CA Angers, ch. com. A, 6 septembre 2022, n° 19/00938
ANGERS
Arrêt
Confirmation
PARTIES
Demandeur :
Itec Production (SAS)
Défendeur :
Epsilon (SAS)
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
Mme Corbel
Conseillers :
Mme Robveille, M. Benmimoune
Avocats :
Me Boisnard, Me Laugery, Me Finocchiaro, Me Migne
FAITS ET PROCÉDURE
La société (SASU) Epsilon est spécialisée dans la confection sur mesure de produits et de structures en tôle industrielle.
La société (SAS) Itec Production exploite une activité de conseil, conception, intégration et production d'ensembles d'appareillages basse-tension, de commande et de distribution électrique basse tension, tableau général basse tension, armoires, coffrets et tableaux électriques, pour l'industrie, les infrastructures et le tertiaire.
Dans le cadre d'un marché dénommé 'Barracuda', marché de futurs sous-marins français, une filiale d'Engie, la société Ineo, s'est rapprochée de la SAS Itec Production pour qu'elle lui fournisse des tableaux électriques.
Pour les besoins de ce marché, la SAS Itec Production a fait appel aux services de la SASU Epsilon pour la fourniture de tableaux d'interface et de coffrets en inox.
Le 31 août 2015, la SASU Epsilon a émis deux offres techniques et financières :
- une offre de prix n°700104 pour l'étude et la fabrication de quinze tableaux et interface en inox avec supports et découpes (1 'TAB Aiguillage EB', 2 'TAB de Quai EB', 2 'TAB RAS EB', 2 'Interface EC', 2 'TAB de Quai AR', 2 'TAB de Quai AR EB-S', 2 'TAB RAS EC', et 2 'TAB RAS EBS') dont les prix variaient en fonction des modèles, pour un prix global de 70.350 euros HT (soit 84.420 euros TTC),
- une offre de prix n°700105 pour l'étude et la fabrication de dix tableaux (1 'CFM/GE Djibouti EAEPI n°3 IP55', 1 'TAB de Quai n°1 EAEPI n°3 IP55', 1 'TAB de Quai n°2 EAEPI n°3 IP55', 1 'TAB de Quai n°3 EAEPI n°3 IP55', 1 'TAB Interface CFM EA IP55', 3 'TAB de Quai AR n°1 2 3 EA IP55', 1 'TAB de RAS n°1 EA IP55', et 2 'TAB de RAS n°2 et 3 EA IP66') dont les prix variaient en fonction des modèles, outre une étude de programmation pour dossier de fabrication, un test 'IP 55 IP 66", une note de calcul 'RDM poste A', et une optimisation 'poste B', pour un prix global de 72.735 euros HT (soit 87.282 euros TTC).
Etant précisé que ces offres faites par la société Epsilon à la société Itec Production précisent qu'elles ne comprennent pas 'tous les éléments non définis au cahier des charges, une note de calcul, l'intégration des équipements électriques, la recette avant expédition, peinture inter en option.'
La SAS Itec Production a retenu ces offres et a versé un acompte de 5.000 euros correspondant à un bon de commande n°31200-2015 sur l'offre n°700158 pour lancement d'étude.
La SAS Itec Production a dressé un bon de commande (n°32451-2015) daté du 19 octobre 2015 faisant référence aux deux offres de prix susvisées, excluant l'optimisation du poste B, et avec application d'une remise de 5%, pour un montant de 130.109,95 euros HT (soit 156.131,94 euros TTC). Il était prévu un délai de livraison au 21 octobre 2015.
Les livraisons se sont échelonnées entre février 2016 et février 2017. La SASU Epsilon a émis plusieurs factures entre le 15 février 2016 et le 13 mars 2017, pour un montant total de 161.960,94 euros TTC. Les factures relatives à ces deux premières offres de prix ont été réglées.
Le 6 octobre 2016, la SASU Epsilon a émis les offres suivantes :
- une offre de prix n°700571 pour des prestations complémentaires sur douze tableaux (2 'tableaux de Quai DIM H 1034 L 1098 P 400", 2 'tableau de Quai EC', 1 'tableau de Quai EB-S', 1 'tableau de Quai AR n°1 EA', 1 'tableau de Quai AR n°2 EA', 1 'tableau de Quai n°3 EA', 2 'tableaux de Quai n°1 AR Servitu, 1 'tableau Inter et Quai EC TSS)', dont les prix variaient en fonction des modèles, outre 'PSE dossier d'étude', pour un prix global de 15.520 euros HT (soit 18.624 euros TTC),
- une offre de prix n°700614 pour des prestations complémentaires sur cinq tableaux (1 'tableau RAS EC AR', 1 'tableau RAS EB-S', 1 tableau 'de Quai L37B', 1 tableau 'de Quai L39A' et 1 'tableau RAS EC AV') dont les prix variaient en fonction des modèles, outre 'PSE dossier de fabrication', pour un prix global de 4.665 euros HT (5.598 euros TTC),
Ces offres précisent que les prestations ne comprenaient pas 'tous les éléments non définis au cahier des charges, l'intégration des équipements électriques ; les nouvelles évolutions après lancement'.
Ces deux offres de prix ont fait l'objet de bons de commandes (respectivement référencés n°BL002838 et n°BL002837) adressés par la SAS Itec Production à la SASU Epsilon le 24 octobre 2016.
Le 31 octobre 2016, la SASU Epsilon a facturé ses prestations pour les montants TTC visés (factures respectives n°FA012020 et n°FA12019), qui ont été réglés après livraison.
La SASU Epsilon a émis de nouvelles offres au titre de nouveaux travaux supplémentaires, pour un montant total de 64.470 euros TTC, soit :
- une offre de prix n°700678 du 30 novembre 2016, pour l'étude et la fabrication de cinq tableaux (1 'tableau RAS n°1 EA', 1 'tableau RAS n°2 AR EA', 1 tableau 'RAS n°3 AV EA', 1 tableau 'RAS AR n°1 Servitude' et 1 'tableau RAS AR n°1') dont les prix variaient en fonction des modèles, outre 'PSE dossier d'étude', pour un prix global de 10.810 euros HT (12.972 euros TTC),
- une offre de prix n°700707 du 23 décembre 2016 pour l'étude et la fabrication de deux tableaux (1 'tableau RAS EX TSS', 1 tableau 'TD RAS AR n°2 MCO'), outre 'PSE dossier de mise à jour' pour un montant global de 3.510 euros HT (4.212 euros TTC),
- une offre de prix n°700715 du 10 janvier 2017 pour l'étude et la fabrication de douze tableaux (1 tableau 'Aiguillage EB', 2 tableaux 'Interface EC R', 2 tableaux RAS EB-S-AV, 1 tableau 'Interface EA EPI3", 1 tableau 'Quai n°1 EA EPI n°3", 1 tableau 'Quai n°2 EA EPI n°3", 1 tableau 'Quai n°3 EA EPI n°3',1 tableau 'Interface EA', 1 tableau 'Inter Aval Mesu', 1 tableau 'Inter Aval EC TSS'), outre 'PSE dossier de mise à jour', pour un montant global de 59.105 euros HT (soit 70.926 euros TTC),
- après demande de révision de cette dernière offre par la SAS Itec Production, une offre de prix n°700715 du 30 janvier 2017 pour l'étude et la fabrication de dix tableaux (1 tableau 'Aiguillage EB', 2 tableaux 'Interface EC R', 1 tableau RAS EB-S-AV-AR', 1 tableau 'Interface EA EPI3", 1 tableau 'Quai n°1 EA EPI n°3", 1 tableau 'Quai n°2 EA EPI n°3", 1 tableau 'Quai n°3 EA EPI n°3', 1 tableau 'Interface EA', 1 tableau 'Inter Aval Mesu', 1 tableau 'Inter Aval EC TSS'), outre 'PSE dossier de mise à jour', pour un montant global de 53.725 euros HT (soit 64.470 euros TTC).
Le 6 avril 2017, la SASU Epsilon a dressé trois factures, pour un montant global de 84.792 euros TTC :
- une facture n°FA012382 (renvoyant à la référence 32451-2015/518315-01 du 19 janvier 2015 et à un bon n°002906/021 du 6 avril 2017) pour un montant total de 77.622 euros TTC,
- une facture n°FA01283 (renvoyant à la référence 12616-2016/518315-04 du 29 avril 2016 et à un bon n°003378/011 du 6 avril 2017) pour un montant total de 1.302 euros TTC,
- une facture n°FA01284 (renvoyant à la référence 9616-2016/518315-03 du 22 mars 2016 et à un bon n°003316/007 du 4 avril 2017) pour un montant total de 5.868 euros TTC.
La SASU Epsilon a admis une erreur de facturation dès lors que figuraient des prestations relevant de l'offre de prix n°700614 du 6 octobre 2016 déjà acquittées par la SAS Itec Production) à savoir les trois premières lignes de la facture n°FA012382 pour un montant de 4.480 euros HT (5.376 euros TTC avec TVA de 20%) et les deux premières lignes de la facture n°FA01283 au titre d'un avoir de 1.865 euros HT (2.238 euros TTC avec TVA de 20%), de sorte que la somme lui étant due était selon elle de 81.654 euros TTC.
La SAS Itec Production, contestant avoir validé ces dernières offres de prix et contestant le montant des prestations qu'elle a estimé incohérents avec le coût des précédentes, a proposé à la société Epsilon par mails et courriers de régler des sommes moindres. Elle lui a aussi imputé un retard dans les livraisons. La SASU Epsilon a maintenu sa réclamation.
Les parties ont aussi échangé quant à un nettoyage par la SASU Epsilon des tableaux livrés.
Par lettre recommandée avec accusé de réception du 21 avril 2017, la SASU Epsilon, constatant que ces trois dernières factures du 6 avril 2017 demeuraient impayées, a indiqué à la SAS Itec Production que celle-ci s'était engagée à ne pas se dessaisir de la marchandise qu'elle lui avait fournie dans son courriel du 2 mars 2017, qu'elle était contrainte de lui rappeler la clause de réserve de propriété présente dans ses factures et lui a demandé de lui restituer, dans leur état d'origine et avant le 2 mai 2017, les marchandises lui appartenant qu'elle a listées en annexe jointe, lui précisant l'adresse d'un lieu de restitution et qu'elle mandatait un transporteur aux frais de celle-ci. Elle a ajouté qu'en cas de défaut de restitution des matériels, elle mettrait tous les moyens à sa disposition, y compris par voie judiciaire, pour obtenir le règlement total de ces marchandises.
Par lettre de son conseil du 21 avril 2017, la SAS Itec Production a contesté le bien-fondé des factures du 6 avril 2017 prétendant ne pas avoir donné son accord sur les prix, a contesté l'opposabilité de la clause de réserve de propriété, et a mis en demeure la SASU Epsilon d'avoir à se positionner sur l'indemnisation du préjudice qu'elle alléguait subir à hauteur de 121.528 euros, du fait d'une prétendue incurie tenant aux retards dans l'exécution des commandes.
En suite de nouveaux échanges entre les parties, la SAS Itec Production a mis en demeure la SASU Epsilon de procéder au nettoyage des traces d'oxydation affectant le matériel livré, par lettre recommandée avec accusé de réception du 15 mai 2017.
Par acte d'huissier du 18 septembre 2017, faute d'accord amiable entre les parties, la SASU Epsilon a fait assigner la SAS Itec Production devant le tribunal de commerce d'Angers, aux fins de voir, aux termes de ses dernières écritures, au vu des articles 1103, 1113, 1199, 1219, 1231 et suivants, 1240 et suivants, 1344-1, 1779 et suivants du code civil, dans leur rédaction issue de l'ordonnance du 11 février 2016, et au vu de la loi n°75-1334 du 31 décembre 1975 :
à titre principal,
- prononcer la nullité du contrat de sous-traitance conclu entre elle et la société Itec Production, en conséquence,
- condamner la société Itec Production à lui payer la somme de 81.654 euros en principal au titre des 3 offres de prix et des 3 factures afférentes, somme assortie des intérêts ay taux légal à compter du jour de la mise en demeure du 21 avril 2017 en application des dispositions de l'article 1344-1 du code civil,
- condamner la société Itec Production à lui payer la somme de 8.000 euros à titre de dommages et intérêts en application des dispositions de l'article 1231-3 du code civil,
subsidiairement,
- dire et juger irrecevable et fondé sa demande et en conséquence,
- condamner la société Itec Production à lui payer la somme de 81.654 euros en principal au titre des 3 offres de prix et des 3 factures afférentes, somme assortie des intérêts au taux légal à compter du jour de la mise en demeure du 21 avril 2017 en application des dispositions de l'article 1344-1 du code civil,
- condamner la société Itec Production à lui payer la somme de 8.000 euros à titre de dommages et intérêts en application des dispositions de l'article 1231-3 du code civil,
sur les demandes reconventionnelles de la société Itec Production,
- dire et juger infondées en toutes ses demandes la société Itec Production et l'en débouter,
en tout état de cause,
- condamner la société Itec Production à lui payer la somme de 6.000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile,
- la condamner aux entiers dépens,
- ordonner l'exécution provisoire de la décision à intervenir, nonobstant appel et sans caution.
En défense, la SAS Itec Production a conclu au débouté de la SASU Epsilon de l'intégralité de ses demandes. Elle a demandé au tribunal de lui donner acte de ce qu'elle offrait de régler à la demanderesse une somme de 28.716 euros au titre des factures litigieuses pour solde de tout compte. Elle a sollicité reconventionnellement la condamnation de la SASU Epsilon à lui payer les sommes de 145.833,61 euros à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice économique subi du fait de ses multiples défaillances, de 10.872,55 euros correspondant au coût du nettoyage non réalisé, de 20.000 euros à titre de dommages et intérêts complémentaires en réparation du préjudice d'image subi, avec compensation entre la somme qu'elle offrait de régler. Elle a demandé en sus la condamnation de la demanderesse à lui régler 6.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile et aux entiers dépens.
Par jugement du 3 avril 2019, le tribunal de commerce d'Angers a :
- débouté la société Epsilon de sa demande à titre principal,
- dit partiellement bien fondée la demande à titre subsidiaire de la société Epsilon,
- condamné la société Itec Production à payer à la société Epsilon la somme de 71.049 euros TTC outre intérêts au taux légal à compter du 21 avril 2017,
- l'a débouté pour le surplus de sa demande,
- a débouté la société Itec Production de ses demandes, fin et conclusions sauf partiellement en ses demandes reconventionnelles,
- condamné la société Epsilon à payer à la société Itec la somme de 10.879,55 euros au titre du nettoyage non réalisé,
- débouté la société Epsilon de sa demande de dommages et intérêts,
- ordonné la compensation entre les sommes dues par la société Itec à la société Epsilon et celles dues par la société Epsilon à la société Itec,
- dit n'y avoir lieu à l'exécution provisoire du présent jugement,
- condamné la société Itec à payer à la société Epsilon la somme de 3.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
- condamné la société Itec aux entiers dépens de l'instance, y compris les frais de greffe taxés et liquidés à la somme de 74,18 euros.
Par déclaration du 13 mai 2019, la SAS Itec Production a interjeté appel de ce jugement en ce qu'il a dit partiellement bien fondée la demande à titre subsidiaire de la société Epsilon, en ce qu'il l'a condamnée à payer à la société Epsilon la somme de 71.049 euros TTC outre intérêts au taux légal à compter du 21 avril 2017, en ce qu'il l'a déboutée de ses demandes, fins et conclusions sauf partiellement en ses demandes reconventionnelles, en ce qu'il l'a condamnée à payer à la société Epsilon la somme de 3.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, l'a condamnée aux entiers dépens.
La SASU Epsilon a formé appel incident.
Selon avis du 26 juin 2019, le magistrat de la mise en état de la cour d'appel d'Angers a invité les parties à s'interroger sur l'opportunité de mettre en oeuvre une mesure de médiation judiciaire pour solutionner le litige.
Une partie s'est opposée à la mise en oeuvre d'une telle mesure.
La SAS Itec Production et la SASU Epsilon ont conclu.
MOYENS ET PRÉTENTIONS DES PARTIES :
La SAS Itec Production entend voir la cour :
vu les articles 1103, 1104, 1113, 1165, 1231-1 et 1583 du code civil,
- dire et juger la société Itec recevable et fondée en son appel et en ses demandes,
en conséquence,
- infirmer le jugement en ce qu'il a :
* dit partiellement bien fondée la demande à titre subsidiaire de la société Epsilon,
* condamné la société Itec Production à payer à la société Epsilon la somme de 71.049 euros TTC outre intérêts au taux légal à compter du 21 avril 2017,
* débouté partiellement la société Itec Production de ses demandes, fins et conclusions,
* condamné la société Itec à payer à la société Epsilon la somme de 3.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
* condamné la société Itec aux entiers dépens de l'instance, y compris les frais de greffe taxés et liquidés à la somme de 74,18 euros,
statuant à nouveau sur ces points,
- débouter la société Epsilon de l'intégralité de ses demandes,
- donner acte à la société Itec de ce qu'elle offrait de régler à la société Epsilon une somme de 28.716 euros TTC au titre des factures litigieuses pour solde de tout compte,
- condamner la société Epsilon à payer à la société Itec une somme de 145.833,61 euros à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice économique subi du fait de ses multiples défaillances,
- condamner la société Epsilon à payer à la société Itec une somme de 20.000 euros à titre de dommages et intérêts complémentaires en réparation du préjudice d'image subi,
- ordonner la compensation entre la somme que la société Itec est offrante de régler et les sommes au paiement desquelles la société Epsilon sera condamnée,
- condamner la société Epsilon à payer à la société Itec une somme de 3.000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile au titre de l'instance devant le tribunal de commerce,
- condamner la société Epsilon aux entiers dépens de première instance,
- confirmer le jugement pour le surplus,
en toute hypothèse,
- condamner la société Epsilon à payer à la société Itec une somme de 6.000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile,
- condamner la société Epsilon aux entiers dépens qui seront recouvrés conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.
La SASU Epsilon sollicite de la cour qu'elle :
- déclare la société Epsilon recevable et bien fondée, et en conséquence,
- confirme le jugement entrepris sauf en ce qu'il a :
* à titre principal, refusé de prononcer la nullité du contrat de sous-traitance liant les sociétés Epsilon et Itec Production,
* dit partiellement fondée la demande à titre subsidiaire de la société Epsilon,
* débouté la société Epsilon de sa demande de dommages et intérêts, et
* condamné la société Epsilon à payer à la société Itec Production la somme de 10.879,55 euros TTC au titre du nettoyage non réalisé,
et statuant de nouveau,
principalement,
- prononcer la nullité du contrat de sous-traitance conclu entre la société Epsilon et la société Itec Production, en conséquence,
- condamner la société Itec Production à lui payer la somme de 81.654 euros en principal au titre des trois offres de prix et des trois factures afférentes, somme assortie des intérêts au taux légal à compter du jour de la mise en demeure du 21 avril 2017 en application des dispositions de l'article 1344-1 du code civil,
- condamner la société Itec Production à lui payer la somme de 8.000 euros à titre de dommages et intérêts en application des dispositions de l'article 1231-3 du code civil,
subsidiairement,
- condamner la société Itec Production à lui payer la somme de 81.654 euros en principal au titre des trois offres de prix et des trois factures afférentes, somme assortie des intérêts au taux légal à compter du jour de la mise en demeure du 21 avril 2017 en application des dispositions de l'article 1344-1 du code civil,
- condamner la société Itec Production à lui payer la somme de 8.000 euros à titre de dommages et intérêts en application des dispositions de l'article 1231-3 du code civil,
en tout état de cause,
- condamner la société Itec Production à payer la somme de 6.000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile,
- condamner la société Itec Production aux entiers dépens.
Pour un plus ample exposé des prétentions et moyens des parties il est renvoyé, en application des dispositions des articles 455 et 954 du Code de procédure civile, à leurs dernières conclusions respectivement déposées au greffe :
- le 14 janvier 2022 pour la SAS Itec Production,
- le 17 octobre 2019 pour la SASU Epsilon.
MOTIFS DE LA DECISION
Sur la qualification du contrat et la détermination du prix
La société Epsilon reproche aux premiers juges de ne pas avoir retenu que le contrat liant les parties s'analyse en un contrat de sous-traitance en ne tirant pas les conséquences légales des éléments qu'ils constataient et qui mettaient en évidence, selon elle, que la Délégation générale pour l'Armement était maître de l'ouvrage, la société INEO était entreprise principale, la société Itec Production était sous-traitante de premier rang et que la société Epsilon était sous-traitante de second rang, tenant à ce que la société INEO était donneur d'ordre vis à vis de la société Itec Production et à l'origine des modifications ou travaux supplémentaires ayant pour objet d'adapter les tableaux aux évolutions du projet, que la société Itec Production liait les conditions tarifaires de la société Epsilon à la validation par la société INEO des prix qu'elle lui proposait sur la base de ceux fixés avec la société Epsilon.
Partant de ce qu'il s'agit d'un contrat de sous-traitance, la société Epsilon en demande l'annulation pour non-respect des dispositions des articles 3, 6 et 14 de la loi du 21 décembre 1975, notamment à défaut pour la société Itec Production de lui avoir fourni une caution personnelle ou une délégation de paiement pour garantir le paiement de ses prestations.
Par suite, elle estime que la société Itec Production lui est redevable des sommes déboursées et des charges qu'elle a supportées correspondant, selon elle, au montant de sa créance impayée, soit la somme de 81 645 euros TTC.
La société Itec Production fait observer que l'annulation d'un contrat de sous-traitance, qualification qu'elle conteste, conduit à ce qu'elle demande, à savoir, évaluer la prestation réalisée à sa juste valeur en rappelant, en outre, que l'annulation d'un contrat de sous-traitance n'empêche pas l'entreprise principale de mettre en jeu la responsabilité de sa co-contractante.
Subsidiairement, la société Epsilon soutient que, contrairement à ce qu'a retenu le tribunal pour minorer la condamnation de la société Itec Production, le contrat liant les parties n'est pas un contrat de vente mais un contrat d'entreprise, ce dont elle déduit que ses prétentions sont bien fondées en application des règles relatives à ce contrat selon lesquelles en l'absence d'accord sur le prix, il appartient au juge de fixer la rémunération compte tenu des éléments de la cause, et qui auraient été codifiées par l'article 1165 du code civil dans sa version issue de l'ordonnance du 10 février 2016, lequel prévoit qu'en l'absence d'accord sur le prix, celui-ci peut être valablement fixé unilatéralement par le créancier et que ce n'est qu'en cas d'abus que la partie débitrice peut saisir le juge aux fins de détermination du prix idoine en fonction des différents éléments de la cause. Elle affirme que les prix n'ont aucunement été fixés abusivement mais sont justifiés par les prestations réalisées. Elle affirme que des tableaux exécutés l'ont été après diverses améliorations et modifications pouvant, notamment, résider en une augmentation de leur dimension, ce qui représente un coût supplémentaire que la société Itec Production doit supporter.
En revanche, elle approuve les premiers juges d'avoir retenu que les prestations supplémentaires faisant l'objet des factures litigieuses ont été approuvées par la société Itec Production. Elle indique que pour répondre aux nouvelles exigences de cette société, elle a procédé de la même façon que pour les offres de prix du 6 octobre 2010, à savoir qu'elle exécutait les travaux supplémentaires et, à la fois, émettait les offres de prix afférentes, en prétendant qu'il était convenu entre les parties que les prestations étaient exécutées sur le fondement d'offres de prix qui seraient régularisés par la suite par la société Itec Production et qu'elles ont été livrées à la société Itec Production avant même qu'elle ait eu le temps de formaliser une offre de prix.
La société Itec Production invoque, en premier lieu, la mauvaise foi de la société Epsilon en lui reprochant d'avoir adopté un comportement contraire aux prescriptions de l'article 1104, nouveau, du code civil pour ne pas avoir respecté le schéma contractuel que les parties avaient, selon elle, suivi jusqu'alors en lui faisant grief d'avoir fait le choix de réaliser les prestations visées aux offres de prix et d'avoir, ainsi, unilatéralement fixé les prix, sans avoir préalablement obtenu de bon de commande ni d'accord de sa part sur les prix, la privant du pouvoir de les négocier, alors que les prix négociés avec Epsilon influaient sur ses propres prix qu'elle négociait avec Ineo et que, pour l'équilibre général du marché conclu avec cette dernière, il était essentiel qu'elle puisse négocier avec Ineo les prix de ses prestations avant de passer commande à la société Epsilon et d'ajuster en conséquence les prix avec cette dernière. Elle estime que la mauvaise foi de la société Epsilon en ce qu'elle tente de lui imposer des prix unilatéralement fixés devrait la priver du paiement des sommes réclamées.
Elle approuve les premiers juges d'avoir retenu la qualification de contrat de vente mais les critique pour ne pas en avoir tiré les conséquences juridiques en l'absence d'accord sur le prix, et d'avoir, notamment, regardé les factures litigieuses comme portant sur des prestations fournies dans le prolongement des commandes initiales et non pas comme relevant de nouvelles commandes.
Elle soutient qu'eu égard au consensualisme qui préside à la formation des contrats, qu'il s'agisse d'un contrat de vente ou d'entreprise, le prix de travaux supplémentaires ne peut lui être réclamé sans qu'elle les ait commandés et que, s'agissant de la détermination du prix, s'il a été jugé que l'accord préalable sur le coût des travaux n'est pas un élément essentiel au contrat de louage d'ouvrage, le nouvel article 1165 du code civil, qui pose les règles de détermination du prix à défaut d'accord des parties, fait de l'accord des parties le principe. Elle fait valoir qu'à la lecture des dispositions de ce texte, c'est à celui qui a imposé un prix d'en démontrer le bien-fondé. Elle prétend que la société Epsilon ne fait que reprendre les chiffres de ses offres sans la moindre justification, laquelle ne peut résulter de ce que son co-contractant a tenté de répercuter ces prix sur son donneur d'ordre, d'autant moins que dans le cas présent, la société Ineo a refusé les prix qu'elle lui proposait.
Elle estime que le prix doit être fixé à la juste valeur des prestations, en cohérence avec les prix pratiqués pour les précédentes commandes, ce qui la conduit à proposer la somme de 23 930 euros HT, comme elle l'avait fait dans son mail du 5 avril 2017.
Sur ce,
Sur la nature du contrat
L'article 1er de la loi du 31 décembre 1975 définit la sous-traitance dans les termes suivants : 'Au sens de la présente loi, la sous-traitance est l'opération par laquelle un entrepreneur confie par un sous-traité, et sous sa responsabilité, à une autre personne, appelée 'sous-traitant', l'exécution de tout ou partie du contrat d'entreprise ou d'une partie du marché public conclu avec le maître de l'ouvrage'.
Ainsi, la sous-traitance implique la succession au moins de deux contrats d'entreprise.
Dans le cas présent, il n'est donné aucune précision sur la nature du contrat liant la société Itec Production à Inéo. De même, il n'est pas établi ni d'ailleurs prétendu que le marché principal serait un contrat d'entreprise et non une vente à livrer.
Il s'ensuit qu'il n'est pas démontré par la société Epsilon qu'elle aurait la qualité de sous-traitante au sens de la loi du 31 décembre 1975, ce que le seul fait qu'elle réalise à la demande de la société Itec Production certaines prestations pour l'exécution du contrat qui lie celle-ci à Inéo est insuffisant à démontrer.
En outre, comme le fait valoir la société Itec Production, la nullité d'un contrat de sous-traitance ne permet pas à l'entreprise ayant exécuté les travaux d'en demander le prix mais seulement d'être indemnisée sur la base du coût réel des travaux réalisés sans égard au prix réclamé, comme le fait la société Epsilon.
Les offres de prix litigieuses ont été présentées à partir des demandes de la société Itec Protection et ont même été discutées par celle-ci pour l'offre portant le n°700715 (mail du 16 janvier 2017), ce qui a conduit la société Epsilon à modifier son offre pour, notamment, ramener le prix d'un tableau RAS EB-S-AV-AR à 2 050 euros même si elle a maintenu le prix du 'PSE- Dossier de mise à jour' à 12 950 euros malgré la demande de réduction de ce poste par la société Itec Production.
Dans une lettre du 24 février 2017, la société Epsilon rappelle à la société Itec Production que cette dernière a validé les prestations en cause qui correspondent à des modifications majeures par rapport aux commandes d'origine et lui demande, en conséquence, de lui adresser les commandes en retour. En réponse, il est produit un mail du 2 mars 2017 de la société Itec Production qui, sur le fond, loin de contester avoir validé les prestations, indique attendre de trouver un accord qui lui permettra d'être indemnisée des évolutions du marché et qu'une rencontre avec Inéo était organisée à ce sujet.
La société Itec Production a, d'ailleurs, accepté les tableaux et coffrets qui lui ont été livrés sans réserve de sa part.
Ainsi, même si la société Itec Production souhaitait pouvoir négocier les prix avec la société Ineo pour pouvoir conserver ses marges avant de s'engager sur les prix des prestations qu'elle commandait à la société Epsilon, il n'en reste pas moins que les prestations qui font l'objet de la demande en paiement ont bien été demandées par la société Itec Production et correspondent aux caractéristiques voulues.
Les tableaux exécutés l'ont été selon des caractéristiques définies par la société Itec Production, suivant ses instructions et ses plans descriptifs. Il s'agit de prestations spécifiques adaptées aux exigences de la société Itec Production en vue de répondre aux besoins exprimés par la société Ineo et qui n'étaient donc pas déterminées d'avance par le fabricant.
Il en résulte que le contrat liant les parties n'est pas un contrat de vente comme l'ont retenu les premiers juges mais un contrat d'entreprise.
Et les parties étant d'accord sur les éléments essentiels des prestations faisant l'objet de la réclamation de la société Epsilon, un contrat d'entreprise a été valablement formé entre elles se rapportant à cet objet.
En effet, le contrat d'entreprise, contrat consensuel, est valablement formé par l'échange des consentements, même tacite, sur les éléments essentiels de la prestation sans qu'un accord sur le prix ne soit nécessaire.
Les trois factures litigieuses concernant des travaux supplémentaires qui n'ont pas été commandés avant le 1er octobre 2016, l'article 1165 du code civil dans sa version issue de l'ordonnance du 10 février 2016 est applicable au litige. Ce texte dispose que 'dans les contrats de prestation de service, à défaut d'accord des parties avant leur exécution, le prix peut être fixé par le créancier, à charge pour lui d'en motiver le montant en cas de contestation. En cas d'abus dans la fixation du prix, le juge peut être saisi d'une demande en dommages et intérêts'. Ainsi, ce nouveau texte applicable, pour un contrat de prestation de service, comme en l'espèce, ne modifie pas la règle selon laquelle l'accord sur le prix n'est pas nécessaire à la formation de ce type de contrat.
Sur la détermination du prix
Comme l'ont justement relevé les premiers juges, au vu des mails produits, la société Epsilon n'a pas réalisé ses prestations sans avoir préalablement échangé avec la société Itec Protection tant sur les caractéristiques des biens à fabriquer que sur leur prix.
Et contrairement à ce que prétend la société Itec Production, il n'est pas démontré que les parties auraient contractualisé les différentes étapes de commande et aurait fait nécessairement dépendre le prix des prestations fournies par la société Epsilon de la négociation que pouvait engager la société Itec Production sur ses propres prix. Il sera d'ailleurs fait remarquer que les tableaux ayant fait l'objet d'offres de prix du 6 octobre 2016 suivies, le 24 octobre 2016, d'une commande, ont été facturés le 31 octobre suivant après livraison, ce qui laisse penser que la fabrication avait débuté avant même la validation écrite de la commande.
Il ressort des éléments versés au débat que les tableaux demandés par la société Itec Protection ont fait l'objet d'évolutions, que la société Epsilon se devait de rattraper les retards de production et que la société Itec Production indique elle-même dans un mail du 5 avril 2017, pour le lui reprocher, que la société Epsilon a attendu de réaliser les coffrets pour les facturer n'étant pas en mesure de connaître, à l'avance, le coût de ses prestations.
Dans ces conditions, il ne saurait être retenu que la société Epsilon a agi de mauvaise foi en voulant mettre sa partenaire devant le fait accompli en démarrant la fabrication avant d'avoir obtenu la validation des commandes par un écrit.
En outre, la mauvaise foi ne peut être invoquée par une partie pour échapper aux obligations essentielles du contrat.
En l'absence de prix convenu dans un contrat d'entreprise, il revient au juge de le fixer en considération des éléments de la cause.
La société Epsilon, pour justifier le prix demandé, expose que chaque tableau est unique, que certains tableaux ont connu cinq versions avant leur versions définitives et que les prestations dites 'dossier mise à jour' correspondent à des études et programmation pour le dossier de fabrication ainsi qu'à des études d'optimisation et proposition d'amélioration pour respecter les critères de dimensionnement, telles que figurant dans les offres de prix initiales, qu'il a fallu réactualiser à la suite des modifications apportées par la société Itec Production. Elle estime que loin d'être fantaisiste, ce prix a été fixé selon le nombre de tableaux concernés, la difficulté de reconfiguration, le coût de la matière première supplémentaire et le nombre de modifications intervenues ; qu'ainsi, par exemple, la prestation 'PSE' fixée à 12 950 euros HT dans l'offre n° 700715 comportait cette prestation de reprise et de mise à jour pour dix tableaux. Elle ajoute que les prix ne sauraient être jugés abusifs puisque la société Itec Production les a repris en y ajoutant sa marge dans les devis soumis à son donneur d'ordre.
La société Itec production prétend que les prix ressortant des offres litigieuses ne sont pas cohérents avec ceux pratiqués lors des précédentes commandes et accuse la société Epsilon de faire une sur-facturation pour les travaux supplémentaires afin de se rattraper d'une sous-évaluation du coût de ses prestations antérieures.
Elle demande de réduire de moitié les prix de toutes les prestations supplémentaires, comme elle l'avait proposé dans son mail du 5 avril 2017, de sorte qu'elle ne serait plus redevable que de la somme de 23 930 euros, sans étayer autrement cette prétention, d'autant moins qu'elle a validé les offres de prix du 6 octobre 2016 par une commande du 24 octobre 2016 et n'apporte aucun élément de fait ni de droit lui permettant d'obtenir la révision de ces prix convenus.
S'agissant, en premier lieu, des prix des tableaux qui font l'objet de la demande en paiement, force est de constater que, s'ils étaient apparus abusifs ou anormaux, le préposé de la société Itec Production n'aurait pas manqué de le relever par une annotation comme il l'a fait pour le prix d'un tableau RAS EB-S-AV-AR que la société Epsilon a réduit, par la suite, conformément à la demande du 16 janvier 2017. L'anormalité mise en avant par la société Itec Production avait ainsi été rectifiée dans l'offre finale du 30 janvier 2017.
En outre, les offres de prix n°700715 transmises par mail du 10 janvier 2010 ont été accompagnées d'un tableau retraçant les évolutions des différents tableaux. Ce tableau montre que l'élaboration de ces tableaux est le résultat de modifications par rapport au projet d'origine, notamment à travers des agrandissements.
Au vu des éléments du dossier, des échanges entre les parties, des caractéristiques des tableaux par rapport à ceux précédemment commandés et des prix jusqu'alors convenus, les prix des dix-sept tableaux, dont le paiement est réclamé, variant selon les modèles, sont justifiés.
En second lieu, chacune des trois factures litigieuses comporte un poste 'PSE- Dossier de mise à jour'.
La société Itec Production expose que sur les trois offres de prix, la facturation de 'dossier mise à jour' se monte à un montant de 19 250 euros (3 170 + 3 130 + 12 950) qu'elle qualifie de fantaisiste au regard de ce qui avait été convenu précédemment.
C'est en réalité le poste de 12 950 euros qui est sujet à contestation, les autres étant conformes à ce qui était pratiqué.
Ce poste d'un montant de 12 950 euros sur l'offre de prix n°700715 avait fait l'objet d'une contestation par le préposé de la société Itec Production qui sur la ligne correspondante avait noté 'merci de revoir ce coût si possible qui me paraît élevé', ce à quoi le préposé de la société Epsilon avait répondu par mail du 16 janvier qu'il ne pouvait mieux faire étant très loin d'avoir compté toutes les heures passées. Lorsque la société Epsilon cherchera à obtenir, le 7 février 2017, par écrit la confirmation de la commande, le préposé de la société Itec Protection répondra seulement qu'il attendait le résultat de la discussion avec Inéo sur sa commande de travaux supplémentaires, sans faire d'autres observations sur les différents postes.
Même en tenant compte des évolutions demandés, dont la réalité n'est pas contestée, allongeant le temps d'études, il n'en reste pas moins que le prix demandé est très largement supérieur aux prix qui avaient été précédemment convenus pour ce poste (12 250 euros dans les offres de prix n° 700105 du 31 août 2015 alors qu'étaient fournis au total 25 tableaux, 4 950 euros dans l'offre n° 70051 du 6 octobre 2016 pour 12 tableaux, et 2 050 euros dans celle n° 70014 A pour 4 tableaux).
Dès lors qu'aucune justification concrète n'est apportée par la société Epsilon pour évaluer plus fortement ce poste, il y a lieu de confirmer le jugement en ce qu'il a ramené le prix réclamé dans l'offre n° 700715 de 12 950 euros à 4 112,50 euros HT.
En conséquence, le jugement sera confirmé en ce qu'il a condamné la société Itec Production à payer à la société Epsilon la somme de 71.049 euros TTC euros au titre des trois factures litigieuses, avec intérêts au taux légal à compter de la mise en demeure du 21 avril 2017 en application des dispositions de l'article 1344-1 du code civil.
Sur la demande de dommages et intérêts formée par la société Epsilon
La société Epsilon demande la condamnation de la société Itec Production à des dommages et intérêts d'un montant de 8 000 euros en réparation du préjudice subi résultant de sa réticence dolosive tenant, d'une part, à son refus de s'acquitter de sa dette dont elle aurait prétendument reconnu la réalité dans un mail du 5 avril 2017, pour un motif extérieur à la relation contractuelle tiré du refus de son donneur d'ordre, impropre à le justifier et, d'autre part, au non-respect de l'engagement, donné à la demande de la société Epsilon, de ne pas livrer certains tableaux qui lui appartenaient en vertu d'une clause de réserve de propriété qu'elle entendait mettre en oeuvre.
Mais, outre que n'est caractérisée aucune réticence dolosive de la part de la société Itec Production qui n'a jamais reconnu devoir la somme présentement réclamée et que l'existence d'une clause de réserve de propriété n'est pas établie, il n'est justifié ni même caractérisé d'aucun préjudice autre que le retard de paiement qui est compensé par les intérêts légaux.
Le jugement qui a rejeté ce chef de demande sera confirmé.
Sur la demande reconventionnelle en indemnisation pour retards de livraison et préjudice d'image
La société Itec Production reproche à la société Epsilon d'importants retards de livraison allant jusqu'à 6 semaines et d'avoir fait preuve d'incurie.
Si la société Epsilon s'est engagée à livrer ses prestations dans un certain délai, il ressort des différents mails produits, qu'elle ne les a pas toujours respectés.
Pour autant, il ne résulte d'aucune pièce que les délais convenus auraient présenté un caractère impératif et non pas seulement indicatif.
Au contraire, par exemple, dans son mail du 3 janvier 2017, le préposé de la société Itec Production, s'il fait état de reports de délais par rapport aux prévisionnels de cinq à huit semaines, ne cherche qu'à obtenir une réduction des délais et un argumentaire des raisons de ces reports pour les justifier auprès de son donneur d'ordre qui refuse de nouveaux délais. Il n'en ressort nullement que les dates de livraison auraient été contractualisées, ce qui n'apparaît pas sur les offres de prix ni sur les commandes.
Dans son mail du 11 janvier 2017, la société Epsilon énonce les différentes causes de retard dans la livraison des tableaux tenant à une définition technique des produits approximative, à un processus de validation long et complexe, au passage d'une note de calcul à trois en raison de trois catégories de tableaux au lieu d'une seule. Elle explique les répercussions du retard du démarrage de la fabrication qui en est résulté sur l'organisation du travail et sa capacité de production.
Ces motifs de retard ne sont pas contestés par la société Itec Production.
En conséquence, il n'est pas démontré que les tableaux n'auraient pas été livrés dans des délais raisonnables compte tenu des contraintes auxquelles le fabricant a dû faire face.
En outre, il n'est pas établi que la raison pour laquelle la société Inéo a refusé les devis de la société Itec Protection d'un total de 266 528,01 euros pour n'accepter qu'un montant total de 140 000 euros serait relative aux retards de livraison. Le lien de causalité entre le préjudice invoqué qui correspond à la différence entre ces deux montants et la faute alléguée n'est pas davantage démontré.
En l'absence de faute de la part de la société Epsilon tenant aux délais de livraison, la société Itec Production n'est pas fondée à solliciter l'indemnisation d'un prétendu préjudice d'image.
Le jugement sera donc confirmé en ce qu'il a rejeté la demande d'indemnisation à ce titre.
Sur la demande relative au nettoyage des tableaux
Par mail du 11 janvier 2017, la SASU Epsilon a accepté, après livraison des tableaux, de procéder à leur nettoyage final sur site en raison de l'apparition de traces d'oxydation.
La société Epsilon ne conteste pas avoir pris cet engagement mais, pour s'opposer à la demande de la société Itec Protection en paiement à titre d'indemnisation, invoque l'exception d'inexécution ; subsidiairement, elle estime que le montant réclamé est excessif.
Aux termes de l'article 1219 du code civil, une partie peut refuser d'exécuter son obligation, alors même que celle-ci est exigible, si l'autre n'exécute pas la sienne et si cette inexécution est suffisamment grave.
En application de ce texte, une partie à un contrat synallagmatique est autorisée à suspendre temporairement l'exécution de son obligation tant que son cocontractant n'aura pas lui-même rempli ses engagements corrélatifs en raison de l'interdépendance des obligations réciproques.
Ainsi, l'exception d'inexécution est le droit qu'a chaque partie à un contrat synallagmatique de refuser d'exécuter son obligation tant qu'elle n'a pas reçu la prestation qui lui est due.
L'inexécution par le cocontractant doit être suffisamment grave pour qu'elle puisse être de nature à affranchir temporairement celui qui s'en prévaut, de sa propre obligation.
Les premiers juges, après avoir relevé que l'engagement de la société Epsilon porte sur le nettoyage de l'ensemble des tableaux livrés, au nombre de quarante deux, tandis que le différend qui oppose les parties qui a conduit la société Itec Protection à refuser le paiement réclamé ne porte que sur une partie de ces tableaux, tous fabriqués et livrés, ont considéré que le manquement invoqué n'était pas suffisamment grave pour justifier le refus de nettoyer les tableaux.
La société Epsilon reproche aux premiers juges d'avoir mis sur le même plan une obligation contractuelle essentielle tenant au paiement du prix et une obligation d'exécuter une prestation annexe et accessoire à la fabrication et à la livraison des tableaux s'agissant de défauts purement esthétiques qu'il s'agissait d'éliminer par un simple nettoyage, d'un coût qu'elle a estimé être de 4 368 euros TTC.
Mais les tableaux livrés devaient être exempts de défauts, y compris esthétiques, de sorte que même si les traces de corrosion constatées étaient superficielles, il incombait au fabricant d'y remédier ainsi qu'il s'y était, d'ailleurs, engagé. La société Epsilon ne pouvait s'y soustraire pour les tableaux qui avaient été payés, ce qui représentait la plus grande part.
Dès lors que la société Epsilon obtient la condamnation de la société Itec Protection à exécuter son obligation tenant au paiement du prix des autres tableaux, elle n'est plus fondée à invoquer l'exception d'inexécution pour refuser définitivement d'exécuter sa propre obligation, peu important qu'elle ne soit qu'accessoire à l'obligation principale.
La société Itec Protection justifie avoir fait exécuter la prestation de nettoyage par une autre entreprise et lui avoir payé, à ce titre, la somme de 10 872,46 euros qu'aucun élément ne permet de considérer, comme le prétend la société Epsilon, disproportionnée par rapport aux travaux, ce qu'un simple devis établi par celle-ci ne permet pas de démontrer.
Le jugement sera donc confirmé de ce chef.
Sur les demandes accessoires
La société Itec Protection qui succombe en son appel sera condamnée aux dépens d'appel et à payer à l'intimée la somme de 4 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
PAR CES MOTIFS
La cour, statuant contradictoirement, par arrêt mis à disposition au greffe,
Confirme le jugement ;
Y ajoutant,
Condamne la société Itec Protection aux dépens d'appel ;
Condamne la société Itec Protection à payer à la société Epsilon la somme de 4 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.