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Décisions

CA Besançon, 2e ch. com., 17 février 2010, n° 08/01619

BESANÇON

Arrêt

Confirmation

PARTIES

Demandeur :

Roger Martin (SA), Febvre

Défendeur :

Les Carrières de Noroy (SARL)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Sanvido

Conseillers :

M. Polanchet, Mme Theurey-Parisot

Avoués :

Me Graciano, SCP Dumont - Pauthier

Avocats :

Me Nicod, Me Maillard

T. com. Vesoul-Gray, du 23 mai 2008, n° …

23 mai 2008

FAITS ET PRETENTIONS DES PARTIES

Vu le jugement du 23 mai 2008 aux termes duquel le Tribunal de Commerce de Vesoul, après avoir mis hors de cause la SCP LAUREAU-JEANNEROT ancien administrateur provisoire de la SARL LES CARRIERES DE NOROY, a débouté la SA ROGER MARTIN et Jacques FEBVRE de leur demande en nullité de la délibération de l'assemblée générale extraordinaire des associés de cette société en date du 12 septembre 2007, présentée par les demandeurs susnommés sur le fondement des articles L 235-1 et L 235-2-1 du Code de Commerce ;

Vu la déclaration d'appel déposée au greffe de la Cour le 26 juin 2008 par la SA ROGER MARTIN et Jacques FEBVRE ;

Vu les dernières conclusions des parties, du 14 mai 2009 (pour les appelants), et 30 septembre 2009 (pour la SARL LES CARRIERES DE NOROY, intimée), auxquelles il est expressément référé en application de l'article 455 du code de procédure civile pour l'exposé de leurs prétentions respectives et de leurs moyens ;

Vu l'ordonnance de clôture du 5 novembre 2009 ;

Vu les pièces régulièrement produites ;

SUR CE

La recevabilité de l'appel, interjeté dans les formes légales, n'est pas discutée.

Il est constant que la SARL LES CARRIERES DE NOROY, constituée le 17 juillet 2001 entre Jacques FEBVRE (à hauteur de 15 parts sur 500), la SA ROGER MARTIN (75 parts) et 4 membres de la famille BOURNIQUEZ (respectivement 175, 105, 105 et 25 parts) a obtenu l'autorisation d'ouvrir une carrière à [...] ; par acte sous seing privé du 24 août 2007, la SARL LES CARRIERES DE NOROY représentée par son gérant Jean-Marie BOURNIQUEZ, a cédé le fonds de commerce ainsi créé à la SARL LES CARRIERES COMTOISES, au prix de 450.000 €, sous diverses conditions suspensives ; les 4 consorts BOURNIQUEZ sont intervenus à cet acte en leur qualité d'associés majoritaires de la SARL LES CARRIERES DE NOROY, s'engageant à réitérer leur accord pour cette cession à l'occasion de l'Assemblée Générale Extraordinaire de la cédante, à réunir ultérieurement ; cette assemblée, tenue le 12 septembre 2007, a adopté une résolution autorisant la cession du fonds, dans les conditions précitées.

Jacques FEBVRE et la SA ROGER MARTIN, associés minoritaires, concluent à la nullité de cette délibération au motif que celle-ci, procédant d'un abus de majorité, est contraire à l'intérêt social et a été prise à leur détriment en privilégiant les intérêts personnels des autres associés, lesquels avaient conclu entre eux une convention de vote illicite, telle qu'elle figure dans le protocole d'accord du 24 août 2007, au surplus signé par le gérant de la SARL LES CARRIERES DE NOROY au-delà de ses pouvoirs.

Il convient d'observer que la Cour n'est pas saisie de la régularité de l'acte du 24 août 2007, et qu'en tout état de cause, à admettre que le gérant ne pouvait valablement décider seul la cession du fonds de commerce, l'Assemblée Générale Extraordinaire du 12 septembre 2007 a été précisément réunie pour délibération sur cette cession, et celle-ci a été approuvée à une majorité représentant plus de 3/4 des parts sociales.

Certes cette majorité a été réunie après que les associés ainsi votant se furent engagés en ce sens, comme ils l'avaient promis à l'article 14 du protocole de cession auquel ils étaient intervenus.

Mais une convention de vote n'est pas en elle-même illégitime, sauf à ce que l'associé qui considérerait être contraint par cette convention à abandonner sa liberté de vote en soulève lui-même l'irrégularité pour y échapper : à l'égard des tiers, la validité de la convention s'analyse par rapport à l'abus de majorité qu'elle caractérise le cas échéant.

Or il n'est pas démontré en l'espèce qu'un tel abus ait été commis, étant rappelé qu'il y a abus de majorité quand une résolution a été prise contrairement à l'intérêt général de la société et dans l'unique dessein (souligné par la Cour) de favoriser les membres de la majorité au détriment de la minorité.

En effet les effets de la cession du fonds de commerce étaient identiques pour tous les associés, minoritaires et majoritaires : il est pour le moins paradoxal de la part des appelants, de reprocher aux consorts BOURNIQUEZ d'avoir choisi la cession du fonds, moins avantageuse pour eux que celle de leurs parts sociales - ce qui revient à dire que loin de se privilégier, les associés majoritaires se seraient au contraire volontairement sanctionnés.

Il est vrai que Jacques FEBVRE et la SA ROGER MARTIN imputent aux consorts BOURNIQUEZ la volonté de les priver des fruits de leur participation au développement de la société ; mais aucun élément de preuve n'étaye leurs allégations quant au fait que, dès la création de la SARL LES CARRIERES DE NOROY, il était entendu qu'eux-mêmes rachèteraient à terme les parts de la famille BOURNIQUEZ ; bien plus, alors que des pourparlers ont eu lieu en 2006, la seule proposition émanant de la SA ROGER MARTIN (lettre du 9 août 2006) portait sur un achat 'de la totalité de votre carrière, y compris le matériel de concassage, groupes électrogènes, bascule et chargeur, mais non compris pelles, camions de chantier, bull, etc ', ce qui, si les mots ont un sens, ne s'entendait pas d'une offre d'achat de parts ; au demeurant cette offre n'était pas chiffrée, et la SA ROGER MARTIN ne saurait présenter comme une preuve recevable une attestation émanant de son directeur général, pour faire accroire qu'elle aurait proposé en septembre 2006 le rachat des parts BOURNIQUEZ - le même directeur général étant le signataire de la lettre du 9 août 2006 ; enfin les appelants n'ont pas réagi après l'assemblée générale des associés du 25 juin 2007, au cours de laquelle le gérant a annoncé d'une part que le développement du site générait des besoins de trésorerie et de renouvellement de matériel, d'autre part qu'il envisageait de prendre rapidement sa retraite et examinait toutes les perspectives d'avenir du site : leur seule proposition, alors même qu'ils ont été avertis le 9 août 2007du projet de protocole d'accord précité, date du 10 septembre 2007, soit après la signature dudit protocole.

Les associés bénéficiaient, aux termes des statuts de la SARL CARRIERES DE NOROY d'un droit à s'opposer à l'agrément d'un cessionnaire extérieur en acquérant eux-mêmes les parts sociales pour un prix fixé à dires d'expert.

Cette stipulation n'interdisait cependant pas la vente du fonds de commerce.

Il n'est pas contesté que si l'objet social de la SARL LES CARRIERES DE NOROY s'étendait à l'exploitation de carrières en général, la cession du fonds de commerce entraînait la cessation de fait de l'activité, limitée au site de NOROY LE BOURG.

Une telle décision n'est cependant pas en elle-même contraire à l'intérêt social, et en l'espèce elle ne l'était pas, compte tenu de la situation de l'entreprise, qui ne disposait plus d'un outil de production efficient, ainsi qu'il ressort de l'inspection effectuée en novembre 2007 par la DRIRE, cet organisme ayant relevé un ensemble de non-conformité graves conduisant à une interdiction préfectorale de l'utilisation de l'installation de traitement des matériaux et des pistes de circulation.

En conséquence, la confirmation du jugement entrepris s'impose.

Les appelants, qui succombent, supportent les dépens, leurs propres frais, et ceux que l'intimée a engagés, à hauteur de 2.000 €.

PAR CES MOTIFS

LA COUR, statuant publiquement, par arrêt contradictoire, après en avoir délibéré,

DECLARE l'appel recevable mais mal fondé,

CONFIRME le jugement prononcé par le Tribunal de Commerce de Vesoul le 23 mai 2008, en toutes ses dispositions,

Y ajoutant,

CONDAMNE in solidum Jacques FEBVRE et la SA ROGER MARTIN à payer à la SARL LES CARRIERES DE NOROY la somme de DEUX MILLE EUROS (2.000 €) en application de l'article 700 du code de procédure civile,

CONDAMNE in solidum Jacques FEBVRE et la SA ROGER MARTIN aux dépens avec possibilité de recouvrement direct au profit de la SCP DUMONT-PAUTHIER, avoué, conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.