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Décisions

Cass. soc., 3 octobre 2018, n° 17-20.802

COUR DE CASSATION

Arrêt

Cassation

Versailles, du 2 mai 2017

2 mai 2017

Attendu, selon l'arrêt attaqué, rendu en référé, que Mme Y..., salariée de la société Veolia Eau Île-de-France, a été élue représentante du personnel et secrétaire du comité d'établissement de l'unité économique et sociale Veolia Eau - Générale des Eaux ; qu'un accord collectif sur la diversité et la prévention de la discrimination, conclu au niveau de l'unité économique et sociale, prévoit qu'en cas de situation non conforme aux engagements de l'accord diversité ou de présomption de discrimination, chaque salarié peut notamment saisir directement un des membres de l'instance régionale diversité ; que cette instance régionale est composée de deux représentants du personnel et de deux représentants de la direction, dont la directrice des ressources humaines ; qu'en son article 5.3-2, l'accord institue la procédure suivante : « Dès qu'il a connaissance d'une réclamation, le référent diversité en informe les autres membres de l'instance régionale diversité. Une enquête sera alors menée afin d'étudier les faits signalés et la direction de l'établissement prendra si nécessaire les mesures appropriées » ; que dans le courant de l'année 2014, le référent diversité, membre de l'instance régionale diversité en qualité de représentant de la direction, a été saisi d'un courrier de Mme A..., représentante du personnel au sein du comité d'établissement, dénonçant de prétendues malversations de Mme Y... dans la gestion du comité et faisant notamment état de congés supplémentaires accordés aux salariés dudit comité ; que le référent diversité a diligenté une enquête dans le cadre de laquelle il a convoqué Mme Y... à un entretien ; que la direction de la société refusant de communiquer la lettre de Mme A... à Mme Y..., cette dernière a saisi en référé le 29 juillet 2015 le conseil de prud'hommes d'une demande dirigée contre la société et tendant, sur le fondement de l'article 145 du code de procédure civile, à la communication des « courriers et documents dénonçant ses prétendues malversations dans la gestion du comité d'établissement » ;

Attendu que l'arrêt, après avoir retenu la compétence de la juridiction prud'homale par des motifs non critiqués, relève, pour rejeter la demande de communication du courrier de dénonciation, qu'il n'existe aucun commencement de preuve sur une éventuelle sanction disciplinaire que la société envisagerait à l'égard de Mme Y..., suite aux accusations de Mme A... ; que la société apparaît plutôt se positionner dans une démarche d'apaisement, profitant de la suspension de l'enquête de l'instance régionale diversité, elle-même demandée par Mme A... il y a désormais deux ans ; qu'enfin, dans le cadre de l'accord sur la diversité et la prévention des discriminations, signé par l'ensemble des organisations syndicales, la procédure mise en place prévoit le respect d'une stricte confidentialité du dossier d'instruction des plaintes par l'instance régionale diversité, mais la personne éventuellement mise en cause est toutefois informée lors d'un entretien des éléments précis rapportés par le plaignant, ce qui a bien été le cas de Mme Y..., dont l'avis a été recueilli ; que l'enquête ayant été ensuite interrompue, à la demande de la plaignante, aucune décision n'a été notifiée à Mme Y..., à Mme A..., et le cas échéant aux autres salariés concernés, au sujet des éventuelles discriminations ; qu'ainsi, l'instance régionale diversité n'a émis aucune décision ou recommandation à l'égard de Mme Y..., qui aurait pu nuire aux intérêts de cette dernière, ni préconisé aucune sanction à son encontre ; que si tel devait être le cas ultérieurement, alors la salariée pourrait légitimement demander communication des documents utilisés contre elle par la direction, et ce dans le cadre du respect du contradictoire ;

Qu'en se déterminant ainsi, sans rechercher si la salariée justifiait d'un motif légitime à obtenir la communication du document litigieux au regard du fondement juridique dont elle se prévalait, celle-ci soutenant avoir été victime d'une dénonciation calomnieuse dont elle serait susceptible de demander réparation, la cour d'appel a privé sa décision de base légale ;

PAR CES MOTIFS :

CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il rejette la demande de la salariée tendant à la communication du courrier de dénonciation lui imputant des malversations, l'arrêt rendu le 2 mai 2017, entre les parties, par la cour d'appel de Versailles ; remet, en conséquence, sur ce point, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Versailles, autrement composée ;

Condamne la société Veolia Eau d'Île-de-France aux dépens ;

Vu l'article 700 du code de procédure civile, condamne la société Veolia Eau Île-de-France à payer la somme de 3 000 euros à Mme Y... ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du trois octobre deux mille dix-huit.