CJUE, 10e ch., 2 mars 2023, n° C-684/21
COUR DE JUSTICE DE L’UNION EUROPEENNE
Arrêt
PARTIES
Demandeur :
Papierfabriek Doetinchem BV
Défendeur :
Sprick GmbH Bielefelder Papier- und Wellpappenwerk & Co.
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président de chambre :
M. Ilešič
Juges :
M. Jarukaitis, M. Csehi
Avocat général :
M. Campos Sánchez-Bordona
Avocats :
Me Böhmer, Me Menebröcker, Me Rojahn
1 La demande de décision préjudicielle porte sur l’interprétation de l’article 8, paragraphe 1, et de l’article 10 du règlement (CE) no 6/2002 du Conseil, du 12 décembre 2001, sur les dessins ou modèles communautaires (JO 2002, L 3, p. 1).
2 Cette demande a été présentée dans le cadre d’un litige opposant Papierfabriek Doetinchem BV à Sprick GmbH Bielefelder Papier- und Wellpappenwerk & Co. (ci-après « Sprick ») au sujet d’une action en contrefaçon en raison d’une prétendue violation des droits conférés par un dessin ou modèle communautaire dont le titulaire est Sprick.
Le cadre juridique
3 Aux termes du considérant 10 du règlement no 6/2002 :
« L’innovation technologique ne devrait pas être entravée par l’octroi de la protection des dessins ou modèles à des caractéristiques imposées exclusivement par une fonction technique, étant entendu qu’il n’en résulte pas qu’un dessin ou modèle doit présenter un caractère esthétique. De même, l’interopérabilité de produits de fabrications différentes ne devrait pas être entravée par l’extension de la protection aux dessins ou modèles des raccords mécaniques. Par conséquent, les caractéristiques d’un dessin ou modèle qui sont exclues de la protection pour ces motifs ne devraient pas être prises en considération pour apprécier si d’autres caractéristiques de ce dessin ou modèle remplissent les conditions d’obtention de la protection. »
4 L’article 3 de ce règlement, intitulé « Définitions », dispose :
« Aux fins du présent règlement, on entend par :
a) “dessin ou modèle” : l’apparence d’un produit ou d’une partie de produit que lui confèrent, en particulier, les caractéristiques des lignes, des contours, des couleurs, de la forme, de la texture et/ou des matériaux du produit lui-même et/ou de son ornementation ;
b) “produit” : tout article industriel ou artisanal, y compris, entre autres, les pièces conçues pour être assemblées en un produit complexe, emballage, présentation, symboles graphiques et caractères typographiques, à l’exclusion, toutefois, des programmes d’ordinateur ;
[...] »
5 Aux termes de l’article 6 dudit règlement, intitulé « Caractère individuel » :
« 1. Un dessin ou modèle est considéré comme présentant un caractère individuel si l’impression globale qu’il produit sur l’utilisateur averti diffère de celle que produit sur un tel utilisateur tout dessin ou modèle qui a été divulgué au public [...]
[...] »
6 L’article 8 du même règlement, intitulé « Dessins ou modèles imposés par leur fonction technique et dessins ou modèles d’interconnexions », prévoit, à son paragraphe 1 :
« Un dessin ou modèle communautaire ne confère pas de droits sur les caractéristiques de l’apparence d’un produit qui sont exclusivement imposées par sa fonction technique. »
7 L’article 10 du règlement no 6/2002, intitulé « Étendue de la protection », prévoit, à son paragraphe 1 :
« La protection conférée par le dessin ou modèle communautaire s’étend à tout dessin ou modèle qui ne produit pas sur l’utilisateur averti une impression visuelle globale différente. »
8 Aux termes de l’article 36 de ce règlement, intitulé « Conditions auxquelles la demande doit satisfaire » :
« 1. La demande d’enregistrement d’un dessin ou modèle communautaire doit contenir :
a) une requête en enregistrement,
b) les indications qui permettent d’identifier le demandeur,
c) une représentation du dessin ou modèle apte à être reproduite. [...]
[...] »
Le litige au principal et les questions préjudicielles
9 Sprick est une société fabriquant un distributeur de papier d’emballage. Elle est titulaire du dessin ou modèle communautaire no 001344022‑0006 concernant un dispositif d’emballage, qui a été déposé le 19 septembre 2012 ainsi qu’enregistré et publié le 17 octobre 2012 et dont la représentation est la suivante :
10 Papierfabriek Doetinchem fabrique et commercialise un produit concurrent de celui fabriqué par Sprick.
11 Invoquant une violation des droits conférés par le dessin ou modèle en cause au principal, Sprick a saisi le Landgericht Düsseldorf (tribunal régional de Düsseldorf, Allemagne) d’un recours tendant, notamment, à la cessation de cette violation et dirigé contre Papierfabriek Doetinchem. Cette dernière a introduit une demande reconventionnelle visant à obtenir l’annulation de ce dessin ou modèle, au motif que toutes ses caractéristiques étaient imposées uniquement par la fonction technique du produit concerné.
12 Par un arrêt du 18 mai 2017, le Landgericht Düsseldorf (tribunal régional de Düsseldorf) a accueilli les demandes de Sprick et rejeté la demande reconventionnelle de Papierfabriek Doetinchem, au motif que, compte tenu de l’existence de « nombreuses conceptions alternatives » de ce produit, les caractéristiques du dessin ou modèle en cause au principal n’étaient pas exclusivement imposées par la fonction technique de celui-ci.
13 Papierfabriek Doetinchem a interjeté appel de ce jugement devant l’Oberlandesgericht Düsseldorf (tribunal régional supérieur de Düsseldorf, Allemagne). Ce dernier a, par un arrêt du 27 juin 2019, annulé le dessin ou modèle en cause au principal, au motif que toutes les caractéristiques de ce dernier étaient imposées par la fonction technique dudit produit. À cet égard, l’Oberlandesgericht Düsseldorf (tribunal régional supérieur de Düsseldorf) a pris en compte le rapport relatif à la demande de brevet EP 2 897 793 formée par Sprick, selon lequel toutes les caractéristiques du même produit étaient présentées comme ayant des avantages d’un point de vue technique et a constaté, en se fondant sur l’arrêt du 8 mars 2018, DOCERAM (C‑395/16, EU:C:2018:172), que l’existence d’« alternatives praticables » s’agissant de la forme de celui-ci n’était pas pertinente.
14 À la suite d’un recours formé par Sprick, le Bundesgerichtshof (Cour fédérale de justice, Allemagne) a annulé l’arrêt de l’Oberlandesgericht Düsseldorf (tribunal régional supérieur de Düsseldorf) et a renvoyé le litige devant celui-ci afin qu’il statue à nouveau. Le Bundesgerichtshof (Cour fédérale de justice) a considéré que l’Oberlandesgericht Düsseldorf (tribunal régional supérieur de Düsseldorf) avait accordé trop d’importance au rapport relatif à la demande de brevet EP 2 897 793 formée par Sprick, avait apprécié les autres circonstances en commettant une erreur de droit et n’avait pas pris en considération tous les aspects pertinents du cas d’espèce. Selon le Bundesgerichtshof (Cour fédérale de justice), l’Oberlandesgericht Düsseldorf (tribunal régional supérieur de Düsseldorf) aurait dû examiner si des considérations d’ordre visuel n’avaient pas également joué un rôle dans le choix de configurer le produit concerné avec deux éléments, puisqu’une telle configuration permettait de réaliser un produit bicolore, ainsi que le produit tel qu’il est réellement commercialisé en témoigne. En outre, l’Oberlandesgericht Düsseldorf (tribunal régional supérieur de Düsseldorf) n’aurait pas dû négliger le fait que Sprick disposait d’un certain nombre de dessins ou modèles pour des formes alternatives qui pourraient remplir la même fonction technique que le produit conçu selon le dessin ou modèle en cause au principal.
15 À la suite du renvoi de l’affaire en cause au principal devant l’Oberlandesgericht Düsseldorf (tribunal régional supérieur de Düsseldorf), qui est la juridiction de renvoi, ce dernier estime que le point 30 de l’arrêt du 8 mars 2018, DOCERAM (C‑395/16, EU:C:2018:172), vient au soutien d’une interprétation selon laquelle l’existence d’autres dessins ou modèles revêt une importance mineure, dans le cadre de l’appréciation d’ensemble des circonstances objectives du cas d’espèce prévue à l’article 8, paragraphe 1, du règlement no 6/2002, lorsque le titulaire du dessin ou modèle concerné revendique une protection au titre des dessins ou modèles également pour ceux-ci.
16 Concernant l’appréciation du Bundesgerichtshof (Cour fédérale de justice), selon laquelle la juridiction de renvoi aurait dû examiner si la conception en deux parties du produit concerné qui ressort du dessin ou modèle en cause au principal n’était pas fondée sur des considérations d’ordre visuel, puisque cette conception rendait possible une bichromie qui n’est pas imposée par la fonction technique de ce produit, cette juridiction fait observer que la bichromie ne ressort pas de l’enregistrement de ce dessin ou modèle.
17 Dans ces conditions, l’Oberlandesgericht Düsseldorf (tribunal régional supérieur de Düsseldorf) a décidé de surseoir à statuer et de poser à la Cour les questions préjudicielles suivantes :
« 1) Selon la jurisprudence de la Cour, l’examen de la question de savoir si les caractéristiques de l’apparence d’un produit sont exclusivement imposées par la fonction technique de celui-ci doit être effectué au regard du dessin ou modèle concerné, des circonstances objectives révélatrices des motifs qui ont présidé au choix des caractéristiques de l’apparence du produit concerné, des données relatives à son utilisation ou encore de l’existence de dessins ou modèles alternatifs permettant de réaliser la même fonction technique (arrêt du 8 mars 2018, DOCERAM, C‑395/16, EU:C:2018:172). Quelle signification revêt, au regard de l’élément tenant à l’existence d’autres dessins ou modèles, la circonstance selon laquelle le titulaire du dessin ou modèle concerné est également titulaire d’enregistrements pour un grand nombre de dessins ou modèles alternatifs ?
2) Dans le cadre de l’examen de la question de savoir si l’apparence du produit concerné est exclusivement imposée par la fonction technique de celui-ci, convient-il de tenir compte du fait que la conception de ce produit permet une polychromie, lorsque la conception des couleurs ne ressort pas en tant que telle de l’enregistrement concerné ?
3) Si la deuxième question appelle une réponse affirmative : une telle prise en compte a-t-elle une incidence sur l’étendue de la protection conférée par le dessin ou modèle concerné ? »
Sur les questions préjudicielles
Sur la première question
18 Par sa première question, la juridiction de renvoi demande, en substance, si l’article 8, paragraphe 1, du règlement no 6/2002 doit être interprété en ce sens que l’appréciation du point de savoir si des caractéristiques de l’apparence d’un produit sont exclusivement imposées par la fonction technique de celui-ci, au sens de cette disposition, doit être effectuée au regard des circonstances objectives dirigeant le choix de ces caractéristiques, de l’existence de dessins ou modèles alternatifs permettant de réaliser cette fonction technique, ou encore du fait que le titulaire du dessin ou modèle concerné est titulaire d’enregistrements pour un grand nombre de dessins ou modèles alternatifs.
19 À cet égard, il convient de relever qu’un dessin ou modèle est défini, à l’article 3, sous a), du règlement no 6/2002 comme l’apparence d’un produit ou d’une partie de produit que lui confèrent, en particulier, les caractéristiques des lignes, des contours, des couleurs, de la forme, de la texture et/ou des matériaux du produit lui-même et/ou de son ornementation. Ainsi, dans le cadre du système prévu par ce règlement, l’apparence constitue l’élément déterminant d’un dessin ou modèle (arrêts du 8 mars 2018, DOCERAM, C‑395/16, EU:C:2018:172, point 25 et jurisprudence citée, ainsi que du 28 octobre 2021, Ferrari, C‑123/20, EU:C:2021:889, point 30).
20 L’article 8, paragraphe 1, du règlement no 6/2002 qui a pour objectif, ainsi que cela ressort du considérant 10 de ce règlement, d’empêcher que l’innovation technologique soit entravée, dispose qu’un dessin ou modèle communautaire ne confère pas de droits sur les caractéristiques de l’apparence d’un produit qui sont exclusivement imposées par sa fonction technique. Cette disposition exclut donc de la protection conférée par ce règlement le cas où la nécessité de remplir une fonction technique du produit concerné est le seul facteur ayant déterminé le choix par le créateur d’une caractéristique de l’apparence de ce produit, tandis que les considérations d’une autre nature, en particulier celles liées à l’aspect visuel dudit produit, n’ont joué aucun rôle lors du choix de cette caractéristique (voir, en ce sens, arrêt du 8 mars 2018, DOCERAM, C‑395/16, EU:C:2018:172, points 26, 29 et 31).
21 S’agissant, en particulier, de l’existence de dessins ou modèles alternatifs permettant de remplir la même fonction que celle du produit concerné, la Cour a jugé que, si cette seule circonstance était suffisante pour écarter l’application de l’article 8, paragraphe 1, du règlement no 6/2002, il ne pourrait être exclu qu’un opérateur économique fasse enregistrer, en tant que dessin ou modèle communautaire, plusieurs formes concevables d’un produit incorporant des caractéristiques de l’apparence de celui-ci qui sont exclusivement imposées par sa fonction technique. Cela permettrait à un tel opérateur de bénéficier, à l’égard d’un tel produit, d’une protection en pratique exclusive et équivalente à celle offerte par un brevet, sans être soumis aux conditions qui sont applicables à l’obtention de ce dernier, et serait de nature à empêcher les concurrents d’offrir un produit incorporant certaines caractéristiques fonctionnelles ou limiterait les solutions techniques possibles et priverait ainsi cet article 8, paragraphe 1, de son effet utile. Dès lors, l’existence de dessins ou modèles alternatifs n’est pas déterminante pour l’application de cette disposition (voir, en ce sens, arrêt du 8 mars 2018, DOCERAM, C‑395/16, EU:C:2018:172, points 30 et 32). Il en va de même lorsqu’il s’agit de multiples dessins ou modèles alternatifs enregistrés par le titulaire du dessin ou modèle concerné.
22 En outre, il y a lieu de relever que, afin d’apprécier si les caractéristiques concernées de l’apparence d’un produit relèvent de l’article 8, paragraphe 1, du règlement no 6/2002, il incombe au juge national de tenir compte de toutes les circonstances objectives pertinentes de chaque cas d’espèce. Une telle appréciation doit notamment être effectuée au regard du dessin ou modèle concerné, des circonstances objectives révélatrices des motifs qui ont présidé au choix des caractéristiques de l’apparence de ce produit, des données relatives à son utilisation ou encore de l’existence de dessins ou modèles alternatifs permettant de réaliser la même fonction technique, pour autant que ces circonstances, ces données ou cette existence sont étayées par des éléments de preuve fiables (voir, en ce sens, arrêt du 8 mars 2018, DOCERAM, C‑395/16, EU:C:2018:172, points 36 et 37).
23 Eu égard aux considérations qui précèdent, il convient de répondre à la première question que l’article 8, paragraphe 1, du règlement no 6/2002 doit être interprété en ce sens que l’appréciation du point de savoir si des caractéristiques de l’apparence d’un produit sont exclusivement imposées par la fonction technique de celui-ci, au sens de cette disposition, doit être effectuée au regard de l’ensemble des circonstances objectives pertinentes du cas d’espèce, notamment de celles dirigeant le choix de ces caractéristiques, de l’existence de dessins ou modèles alternatifs permettant de réaliser cette fonction technique et du fait que le titulaire du dessin ou modèle concerné est également titulaire d’enregistrements pour un grand nombre de dessins ou modèles alternatifs, ce dernier fait n’étant toutefois pas déterminant aux fins de l’application de cette disposition.
Sur la deuxième question
24 Par sa deuxième question, la juridiction de renvoi demande, en substance, si l’article 8, paragraphe 1, du règlement no 6/2002 doit être interprété en ce sens que, dans le cadre de l’examen de la question de savoir si l’apparence d’un produit est exclusivement imposée par la fonction technique de celui-ci, il convient de tenir compte du fait que la conception de ce produit permet une polychromie, lorsque cette dernière ne ressort pas en tant que telle de l’enregistrement du dessin ou modèle concerné.
25 À cet égard, il y a lieu de tenir compte de la jurisprudence citée aux points 19 et 22 du présent arrêt concernant l’apparence comme l’élément essentiel de la protection conférée par un dessin ou modèle ainsi que les circonstances dont il convient de tenir compte afin d’apprécier si les caractéristiques de l’apparence d’un produit sont exclusivement imposées par sa fonction technique, au sens de l’article 8, paragraphe 1, du règlement no 6/2002.
26 Il convient de relever, en outre, que des considérations d’ordre visuel, telles qu’une conception avec deux éléments permettant la polychromie d’un produit, peuvent, en principe, faire partie des circonstances à prendre en compte dans le cadre de cette appréciation, sans être, toutefois, en soi déterminantes.
27 S’agissant, en particulier, de la question de savoir si le fait que la conception d’un produit permet la polychromie de celui-ci peut être pris en compte dans le cas de figure d’un dessin ou modèle enregistré, lorsque cette polychromie ne figure pas dans l’enregistrement concerné, il convient de rappeler que l’enregistrement d’un dessin ou modèle dans un registre public a pour objet de rendre celui-ci accessible aux autorités compétentes et au public, en particulier aux opérateurs économiques (arrêt du 5 juillet 2018, Mast-Jägermeister/EUIPO, C‑217/17 P, EU:C:2018:534, point 53).
28 D’une part, les autorités compétentes doivent connaître avec clarté et précision la nature des éléments constitutifs d’un dessin ou modèle afin d’être en mesure de remplir leurs obligations relatives à l’examen préalable des demandes d’enregistrement ainsi qu’à la publication et au maintien d’un registre approprié et précis des dessins ou modèles. D’autre part, les opérateurs économiques doivent pouvoir s’assurer avec clarté et précision des enregistrements effectués ou des demandes d’enregistrement formulées par leurs concurrents actuels ou potentiels et bénéficier ainsi d’informations pertinentes concernant les droits des tiers. Une telle exigence vise donc à assurer la sécurité juridique des tiers (arrêt du 5 juillet 2018, Mast-Jägermeister/EUIPO, C‑217/17 P, EU:C:2018:534, points 53 et 54 ainsi que jurisprudence citée).
29 En outre, l’article 36, paragraphe 1, sous c), du règlement no 6/2002 prévoit que la demande d’enregistrement d’un dessin ou modèle communautaire doit contenir une « représentation du dessin ou modèle apte à être reproduite ».
30 À cet égard, la Cour a jugé que la représentation du dessin ou modèle dont l’enregistrement est demandé doit permettre d’identifier clairement ce dessin ou modèle (arrêt du 28 octobre 2021, Ferrari, C‑123/20, EU:C:2021:889, point 39 et jurisprudence citée). L’exigence de la représentation graphique a pour fonction notamment de définir le dessin ou modèle lui-même afin de déterminer l’objet exact de la protection conférée à son titulaire par le dessin ou modèle enregistré (arrêt du 5 juillet 2018, Mast-Jägermeister/EUIPO, C‑217/17 P, EU:C:2018:534, points 51 et 52) et de se conformer aux objectifs mentionnés aux points 27 et 28 du présent arrêt.
31 Il convient, dès lors, de constater que la seule possibilité d’une polychromie que permet la conception en deux parties du produit concerné présente un caractère subjectif si cette polychromie ne figure pas dans la représentation du dessin ou modèle en cause au principal et ne saurait être suffisante, en tant que telle, pour écarter l’application de l’exclusion prévue à l’article 8, paragraphe 1, du règlement no 6/2002. L’interprétation inverse pourrait conduire à des imprécisions ou à l’absence de certitude quant à l’objet exact de la protection de ce dessin ou modèle et serait susceptible de porter atteinte à la sécurité juridique.
32 Au vu de ce qui précède, il convient de répondre à la deuxième question que l’article 8, paragraphe 1, du règlement no 6/2002 doit être interprété en ce sens que, dans le cadre de l’examen de la question de savoir si l’apparence d’un produit est exclusivement imposée par la fonction technique de celui-ci, le fait que la conception de ce produit permet une polychromie ne saurait être pris en compte lorsque cette dernière ne ressort pas de l’enregistrement du dessin ou modèle concerné.
Sur la troisième question
33 Par sa troisième question, la juridiction de renvoi demande, en substance, si, en cas de réponse affirmative à la deuxième question, le règlement no 6/2002 doit être interprété en ce sens que le fait que la conception du produit concerné permet une polychromie, bien que celle-ci ne ressorte pas en tant que telle de l’enregistrement du dessin ou modèle concerné, a une incidence sur l’étendue de la protection conférée par ce dessin ou modèle.
34 Or, compte tenu de la réponse apportée à la deuxième question, il n’y a pas lieu de répondre à cette troisième question.
Sur les dépens
35 La procédure revêtant, à l’égard des parties au principal, le caractère d’un incident soulevé devant la juridiction de renvoi, il appartient à celle-ci de statuer sur les dépens. Les frais exposés pour soumettre des observations à la Cour, autres que ceux desdites parties, ne peuvent faire l’objet d’un remboursement.
Par ces motifs, la Cour (dixième chambre) dit pour droit :
1) L’article 8, paragraphe 1, du règlement (CE) no 6/2002 du Conseil, du 12 décembre 2001, sur les dessins ou modèles communautaires,
doit être interprété en ce sens que :
l’appréciation du point de savoir si des caractéristiques de l’apparence d’un produit sont exclusivement imposées par la fonction technique de celui-ci, au sens de cette disposition, doit être effectuée au regard de l’ensemble des circonstances objectives pertinentes du cas d’espèce, notamment de celles dirigeant le choix de ces caractéristiques, de l’existence de dessins ou modèles alternatifs permettant de réaliser cette fonction technique et du fait que le titulaire du dessin ou modèle concerné est également titulaire d’enregistrements pour un grand nombre de dessins ou modèles alternatifs, ce dernier fait n’étant toutefois pas déterminant aux fins de l’application de cette disposition.
2) L’article 8, paragraphe 1, du règlement no 6/2002
doit être interprété en ce sens que :
dans le cadre de l’examen de la question de savoir si l’apparence d’un produit est exclusivement imposée par la fonction technique de celui-ci, le fait que la conception de ce produit permet une polychromie ne saurait être pris en compte lorsque cette dernière ne ressort pas de l’enregistrement du dessin ou modèle concerné.