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Décisions

Cass. 1re civ., 3 février 2004, n° 01-02.020

COUR DE CASSATION

Arrêt

Cassation

Paris, du 20 déc. 2000

20 décembre 2000

Attendu que, entre le 14 janvier 1993 et le 13 mai 1997, l'écrivain Julien Y..., décédé en 1998, a conclu avec la société Librairie Arthème Fayard trente-trois cessions de ses droits éditoriaux sur autant de ses oeuvres ; qu'après son décès, M. Jean-Roger Y..., dit Jean-Eric Y..., unique héritier et légataire universel, a assigné l'éditeur en résiliation de ces conventions, celui-ci reprochant alors reconventionnellement des agissements fautifs ; que les demandes en résiliation ont été rejetées, et les deux parties condamnées à dommages-intérêts ;

Sur le premier moyen, pris en ses cinq branches, tel qu'exposé au mémoire en demande et reproduit en annexe :

Attendu que M. Y... fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir refusé d'appliquer une clause résolutoire de plein droit invoquée à propos de vingt-six publications insuffisantes ou non intervenues ;

Attendu que la cour d'appel a relevé, par motifs propres ou adoptés, que, eu égard à sa rédaction, ladite clause, étrangère au cas de tirages inférieurs aux conventions, ne concernait que l'hypothèse de parutions jamais réalisées, soit sept des oeuvres concernées ; qu'elle a ensuite exactement retenu que, sauf dispense expresse et non équivoque, une telle clause ne pouvait être acquise au créancier sans la délivrance préalable, et non intervenue en l'espèce, d'une mise en demeure restée sans effet ; qu'elle n'a ainsi encouru aucun des griefs allégués par les quatre premières branches au regard des articles 1134, 1139,1184 du Code civil, L. 132-1, L. 132-10, L. 132-17 du Code de la propriété intellectuelle, l'assignation en justice ne palliant aucunement l'absence de la sommation ainsi requise de celui qui, entendant se prévaloir d'une clause de résiliation, doit préciser au débiteur ses manquements et le délai dont il dispose pour les conjurer ;

Et attendu qu'il résulte de ce qui précède que la cinquième branche, par laquelle M. Y... reproche à l'arrêt sa condamnation envers l'éditeur pour avoir tiré auprès de tiers les conséquences d'une résolution de plein droit qu'il prétendait acquise, ne peut être accueillie ;

Sur le deuxième moyen, pris en ses six branches, pareillement énoncé et reproduit :

Attendu qu'il est aussi fait grief à l'arrêt d'avoir refusé de prononcer la résolution judiciaire de vingt-six contrats pour tirages insuffisants ou pilonnages excessifs des oeuvres concernées ;

Attendu qu'il relève que l'éditeur a toujours été en mesure de satisfaire la demande à raison des stocks constitués, et, par l'envoi de relevés réguliers, tenu l'auteur informé de l'état des ventes et des destructions intervenues ; qu'ainsi le moyen tiré de la méconnaissance des articles 1134 et 1315 du Code civil, L. 132-1, L. 132-4, L. 132-10 et L. 132-11 du Code de la propriété intellectuelle, se heurte au pouvoir souverain reconnu aux juges du fond pour décider si les manquements imputés à un contractant sont ou non d'une gravité suffisante pour justifier la résolution du contrat ;

Sur le troisième moyen, pris en ses deux branches, encore énoncé et reproduit :

Attendu qu'il est encore fait grief à l'arrêt de refuser de prononcer la résolution judiciaire des sept contrats correspondant aux sept titres non publiés, malgré les délais contractuels pourtant prévus à cette fin ;

Attendu que l'arrêt relève que ceux-ci n'étaient pas expirés lorsque l'auteur a manifesté par deux lettres à l'éditeur son intention de s'opposer à leur publication, suspendant ainsi les termes convenus, sans que les correspondances précises produites permettent pour autant de retenir une perte définitive de confiance envers lui ; qu'il en résulte que les griefs allégués de méconnaissance des articles 12 du nouveau Code de procédure civile, 1134 et 1184 du Code civil, L. 121-4 et L. 132-12 du Code de la propriété intellectuelle ne sont donc pas davantage encourus ;

Mais sur le quatrième moyen, pris en sa seconde branche :

Vu l'article 1134 du Code civil ;

Attendu que pour condamner M. Y... à remettre à l'éditeur le manuscrit de Julien Y... "En avant par dessus les tombes", l'arrêt énonce que l'article 4 du contrat afférent du 13 mai 1997 "l'auteur déclare avoir conservé un double de son manuscrit et dégage l'éditeur de toute responsabilité en cas de perte, vol ou destruction du document remis" détermine les responsabilités respectives des parties sans laisser nullement présumer une remise effective simultanément à la signature de l'acte, et que l'absence de réponse à la sommation adressée le 24 juin 1999 par l'éditeur à M. Y... contredit une telle prétention ; qu'en statuant ainsi, alors que les termes contractuels rapportés et signés de l'éditeur constituaient une telle présomption à son endroit, et que le silence gardé par l'héritier destinataire de la sommation ne pouvait valoir reconnaissance du bien-fondé de la demande, la cour d'appel a violé le texte susvisé ;

PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur la première branche du quatrième moyen :

CASSE ET ANNULE, mais uniquement en ce qu'il a condamné M. Y... à remettre à la Librairie A. Fayard le manuscrit de Julien Y... "En avant par dessus les tombes", l'arrêt rendu le 20 décembre 2000, entre les parties, par la cour d'appel de Paris ; remet, en conséquence, quant à ce, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Paris, autrement composée ;

Laisse à chaque partie la charge de ses propres dépens ;

Vu l'article 700 du nouveau Code de procédure civile, rejette la demande de la société Librairie Arthème Fayard.

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de Cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de Cassation, Première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du trois février deux mille quatre.