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Décisions

Cass. soc., 10 juillet 2019, n° 17-28.717

COUR DE CASSATION

Arrêt

Rejet

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Chauvet

Avocats :

SCP Potier de La Varde, Buk-Lament et Robillot, SCP Thouvenin, Coudray et Grévy

Rennes, du 4 oct. 2017

4 octobre 2017

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Rennes, 4 octobre 2017), que M. F... a été engagé le 2 mai 2012 par la société Pro-fermetures Locminé ; que, le 31 août 2013, son contrat de travail, qui comportait une clause de non-concurrence, a été rompu par son acceptation d'un contrat de sécurisation professionnelle ; que, par arrêt du 25 mai 2016, la cour d'appel de Rennes a notamment condamné l'employeur à payer au salarié une somme pour contrepartie pécuniaire à la clause de non-concurrence et congés payés afférents ; que, par assignation du 26 août 2016, l'employeur a saisi la cour d'appel d'un recours en révision contre ce chef de l'arrêt en faisant valoir que, durant l'instance, le salarié avait, par fraude, caché le fait qu'il avait occupé un emploi dans une société concurrente au cours de la durée d'application de la clause ;

Sur le premier moyen :

Attendu que le salarié fait grief à l'arrêt de déclarer recevable le recours en révision alors, selon le moyen qu'il faisait valoir que, dans le silence des textes sur les modalités de dénonciation de la citation principale au ministère public, celle-ci devait être faite selon les mêmes formes que la citation, c'est-à-dire par voie de signification ; qu'à défaut d'avoir examiné ce moyen, la cour d'appel a privé sa décision de motifs en méconnaissance de l'article 455 du code de procédure civile ;

Mais attendu qu'en retenant que la communication de la citation au ministère public effectuée par la société Pro-fermetures Locminé par acte du 7 mars 2017 répondait aux exigences de l'article 600 du code de procédure civile, la cour d'appel, a écarté l'interprétation du texte que soutenait le salarié ; que le moyen n'est pas fondé ;

Sur le deuxième moyen :

Attendu que le salarié fait grief à l'arrêt de déclarer recevable le recours en révision alors, selon le moyen :

1°/ que le recours en révision n'est recevable que si son auteur n'a pu, sans faute de sa part, faire valoir la cause qu'il invoque avant que la décision ne soit passée en force de chose jugée ; que commet une telle faute la partie qui a négligé de demander au juge des requêtes d'ordonner la production des pièces qui auraient permis de l'éclairer en vue des débats ; qu'en écartant la faute de la société dès lors qu'elle avait fait sommation à son ancien salarié le 19 octobre 2015 d'avoir à justifier de sa situation postérieure à son licenciement, quand il en résultait que l'ancien employeur s'était abstenu de demander au juge des requêtes de faire injonction au salarié de produire les pièces en cause, la cour d'appel a violé les articles 138 et 595 du code de procédure civile ;

2°/ que la fraude suppose que la partie au profit de laquelle la décision a été rendue ait dissimulé des éléments décisifs par des manoeuvres frauduleuses ; qu'en qualifiant de frauduleux le comportement du salarié ayant consisté à avoir répondu à la demande de son ancien employeur d'avoir à justifier de sa situation postérieure à son licenciement en communiquant ses attestations Pôle emploi mais en s'abstenant de produire le contrat de travail qui le liait à son nouvel employeur et les bulletins de salaire y afférents, sans caractériser ni mensonge, ni manoeuvre du salarié, la cour d'appel a violé l'article 595 du code de procédure civile ;

3°/ que la partie a le droit de s'abstenir de communiquer une pièce qui lui est demandée par la partie adverse dans le but de ne pas desservir sa propre cause ; qu'en qualifiant de frauduleux l'attitude du salarié ayant consisté à s'abstenir de produire son contrat de travail conclu avec la société Breizh-Alu et les bulletins de paie qui étaient de nature à nuire à ses intérêts, la cour d'appel a violé les articles 138 et 595 du code de procédure civile ;

4°/ en tout état de cause, qu'il faisait valoir qu'il avait satisfait à la demande de communication que lui avait faite la partie adverse de justifier de sa situation postérieure au licenciement en lui communiquant les attestations de droit Pôle emploi s'arrêtant au 31 janvier 2015 et qu'il incombait à celle-ci de lui demander des explications complémentaires. qu'en s'abstenant d'examiner ce moyen, la cour d'appel a privé sa décision de motifs en méconnaissance de l'article 455 du code de procédure civile ;

Mais attendu que l'arrêt relève exactement, le débat judiciaire étant soumis au principe de loyauté, que la société avait, durant la procédure ayant conduit à la décision frappée du recours en révision, fait sommation au salarié de déclarer et justifier de sa situation postérieure à son licenciement de sorte qu'aucune faute ne pouvait lui être reprochée comme ayant contribué au fait qu'elle n'ait pu faire valoir la cause qu'elle invoquait pour obtenir la révision, et que le salarié qui avait laissé sous-entendre, dans ses écritures reprises oralement à l'audience, qu'il avait été demandeur d'emploi pendant toute la période couverte par la clause de non-concurrence, s'était abstenu de produire, sur cette sommation, ceux des documents qui auraient été de nature à ouvrir un débat sur le respect de la clause de non-concurrence ; que le moyen n'est pas fondé ;

Sur le troisième moyen :

Attendu que le salarié fait grief à l'arrêt de le condamner à verser en exécution de la clause pénale une certaine somme alors, selon le moyen :

1°/ que la violation de la clause de non-concurrence s'apprécie non au regard de l'activité déclarée de l'entreprise mais de son activité réelle ; qu'en se basant sur les indications du site internet de la société Breizh-Alu pour en déduire que son chiffre d'affaires sur des activités concurrentes de la société Pro-fermetures Locminé excédait les 20 % exigés par la clause de non-concurrence, la cour d'appel a violé l'article L. 1121-1 du code du travail ;

2°/ que la violation de la clause de non-concurrence suppose l'accomplissement d'actes de concurrence, tels que des propositions commerciales faites à d'éventuels clients domiciliés dans la zone prohibée ; qu'en se contentant de constater que le siège social de la société Breizh-Alu où le salarié exerçait ses nouvelles fonctions de directeur commercial et deux de ses agences se trouvaient à moins de 80 kms de Locminé, dans la zone prohibé par la clause, sans constater qu'il avait fait, dans le cadre de ces fonctions, des propositions commerciales à un éventuel client de son ancien employeur dans cette zone, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 1121-1 du code du travail ;

3°/ que lorsque l'ancien employeur n'a subi aucun préjudice du fait de la violation de la clause de non-concurrence par son ancien salarié, le juge doit en tenir compte dans l'évaluation de l'indemnité contractuellement prévue pour la réparation du dommage ; qu'en s'abstenant de tenir compte de ce que la société Pro-fermetures Locminé n'avait subi aucun préjudice du fait de la nouvelle activité de son ancien salarié au sein de la société Breizh-Alu pour évaluer la réparation du dommage due à la première, la cour d'appel a violé l'article 1152, alinéa 2, ancien, 1231-5 nouveau du code civil, ensemble l'article L. 1121-1 du code du travail ;

Mais attendu que le moyen se borne à tenter de remettre en discussion l'appréciation souveraine par laquelle les juges du fond ont apprécié l'activité de l'entreprise pour laquelle le salarié avait travaillé et les actes accomplis par celui-ci ainsi que l'existence et l'évaluation du préjudice subi par le bénéficiaire de la clause de non-concurrence ; que le moyen n'est pas fondé ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE le pourvoi.