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Décisions

Cass. com., 27 septembre 2017, n° 16-17.859

COUR DE CASSATION

Arrêt

Cassation

Paris, du 24 mars 2016

24 mars 2016

Attendu que si le juge ne peut se fonder exclusivement sur une expertise non judiciaire réalisée à la demande de l'une des parties, il ne peut écarter, au motif qu'elle n'a pas été effectuée contradictoirement, une expertise régulièrement communiquée et soumise à la discussion des parties, dès lors que cette pièce n'est pas le seul élément de preuve susceptible d'être retenu ;

Attendu, selon l'arrêt attaqué, que la société Le Bon Marché Maison Aristide Boucicaut (la société Le Bon Marché) exploite un magasin équipé de plusieurs ascenseurs et monte-charges dont elle a confié la maintenance, par contrat du 23 septembre 2011, à la société Kes, aux droits de laquelle est venue la société Egeri Apem ; qu'à la suite de nombreux dysfonctionnements des ascenseurs, qu'elle a imputés à un mauvais entretien, la société Le Bon Marché a notifié à la société Kes la résiliation du contrat le 28 septembre 2012 et fait procéder à un audit de l'installation par la société Eca France (la société Eca), laquelle a déposé son rapport en décembre 2012 ; que la société Le Bon Marché a assigné la société Egeri Apem en paiement de diverses sommes correspondant au coût des travaux de remise en état des ascenseurs et de l'audit réalisé par la société Eca ;

Attendu que pour rejeter les demandes de la société Le Bon Marché, l'arrêt retient qu'il n'est pas établi que la société Kes ait été touchée par la convocation de la société Eca et que cette carence est d'autant plus inacceptable que la présence de la société Egeri Apem à ces opérations devait permettre aux parties d'alimenter le débat technique correspondant aux critiques de la société Le Bon Marché et fournir ainsi un dossier cohérent ; qu'il retient encore que si la société Egeri Apem a pu ultérieurement émettre des appréciations sur ce rapport, son absence atténue fortement la possibilité de nourrir ce débat ; qu'il retient en outre qu'il était indispensable que la société Le Bon Marché non seulement communique à la société EgeriApem le résultat de cet audit, ce qui a été fait, mais la mette réellement en demeure de donner ses explications et le cas échéant de remédier à ses carences ; qu'il retient enfin que dès lors que la société Egeri Apem n'a pu s'expliquer sur les manquements qui lui étaient imputés ni, le cas échéant, y remédier, le recours d'office à une société concurrente et la facturation effectuée par cette dernière ne lui sont pas opposables, faute que ces prestations aient découlé d'une procédure contradictoire ;

Qu'en se déterminant ainsi, sans rechercher, au vu du rapport d'audit et des autres éléments de preuve versés aux débats, notamment des rapports de l'Apave d'octobre 2011 et octobre 2012, dont certains éléments pouvaient concerner la mission de la société Kes, et des lettres de réclamation que la société Le Bon Marché avait adressées à celle-ci les 20 et 24 février 2012 et 24 et 28 septembre 2012, exprimant son mécontentement au regard des pannes fréquentes et de l'immobilisation prolongée des machines, si la preuve des manquements commis par la société Kes dans l'entretien des ascenseurs n'était pas rapportée, la cour d'appel a privé sa décision de base légale ;

PAR CES MOTIFS et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs :

CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 24 mars 2016, entre les parties, par la cour d'appel de Paris ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Paris, autrement composée ;

Condamne la société Egeri Apem aux dépens ;

Vu l'article 700 du code de procédure civile, la condamne à payer à la société Le Bon Marché Maison Aristide Boucicaut la somme de 3 000 euros et rejette sa demande ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-sept septembre deux mille dix-sept.