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Décisions

CA Basse-Terre, 2e ch. civ., 20 décembre 2021, n° 20/00563

BASSE-TERRE

Arrêt

Infirmation partielle

PARTIES

Demandeur :

MHW (SAS)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme Desjardins

Conseillers :

Mme Cledat, Mme Defoy

T. com. Pointe-à-Pitre, du 15 nov. 2019,…

15 novembre 2019

FAITS ET PROCEDURE

Suivant acte sous seing privé du 25 février 2015, enregistré le même jour au service des impôts des entreprises, M. Bruno W. et son père, M. Guy W., ont constitué la SAS MHW 'Maison Henri W.'.

Guy W. est décédé le 21 juin 2016, laissant pour lui succéder son épouse, Mme Jacqueline Block de F., et ses cinq enfants : Sophie, Caroline, Bruno, Nathalie et Benoist W..

Par acte du 9 février 2018, Mme Jacqueline Block de F., Mme Sophie W., Mme Caroline W., Mme Nathalie W. et M. Benoist W. ont assigné M. Bruno W. et la SAS MHW devant le tribunal mixte de commerce de Pointe-à-Pitre afin principalement :

- de voir annuler les articles 7 et 12 alinéa 6 des statuts de la société, qui consacraient le principe de droits de vote multiples au profit de M. Bruno W.,

- de voir ordonner la rectification de ces clauses afin d'imposer un droit de vote simple,

- à titre subsidiaire :

- de voir ordonner la rectification de l'adoption de ces articles sous astreinte,

- de voir déclarer nulles toutes les assemblées générales de la société MHW,

- de voir annuler l'apport en nature de biens immobiliers effectué par Guy W. en raison d'un vice du consentement.

M. Bruno W. s'est opposé à l'ensemble de ces demandes après avoir contesté l'intérêt à agir des demandeurs.

La SAS MHW n'a quant à elle pas constitué avocat.

Par jugement réputé contradictoire du 15 novembre 2019, le tribunal a :

- dit que les demandeurs avaient intérêt à agir,

- rejeté la fin de non-recevoir soulevée par M. Bruno W.,

- rejeté les demandes tendant à voir déclarer nuls ou non écrits les articles 7 et 12 alinéa 6 des statuts de la SAS MHW,

- ordonné la signature d'actes entre les associés fondateurs (ou leurs ayants-droit) aux fins d'assurer le respect par les statuts des articles L.225-8 et L.225-14 du code de commerce en ce qui concerne les avantages particuliers prévus par les articles 7 et 12 alinéa 6 des statuts de la société MHW, notamment en nommant un commissaire aux apports, puis en ajoutant aux statuts l'évaluation des avantages particuliers, la mention et l'annexion du rapport sur les avantages particuliers,

- déclaré nulles toutes les décisions adoptées par un vote émis par le titulaire des actions de catégorie A prévues par l'article 7 des statuts depuis la constitution de la société jusqu'à la régularisation de la situation,

- dit que les frais de publicité consécutifs à cette régularisation et à ces nullités seraient mis à la charge de la SAS MHW,

- rejeté les demandes d'annulation de l'apport en nature ou de sa publication aux services de la publicité foncière,

- dit n'y avoir lieu à application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile et à exécution provisoire,

- rejeté les autres demandes des parties,

- condamné M. Bruno W. aux entiers dépens.

M. Bruno W. et la SAS MHW ont interjeté appel de cette décision par déclaration remise au greffe de la cour par voie électronique le 7 août 2020, avant toute signification, en demandant l'infirmation des chefs de jugement par lesquels le tribunal a:

- ordonné la signature d'actes entre les associés fondateurs (ou leurs ayants-droit) aux fins d'assurer le respect par les statuts des articles L. 225-8 et L. 225-14 du code de commerce en ce qui concerne les avantages particuliers prévus par les articles 7 et 12 alinéa 6 des statuts de la société MHW, notamment en nommant un commissaire aux apports, puis en ajoutant aux statuts l'évaluation des avantages particuliers, la mention et l'annexion du rapport sur les avantages particuliers,

- dit que toutes les décisions adoptées par un vote émis par le titulaire des actions de catégorie A prévues par l'article 7 des statuts depuis la constitution de la société jusqu'à la régularisation de la situation étaient nulles,

- dit que les frais de publicité seraient à la charge de la SAS MHW,

- dit n'y avoir lieu à indemnité en application de l'article 700 du code de procédure civile.

Les consorts W. ont remis au greffe leur constitution d'intimés par voie électronique le 10 septembre 2020.

L'ordonnance de clôture est intervenue le 07 juin 2021 et les parties ont été autorisées à remettre leurs dossiers au greffe jusqu'au 25 octobre 2021, date à laquelle la décision a été mise en délibéré au 20 décembre 2021.

PRETENTIONS ET MOYENS DES PARTIES

1/ M. Bruno W. et la SAS MHW, appelants :

Vu les dernières conclusions remises au greffe et notifiées par voie électronique le 24 mars 2021 par lesquelles les appelants demandent à la cour :

- de confirmer le jugement déféré en ce qu'il a :

- rejeté la demande d'annulation de l'apport en nature ou de sa publication aux services de la publicité foncière,

- rejeté les demandes tendant à voir déclarer nuls et non écrits les articles 7 et 12 alinéa 6 des statuts de la société MHW,

- d'infirmer le jugement déféré en ce qu'il a :

- ordonné la signature d'actes entre les associés fondateurs (ou leurs ayants-droit) aux fins d'assurer le respect par les statuts des articles L. 225-8 et L. 225-14 du code de commerce en ce qui concerne les avantages particuliers prévus par les articles 7 et 12 alinéa 6 des statuts de la société MHW, notamment en nommant un commissaire aux apports, puis en ajoutant aux statuts l'évaluation des avantages particuliers, la mention et l'annexion du rapport sur les avantages particuliers,

- dit que toutes les décisions adoptées par un vote émis par le titulaire des actions de catégorie A prévues par l'article 7 des statuts depuis la constitution de la société jusqu'à la régularisation de la situation étaient nulles,

- dit que les frais de publicité seraient à la charge de la SAS MHW,

- dit n'y avoir lieu à indemnité en application de l'article 700 du code de procédure civile.

- statuant à nouveau :

- de débouter les intimés de toutes leurs demandes, fins et conclusions,

- de condamner solidairement les intimés à leur payer à chacun la somme de 1.500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, 'dont distraction au profit de la Selasu Jean-Yves B. par application de l'article 700 du code de procédure civile',

- de condamner solidairement les intimés aux entiers dépens.

En application de l'article 455 du code de procédure civile, il convient de se reporter aux dernières conclusions pour un exposé détaillé des prétentions et moyens.

2/ Mme Jacqueline Block de F., Mme Sophie W., Mme Caroline W., Mme Nathalie W. et M. Benoist W., intimés :

Vu les dernières conclusions remises au greffe et notifiées par voie électronique le 14 janvier 2021 par lesquelles les intimés demandent à la cour :

- de confirmer le jugement déféré en ce qu'il a dit qu'ils avaient intérêt à agir et rejeté la fin de non recevoir soulevée par M. Bruno W.,

- à titre principal :

- d'infirmer le jugement déféré en ce qu'il a rejeté les demandes tendant à voir déclarer nuls ou non écrits les articles 7 et 12 alinéa 6 des statuts de la société MHW,

- statuant à nouveau :

- de déclarer nuls ces articles,

- de dire qu'ils seront réputés non écrits,

- de dire que ces clauses seront rédigées de la manière suivante :

- article 7 des statuts 'Capital social':

'Bruno W. souscrit ....2.500 € représentant ... 25 actions de 100 € nominale,

Guy W. souscrit ....222.500 € représentant ...2225 actions de 100€ nominale',

- alinéa 6 de l'article 12 'Droits et obligations attachés aux actions : Les 2250 actions auront un droit de vote simple, une action une voix'

- de dire et juger que 'le jugement' emportera modification des statuts,

- de dire et juger que les frais de publicité subséquents seront à la charge de la société MHW,

- si par extraordinaire la cour estimait que les articles 7 et 12 alinéa 6 n'étaient ni nuls ni réputés non écrits, d'ordonner la régularisation,

- à titre subsidiaire, sur la régularisation de la procédure d'instauration des avantages particuliers :

- de confirmer le jugement déféré en ce qu'il a :

- jugé que la procédure relative à l'instauration d'avantages particuliers lors de la constitution de la société MHW n'avait pas été respectée,

- dit que les frais de publicité consécutifs à la régularisation seraient mis à la charge de la société MHW,

- prononcé la suspension du droit de vote des actions de catégorie A jusqu'à la régularisation de la situation,

- dit que toutes les décisions adoptées par un vote émis par le titulaire des actions de catégorie A prévues par l'article 7 des statuts depuis la constitution de la société jusqu'à la régularisation de la situation étaient nulles,

- dit que les frais de publicité consécutifs à ces nullités seraient mis à la charge de la SAS MHW

- d'infirmer le jugement déféré en ce qu'il a dit que la régularisation ne pouvait pas prendre la forme d'une assemblée générale extraordinaire,

- statuant à nouveau :

- d'ordonner à M. Bruno W. et à la société MHW de régulariser l'adoption des articles 7 et 12 alinéa 6 des statuts dans les 30 jours de la signification du jugement, sous astreinte de 1.000 euros par jour, comme suit :

- convoquer une assemblée générale extraordinaire de la société MHW avec pour ordre du jour la désignation d'un commissaire aux apports qui aura pour mission d'établir un rapport sur l'avantage particulier attribué aux actions de catégorie A,

- dans les 10 jours de la date du rapport du commissaire aux apports, convoquer une assemblée générale extraordinaire de la société MHW avec pour ordre du jour de statuer sur l'attribution de l'avantage particulier attribué aux actions de catégorie A, la modification des statuts de la société MHW et l'annexion du dit rapport aux statuts de la société MHW,

- de dire et juger que les frais de publicité subséquents seront à la charge de la société MHW,

- de dire et juger que, dans l'hypothèse où M. Bruno W. et la société MHW ne procéderaient pas aux formalités nécessaires à cette régularisation, un des intimés pourra saisir sur requête le président du tribunal mixte de commerce de Pointe-à-Pitre afin que soit désigné un mandataire ad hoc, avec pour mission de procéder aux opérations de régularisation sus-visées,

- si par extraordinaire la cour retenait que la régularisation devait être réalisée par la signature d'actes entre les actionnaires :

- de dire et juger que les actionnaires devraient, dans ces actes, également statuer sur l'attribution de l'avantage particulier attribué aux actions de catégorie A, la modification des statuts de la société MHW,

- sur la nullité de l'apport en nature :

- d'infirmer le jugement en ce qu'il rejeté la demande d'annulation de l'apport en nature,

- statuant à nouveau :

- de dire et juger que lors de l'apport en nature des parcelles AM 72 et AM 75, le consentement de Guy W. a été vicié,

- de dire et juger nul l'apport en nature des parcelles de terres situées [...], cadastrées AM 72 et AM 75,

- d'ordonner la publication de l'arrêt à la conservation des hypothèques,

- en tout état de cause, de condamner les appelants à leur payer à chacun la somme de 4.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux entiers dépens.

En application de l'article 455 du code de procédure civile, il convient de se reporter aux dernières conclusions pour un exposé détaillé des prétentions et moyens.

MOTIFS DE L'ARRET

Sur la recevabilité de l'action engagée par les consorts W. :

Ce chef de jugement n'ayant pas été visé par les appelants dans la déclaration d'appel, il n'a pas été déféré à la cour conformément aux dispositions de l'article 562 du code de procédure civile. Il n'y a donc pas lieu de le confirmer ainsi que le sollicitent les intimés, ni de répondre aux conclusions des parties sur ce point.

Sur la nullité des articles 7 et 12 alinéa 6 des statuts, ou leur caractère non écrit:

L'article 7 des statuts de la SAS MHW, intitulé 'Capital social', dispose :

'Bruno W. souscrit ....2.500 € représentant ... 25 actions de catégorie A de 100€ nominale,

Guy W. souscrit ....222.500 € représentant ...2225 actions de catégorie B de 100€ nominale',

L'alinéa 6 de l'article 12 intitulé 'Droits et obligations attachés aux actions', dispose quant à lui :

'Sur les 2250 actions, celles de catégorie A auront un droit de vote multiple, une action 100 voix seules et celles de catégorie B auront un droit de vote simple, une action une voix'.

En se fondant en premier lieu l'article 1844-10 alinéa 2 du code civil, qui dispose que toute clause statutaire contraire à une disposition impérative dont la violation n'est pas sanctionnée par la nullité de la société, est réputée non écrite, et sur l'article 1844 qui dispose que tout associé a le droit de participer aux décisions collectives, les intimés soutiennent que la répartition des droits de vote prévue par les articles 7 et 12 alinéa 6 des statuts ne leur permet pas de participer aux décisions collectives.

Il est incontestable que le droit de vote multiple prévu par les statuts attribue la majorité des droits de vote à M. Bruno W., quand bien même il n'est titulaire que d'une minorité des actions.

Pour autant, les clauses précitées ne privent pas les ayants-droit de Guy W. de la possibilité de participer aux décisions collectives en faisant usage du droit de vote attaché aux actions de leur ayant-cause.

Le moyen tiré de la violation de l'article 1844 du code civil sera en conséquence écarté.

Les intimés critiquent également les clauses statutaires précitées en indiquant que conformément aux articles L. 228-11 et L. 225-123 du code de commerce, seul un droit de vote double, c'est-à-dire une part égale deux voix, pouvait être créé.

L'article L. 228-11 du code de commerce, dans sa version applicable, dispose en effet que lors de la constitution de la société ou au cours de son existence, il peut être créé des actions de préférence, avec ou sans droit de vote, assorties de droits particuliers de toute nature, à titre temporaire ou permanent. Ces droits sont définis par les statuts dans le respect des dispositions des articles L. 225-10 et L. 225-122 à L. 225-125.

Cependant, l'article L. 227-1 du code de commerce relatif aux sociétés par actions simplifiées prévoit que les règles concernant les sociétés anonymes prévues notamment aux articles L. 225-103 à L. 225-126 ne sont pas applicables à ces sociétés.

Ne sont dès lors applicables aux sociétés par actions simplifiées ni l'article L. 225-122 du code de commerce, qui pose le principe d'un droit de vote attaché aux actions proportionnel à la quotité de capital qu'elles représentent, ni l'article L. 225-123, qui prévoit la possibilité de créer un droit de vote double.

Dès lors, c'est à bon droit que le tribunal a retenu que la création de droits de vote multiples était permise et qu'il a refusé de déclarer les articles 7 et 12 alinéa 6 des statuts nuls ou réputés non écrits sur ces fondements.

Sur le non-respect de la procédure de vérification des avantages particuliers :

L'article L.225-14 dispose que les statuts contiennent l'évaluation des apports en nature. Il y est procédé au vu d'un rapport annexé aux statuts et établi, sous sa responsabilité, par un commissaire aux apports.

Si des avantages particuliers sont stipulés, la même procédure est suivie.

Sur le fondement du deuxième alinéa de ce texte, applicable aux sociétés par actions simplifiées à la date de constitution de la société MHW conformément à l'article L. 227-1 alinéa 3 du code de commerce dans sa version alors en vigueur, les intimés soutiennent que le droit de vote multiple accordé à M. Bruno W. constituait un avantage particulier dont la création aurait dû être précédée d'un rapport du commissaire aux apports. Ils concluent en conséquence à l'illégalité des articles 7 et 12 alinéa 6 et indiquent que M. Bruno W. aurait d'ailleurs reconnu cette illégalité dès 2018.

Néanmoins, le courrier des consorts W. du 31 janvier 2018 évoquant cet aveu, qu'ils produisent en pièce 4 de leur dossier, constitue une preuve faite à soi-même, à ce titre dépourvue de valeur probante. Par ailleurs, aucun aveu ne ressort du courrier de M. Bruno W. daté du 9 février 2018 produit en pièce 5 de son dossier.

Pour le surplus, M. Bruno W. verse aux débats en pièce 2 de son dossier un rapport de M. D., commissaire aux apports chargé d'apprécier les avantages particuliers, intitulé 'Création et attribution d'actions de préférence de la société SAS MHW en cours de constitution', daté du 15 février 2015.

Même si les intimés remettent en cause l'authenticité de ce rapport, aucun élément probant ne permet de considérer qu'il s'agirait d'un faux et de l'écarter des débats.

L'argument tendant à dire que Guy W. n'aurait pas manqué d'informer son épouse de la remise de ce rapport s'il avait existé est à l'évidence dépourvu de tout caractère probant.

Le fait que ce rapport ne porte pas le paraphe des associés fondateurs, à la différence du rapport sur les apports en nature, n'est pas non plus de nature à prouver qu'il s'agirait d'un faux, pas plus que le fait qu'il n'ait pas été remis au notaire qui a reçu le dépôt des statuts.

Dès lors la cour retiendra, comme le tribunal, qu'un rapport sur les avantages particuliers a bien été établi.

Néanmoins, le tribunal avait considéré que la procédure afférente à l'évaluation des avantages particuliers n'avait pas été respectée car il n'était pas établi que M. D. ait été désigné à l'unanimité des associés fondateurs, contrairement à ce que prévoit l'article L. 225-8 du code de commerce.

En cause d'appel, les appelants versent aux débats en pièces 12 et 13 de leur dossier des courriers datés du 14 janvier 2015 adressés à Monsieur D. tant par M. Bruno W. que par Guy W. afin de lui confier la mission de procéder à l'appréciation des avantages particuliers attachés aux actions de préférence A.

Les intimés ne remettent pas en cause l'authenticité du courrier produit en pièce 13, qu'ils n'évoquent même pas dans leurs écritures.

Même s'ils versent aux débats un courrier du même jour adressé par Guy W. à M.D. dans lequel il ne lui demandait de procéder qu'à une évaluation des apports en nature, il n'est pas exclu que deux lettres de mission distinctes aient été établies afin de procéder aux évaluations séparées des avantages particuliers et des apports en nature.

Dès lors, il convient de retenir que la procédure prévue par l'article L. 225-8 du code de commerce a bien été respectée puisque le commissaire aux apports a été désigné à l'unanimité des fondateurs de la SAS MHW.

En revanche, il est incontestable que les statuts de la SAS MHW ne contiennent aucune évaluation des avantages particuliers, alors que toutes les parties admettent que des droits de préférence constituant des avantages particuliers ont bien été créés, et que ce rapport n'est pas non plus annexé aux statuts.

Contrairement à ce que soutiennent les appelants, l'article L. 225-14 du code de commerce dans sa version en vigueur à la date de création de la société MHW ne dispensait pas les associés fondateurs du respect de ces formalités s'agissant des avantages particuliers.

Par ailleurs, le fait que depuis le 21 juillet 2019, suite à la loi Pacte, cet article ne soit plus applicable aux sociétés par actions simplifiées, ne peut avoir d'incidence en l'espèce.

C'est donc à bon droit que les premiers juges ont retenu que la procédure relative à l'instauration d'avantages particuliers n'avait pas été totalement respectée.

L'article L. 225-16-1 du code de commerce sanctionne les irrégularités par une suspension des droits de vote et des droits à dividende des actions ou coupures d'actions émises en violation notamment de l'article L. 225-14 jusqu'à régularisation de la situation.

Dès lors, le jugement déféré sera confirmé en ce qu'il a rejeté la demande tendant à voir annuler ou déclarer non écrits les articles 7 et 12 alinéa 6 des statuts.

Sur la régularisation :

L'article L. 210-7 du code de commerce dispose que si les statuts ne contiennent pas toutes les énonciations exigées par la loi et les règlements ou si une formalité prescrite par ceux-ci pour la constitution de la société a été omise ou irrégulièrement accomplie, tout intéressé est recevable à demander en justice que soit ordonnée, sous astreinte, la régularisation de la constitution. Le ministère public est habile à agir aux mêmes fins.

Par ailleurs, l'article R.201-13 relatif à l'action en régularisation précise que les statuts doivent être complétés dans les mêmes conditions que celles requises lors de la constitution de la société.

En se fondant sur ces dispositions, les premiers juges ont retenu que dans la mesure où les statuts n'avaient pas été adoptés par une assemblée générale des actionnaires mais par acte sous seing privé des associés fondateurs, il n'y avait pas lieu d'ordonner que la régularisation prenne la forme d'une assemblée générale extraordinaire.

Les intimés critiquent cette disposition en indiquant que les articles 7 et 12 alinéa 6 ont été adoptés sans qu'aient été respectées les formalités préalables relatives à la nomination unanime d'un commissaire aux apports chargé d'évaluer les avantages particuliers, à l'établissement d'un rapport et à son annexion aux statuts, et que la régularisation ne peut donc intervenir que dans le cadre d'une assemblée générale extraordinaire.

Cependant, ainsi que cela a été précédemment démontré, les articles contestés ont été régulièrement adoptés le 25 février 2015 au regard du rapport de M. D. daté du 15 février 2015.

Dans ces conditions, le principe de la régularisation par la signature d'actes ordonné par le tribunal sera confirmé.

Cette modalité de régularisation, imposée par les textes précités, ne peut être écartée au regard de la jurisprudence citée par les appelantes, rendue dans un cadre différent, dont il ressort qu'il n'entre pas dans les pouvoirs du juge de se substituer aux organes de la société en ordonnant la modification d'une clause statutaire au motif que celle-ci serait contraire aux dispositions légales impératives applicables.

Seules les modalités seront modifiées dès lors que la cour est en mesure de constater que la procédure de désignation d'un commissaire aux apports a bien été respectée et que ce dernier a déposé un rapport.

Même si ce rapport ne contient aucune évaluation financière des avantages particuliers attachés aux actions de préférence A, dès lors qu'il s'agit de droits 'politiques' de nature non pécuniaire, liés au droit de vote, l'existence de cet avantage particulier, qui est reconnue par toutes les parties, devra être rajoutée dans les statuts, ainsi que la référence au rapport du 15 février 2015 qui devra par ailleurs être annexé aux statuts.

En conséquence, les intimés seront déboutés de leur demande formée à titre subsidiaire dans le dispositif de leurs conclusions tendant à voir dire que les actionnaires devront statuer sur l'attribution de l'avantage particulier attribué aux actions de catégorie A et sur la modification des statuts.

Le jugement sera par ailleurs confirmé en ce qu'il a dit que la régularisation aurait lieu aux frais de la SAS MHW.

Sur la nullité des assemblées générales :

L'article L. 225-16-1 du code de commerce, applicable aux sociétés par actions simplifiées, dispose que les droits de vote et les droits à dividende des actions ou coupures d'actions émises en violation de la présente sous-section sont suspendus jusqu'à régularisation de la situation. Tout vote émis ou tout versement de dividende effectué pendant la suspension est nul.

Sur le fondement de ce texte, les premiers juges ont retenu que toutes les décisions adoptées par un vote émis par le titulaire des actions de catégorie A depuis la constitution de la société et jusqu'à la régularisation étaient nulles.

Les appelants critiquent cette disposition en indiquant que la jurisprudence de la cour de cassation révèle un déclin de la nullité des assemblées générales, notamment s'agissant des SAS.

Néanmoins, l'arrêt qu'ils citent (Cass. Com., 18 mai 2010, pourvoir n°09-14855) rappelle qu'il résulte de l'article L. 235-1, alinéa 2, du code de commerce que la nullité des actes ou délibérations pris par les organes d'une société commerciale ne peut résulter que de la violation d'une disposition impérative du livre II du même code ou des lois qui régissent les contrats.

Or les dispositions de l'article 225-14 alinéa 2 du code de commerce, qui relèvent du titre II, étaient impératives à la date de création de la SAS MHW et étaient sanctionnées par la suspension des droits de vote et par la nullité conformément à l'article L. 225-16-1.

En conséquence, le jugement déféré sera confirmé en ce qu'il a dit que toutes les décisions adoptées par un vote émis par le titulaire des actions de catégorie A prévues par l'article 7 des statuts depuis la constitution de la société jusqu'à la régularisation de la situation étaient nulles.

Sur la nullité de l'apport en nature :

Conformément aux dispositions de l'article 1109 du code civil dans sa rédaction en vigueur jusqu'au 1er octobre 2016, il n'y a point de consentement valable si le consentement n'a été donné que par erreur ou s'il a été extorqué par violence ou surpris par dol.

Sur le fondement de ce texte, les intimés soutiennent, comme en première instance, que le consentement de Guy W. a été vicié dans la mesure où l'évaluation de son apport en nature faite par M. D., commissaire aux apports, était sous-évaluée.

Cependant, par des motifs pertinents, que la cour adopte, les premiers juges ont indiqué que la seule éventuelle sous-évaluation de l'apport en nature de Guy W. à la société MHW n'était pas une preuve de l'absence de consentement de dernier dès lors qu'en dépit de son âge, 82 ans en 2015, il a signé les statuts ainsi que le dépôt de ces statuts chez le notaire.

Il convient d'ajouter que l'existence d'un vice du consentement est d'autant moins établie que la société MHW est une société familiale, créée avec son fils dans le but d'entretenir et de transmettre le patrimoine immobilier familial de génération en génération, ainsi qu'il a pu le dire à M. D. qui a repris ce point dans son rapport sur l'évaluation des avantages particuliers.

Le jugement déféré sera donc confirmé en ce qu'il a rejeté la demande d'annulation de l'apport en nature.

Sur les dépens et l'article 700 du code de procédure civile :

Chacune des parties succombant partiellement dans ses prétentions, elles conserveront la charge de leurs propres frais et dépens.

PAR CES MOTIFS

La cour statuant publiquement, contradictoirement, par arrêt rendu par mise à disposition au greffe,

Dans les limites de l'appel principal et de l'appel incident,

Confirme le jugement déféré en toutes ses dispositions contestées, sauf en ce qui concerne les modalités de la régularisation des statuts par la signature d'actes,

L'infirme de ce chef et, statuant à nouveau,

Ordonne la signature d'actes entre les associés fondateurs (ou leurs ayants-droit) aux fins d'assurer le respect par les statuts des articles L.225-8 et L.225-14 du code de commerce en ce qui concerne les avantages particuliers prévus par les articles 7 et 12 alinéa 6 des statuts de la société MHW, en ajoutant aux statuts l'évaluation des avantages particuliers faite suivant rapport de M. D. du 15 février 2015, la mention et l'annexion de ce rapport sur les avantages particuliers aux statuts,

Y ajoutant,

Déboute les intimés du surplus de leurs demandes,

Dit que chaque partie conservera la charge de ses propres frais et dépens engagés en cause d'appel.