Cass. 2e civ., 22 octobre 2020, n° 19-19.956
COUR DE CASSATION
Arrêt
Rejet
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
M. Pireyre
Avocats :
SCP Célice, Texidor, Périer, SCP Nicolaý, de Lanouvelle et Hannotin
Faits et procédure
1. Selon l'arrêt attaqué (Aix-en-Provence, 25 avril 2019), Mme V... R... et MM. F..., X... et J... R... (les consorts R...) ont saisi le juge des référés d'un tribunal de commerce le 17 mai 2018, sur le fondement de l'article 145 du code de procédure civile, afin de voir désigner un expert chargé d'examiner les irrégularités affectant l'acte de prêt qu'ils ont signé avec la BNP Paribas Personal finance (la banque), le 1er juillet 2011, en vue de l'acquisition d'un bien immobilier.
2. Les 21, 22 et 27 juin 2017 et le 11 juillet 2017, la banque avait délivré aux consorts R... un commandement de payer valant saisie immobilière sur le fondement de ce même acte de prêt et les avait assignés devant le juge de l'exécution d'un tribunal de grande instance les 3 et 6 octobre 2017.
3. Les consorts R... ont interjeté appel de l'ordonnance du juge des référés par laquelle celui-ci a dit n'y avoir lieu à référé et s'est déclaré incompétent au profit du juge de l'exécution.
Examen du moyen
Enoncé du moyen
4. Les consorts R... font grief à l'arrêt de confirmer l'ordonnance de référé en ce qu'elle avait dit n'y avoir lieu à référé et rejeté toutes leurs demandes et en ce qu'elle avait prononcé l'incompétence du juge des référés au profit du juge de l'exécution du tribunal de grande instance alors :
« 1°/ que le juge qui statue uniquement par des motifs inopérants entache sa décision d'un défaut de motifs ; qu'au cas présent, la cour d'appel a considéré, par motifs propres, que la demande n'avait pas été présentée avant tout procès dès lors qu'il existait un autre procès pendant devant le juge de l'exécution et, par motifs éventuellement adoptés, qu'il existait des contestations sérieuses faisant obstacle à la demande d'expertise fondée sur l'article 145 du code de procédure civile ; qu'en ayant confirmé l'ordonnance du juge des référés en ce qu'il s'était reconnu incompétent cependant qu'elle ne justifiait sa décision qu'au regard des seules conditions de fond du référé fondé sur l'article 145 du code de procédure civile, la cour d'appel a uniquement statué par des motifs inopérants et a, dès lors, violé l'article 455 du code de procédure civile ;
2°/ subsidiairement, que la compétence du juge l'exécution ne fait pas obstacle à la saisine d'un juge des référés ; qu'au cas présent, la cour d'appel a considéré, pour confirmer l'ordonnance du juge référé qui s'était déclaré incompétent au profit du juge de l'exécution, que la saisine de ce dernier était antérieure et qu'elle constituait un procès ; qu'en statuant ainsi cependant que la procédure de saisie immobilière ne constitue pas un procès et que le juge des référés ne statue qu'au provisoire de sorte que le juge de l'exécution qui statuerait au fond ne serait pas tenu par le contenu de ses ordonnances, la cour d'appel a violé les articles 145 et 488 du code de procédure civile ainsi que l'article L. 213-6 du code de l'organisation judiciaire ;
3°/ plus subsidiairement, que l'existence d'une procédure de saisie immobilière ne fait obstacle à une demande de mesure d'instruction in futurum que dans l'hypothèse où celle-ci est destinée à fonder une contestation relative à cette saisie et relevant de la seule compétence du juge de l'exécution ; qu'au cas présent, la cour d'appel a, pour confirmer la décision du juge des référés qui s'était déclaré incompétent, considéré que la saisine du juge de l'exécution constituait un procès ; qu'en refusant de vérifier si la demande de mesure d'instruction demandée avait vocation à justifier une contestation de la procédure de saisie immobilière dont seul le juge de l'exécution a compétence pour en connaître, la cour d'appel a violé les articles 145 du code de procédure civile, L. 213-6 du code de l'organisation judiciaire et R. 322-15 du code des procédures civiles d'exécution ;
4°/ plus subsidiairement, que l'existence d'une procédure de saisie immobilière ne fait obstacle à une demande de mesure d'instruction in futurum que dans l'hypothèse où celle-ci est destinée à fonder une contestation relative à cette saisie et relevant de la seule compétence du juge de l'exécution ; qu'en se bornant à considérer que la saisine du juge de l'exécution constituait un procès pour confirmer l'ordonnance du juge des référés par laquelle il s'était déclaré incompétent sans vérifier ni justifier de ce que la demande de mesure d'instruction in futurum avait pour finalité de fonder une contestation dont aurait eu à connaître le juge de l'exécution au regard de sa compétence d'attribution, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles 145 du code de procédure civile, L. 213-6 du code de l'organisation judiciaire et R. 322-15 du code des procédures civiles d'exécution. »
Réponse de la Cour
5. Il résulte de l'article L. 213-6 du code de l'organisation judiciaire et de l'article R. 121-14 du code des procédures civiles d'exécution que le juge de l'exécution est juge du principal, et qu'il dispose d'une compétence exclusive pour trancher les contestations s'élevant à l'occasion de l'exécution forcée, même si elles portent sur le fond du droit.
6. En conséquence, c'est par une exacte application de ces dispositions, et sans avoir à procéder à d'autres recherches que ses constatations rendaient inutiles, que la cour d'appel a jugé que la saisine de ce juge, à l'occasion de l'engagement d'une saisie immobilière, faisait obstacle à la compétence d'un juge des référés, saisi sur le fondement de l'article 145 du code de procédure civile, pour ordonner une mesure d'instruction qui, portant sur les irrégularités alléguées du titre exécutoire fondant les poursuites de saisie immobilière, pouvait avoir une incidence sur l'issue de cette procédure.
7. Le moyen n'est, dès lors pas fondé.
PAR CES MOTIFS, la Cour :
REJETTE le pourvoi.