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Décisions

Cass. com., 30 mai 2012, n° 11-14.564

COUR DE CASSATION

Arrêt

Cassation

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Espel

Avocats :

SCP Lyon-Caen et Thiriez, SCP Piwnica et Molinié

Paris, du 24 févr. 2011

24 février 2011

Attendu, selon l'arrêt attaqué, que le Conseil régional de La Réunion a fait réaliser une infrastructure de collecte du trafic de communications électroniques destinée à couvrir l'ensemble de l'île, dénommée réseau "Gazelle", dont il a ensuite, par une convention de délégation de service public du 25 juin 2007 conclue pour une durée de 12 ans, délégué l'exploitation et le développement à un groupement d'entreprises, auquel s'est substituée ultérieurement la société La Réunion numérique, qui s'est engagé à prendre en charge l'infrastructure de communications électroniques mise à sa disposition, à concevoir, construire et réaliser les ouvrages de raccordement et d'extension du réseau régional, et à exploiter techniquement et commercialement l'ensemble du réseau ainsi constitué en vue de la fourniture de services aux opérateurs et utilisateurs de réseaux indépendants ; que, pour bénéficier du dégroupage de la boucle locale cuivre de la société France Télécom, la société Mobius, opérateur de détail à La Réunion, a souhaité installer ses propres équipements actifs au plus proche du répartiteur général de la société France Télécom en souscrivant à l'offre d'hébergement en armoire de rue de la société LRN, puis raccorder ces équipements à son réseau de collecte en souscrivant à l'une des offres de fibre optique de la société LRN, enfin, pour compléter la couverture géographique du marché, a demandé à souscrire à l'offre haut débit activé de la société LRN, dite offre "DSL Grand Public", tout en demandant une diminution des conditions tarifaires de ces offres, qu'elle jugeait trop élevées ; qu'invoquant un échec des négociations avec la société LRN, la société Mobius a saisi l'Autorité de régulation des communications électroniques et des postes (l'ARCEP) d'une demande de règlement de différend, en lui demandant notamment de déterminer les conditions tarifaires applicables aux offres précitées ; que, par décision du 1er juillet 2010 (n° 2010-0742), l'ARCEP a rejeté les demandes de la société Mobius en ce qui concerne l'offre de location de fibre optique mais a statué sur les tarifs d'hébergement en armoire de rue, ainsi que sur les tarifs des frais d‘accès au service de l'offre "DSL Grand Public" et des frais de résiliation de cette offre, laissant un délai de deux mois à la société LRN pour la mise en oeuvre de la décision ;

Sur le troisième moyen :

Attendu que la société LRN fait grief à l'arrêt du rejet de son recours contre cette décision alors, selon le moyen, que les conditions tarifaires étant fixées par des clauses réglementaires du contrat de délégation de service public liant la société LRN à la région Réunion, l'entreprise délégataire ne dispose d'aucune autonomie en matière de fixation des prix, si bien qu'en faisant peser sur la délégataire la charge de justifier du prix de chaque prestation, la cour d'appel a violé par fausse application l'article D. 99-10 du code des postes et des télécommunications électroniques ;

Mais attendu que l'arrêt relève que la convention de délégation de service public en cause prévoit que le catalogue des services de la société LRN, qui récapitule l'ensemble de ses offres, peut évoluer sur proposition du délégataire, avec l'accord de la Région, et que, de même, l'article 7.3.3, intitulé "Révision des tarifs", stipule qu'"en cas d'évolution technique et/ou économique rendant nécessaire l'évolution des services fournis aux usagers et/ou des tarifs qui leur sont appliqués, les tarifs pourront être révisés avec l'accord exprès et préalable de la Région qui veillera à assurer de façon effective l'équilibre de l'exploitation confiée au délégataire" ; qu'en l'état de ces constatations et appréciations, dont il résulte que c'est à la société LRN, opérateur exploitant en titre, que revenait l'initiative de faire évoluer le contenu technique et tarifaire du catalogue et qu'il lui incombait à cet effet de soumettre toute modification nécessaire à l'approbation de la Région, la cour d'appel a retenu à bon droit que c'était à la société LRN qu'il incombait de justifier des éléments de coût des tarifs contestés ; que le moyen n'est pas fondé ;

Mais sur le premier moyen, pris en sa première branche :

Vu les articles L. 1411-1 et L. 1411-2 du code général des collectivités territoriales, ensemble les articles 1134 du code civil et 14 du code de procédure civile ;

Attendu que la délégation de service public est un contrat par lequel une personne morale de droit public confie, pour une durée déterminée, la gestion d'un service public dont elle a la responsabilité à un délégataire et que les conditions financières du contrat sont déterminées par la convention de délégation de service public, laquelle stipule les tarifs à la charge des usagers et précise l'incidence sur ces tarifs des paramètres ou indices qui déterminent leur évolution ;

Attendu qu'en imposant au délégataire une modification des tarifs fixés par la convention de délégation de service public, par une décision rendue hors la présence de l'autorité délégante, et donc inopposable à cette dernière, la cour d'appel a violé les textes susvisés ;

PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs :

CASSE ET ANNULE, dans toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 24 février 2011, entre les parties, par la cour d'appel de Paris ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Paris, autrement composée.