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Décisions

Cass. 3e civ., 16 février 2022, n° 21-11.926

COUR DE CASSATION

Arrêt

Rejet

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme Teiller

Rapporteur :

M. Jacques

Avocat général :

M. Burgaud

Avocats :

SCP Rocheteau et Uzan-Sarano, SCP Le Bret-Desaché

Paris, du 10 déc. 2020

10 décembre 2020

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Paris, 10 décembre 2020), la société Cogedim Paris métropole (la société Cogedim), qui souhaitait réaliser une opération de démolition et de construction sur des parcelles lui appartenant, a saisi le président du tribunal judiciaire sur le fondement de l'article 145 du code de procédure civile afin d'obtenir la désignation d'un expert chargé d'établir un état descriptif et qualitatif des propriétés riveraines du chantier et de déterminer, le cas échéant, les désordres qui pourraient être imputables aux travaux.

2. La société GRDF, qui exploitait une canalisation de gaz à proximité des travaux envisagés, s'est opposée à cette demande et a sollicité sa mise hors de cause.

Examen du moyen

Enoncé du moyen

3. La société GRDF fait grief à l'arrêt de rejeter ses demandes et d'ordonner une mesure d'expertise, alors :

« 1°/ que l'obligation du maître d'ouvrage de mettre en oeuvre la procédure de déclaration et de suivi de travaux applicable aux ouvrages construits à proximité de réseaux enterrés, qui a pour objet de prévenir le risque d'endommagement de ces réseaux, exclut de solliciter une expertise préventive à même fin ; qu'en décidant le contraire, la cour d'appel a violé l'article 145 du code de procédure civile, ensemble les articles L. 554-1 et suivants et R. 554-1 et suivants du code de l'environnement ;

2°/ qu'une expertise ne peut être ordonnée avant tout procès que s'il est justifié d'un motif légitime d'y recourir ; qu'en l'espèce, la société GRDF faisait valoir que, dès lors que la procédure de déclaration et de suivi applicable aux ouvrages réalisés à proximité d'un réseau enterré est respectée, la mesure d'expertise ordonnée à titre préventif ne permet pour son demandeur d'obtenir aucune information qu'il n'aurait pas déjà obtenue de l'exploitant du réseau concerné, de sorte que l'expertise sollicitée était inutile et comme telle dépourvue de tout motif légitime ; qu'en retenant que l'expertise sollicitée présentait une utilité suffisante en ce qu'elle permettrait à la société Cogedim de discuter des éventuels désordres occasionnés aux installations de la société GRDF, sans rechercher, comme il lui était demandé, si la procédure DT/DICT organisée par le code de l'environnement ne lui fournissait pas déjà les mêmes moyens, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 145 du code de procédure civile, ensemble les articles L. 554-1 et suivants et R. 554-1 et suivants du code de l'environnement ;

3°/ qu'une expertise ne peut être ordonnée avant tout procès que s'il est au moins justifié d'une possibilité de litige en lien avec la mesure sollicitée ; qu'en l'espèce, la société GRDF rappelait que la procédure DT/DICT organisée par le code de l'environnement avait déjà pour objet de déterminer les éventuelles responsabilités des intervenants en cas d'endommagement de réseaux enterrés survenu à l'occasion de travaux de construction ; qu'elle expliquait à cet égard que ces dispositions excluaient que les éventuelles responsabilités encourues puissent dépendre de circonstances étrangères aux informations devant être échangées entre les parties au cours de cette procédure ; qu'en se bornant à observer que l'existence de la procédure DT/DICT n'interdisait pas aux parties prenantes d'agir ensuite en responsabilité, sans rechercher, comme il lui était demandé, si l'issue de cette action en responsabilité n'était pas entièrement déterminée par la mise en oeuvre des obligations jalonnant cette procédure, excluant ainsi l'existence d'un litige qui n'en procéderait pas, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 145 du code de procédure civile, ensemble les articles L. 554-1 et suivants et R. 554-1 et suivants du code de l'environnement ;

4°/ que compte tenu de la soumission du maître d'ouvrage et de l'exploitant du réseau de distribution de gaz à la procédure obligatoire de déclaration et de suivi prévue par le code de l'environnement afin de prévenir le risque d'endommagement de ce réseau, l'expertise ordonnée à l'effet de déterminer les éventuelles conséquences pour le voisinage des démolitions effectuées par le maître d'ouvrage ne peut concerner l'exploitant du réseau ; qu'en refusant en l'espèce de mettre la société GRDF hors de cause dans une procédure d'expertise qui visait à identifier les éventuels dommages causés par les travaux de destruction aux ouvrages environnants, la cour d'appel a violé, par refus d'application, les articles L. 554-1 et suivants et R. 554-1 et suivants du code de l'environnement. »

Réponse de la Cour

4. La cour d'appel a relevé, par motifs propres et adoptés, que l'expertise judiciaire n'avait ni pour objet, ni pour effet, de permettre aux entreprises de travaux publics de déroger aux dispositions impératives des articles L. 554-1 à L. 554-4 et R. 554-1 à R. 554-39 du code de l'environnement, qui avaient été respectées en l'espèce par la société Cogedim et qu'elle n'avait pas pour objet de contourner la réglementation prévue par ces dispositions pour les travaux effectués à proximité des ouvrages souterrains, aériens ou subaquatiques.

5. Elle a retenu que la société GRDF, qui exploitait des canalisations de gaz situées dans ou à proximité de l'emprise des travaux projetés par la société Cogedim, pouvait, nonobstant cette réglementation, solliciter des mesures indemnitaires en cas de dommages causés aux ouvrages qu'elle exploitait, que la société Cogedim pouvait également agir en indemnisation et que, si la société GRDF soutenait que l'éventualité d'un litige dépendait uniquement du respect de la réglementation, la détermination des responsabilités et des préjudices pouvait être liée à d'autres éléments de fait et de droit.

6. La cour d'appel qui, par motifs propres et adoptés, a estimé, dans l'exercice de son pouvoir souverain d'appréciation, que la société Cogedim justifiait du motif légitime requis par l'article 145 du code de procédure civile, et retenu, à bon droit, que la réglementation relative aux travaux effectués à proximité des ouvrages souterrains, aériens ou subaquatiques n'excluait pas la possibilité d'engager une procédure de référé préventif, en a exactement déduit, procédant aux recherches prétendument omises, qu'il y avait lieu d'ordonner la mesure d'instruction et de rejeter la demande de mise hors de cause présentée par la société GRDF.

7. Elle a ainsi légalement justifié sa décision.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

REJETTE le pourvoi.