Ces principes trouvent également à s’appliquer aux modalités de partage des coûts de réaménagement nécessaires.
Au demeurant, la société TDF devra proposer à la société Towercast une offre dont le niveau tarifaire n’excède pas, pour chaque prestation, celui qu’elle a librement consenti dans son offre du 5 mai 2011.
Étant donné que les agréments des sites de diffusion FM en région Rhône-Alpes doivent être attribués par le CSA avant la fin du mois de juillet 2011 et les autorisations d’usage des fréquences FM, en septembre 2011, il apparaît raisonnable que la société TDF soumette à la société Towercast l’offre précitée dans un délai de trois semaines, d’autant que la société TDF a déjà formulé une première offre le 5 mai 2011.
* * *
Décide :
Article 1 : La société TDF doit soumettre à la société Towercast, sauf à ce qu’elle établisse qu’une telle solution est techniquement impossible à mettre en œuvre, dans le cas d’espèce, une nouvelle convention d’accès autorisant la société Towercast à installer ses équipements en vue d’assurer la diffusion de fréquences FM sur le site de la Grande Jeanne, exploité par TDF à Annecy.
Article 2 : Les conditions tarifaires de l’offre d’accès proposée par la société TDF à la société Towercast doivent respecter les principes de non-discrimination, d’objectivité, de pertinence et d’efficacité, et ne pas induire de ciseau tarifaire avec les offres proposées aux éditeurs de services de radio par la société TDF. Ces principes trouvent également à s’appliquer aux modalités de partage des coûts de réaménagement nécessaires.
Article 3 : La société TDF doit proposer à la société Towercast une offre dont le niveau tarifaire n’excède pas, pour chaque prestation, celui qu’elle a librement consenti dans son offre du 5 mai 2011.
Article 4 : Le surplus des conclusions présentées par la société Towercast est rejeté.
Article 5 : La présente décision doit être mise en application dans un délai de trois semaines à compter de sa notification.
Article 6 : Le directeur des affaires juridiques de l’Autorité de régulation des communications électroniques et des postes ou son adjoint est chargé de notifier aux sociétés Towercast et TDF la présente décision, qui sera rendue publique sous réserve des secrets protégés par la loi.
Notes :
1 Modulation de fréquence.
2 Décision de l’Autorité n° 2009-0484 du 11 juin 2009 portant sur la définition du marché pertinent de gros des offres de diffusion hertzienne terrestre de programmes télévisuels en mode numérique, sur la désignation d’un opérateur exerçant une influence significative sur ce marché et sur les obligations imposées à cet opérateur sur ce marché.
3 Décision de l’Autorité n° 2006-0160 du 6 avril 2006 portant sur la définition du marché pertinent de gros des offres de diffusion hertzienne terrestre de programmes télévisuels et sur la désignation d’un opérateur exerçant une influence significative sur ce marché.
4 Il existe cinq catégories de radios privées : les éditeurs de services associatifs éligibles au fonds de soutien à l’expression radiophonique, les éditeurs de services locaux ou régionaux indépendants et ne diffusant pas de programme national identifié, les éditeurs de services locaux ou régionaux diffusant le programme d’un réseau thématique à vocation nationale, les éditeurs de services thématiques à vocation nationale et les éditeurs de services généralistes à vocation nationale.
5 Les autorisations de fréquences pour la radio FM sont délivrées pour cinq ans et renouvelables hors appel à candidatures dans la limite de deux fois.
6 Observation de TDF du 12 avril 2011, paragraphe 20, p.6.
7 Saisine de Towercast, partie I.
8 Observation de TDF du 15 mars 2011, paragraphe 37, p. 10.
9 Avis du CSA n° 2011-06, Annexe 1, p.12.
10 Avis du CSA n° 2011-06, p.8.
11 Observations de TDF du 15 mars 2011, paragraphe 30, page 9.
12 Observations de TDF du 15 mars 2011, paragraphe 46, page 12.
13 Réponse de Towercast au questionnaire, question 5.1., p.11.
14 Réponse de Towercast au questionnaire, question 5.2., p.11.
15 Questions 5.1 et 5.2 du questionnaire des rapporteures.