Cass. soc., 20 avril 2017, n° 15-28.229
COUR DE CASSATION
Arrêt
Cassation
Attendu, selon l'arrêt attaqué, que M. [Y], engagé le 20 juin 1991 par la Banque régionale CIC Ouest, exerçait en dernier lieu les fonctions de responsable de secteur ; qu'il a été licencié pour motif disciplinaire le 25 avril 2012, la banque lui reprochant divers manquements d'ordre déontologique révélés, selon elle, par un rapport établi le 30 mars 2012 à la suite d'une mission de contrôle périodique des comptes du personnel ;
Attendu que pour condamner la banque à payer au salarié une indemnité, l'arrêt retient que ce rapport n'est pas versé au dossier et qu'à défaut de production de cette pièce, rien ne permet d'établir à quelle date l'employeur aurait eu connaissance des faits visés dans la lettre de licenciement, en sorte que les griefs doivent être considérés comme prescrits et le licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse ;
Attendu, cependant, que les documents énoncés dans les écritures d'une partie qui n'ont donné lieu à aucune contestation devant les juges du fond sont réputés, sauf preuve contraire, avoir été régulièrement produits aux débats et soumis à la libre discussion des parties ;
Qu'en statuant comme elle l'a fait, sans avoir invité les parties à s'expliquer sur l'absence au dossier de la pièce qui figurait au bordereau de pièces annexé aux dernières conclusions du salarié et dont la communication n'avait pas été contestée, la cour d'appel a violé le texte susvisé ;
PAR CES MOTIFS :
CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 8 octobre 2015, entre les parties, par la cour d'appel d'Orléans ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Bourges ;
Condamne M. [Y] aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du vingt avril deux mille dix-sept.
MOYEN ANNEXE au présent arrêt
Moyen produit par la SCP Lyon-Caen et Thiriez, avocat aux Conseils, pour la Banque régionale CIC Ouest
Il est fait grief à l'arrêt infirmatif attaqué d'avoir jugé que le licenciement de Monsieur [Y] était dépourvu de cause réelle et sérieuse et d'avoir, en conséquence, condamné la Banque CIC OUEST au paiement des sommes de 45.000,00 € à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse et 2.000,00 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;
Aux motifs qu' : « il appartient à l'employeur d'apporter la preuve qu'il a eu connaissance des faits fautifs dans les deux mois ayant précédé l'engagement de la procédure ; qu'en l'espèce, la remise de 20 € de frais au bénéfice de la SCI CHARENTON remonte au 29 septembre 2011 ; que le bail pour la location au CIC de l'appartement situé à [Localité 1] [Adresse 3] est daté du 20 novembre 2011 ; que la demande de prêt pour l'achat de ce bien par la SCI CHARENTON est datée du 23 novembre 2011 ; qu'aucun des faits cités dans la lettre de licenciement n'est postérieur à cette date ; que le rapport de la mission de contrôle périodique en date du 30 mars 2012 par lequel l'employeur aurait eu connaissance des faits visés dans la lettre de licenciement n'a pas été versé au dossier, non plus que celui de 2010 qui aurait constaté sans en tirer les conséquences que les SCI étaient suivies par la seconde de l'agence du Martroi ; que la seule pièce faisant état de ces rapports, à savoir l'attestation de M. [I], se borne à relater que la mission d'inspection de l'agence d'[Localité 2] Martroi finalisée en mars 2010 s'est effectuée sur la base d'un échantillon de comptes clients de décembre 2009 et que les dossiers évoqués dans la lettre de licenciement n'ont pas été étudiés lors de ce contrôle, comme ce fut le cas lors du contrôle des comptes du personnel opéré en mars 2012 ; que, toutefois, à défaut de production de ce rapport, rien ne permet d'établir à quelle date les griefs ont été portés à la connaissance de la hiérarchie de la Banque CIC ; que rien ne permet donc à ladite banque d'affirmer qu'elle n'aurait eu connaissance des agissements de son salarié qu'à partir de cette date ; que les griefs formulés à l'encontre de Monsieur [Y] doivent donc être considérés comme prescrits en application des dispositions susrappelées ; que le licenciement de celui-ci est, dès lors, dépourvu de cause réelle et sérieuse et la demande de dommages et intérêts du salarié fondée dans son principe ; »
Alors, en premier lieu, que le juge doit, en toutes circonstances, faire observer et observer lui-même le principe de la contradiction ; que, pour écarter la preuve d'une connaissance par la Banque CIC OUEST des agissement de son salarié à la date du mars 2012, la cour d'appel s'est fondée sur le défaut de production du rapport de la mission de contrôle périodique du 30 mars 2012 ; qu'en statuant ainsi, sans inviter les parties à s'expliquer sur l'absence au dossier du rapport de la mission de contrôle périodique du 30 mars 2012, dont la production n'avait pas été contestée et qui figurait sur le bordereau de communication de pièces annexé aux conclusions d'appel de Monsieur [Y], la cour d'appel a violé l'article 16 du code de procédure civile ;
Alors, en deuxième lieu, qu'aux termes du bordereau de communication annexé aux conclusions d'appel de Monsieur [Y], avaient été régulièrement produits aux débats, en pièces 6bis et 11, le rapport de la mission de contrôle périodique du 30 mars 2012 et le rapport d'inspection du 13 avril 2010 ; qu'en jugeant que ces pièces n'avaient pas été produites devant elle, la cour d'appel a dénaturé le bordereau de pièces de Monsieur [Y] et ainsi violé l'article 4 du code de procédure civile ;
Alors, en troisième lieu, que les juges du fond ne peuvent accueillir ou rejeter les demandes dont ils sont saisis sans examiner tous les éléments de preuve qui leur sont fournis par les parties au soutien de leurs prétentions ; que la cour d'appel a retenu que le rapport de la mission de contrôle périodique du 30 mars 2012, de même que le rapport d'inspection du 13 avril 2010, n'auraient pas été versés au dossier ; qu'en statuant de la sorte, la cour d'appel, qui n'a ainsi procédé à aucune analyse de ces pièces pourtant régulièrement produites devant elle, a violé l'article 455 du code de procédure civile.